Il est ressuscité !

N° 254 – Avril 2024

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Centenaire de Georges de Nantes, notre Père (4)

Vrai disciple de saint François d’Assise

EN 2023, l’Église catholique a fait mémoire de l’in-  vention de la crèche par saint François d’Assise, à la Noël 1223. Pour l’occasion, la crèche de la place Saint-Pierre reproduisait la chapelle de Greccio et c’est saint François lui-même, en adoration, qui tenait l’Enfant-Jésus dans ses bras aux côtés de la Vierge Marie et de saint Joseph. La crèche de Greccio, c’est la révélation de la tendresse de saint François pour « l’Enfant de Bethléem, l’Enfant de Bethléem... », comme il répétait sans se lasser... Mais déjà il faut laisser derrière nous cette charmante méditation et nous tourner résolument vers le grand anniversaire franciscain de l’année 2024. « De la crèche au crucifiement, c’est si vite fait », écrivait notre Père dans sa Page mystique de janvier 1970. « Ce nouveau-né dans le charme de Noël sera bientôt l’homme de douleur cloué à la Croix, exhalant les plaintes de sa déréliction. Doux Jésus, est-ce possible ? Eh oui ! c’est vrai, puisqu’il le fallait ! Votre Incarnation n’avait d’autre intention, d’autre but que cette éminence du Golgotha où vos frères les hommes vous ont dressé et mis à mort. » Le 14 septembre 1224, il y a huit cents ans cette année, saint François fut stigmatisé par Jésus-Christ Lui-même sur le mont Alverne.

Cet événement a tellement marqué ses contemporains et tout le peuple chrétien dans la suite des siècles que l’Église universelle le célèbre chaque 17 septembre. Notre Père aimait cette fête liturgique et nous ne pouvons célébrer cet anniversaire sans évoquer son immense admiration pour saint François d’Assise.

En effet, les faux disciples abondent en ces temps de désorientation diabolique, et leurs aberrations réussiraient presque à nous dégoûter de la spiritualité franciscaine, si notre Père ne nous avait appris à nous mettre humblement à l’école de saint François, comme il le fit lui-même dès sa jeunesse étudiante en 1941-1942.

Relisons ces quelques passages des Mémoires et Récits dans lesquels il a raconté sa rencontre inoubliable avec le Poverello à travers ses vrais et, déjà ! ses faux disciples.

SOUVENIRS FRANCISCAINS.

À l’été 1941, dans une pauvre chambre de la vieille ville du Puy-en-Velay, où il était lycéen, il avait aperçu – premier contact – une image de saint François étreignant le loup de Gubbio, sur un mur de la chambre de la cheftaine malade qu’il était allé visiter pour faire une « chic B. A. », suivant les conseils de son aumônier scout. Cette jeune femme infirme, miraculée prétendue de Lourdes, avait constitué autour d’elle un cercle de jeunes gens fervents, La Cordée, pour prier ensemble, dans une ambiance déjà... charismatique.

Après le succès de son fils au baccalauréat, le commandant de Nantes lui conseille de patienter deux ans avant d’entrer au séminaire et, pour ne pas perdre de temps, de commencer des études de philosophie à la faculté catholique de Lyon. Quant à Mamine, bien consciente des dangers qui menacent un jeune étudiant arrivant dans une grande ville, elle le tarabuste dès la rentrée pour qu’il se trouve un directeur de conscience. « Elle y tenait tant qu’enfin je lui promis d’en trouver un dans les trois jours. » Cela va être l’occasion d’une rencontre providentielle avec un vrai disciple de saint François.

« Revenu à Lyon, comment faire ? À l’intercours, j’avisai un jeune père capucin à la barbe blonde, charmant, toujours riant, et lui posai la question décisive.  Vous pourriez être mon directeur de conscience ?  Je n’eus pour toute réponse qu’un rire argentin et l’accord fut ainsi conclu sur-le-champ. J’avais trouvé sous les apparences d’un frêle capucin doux et rieur, mon maître. Le Père Tarcisius... Il est passé en faisant le bien. Un jour m’est tombé sous les yeux un article nécrologique orné d’une petite photographie. C’était lui, un ange plutôt qu’un homme, que Jésus m’envoya pour cette passe difficile où j’allais. » Et les difficultés vont venir, en partie... des faux disciples de saint François.

« De la Cordée, cette chaîne d’amitié que formait de son seul rayonnement spirituel, du fond de sa petite chambre d’allongée notre Amie, une infirmière de Grange-Blanche m’avait été signalée. Il fallait absolument aller la voir. Et ainsi me voilà traversant Lyon en tramway et arrivant à cet énorme hôpital Édouard Herriot. Complètement désorienté, je demandai. On m’envoya aussitôt au Pavillon U où elle m’accueillit et me conduisit aussitôt dans sa chambre. C’est très curieux, vraiment, de se trouver en présence de gens qu’on ne connaît ni d’Ève ni d’Adam, et qui vous adoptent instantanément comme un frère ou un fils dans le Christ. Paulette était la fille d’un héros du fort de Vaux, dont on parlait dans les livres, ce qui était pour moi à soi seul une noblesse supérieure ; je ne sus jamais rien d’autre d’elle sinon qu’elle était une convertie, une fervente et, de ce jour, ma sœur [...]. Je m’étais d’emblée senti à mon aise, heureux, dans la chambre de Paulette. Sans doute à cause de son atmosphère gaie et jeune, en si fort contraste avec mon quai Tilsitt solennel et froid qui était, je l’ai dit, le reposoir de la tante morte. Mais aussi à cause des images franciscaines qui en faisaient tout l’ornement. La conversation était tout de suite venue sur saint François et son amie de cœur, dame Pauvreté. Dès ce moment, mon temps de Lyon est envahi par la joie franciscaine qui est la spiritualité des humbles, des petits de notre énorme société broyeuse et indifférente aux gens, affameuse des âmes. Pour Paulette, saint François et sa Dame étaient le refuge dans la nuit, le havre de sécurité dans les dangers de son métier de chien, toutes ses affections, sa rassurance, sa gloire, je veux dire cet acquis de richesse spirituelle personnelle, ce mince bagage noble et beau qui arrache de l’anonymat une quelconque infirmière du Pavillon U sans entrailles ni visage. Un saint pour tous, sauf pour les riches, les bourgeois, les gens qui ont tout par ailleurs, traditions, beaux meubles, propriétés. Comme oncle Edmond. N’en ont pas besoin. Comprennent pas. Un saint démocratique... J’achetai pour Paulette, sur des économies dont je ne devais pas rendre compte à papa, dans une librairie de la place Bellecour un bel illustré sur saint François, et je passerai amoureusement de longues heures à lui enluminer ma dédicace sur la page de garde. Pour la joie de lui offrir ce cadeau à Noël. C’était la première fois que me naissait au cœur l’envie de faire plaisir simplement à quelqu’un en lui offrant une chose dont j’étais sûr qu’elle la comblerait de joie !

