Il est ressuscité !

N° 247 – Septembre 2023

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


L’Évangile du Cœur Immaculé de Marie

EN 1963, notre Père écrivait à ses amis pour les  préparer à célébrer la Semaine sainte : « Jésus a mené sa propre vie de telle manière qu’elle domine encore celle de toute créature et la contraint d’y entrer à titre de figurant nouveau. Ce n’est pas Jésus qui entre dans l’Histoire humaine, mais c’est l’humanité qui reflue et s’enferme dans son drame à Lui. Elle ne peut le nier, l’oublier, le ramener à une mesure commune. C’est bien plutôt Lui qui la capture et toujours l’assimile à ses propres interlocuteurs, à ses contemporains : disciples, saintes femmes, foules galiléennes, Nathanaël et Zachée, Cananéenne et centurion, sadducéens, pharisiens, scribes et grand prêtre, Pilate et Caïphe, Judas. Les rôles sont déclarés, nous n’avons plus qu’à rejouer sans fin ce grand drame, nous, et Lui toujours, vivant et mourant, dans une Présence au monde qui dépasse de loin, infiniment, toute autre présence d’hier et d’aujourd’hui. C’est le monde qu’il convoque à la Croix. » (Lettre à mes amis n° 136)

L’Évangile est la révélation et l’accomplissement par Notre-Seigneur de la Nouvelle et Éternelle Alliance que Dieu veut instaurer dans le monde, ce pourquoi toute la création a été conçue, ce à quoi tendait toute l’histoire : que les hommes l’adorent Lui le Dieu véritable, dans son Fils unique Jésus-Christ, par le Saint-Esprit, pour obtenir la rémission de leurs péchés et la vie éternelle. Les juifs ont refusé cet accomplissement de leur religion, et ils ont crucifié Notre-Seigneur à cause de l’orgueil, de la haine, de la jalousie que leur dictait Satan, leur « père », comme le leur a dit Jésus. Il nous faut bien comprendre ce drame, et quels en furent les protagonistes, pour comprendre comment il se renouvelle aujourd’hui.

Les foules de Galilée ont abandonné Jésus par lâcheté, par médiocrité. Le suivre demandait trop d’effort, trop de vertu, trop de renoncement aux biens d’ici-bas et à une vie de péché. Les Juifs de Jérusalem n’ont pas cru non plus, parce qu’ils étaient encore plus enfoncés dans le vice : orgueil, avarice, impureté.

Les pharisiens, dès le début, ont jugé Notre-Seigneur, selon leur science de la Loi, qui déjà était infidèle à la Vérité révélée. « Il a guéri un homme le jour du sabbat, donc il est un pécheur ! » Ils n’ont pas cessé de le persécuter. Aveugles à tous ses miracles, sourds à tous ses avertissements, ils ont finalement mérité ses terribles malédictions, qui ne les dissuaderont même pas de le crucifier.

Les grands prêtres enfin, Caïphe en particulier, avaient la fonction, et le devoir de reconnaître Notre-Seigneur, de croire en Lui, il avait les lumières de Dieu pour cela. Mystère d’iniquité, profondeur de Satan : ils l’ont haï, persécuté, mis à mort, et fait de même pour ses disciples.

Les disciples, enfin, avant la Résurrection et la Pentecôte, étaient peu nombreux et croyaient plus ou moins, mais les plus fervents, saint Jean, sainte Marie-Madeleine, étaient la consolation des saints Cœurs de Jésus et Marie qui souffraient de l’ingratitude et de l’incrédulité de leurs contemporains.

En tout cas, tous ceux qui ont connu Notre-Seigneur ont eu à choisir : pour ou contre Lui, ce qui mène finalement à réclamer à grands cris sa condamnation à mort, ou bien à le suivre dans l’abjection, par Amour et compassion, jusqu’au Calvaire.

En nos temps qui sont les derniers, le “ grand drame ” de l’Évangile prend un aspect nouveau, parce que la Sainte Trinité a réservé pour notre époque le dévoilement du mystère de son Cœur, de l’objet premier de son Amour, que Dieu nous offre comme unique et infiniment aimable chemin de salut.