« Quant au Père Tarcisius, dans son froc de bure et sa ceinture de corde, vivant et authentique portrait parmi nous du saint que nous aimions, à cette curieuse fièvre d’évangile il souriait aux anges et me glissait doucement :  Georges, la vocation religieuse n’est pas la fin d’un roman... même franciscain !  J’oubliais la leçon et gardais le sourire.

« Paulette me parlait des Compagnons et des Compagnes de saint François. Nous y allâmes. On tirait les Rois chez l’un d’eux sur les pentes de Fourvière. Tous s’embrassaient en arrivant avec gaieté. C’est là que j’entendis ces merveilleux chants de Joseph Folliet, leur fondateur, tel l’incomparable :  Ô frère, gentil frère, quand mourut-il... d’amour, Quand mourut-il ?  L’un était au piano, d’autres parlaient du prochain pèlé, d’autres faisaient connaissance, s’occupaient des enfants. Je garde l’impression vive de cette amitié simple, sincère, expansive et conquérante. Il leur semblait à tous, je l’ai bien vu ! qu’avec un pareil amour au cœur il n’y avait plus de problèmes de couple, de classes sociales, de races, de politique internationale. Le pacifisme et la non-violence découlaient naturellement de leur esprit franciscain. Leur joie généreuse et large imprimait en moi, leur secret ennemi, une marque profonde.

« Mais oui ! j’étais au brûlant foyer de la démocratie-chrétienne renaissante et ces charmants compagnons étaient de ces affreux sillonnistes et rouges-chrétiens que fustigeait naguère l’Action française. Mais, ces pensées gelées au fond de ma raison, j’admirais et je voulais partager la joie de mes nouveaux compagnons, leur dévouement mutuel, leur sentiment d’une paix possible, universelle. »

Plus tard, notre Père apprendra que, sous couvert de fraternité franciscaine et de pèlerinages, les Compagnons de Saint-François étaient les héritiers directs du Sillon de Marc Sangnier. Après avoir passé tout l’entre-deux-guerres à organiser des congrès pacifistes avec l’Allemagne, ils se tournaient maintenant vers la Résistance. Et c’est parmi le groupe de Lyon que seront recrutés les premiers rédacteurs des innommables Cahiers du Témoignage chrétien...

Un jour, la fausse mystique du Puy vient visiter ses amis de Lyon. Notre Père tient aussitôt à la présenter au Père Tarcisius. Mémorable rencontre du vrai et du faux disciple de saint François :

« Le contraste entre ces deux âmes franciscaines que j’aimais presque également était brutal, jusque dans leur abord. Il s’était arrêté, debout, au plus loin du lit, dans sa grande robe de bure ample comme un sac et raide, serrée par une vraie corde où pendait le chapelet à grains. Elle, dans ses laines bleues et blanches, affaissée mollement sur ses oreillers, environnée de son parfum d’eau de Cologne qui la réveillait de ses pâmoisons... Et moi, assis en intime au bord du lit, désolé du petit rire de mon père spirituel que je sentais imperceptiblement ironique, je lui en voulais de ne pas céder, lui, aux manœuvres de charme ordinaire que déployait ma mère spirituelle. D’ailleurs, elle n’osait guère ! Il lui fut même impossible de proposer la récitation du chapelet, tant le ton de la conversation, dont je n’arrivai pas à changer le cours, demeurait badin, superficiel, amusé. Mais inquisitorial. Ainsi, quand elle fut amenée à raconter comment elle avait été miraculée de Lourdes, il continua de rire comme s’il se fut agi d’un fait divers. Il posait de petites questions d’un ton suave et sans avoir l’air de s’enquérir, des questions que je n’avais jamais eu l’idée, ou l’indécence, de formuler et dont je voyais avec peine qu’elles la mettaient dans un certain embarras. Enfin, il prit congé et je crois bien me rappeler que je le laissai repartir seul, sans doute pour bien marquer de quel côté mon cœur allait ! »

La veille du départ de la cheftaine, il se fit une réunion des intimes. Sous les apparences de la joie et de l’amitié franciscaines, c’était une soirée charismatique avant la lettre, avec les débordements qui accompagnent ces grandes exaltations, la sensibilité ayant tôt fait de laisser place à la sensualité. Mais grâce au Père Tarcisius, vrai fils de saint François lui, le jeune Georges de Nantes échappa providentiellement à cet écueil. Le lendemain matin, il monta voir son Père spirituel, sur la colline de Fourvière, dans le quartier Saint-Just :

Le Père Tarcisius, capucin, directeur spirituel du jeune Georges de Nantes à Lyon.
Le Père Tarcisius, capucin, directeur spirituel du jeune Georges de Nantes à Lyon.

« Je cherchai mon chemin, car je n’étais pas encore venu le surprendre ainsi dans son couvent. Je tremblais, mais la faim et le froid y étaient pour beaucoup, et la fatigue. Vous connaissez les couvents de capucins, comme celui de la rue Boissonnade à Paris ? C’est l’autre face de la pauvreté franciscaine, la vraie ! Le mot m’échappa des lèvres en avançant dans le couloir glacial, aux poutres de bois apparentes, de briques et de pauvre ciment sans revêtement, et en pénétrant dans l’un de ses parloirs vitrés où le frère gardien m’introduisit. Froid, froid.

« Cher Père Tarcisius ! Tiens, Georges, quel bon vent vous amène ? Ses yeux chatoyants faisaient déjà le tour de mon âme. Je devais avoir un air ! Mais, lui, souriait aux anges, à saint François, au grand Christ d’Assise, les bras étendus, pathétique et fraternel, qui ornait le mur, et à son pauvre oiseau tombé du nid. Il fallut raconter, avouer. À mesure qu’il écoutait, cela cessait d’être une catastrophe mais, justement, le devoir ne s’en faisait que plus vivement sentir. Ce n’était rien, mais... c’était le chapitre attendu de mon mauvais roman...  Oui, Georges, mais ce doit être le dernier. Aïe, mon Père, vous ne vous rendez pas compte que la Cheftaine, la Cordée, Paulette, c’est toute ma vie, la plus grande, l’unique amitié, c’est tout pour moi !  Et lui, le cruel, de rire d’un petit air amusé : – Oh non, rien qu’une petite aventure que vous oublierez vite. – Jamais ! – Mais si ! ” – Et le regard derrière les lunettes était d’une calme sagesse, sûre et forte, quand la bouche et la petite barbe s’amusaient encore : – Il y a bien des pages dans une vie, surtout la vôtre !  recrudescence du petit rire affectueux. “ Ça a été une belle page mais il faut la tourner maintenant si vous ne voulez pas l’arracher tout à fait. ” »

« À mesure qu’il parlait, je me sentais repris par Jésus lui-même en mon père spirituel, réenfanté, sauvé. Dans ce froid parloir inconnu, je me sentais en mon vrai chez moi, dans ma demeure d’éternité [...]. Le Père Tarcisius n’aimait pas les tragédies, la brutalité. Il ne m’imposa pas de grandes et solennelles ruptures mais, plus pénibles, plus déconcertants, l’aveu de l’illusion et la volonté de sortir de ce rêve, d’une joie franciscaine trop nourrie de sensibilité hier et peut-être demain, de sensualité. C’était plutôt suggéré que dit.

« Il y avait le saint François des capucins, là, sur cette colline de Saint-Just, dans la joie parfaite de la pauvreté, du froid, de la pénitence, du renoncement à la douce amitié humaine, trop humaine, la joie crucifiée. Et là-bas, il y avait un autre saint François... de pacotille, le mot me monta aux lèvres, injuste, sans que je le voulusse ! Quel débat ! Le petit Père blessait, pansait, consolait et imposait le sacrifice nécessaire, et l’enfant devinait, sous le rire cristallin l’expérience du sage, la force du maître, l’austérité du saint... mais plus que tout une tendresse maternelle qui ce matin le sauvait des eaux amères. » (Mémoires et Récits, tome 1, chapitres 29 et 33).

C’est encore grâce aux sages conseils de son directeur de conscience que Georges de Nantes n’a pas rejoint les Petits frères d’El Abiodh Sidi Cheikh, parce qu’ils n’avaient plus l’esprit du Père de Foucauld. Toutefois, son enthousiasme pour l’idéal du frère Charles de Jésus reste intact. En deuxième année de séminaire à Issy-les-Moulineaux en 1943, il entre dans le tiers ordre franciscain sous le nom de frère Albéric, porté par le Père de Foucauld à la Trappe.

Quelques années plus tard, en 1951, notre Père se rendit à Rome pour la béatification du pape Pie X. Au cours de ce voyage, il fut reçu au Saint-Office par le cardinal Ottaviani auprès duquel il avait sollicité une audience afin de lui signaler le livre du Père Congar, Vraie et fausse réforme dans l’Église, livre subversif qui deviendra la charte du concile Vatican II. Au retour, notre Père prit le train pour les Apennins et eut la grâce de faire pèlerinage à Assise. Pèlerinage inoubliable qui imprima en lui de profondes leçons, sur lesquelles nous reviendrons. Toute sa vie, notre Père a gardé une immense admiration pour saint François et pour sainte Claire, et pour cette spiritualité franciscaine qu’il avait faite sienne et qui est condensée dans ces quelques mots qui ornent l’image de ses vœux perpétuels en 1978 : « Donne-moi l’amour sans mesure dont toi, Fils de Dieu, tu étais embrasé. » (photo, infra, p. 16) C’est la prière de saint François sur l’Alverne à laquelle Notre-Seigneur répondit en marquant son fidèle serviteur des cinq Plaies de sa Passion, il y a huit cents ans.

À la Permanence de Paris, en novembre 2023, frère François a démasqué les falsifications actuelles du message de saint François, depuis les théologiens de la libération se réclamant de l’esprit franciscain, jusqu’aux réunions d’Assise organisées par Jean-Paul II et ses successeurs [L171. 1 Saint François et sa postérité en nos temps modernes. 1. Les faux disciples]. Œcuménisme, pacifisme, écologie, fraternité universelle... Autant de thèmes à la mode chez les théologiens, qui se placent sous le patronage prestigieux de saint François d’Assise, comme autrefois les démocrates-chrétiens du Sillon... Ce n’est pas une modernisation du message franciscain, nous explique frère François, c’en est la contrefaçon, et même l’inversion. Mais pour l’affirmer, pour le voir seulement, en 2024, il faut être disciple de l’abbé de Nantes. Il y a certainement encore des Pères Tarcisius, espérons-le, néanmoins il faut avouer qu’ils sont bien cachés et que ce sont les faux disciples qui occupent toutes les places hiérarchiques et médiatiques...

Quant à nous, nous avons la chance, grâce à la doctrine de notre Père, d’avoir accès à la tradition franciscaine authentique, vivante, car enrichie par tant de saints, de Bonaventure et Duns Scot à Maximilien-­Marie Kolbe. Le vrai disciple de saint François en nos temps d’apostasie, c’est donc notre Père, en tant que « docteur mystique de la foi catholique », comme l’a admirablement nommé frère Bruno.

Afin d’approfondir le parallèle entre saint François et notre Père, commençons par relire le Cantique des créatures, un des rares écrits de saint François qui nous soit parvenu et qui exprime tout son cœur.

Pour bien le comprendre, il faut savoir que le Poverello le rédigea durant l’année qui précéda sa mort, en 1225-1226. Épuisé par la stigmatisation, il est alors devenu presque aveugle et ne peut plus supporter la lumière du soleil ni celle du feu ; aussi vit-il retiré dans une pauvre cabane, seul et tourmenté par les mulots qui l’empêchent de trouver le sommeil... Un jour, au milieu de ses souffrances, il reçoit en esprit la révélation qu’il ira au Ciel : « François, lui dit une voix, réjouis-toi et chante, pendant que tu es faible et malade, car c’est le royaume des Cieux que tu gagnes par là ! »

Aussitôt, il entreprend de composer une héroïque action de grâces à la Très Sainte Trinité pour la création et les bienfaits qu’Elle nous accorde chaque jour, malgré l’ingratitude et le mésusage qu’en font tant d’hommes... Il faut lire ce chant d’amour à notre Très chéri Père Céleste en pensant que c’est au sein de la souffrance qu’il a été écrit :

Très haut, tout puissant et bon Seigneur,
à toi louange, gloire, honneur,
et toute bénédiction ;
à toi seul ils conviennent, ô Très-Haut,
et nul homme n’est digne de te nommer.

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière :
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans le ciel tu les as formées,
claires, précieuses et belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent,
et pour l’air et pour les nuages,
pour l’azur calme et pour tous les temps : 
grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu,
par qui tu éclaires la nuit :
il est beau et joyeux,
indomptable et fort.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
avec les fleurs diaprées et les herbes.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix,
car par toi, le Très-Haut, ils seront couronnés.

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre sœur la Mort corporelle,
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.

Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.

(Saint François d’Assise, Écrits et premières biographies, Desbonnets et Vorreux, Paris, 1968, p. 169).

“ Saint François consolé par les anges au soir de sa vie ” (Legenda major  5, 11).
“ Saint François consolé par les anges au soir de sa vie ” (Legenda major  5, 11). Tableau conservé à la maison Saint-Joseph.

Voilà tout l’itinéraire franciscain vers notre Père du Ciel. C’est l’itinéraire de la beauté, par la pauvreté. Comme disait notre Père : « C’est tellement simple d’avoir un peu l’esprit franciscain, cet esprit qui est de pauvreté et de beauté en même temps. La beauté de la nature, la beauté de la vie sont d’autant plus sensibles au cœur qu’on n’est pas absorbé par le confort, qu’on ne croule pas sous la richesse et toutes ses préoccupations. Plus on est dépouillé, plus on vit dans la beauté. Voilà le message de saint François d’Assise. »

En 1978, dans ses cours mensuels à la Mutualité, après l’étude de l’Annonce évangélique, sous son nom moderne de kérygmatique (1973), puis de la théologie chrétienne à travers les grandes crises de l’histoire de l’Église (1975), et enfin de la catéchèse sacramentelle qui enseigne les voies d’accès à Dieu dans le Christ par les sacrements et sacramentaux de l’Église (1977), notre Père en arrive enfin à l’étude la plus haute de toutes, celle de la vie mystique, de la rencontre et de l’union de la créature humaine avec son Dieu, dans l’amour. La vie mystique, c’est de connaître Dieu, l’aimer et le servir. Oui, mais comment faire, comment entrer dans la circumincessante charité divine ? Pour commencer, notre Père affirme que la vie mystique n’est pas un état réservé à un tout petit nombre d’êtres humains différents des autres : nous y sommes tous appelés.