C’est un renouvellement de l’éternelle Alliance qui nous est offert, scellé par la Sainte Vierge qui en est la Médiatrice et la Révélatrice, particulièrement depuis 1830 : après la chute du dernier roi de France, Elle a manifesté Rue du Bac qu’Elle règne, sur “ le monde entier, particulièrement la France, et chaque personne en particulier ”. Elle a développé cette révélation dans ses apparitions successives, jusqu’à Fatima, qui en est le sommet. Voici les termes de cette Alliance : les temps sont très mauvais, beaucoup d’âmes vont en enfer, mais « pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. » C’est équivalent à ce que dit Notre-Seigneur dans l’Évangile : telle est la Volonté du Père, que « quiconque croit à son Fils unique ne se perde pas, mais ait la vie éternelle ». Fatima, c’est l’Évangile qui recommence, mais avec pour centre, le Cœur Immaculé de Marie.

Au commencement de sa vie publique, Jésus prêchait en Galilée : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : faites pénitence et croyez à l’Évangile. » (Mc 1, 15) Il en va de même pour la Bonne Nouvelle, l’Évangile du salut offert dans le Cœur Immaculé de Marie à Fatima : comme saint Jean-Baptiste et Notre- Seigneur ont prêché la conversion pour entrer dans le Royaume de Dieu, Lucie, dès le 13 octobre, exhortait la foule à se convertir pour entrer dans le Royaume de Marie : « Pénitence, Pénitence, Notre-Dame veut que vous fassiez pénitence ! »

Les cœurs droits, les âmes chrétiennes, surtout au Portugal, ont cru à ces apparitions, ils ont obéi à Notre-Dame, ils ont aimé sœur Lucie. Comme les pêcheurs et les paysans de Galilée qui suivaient en masse Notre- Seigneur, au commencement de son ministère.

Cet élan, cet enthousiasme aurait pu, aurait dû toucher tous les cœurs, gagner toute l’Église, si l’obstacle n’était venu d’en haut. L’évêque de Leiria et le Souverain Pontife ont d’abord tardé à ajouter foi à cette révélation dans toute son ampleur et à obéir aux demandes du Ciel : leur cœur était ailleurs. Puis, de nouveaux pharisiens, de nouveaux scribes se sont levés pour rejeter le témoignage de sœur Lucie et tout le message de Notre-Dame comme des “ affabulations ” contraires à leur prétendue théologie. « Le message de Fatima est une révélation privée ! La consécration au Cœur Immaculé de Marie est un outrage à Dieu à qui seul on peut se consacrer ! » disent-ils. Ce n’est pas mieux que d’accuser Jésus de violer la Loi en guérissant un paralytique le jour du sabbat !

Ainsi, on peut considérer les années de 1917 à 1960 comme la “ vie publique ” de Notre-Dame de Fatima, qui s’est révélée par sa messagère, mais qui n’a pas été obéie par les autorités de l’Église qui restaient lointaines, comme étrangères à ses Volontés.

Puis le démon s’est déchaîné. La Sainte Vierge avait demandé que la troisième partie de son Secret ne soit pas publiée avant 1960. C’est précisément à cette date qu’un communiqué de presse du Vatican annonça la décision de Jean XXIII : la troisième partie du grand secret de Notre-Dame ne serait « jamais » (sic) divulguée au monde. C’est, à ce moment précis, un refus explicite d’obéir aux ordres du Ciel, qui met le comble au refus de consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie, et de promulguer la dévotion réparatrice. Après la vie publique, c’était la Passion du Cœur de Marie qui commençait.