ESTHÉTIQUE MYSTIQUE.

« Nous voilà donc engagés dans la recherche d’une mystique pour notre temps, écrit-il, recherche d’une voie ouverte et praticable vers Dieu. Car la vie mystique est vraiment cette perle évangélique, ce trésor pour lequel on donnerait tous ses biens. Or, le chemin que nous avons choisi, c’est celui de la beauté. Parce qu’il est facile ? Eh oui ! Mais n’est-il pas dangereux ? Certes. Alors, pourquoi l’avoir choisi ? C’est... le plus beau !

« Il y a sans doute d’autres voies qui, d’accès plus difficile, paraissent plus sûres : la contemplation de l’Être et de l’Un, la recherche de la Vérité, le goût de la bonté. Il est vrai, et nous ne prétendons régenter personne. Mais qui vise trop haut dès le départ peut-être ne partira jamais. Tandis que le premier avantage de notre  esthétique mystique  est de trouver son auditeur déjà en chemin, déjà mystique sans le savoir, comme Monsieur Jourdain se trouvait homme de lettres, faisant de la prose sans le savoir. Si la beauté est un chemin vers Dieu, qui refuserait d’y entrer ?

« Cette voie consiste, n’ayons pas peur des mots, à trouver Dieu dans les créatures et non au-delà, dans le mépris de la création et la fuite du monde originel. Cette voie consiste d’abord à jouir de la beauté créée, à en saisir le sens, à en accueillir le message divin, et à laisser mûrir le fruit intérieur de cette joie esthétique. De la grâce à LA GRÂCE, je veux dire, de la gracieuse beauté des êtres à la bonté toute gracieuse et gratuite de Dieu dont elle est le signe, va notre chemin et c’est sur ce chemin que nous devons rencontrer le Christ, Parole de Dieu dans la chair, beauté humaine et Splendeur du Père, visage corporel de la Divinité. » (CRC n° 125, janvier 1978, p. 3)

C’est la voie franciscaine par excellence, celle pratiquée par le Poverello lui-même et merveilleusement exprimée par son disciple et biographe Thomas de Celano : « Qui pourrait nous décrire la douceur inondant son âme lorsqu’il retrouvait dans les créatures la sagesse, la puissance et la bonté du Créateur ? À contempler le soleil, la lune, le firmament et toutes ses étoiles, il se sentait monter au cœur une joie ineffable. » (Vita Prima, n° 81) La vigne, le champ de blé, la forêt, les montagnes, « tout ce qu’il rencontrait de bon lui chantait :  Celui qui m’a fait, celui-là est le Très Bon. ” » (Vita Secunda, n° 165)

Thomas de Celano, saint Bonaventure et les autres anciens témoignages sur saint François rapportent tous avec étonnement et ravissement cette intuition majeure du Poverello, qui pourra encore réjouir cent générations : c’est l’intuition, l’impression profonde qu’il avait de la fraternité de toutes les créatures sorties des mains du Père Céleste :

« Quelle dilatation de toute son âme lorsqu’il considérait la beauté des fleurs et respirait leur parfum ! Quand il rencontrait des fleurs répandues par nappes, il leur prêchait comme si elles avaient été douées de raison et les invitait à louer le Seigneur. Tout être recevait le nom de frère ; l’intuition pénétrante de son cœur arrivait à découvrir d’une manière extraordinaire et inconnue d’autrui le mystère des créatures, puisqu’il jouissait déjà de la glorieuse liberté des enfants de Dieu. » (Vita Prima, n° 81)

Ces derniers mots nous donnent la clef de cette esthétique merveilleuse.

En effet, cette liberté, les hommes l’ont perdue depuis le péché originel. Quand Adam et Ève ont péché, la création a été arrachée à Dieu par le diable, et toutes les puissances cosmiques sont tombées sous la puissance du démon... Depuis lors, ce sont les hommes qui, par leur péché, désaxent la nature, et provoquent sa corruption. C’est la main de l’homme pécheur qui viole la création : poussé par Satan à s’enrichir et à jouir de toutes les manières, il est prêt à tout détruire et tout polluer. D’où ce désordre de la création contre lequel se révoltent les écologistes... Encore faudrait-il qu’ils aient un juste remède à proposer !

Or, le seul remède, c’est la Rédemption qui nous l’a apporté en nous rendant la grâce et en nous la conservant par les sacrements de l’Église. L’écologie sans l’Église est une chimère et un blasphème.

Mais le chrétien, lui, a été purifié par le baptême, par les sacrements de l’initiation chrétienne, et s’il est fidèle à la grâce, s’il fuit le péché, il retrouve, si l’on peut dire, le monde originel, ou mieux encore, il voit dans les beautés de la terre la préfiguration, les images des beautés du Paradis où il ira un jour, par la grâce de Dieu. C’est ce que notre Père aimait méditer au souvenir du 13 août 1917 où la foule avait vu la nature de la Cova da Iria transfigurée par la venue de Notre-Dame. C’était le Ciel sur la terre, tant que Notre-Dame était présente. Les arbres semblaient couverts de fleurs et les visages des gens avaient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel... Fra Angelico a raison de peindre le Ciel avec ses pelouses émaillées de fleurs, parce que le Paradis c’est comme la terre, mais absolument transfiguré (sermon du 13 août 1991).

Le regard que le chrétien porte sur les beautés de la création n’est donc plus un regard d’esthète païen, comme François Bernardone avant sa conversion, ce n’est plus une joie naturelle, c’est une joie de Paradis retrouvé. « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Une telle rénovation est accordée à tout baptisé, elle est accessible à toute âme mystique dès ici-bas. Mais il faut dire qu’en saint François, elle s’est produite en plénitude : il avait réellement retrouvé l’innocence originelle.

Saint François prêche aux oiseaux (Assise, XIIIe siècle)
Saint François prêche aux oiseaux (Assise, XIIIe siècle).

Essayons, quant à nous, de ressentir un peu de la stupéfaction des témoins du sermon que fit François aux oiseaux, près de Spolète : « François aperçut un bosquet où des oiseaux de toute espèce s’étaient rassemblés par bandes entières. Il y courut aussitôt et les salua comme s’ils avaient été doués de raison. Ils s’arrêtèrent tous pour le regarder. Il s’avança jusqu’au milieu d’eux, leur enjoignit doucement d’écouter la parole de Dieu et leur dit :  Mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre Créateur qui vous a revêtus de plumes, vous a donné des ailes pour voler, vous a dévolu pour champ l’espace et sa limpidité, et qui prend soin de vous sans que vous ayez à vous inquiéter de rien.  Ce discours provoquait chez les oiseaux de joyeuses manifestations. Lui allait et venait parmi eux, l’âme délirante de ferveur ; il les frôlait de sa tunique, mais aucun ne s’éloigna. Enfin il traça sur eux le signe de la croix, et les oiseaux munis de sa permission avec sa bénédiction, tous ensemble s’envolèrent. » (Saint Bonaventure, Legenda Major 12, 3)

Remarquons bien que ce que saint François prêche aux oiseaux reprend presque mot à mot la parabole des oiseaux que Notre-Seigneur enseignait à ses disciples, pour leur apprendre à mettre toute leur confiance dans la Providence : « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni ne ramassent dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas, vous, beaucoup plus qu’eux ? » (Mt 6, 26). L’Évangile est la source d’inspiration constante de toutes les paroles, de tous les écrits, et des moindres gestes de saint François.

La création est belle, mais elle a été faite en vue de l’Incarnation de Notre-Seigneur, et depuis sa venue sur terre, c’est l’Évangile qui est devenu la clef d’interprétation de toutes les beautés de l’univers. Et cela, ça change tout. « François était enclin cependant à plus de tendresse et de douceur pour les créatures qui, par leur nature ou l’enseignement symbolique de l’Écriture, nous rappellent l’amour et la douceur du Christ. Il racheta souvent des agneaux que l’on menait abattre, en souvenir de l’Agneau très doux qui voulut être mené à la mort pour racheter les pécheurs (Is 53, 7). Il advint, une nuit qu’il était hébergé au monastère de Saint-Vergoin, dans le diocèse de Gubbio, qu’une brebis eut un agneau. Mais une truie méchante se trouvait dans l’étable ; sans pitié pour l’innocent, elle le tua sauvagement et le dévora. Quand il l’apprit, le pieux Père, très ému et se souvenant de l’Agneau sans tache, pleura devant tous la mort du petit agneau :  Hélas ! frère agnelet, créature innocente qui rappelle le Christ aux hommes, maudite soit l’impie qui t’a tué ! Que personne, homme ni bête, ne mange jamais de sa chair !  Merveille : aussitôt la truie malfaisante commença d’être malade ; après avoir purgé pour ainsi dire sa peine durant trois jours elle reçut enfin son dernier châtiment et creva. On la bascula dans un fossé du monastère où elle demeura longtemps, sèche comme une planche, et personne n’y trouva de quoi apaiser sa faim. Que les hommes sans cœur prennent donc bien garde au châtiment qui les attend, puisque la cruauté d’une bête fut déjà punie d’une mort si affreuse ; et que les chrétiens pieux considèrent la puissance admirable et la délicatesse infinie d’une bonté que les bêtes elles-mêmes reconnaissaient à leur manière. » (Legenda Major 8, 6)

Mais ce ne sont pas uniquement les relations avec la sœur cigale, le frère feu ou les petits agneaux qui sont transfigurées. Ce sont aussi et d’abord les relations avec les frères et sœurs humains, que le Créateur a faits à son image. « Il ne se considérait comme un ami du Christ qu’à la condition d’aimer les âmes comme le Christ les avait aimées. » (Vita Secunda, n° 172) Ainsi, la charité fraternelle au sein des communautés était la première exigence de frère François : « De quelle ardente charité brûlaient ces nouveaux disciples du Christ ! Quel amour de la vie en fraternité ! Lorsque plusieurs se trouvaient réunis, ou bien lorsqu’ils se rencontraient sur une route, quelle explosion d’amour spirituel, le seul amour capable de fonder une véritable fraternité ! Chacun n’ayant que mépris pour les choses de la terre et personne n’aimant son frère d’un amour égoïste, toutes leurs puissances d’affection étaient versées au trésor commun et ils cherchaient à se donner eux-mêmes pour venir en aide indistinctement aux besoins de tous. Ils désiraient se revoir, ils avaient plaisir à se retrouver ; la séparation leur était pénible, et douloureux l’éloignement. » (Vita Prima, n° 39)

Par ailleurs, la relation entre saint François et sainte Claire semblait à notre Père un exemple enthousiasmant de cette « pureté positive » qui est la réponse de la mystique catholique aux hérésies du temps, que ce soit le manichéisme des Vaudois au treizième siècle, ou le freudisme et le féminisme de nos contemporains.

« Au treizième siècle, racontait notre Père, le manichéisme disait les choses les plus épouvantables de tout ce qui était corporel, féminin, sexuel, mais ils étaient de grands hypocrites.

« Ayant rejeté ces indignités, saint François rencontre cette jeune fille merveilleuse, à l’opulente chevelure blonde, qui ne demande qu’une chose : le suivre. C’est sainte Claire, tellement aimée de lui et qui l’a aimé et dont il a fait la fondatrice d’un Ordre qui lui a été fidèle à travers les siècles. Les femmes suivant les hommes, comme les saintes Femmes ont suivi Jésus-Christ. Il n’y a pas de question de corps, de pureté, etc. La pureté positive, c’est quand on aime Jésus-Christ, les uns et les autres, qu’on sait que Jésus est ressuscité, que la Sainte Vierge est ressuscitée, que nos corps ne sont pas un instrument du diable pour notre perdition, mais sont l’image de l’âme. Le corps de sainte Claire avec son saint visage, le corps de saint François avec ses stigmates, ce sont des corps qui témoignent de ce que sont leurs âmes.

« Leur âme, dit Duns Scot, je l’aperçois directement dans leur corps. Évidemment, il est fait pour cela ! Le visage est l’image de l’âme et l’âme n’est pas l’image de Dieu, c’est Jésus qui est l’image de Dieu, elle est l’image de Jésus et de Marie. C’est ainsi que le Moyen-Âge a été un âge exubérant de paix, de joie, de liberté. » (Sermon du 21 août 1995)

L’Évangile est la réponse à tous nos maux, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui. Et la vie mystique n’est rien d’autre qu’une adhésion, une conformité de la vie du chrétien au mouvement même de l’Évangile. Or, comme frère Bruno nous l’a rappelé lors du dernier camp de la Phalange, dans l’Évangile tout converge vers la Croix, vers le Sacrifice rédempteur.

De même, dans la vie de saint François, tout converge vers ce rocher de l’Alverne où il va recevoir les stigmates. Il ne pouvait en être autrement dans la vie de celui qui a été comme une nouvelle incarnation du Christ au Moyen-Âge.

ESTHÉTIQUE DRAMATIQUE.