Au concile Vatican II, dans l’assemblée de tous les évêques du monde autour du Saint-Père, il ne fut pas du tout question « d’embrasser la dévotion au Cœur Immaculé de Marie », mais bien au contraire de s’ouvrir au « culte de l’homme », et d’exalter sa dignité. Comme autrefois les Juifs avaient préféré Barabbas à Notre-Seigneur. C’est terrible à dire, mais notre Père n’hésitait pas : les Papes qui ont refusé d’obéir aux demandes du Ciel, et qui ont fait la ruine de l’Église au Concile, ont commis un péché plus grave, plus horrible encore que les grands prêtres qui ont tué Jésus ! Ils ont refusé le salut qui leur était offert, ils en ont privé le monde entier. Ils sont responsables de milliers d’âmes jetées sur la voie de l’enfer.

Les foules catholiques, qui furent poussées par la hiérarchie dans l’engagement temporel, la construction d’un monde nouveau, et la défense de la dignité humaine, se détournèrent bien vite de Notre-Dame de Fatima. Les hérétiques ayant obtenu toute liberté au Concile, les outrages et blasphèmes contre la Sainte Vierge se multiplièrent, de 1965 à nos jours, dans le monde entier. Mais le comble de l’infamie, comparable au Couronnement d’épines de Notre-Seigneur, fut l’imposture de Jean-Paul II qui multiplia les simulacres de consécration, se présentant lui-même comme le Pape du troisième secret, l’élu de Notre-Dame, au moment même où il forgeait une gnose antichrist absolument contraire à la Foi catholique et donc au message de Fatima.

Et aujourd’hui, où en sommes-nous ? Nous sommes au Calvaire. Comme Jésus Crucifié, Notre-Dame de Fatima semble anéantie, méconnue de tous, méprisée, et apparemment privée de tout moyen d’action, puisque l’Église refuse de se mettre à son service ! C’est pour cela que la dévotion réparatrice a tant d’importance aujourd’hui. Comme la souffrance de Jésus en Croix nous révèle l’immensité de nos péchés, mais aussi l’Amour infiniment miséricordieux dont nous sommes enveloppés, la révélation de la peine du Cœur Immaculé de notre Mère du Ciel et des épines qui s’y enfoncent nous révèle la noirceur de notre ingratitude, mais aussi l’Amour dont Elle nous aime, sa Volonté de nous sauver des flammes de l’enfer, si seulement nous voulons avoir recours à Elle.

Cette révélation pourra convertir des masses innombrables, comme les trois mille juifs qui demandèrent le baptême le jour de la Pentecôte, parce que le discours de saint Pierre leur avait “ transpercé le cœur ”. Ne ­pourra-t-il pas en être ainsi quand le successeur de Pierre dira à nos contemporains la douleur que nos péchés causent dans le Cœur de notre Mère du Ciel, et la nécessité de nous convertir pour la consoler et obtenir le salut éternel ?

Mais en attendant, que pouvons-nous faire, que devons-nous faire ? Croire, malgré notre génération incrédule, mettre toute notre confiance en notre Mère du Ciel qui seule peut nous obtenir Miséricorde et Grâce, l’adorer, l’aimer de tout notre cœur, comme Elle-même l’a fait héroïquement quand son Divin Fils était cloué sur le bois. C’est tout ou rien, il n’y a pas de moyen terme, disait sœur Lucie. L’indifférence, la lâcheté, la mollesse, enfoncent encore davantage les épines dans le Cœur Immaculé de Marie, et le Vendredi saint, les tièdes et les présomptueux ont finalement trahi Notre-Seigneur et fait le jeu de Satan.

Mais saint Jean, sainte Marie-Madeleine et les autres saintes femmes ont suivi leur Maître et leur Divine Mère, courageusement, dans une foule hostile, qui les haïssait. C’est dur, mais c’est la plus belle vocation, la plus méritoire, la plus chère au Cœur de Jésus-Marie, qui nous est offerte : croire, aimer, réparer pour nos frères, consoler ce Cœur si aimable, qui nous a tant aimés.

Cela nous dépasse, nous nous sentons bien incapables, mais à Lucie qui la première a marché sur cette voie, Notre-Dame a dit : « Ma fille, tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton Refuge et le Chemin qui te conduira jusqu’à Dieu. »

frère Bruno de Jésus-Marie