Notre esthétique se fait alors dramatique pour imiter plus parfaitement la vie du Seigneur, Sauveur humilié et crucifié pour notre rachat. « Nous apprenons ainsi de Dieu Lui-même ce qui est beau. Ce qui est beau, nous ne pouvions que le pressentir à certains moments de grâce, c’est de descendre de la gloire, de l’intelligence, de la richesse où l’on est pour entrer dans le dénuement, la peine, la commisération, l’infamie, par service, par amour, et de donner sa vie goutte à goutte ou d’un seul acte, laissant à notre Père du Ciel le soin de nous relever à la fin et nous donner la Vie éternelle. Telle fut la courbe de la vie de Jésus-Christ. » (CRC n° 127, mars 1978, p. 12)

L’itinéraire franciscain, dans sa fidélité à l’Évangile, suit la même courbe. C’est la leçon profonde que notre Père a retenue de son pèlerinage à Assise en 1951 et qu’il a racontée dans plusieurs sermons.

Ce fut comme une révélation progressive... Après l’émerveillement devant les beautés de l’Ombrie, la prière fervente aux tombeaux de saint François et sainte Claire, après les splendeurs des Basiliques, de la Portioncule, de Saint-Damien, notre Père s’est rendu aux Carceri. C’est dans ces petites grottes au fond d’une vallée escarpée que les premiers frères faisaient retraite, dans la solitude et la plus grande pénitence.

Le Christ lépreux, XVe siècle.
« Mihi autem absit gloriari,  nisi in cruce Domini nostri Jesu Christi. » (Introït du 17 septembre.)
Le Christ lépreux, XVe siècle.
(Église Saint-Julien de Brioude.)

« Il pleuvinait, il faisait froid et je n’avais pris que mes vêtements d’été pour aller à Rome, j’étais gelé. Je marchais et à un moment, on comprend qu’on est arrivé aux Carceri. On descend jusqu’au torrent et on voit ces vieux bâtiments absolument vénérables. Il n’y a rien à voir ; on se dit que saint François a couché là : sur le rocher. J’étais un peu malheureux et je me suis dit : c’est beau la pauvreté, c’est beau sur les images ! J’étais là, j’avais froid, j’essayais de prier sans succès, j’en ai tiré une leçon. La pauvreté franciscaine, c’est beau pour les charismatiques, pour les touristes, mais dans la réalité, c’est pénible. Je me disais : dans l’Ombrie, en hiver, les pieds nus, cela doit être terrible ! J’en ai conservé l’aspect douloureux de privation, de mortification de cette vocation. » (Sermon du 12 août 1995)

« Cela me fait du bien de vous en parler parce que ce n’est pas tous les jours qu’on retourne à Assise. Je n’y suis jamais retourné. On est profondément indisposé maintenant que toutes les religions du monde s’y sont donné rendez-vous pour une réunion blasphématoire, sacrilège...

« Mais laissons cela, restons près de nos saints et désirons en prendre, non pas l’esthétique, mais franchissons l’esthétique, en passant au-delà de ces sentiments qui sont vraiment très réels quand on va dans ce pays merveilleux de l’Ombrie, la Toscane où la pauvreté est grande, mais la nature si belle.

« Dans cette nature si belle, il semble qu’on rejoint Dieu. Pensons que saint François a été sur l’Alverne pendant ses quarante jours de jeûne et que Jésus s’est donné à lui en lui imprimant les stigmates de sa Passion et transformant sa vie en vie de calvaire jusqu’à ce qu’il en meure. Cela, c’est la leçon très profonde. Si l’esthétique, cette spiritualité évangélique ne mène pas au culte de la Croix et non seulement au culte, mais au port de la Sainte Croix sur nos épaules pour le salut de notre prochain, tout cela est vain.

« J’ai d’ailleurs, sur le moment même, bien compris que ce pèlerinage avait un avant et un après, et que l’avant était quelque peu charismatique. C’était bien joli d’être franciscain à la mode de 1940, mais c’était autre chose de marcher sur les traces de saint François en obéissant à la vocation que Dieu nous donnait personnellement [...].

« Nous sommes heureux d’être du côté de saint François et de sainte Claire dans notre recherche de la perfection au service de l’Église, quoiqu’il nous en coûte. Poursuivons dans cette voie et si le Bon Dieu le veut, jusqu’à l’Alverne. » (sermon du 12 août 1998)

En 1224, pour se préparer à la fête de saint Michel, saint François fit retraite avec quelques frères dans la solitude du mont Alverne, région très sauvage dans les Apennins. Il passait ses jours et ses nuits en prière, absolument seul, dans l’angoisse pour l’avenir de son ordre en proie à de grandes divisions. Il répétait cette admirable prière : « Qui es-tu, ô mon très doux Dieu ? Et moi que suis-je, misérable ver de terre, et ton inutile serviteur ? » Et les jours passaient, bientôt allait venir la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, le 14 septembre. La Croix avait toujours été le premier objet de sa dévotion, depuis ce jour de 1207 où, à la voix du crucifix de Saint-Damien, il avait quitté le monde, et suivi le Christ dans la pauvreté.

« Le matin du 14 septembre, il se tenait agenouillé en prière devant sa cellule. Le jour n’avait pas commencé à poindre, mais le saint, dans l’attente de l’aube, le visage tourné vers l’orient, priait, avec les mains levées et les bras étendus :  Mon Seigneur Jésus-Christ, je te prie de m’accorder deux grâces avant que je meure : la première est que, durant ma vie, je sente dans mon âme et dans mon corps, autant qu’il est possible, cette douleur que toi, ô doux Jésus, tu as endurée à l’heure de ta très cruelle Passion ; la seconde est que je sente dans mon cœur, autant qu’il est possible, cet amour sans mesure dont toi, Fils de Dieu, tu étais embrasé et qui te conduisait à endurer volontiers une telle Passion pour nous pécheurs. 

Frère Georges de Jésus. Vœux perpétuels, 15 septembre 1978.

Frère Georges de Jésus.
Vœux perpétuels, 15 septembre 1978 :
Notre-Dame des Sept Douleurs.

« Et pendant qu’il priait ainsi, il reçut la certitude que Dieu, dans ces deux choses, consentait à l’exaucer, et qu’il allait lui être donné de les éprouver, l’une et l’autre, dans la mesure où cela est possible à un être créé. Et aussitôt que saint François eut obtenu cette promesse, il commença à contempler, avec un grand recueillement, les souffrances du Christ ; et la flamme de sa dévotion grandit tellement en lui que, par l’excès de son amour et de sa compassion, il se sentit changé, tout à fait, en Jésus.

« Et pendant qu’il était agenouillé ainsi, et qu’il brûlait de cette flamme, voici que, à cette même heure matinale, il vit descendre du ciel, vers lui, un Séraphin avec six ailes rayonnantes. Et ce Séraphin s’approcha très près de lui, de sorte qu’il put reconnaître, très clairement et distinctement, qu’il portait sur lui l’image d’un homme crucifié. Et lorsque saint François vit cette apparition, il en éprouva une grande joie de voir que le bon Jésus daignait se révéler à lui si familièrement, et abaisser sur lui un regard si tendre. Mais, d’autre part, la vue de son Seigneur cloué sur la croix lui causait un chagrin indicible.

« Après s’être maintenue pendant quelque temps, l’apparition merveilleuse s’effaça : mais, depuis lors, le cœur de saint François conserva un feu très puissant et un très vivant amour du Christ, et sur le corps du saint, l’apparition laissa une image et des traces miraculeuses des souffrances du Christ.

« Car aussitôt commencèrent à se montrer, dans ses mains et ses pieds, tout à fait comme des clous : de sorte que ses membres semblèrent transpercés à leur centre ; et les têtes des clous étaient dans la paume des mains, et sur la partie supérieure des pieds, tandis que leurs pointes sortaient sur le revers des mains et sous la plante des pieds ; et entre la chair et la pointe des clous, il y avait place pour un doigt, comme dans une bague ; et les clous avaient une tête ronde et noire. Et pareillement se montra, sur le flanc droit du saint, l’image d’un coup de lance, comme une cicatrice, mais toute rouge et sanglante, et dont souvent jaillissait du sang, qui mouillait la robe et le pantalon de saint François. » (Johannes Joergensen, Saint François d’Assise, 1909, p. 445-447) Malgré tous ses efforts pour les dissimuler, les frères découvrirent bientôt que leur maître portait sur tous ses membres la ressemblance corporelle à Jésus crucifié.

« On ne saurait mesurer l’impression qu’un si merveilleux miracle fit sur le XIIIe siècle et sur toute la suite de l’histoire de l’Église, concluait notre Père. Les cinq Plaies du Sauveur étaient rendues visibles, tangibles à toute la Chrétienté ! « Cette rencontre de l’Alverne, réitérant la rencontre de Jésus et de sa Mère sur le Calvaire mais en forme glorieuse, devint pour des siècles la règle souveraine de toute esthétique chrétienne. » (CRC n° 127, mars 1978, p. 5)

On peut dire jusqu’en 1898, date de la révélation du Saint Suaire. Avec le Saint Suaire, nous avons non pas, comme avec un stigmatisé, la reproduction des saintes Plaies de Notre-Seigneur, mais nous avons la photographie de ces Plaies et les traces de son Sang précieux. Par son combat pour la défense de l’authenticité du Saint Suaire et par sa dévotion pour l’insigne relique, notre Père s’est distingué au vingtième siècle, comme un disciple de saint François. Le Saint Suaire, révélateur de la véritable esthétique divine, rayonne de beauté.

Ainsi, saint François stigmatisé chantant son Cantique des créatures à la veille de sa mort est vraiment l’âme mystique parvenue au terme de l’union dans la foi avec son Créateur et Rédempteur. Il peut en toute vérité louer le Seigneur pour « notre sœur la mort corporelle », car, ayant parfaitement accompli la volonté de Dieu, il aspire à cette mort qui lui ouvrira enfin le Ciel où sont Jésus et Marie.

Oui, mais... Voilà que dans la plénitude de joie du Cantique des créatures surgit soudain cette parole terrible : « Malheur à ceux qui meurent dans les péchés mortels, car ils mourront de seconde mort. »

Le frère Éric Bidot, provincial de France des capucins, qui commente strophe par strophe le Cantique des créatures dans son livre La Création retrouvée (Éditions Emmanuel, 2021), passe sous silence ce seul verset. Aussi toute l’esthétique franciscaine qu’il présente dans cet ouvrage tombe-t-elle à plat, car il élude « la question ultime dont dépend toute la réalité de notre esthétique chrétienne ». C’est la question de l’enfer et des âmes qui y sont pour l’éternité. Car l’expression « seconde mort » est sans ambiguïté : elle désigne dans l’Apocalypse (Ap 21, 8), par distinction de la mort corporelle, la mort de l’âme du damné et sa condamnation à être plongé pour l’éternité dans « l’étang brûlant de feu et de soufre ».

DIVINE TRAGÉDIE.

Par sa mort rédemptrice sur la Croix, Notre-­Seigneur nous a rouvert les portes du Ciel ; tous ceux qui croient en lui et lui obéissent obtiennent le pardon des péchés et la vie éternelle. Ainsi, même nos péchés, pardonnés, entrent dans l’orbe du grand dessein de la miséricorde divine. « En définitive, écrit notre Père, la seule objection qui demeure à notre vision chrétienne de la beauté de ce monde, mais elle est de taille, elle paraît insurmontable, c’est le péché définitif, le péché sans rémission, le péché sans mélange de miséricorde, le péché enfin dressé contre Dieu et lui faisant obstacle, lui portant ombrage, le défiant éternellement. C’est l’histoire d’un drame qui finit mal, et cela s’appelle une Tragédie. Ce sont des paroles du Sauveur, fermes, incontournables, définitives :  Allez, maudits au feu éternel qui a été préparé pour le Diable et pour ses anges... Et ceux-ci iront au châtiment éternel ; mais les justes, à la vie éternelle.  (Mt 25, 41-46). » (CRC n° 128, avril 1978, p. 5)

La perte éternelle des âmes est la grande angoisse de Notre-Seigneur dans l’Évangile et c’est pour nous arracher à l’enfer qu’Il s’est offert en Victime d’expiation. Telle était aussi la grande angoisse de saint François, d’abord pour lui-même et ensuite pour tous ses frères humains ; aussi prêchait-il sans relâche que l’enfer existe et que nous pouvons y tomber. Dans l’un de ses écrits, particulièrement saisissant, il prend une illustration concrète pour inspirer aux fidèles l’horreur de la mort sans repentance. On retrouve là certainement le ton de ses prédications :

« Un homme sentant son corps s’affaiblir et sa mort approcher, ses parents et amis viennent lui dire :  Prends tes dispositions !  Et voilà sa femme et ses enfants, ses amis et ses proches qui font semblant de pleurer. Il regarde autour de lui, voit les siens en larmes et, se laissant aller à une émotion coupable, il pense en lui-même et dit :  Tant pis ! Mon âme, mon corps et tous mes biens, je les remets entre vos mains.  Vraiment cet homme est maudit, qui confie et remet son âme, son corps et tous ses biens en de telles mains. Aussi le Seigneur dit-il par le Prophète :  Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme.  (Jr 17, 5) »

« Aussitôt on fait venir un prêtre qui lui dit :

– Veux-tu recevoir l’absolution de tous tes péchés ?

– Oui, répond-il.

– Veux-tu, dans la mesure où tu le peux, prendre sur ta fortune pour réparer tes fautes et restituer à ceux que tu as volés et trompés ?

– Non !

– Et pourquoi non ? dit le prêtre.

– Parce que j’ai tout remis entre les mains de mes parents et amis...

« Et il commence à perdre la parole. Ainsi meurt-il, le malheureux.

« Or, que tous le sachent bien ; si un homme, – que ce soit ici ou là, aujourd’hui ou demain, de telle manière ou autrement, peu importe, – meurt en état de péché mortel, sans pénitence et sans réparation, alors qu’il avait la possibilité de réparer et qu’il ne l’a pas fait, le diable lui arrache l’âme du corps, lui causant tant d’angoisse et de tourment, que nul ne peut s’en faire une idée, sauf celui qui en est la victime. Talents, pouvoir et science, tout ce qu’il croyait avoir lui sera enlevé. Il le laisse à ses parents et amis qui emportent et se partagent ses biens, et qui disent ensuite :  Maudite soit son âme ! Il aurait pu nous donner bien davantage, et amasser plus qu’il n’a amassé !  Le corps est la proie des vers ; et ainsi perd-il son âme et son corps en ce monde qui passe si vite, et il ira en enfer où il sera tourmenté sans fin. » (Desbonnets et Vorreux, p. 116-117)

En esquivant cette tragédie de l’enfer éternel, le frère Éric Bidot, capucin, rompt avec la véritable spiritualité franciscaine qui ne considère rien de plus important que le salut des âmes. Mais il se réconcilie avec les humanistes et écologistes modernes qui apprécient la vision esthétique de saint François... pourvu qu’on ne leur prêche pas la conversion !

Mais, à l’adresse de tous les chrétiens tentés de relativiser l’existence irrécusable de l’enfer éternel, notre Père écrit : « Le péché irrémissible, le péché que vient sanctionner la damnation éternelle, nous arrache à la quiétude d’une esthétique naturelle. Il fait voler en éclat tout humanisme chrétien. » Il n’y a pas moyen d’intégrer le fait terrifiant de la perte éternelle des âmes dans notre vision de la beauté du monde. Une alternative se présente alors : soit la révolte, qui refuse ou passe sous silence cette vérité de foi ; soit le passage « de l’esthétique à l’éthique », c’est-à-dire à la lutte contre l’enfer et contre le péché qui y conduit.

Et pour sauver les âmes des pauvres pécheurs de l’enfer, en nos temps modernes, notre Bon Dieu a envoyé sa Sainte Mère. « Vous avez vu l’enfer où vont les âmes des pauvres pécheurs. Pour les sauver, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé », a dit Notre-Dame aux pastoureaux le 13 juillet 1917. Et si le frère Éric Bidot avait été fidèle à l’héritage de son Père fondateur, il aurait écouté ces paroles et il aurait adhéré de tout son cœur à la volonté de Dieu pour notre temps.

Le dernier grand saint franciscain, saint Maximilien-Marie Kolbe, sans connaître Fatima, était néanmoins entré dans la compréhension intime de ce grand dessein de la miséricorde divine, qui veut que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie prenne toute la place. Dieu le veut, Il l’a prévu de toute éternité.

TOUT PAR AMOUR DE L’IMMACULÉE.

Cela, certes, n’est pas explicite chez saint François, et c’est l’objection à laquelle s’est heurté le Père Kolbe au sein même de l’ordre franciscain. Certains frères, plus ou moins malveillants, disaient que le but de l’Ordre était d’observer l’Évangile en pratiquant les conseils évangéliques selon la Règle, et rien d’autre. Donc, l’Ordre ne devait avoir aucune dévotion particulière pour Marie. L’Évangile opposé à la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, nous connaissons cela...

Notre Père à la Fête-Dieu 2009.
Notre Père à la Fête-Dieu 2009.

Concluons donc par la réponse publique magistrale que fit saint Maximilien en 1933 : « Que nos contradicteurs disent un peu si, à l’époque de saint François, le dogme de l’Immaculée Conception était déjà proclamé. Étant entendu que nous ne devons pas seulement croire à l’Évangile, comme les protestants, mais aussi à la Tradition et aux enseignements de l’Église. Et même en nous limitant simplement à l’Évangile : de qui prend-il son origine, sinon de la Vierge Marie ? Qui est la Mère de Jésus ? Qui l’a éduqué ? La Très Sainte Vierge, n’est-ce pas ?

« Nous devons vivre l’Évangile, c’est-à-dire imiter Jésus-Christ, comme il est écrit dans la Règle. C’est vrai. Mais dans la Règle, on ne dit pas si l’on doit voyager en train... Ne prenons-nous pas le train ? La Règle ne dit pas d’utiliser l’électricité, cependant nous l’utilisons !

« Avec le temps, Dieu dévoile à l’homme des vérités nouvelles, vraies depuis l’origine des temps, mais inconnues des hommes. Il y a peu de temps qu’a été défini le dogme de l’Immaculée Conception, et déjà le temps de la définition du dogme de la Médiation universelle de Marie se prépare. Peut-être avec le temps d’autres privilèges de Marie seront-ils mieux illustrés et précisés. Du reste, le but de l’Ordre doit aussi découler de son histoire et de son activité ; et nous savons que notre Ordre s’est trouvé à l’avant-garde du culte marial, au point que la défense du dogme de l’Immaculée Conception a été appelée la thèse franciscaine !

« Le Père Andrasz, de la Compagnie de Jésus, m’a dit une fois :  Si l’Immaculée ne guérit pas le monde, personne ne réussira à le guérir. Et il a ajouté : Comment l’idée vous est-elle venue de publier le Chevalier de l’Immaculée, si actuel pour l’époque moderne, qui conquiert tant d’âmes à travers l’Immaculée ? 

« Que pouvais-je répondre, sinon que c’est une tradition de notre Ordre, et que si quelqu’un l’avait fait avant nous, cela aurait été une gifle pour nous ? La cause de l’Immaculée est notre devoir, remercions-la d’avoir daigné nous choisir.

« On nous fait reproche que Niepokalanow ne suit pas l’esprit de saint François parce qu’il a trop d’amour envers l’Immaculée ! Mais cela veut dire qu’on ignore l’histoire de l’Ordre, et combien saint François aimait la Vierge Marie, combien il encourageait les premiers frères à la vénérer. Il voulait que ses frères soient les vassaux de la Vierge Marie. Et qui étaient les vassaux de son époque, sinon des chevaliers qui combattaient pour leur suzerain. Saint François, donc, en voulant que ses frères soient les vassaux de Marie, vient nous dire que nous gardons son esprit lorsque nous voulons être les chevaliers qui combattent pour l’Immaculée. » (CRC n° 340, novembre 1997, p. 11)

Après saint Maximilien-Marie Kolbe, s’il y a un homme d’Église qui s’est fait le chevalier de la Bienheureuse Vierge Marie en défendant ses privilèges, c’est bien notre Père. C’est encore lui qui s’est appliqué à « illustrer et préciser » un nouveau privilège, en méditant sur le mystère de la préexistence de son âme.

Et puis en 1997, il lui a passé la main sans réserve en lui consacrant la Phalange. Finalement, il a entrepris de monter sur son Alverne, ainsi qu’il l’avait désiré, pour dix années d’un lent et crucifiant anéantissement. La prière de saint François sur l’Alverne, qu’il avait faite sienne au jour de sa profession perpétuelle, a été exaucée. Notre-­Seigneur lui a accordé la grâce d’être « embrasé de son amour » pour l’Immaculée Conception et aussi de « ressentir en son âme et son corps, les douleurs de sa très cruelle Passion ».

Ainsi, par toute sa vie, notre bienheureux Père s’est montré l’héritier des grands saints franciscains pour nos temps d’apostasie, et aussi pour le temps à venir du triomphe du Cœur Immaculé de Marie et de la renaissance de l’Église qui s’ensuivra.

frère Louis-Gonzague de la Bambina.