Il est ressuscité !

N° 214 – Octobre 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


« Frappe à la tête ! »

LE 1er juillet 1968, notre Père, l’abbé de Nantes,  fut sommé par le Saint-Office, sans doute sur réquisition personnelle de Paul VI, d’avoir à rétracter ses critiques du Pape, du concile Vatican II, des évêques français, et de leur jurer à tous une obéissance entière, inconditionnelle et sans limites. Une soumission à tous et à tout ! Notre Père avait quatre jours pour réfléchir et pour prendre sa décision, quatre jours qu’il vécut jusqu’au dernier moment comme « la plus dramatique alternative, sous le regard de Dieu, mon Maître et mon Juge ». Le 4 juillet, il s’était finalement résolu à « une soumission aveugle, entière, définitive ».

Mais ce jour-là, notre Père rencontra, à Rome, Mgr Marcel Lefebvre, alors supérieur des Pères du Saint-Esprit. Sans la moindre hésitation, ce dernier le dissuada d’une telle rétractation : « Vous ne pouvez pas. Vous n’en avez pas le droit. Nous-même l’avons écrit en son temps au Souverain Pontife : la cause de tout le mal est dans les Actes du Concile. Soyez ferme dans la vérité. » Et notre Père, se chargeant à nouveau de cette croix dont il s’était cru, un instant, “ délesté ”, refusa net le lendemain de signer l’acte de rétractation, malgré la sourde menace d’une excommunication qui lui était faite et qui ne viendra finalement jamais.

Nous commençons ainsi cet éditorial, car il se trouve que Mgr Vigano vient de rendre un vibrant hommage à Mgr Lefebvre qu’il considère « comme un confesseur de la foi », jugeant « que sa dénonciation du Concile et de l’apostasie moderniste est plus que jamais d’actualité ». Mgr Lefebvre confesseur de la foi... en l’Église ? Certainement pas. Et comme Mgr Vigano donne quelque espoir d’une salutaire réaction de la part d’un évêque contre les Actes du concile Vatican II, il est, de fait, d’actualité de rappeler que l’exemple du fondateur d’Écône est... à proscrire. Et c’est d’autant plus nécessaire que nous voulons garder la “ ligne de crête ” telle que l’a définie notre Père.

En effet, cette rencontre du 4 juillet 1968, à Rome, providentielle pour notre Père, le fut surtout pour Mgr Lefebvre qui se voyait ainsi pressé de suivre lui aussi l’ordre qu’il intimait à notre Père, c’est-à-dire : dénoncer la signature que lui-même avait consentie, en tant que Père du Concile, à tous les Actes de Vatican II, y compris la Déclaration sur la liberté religieuse qu’il savait être hérétique pour l’avoir vaillamment combattue lors de la préparation et du vote du texte ; s’opposer publiquement à cette réforme conciliaire et mettre directement, ouvertement, officiellement en cause, à l’exemple de notre Père, la responsabilité personnelle du Souverain Pontife. Or, force est de constater que Mgr Lefebvre ne fit rien de tout cela et préféra maintenir ce silence équivoque derrière lequel il s’était retranché depuis la clôture du concile Vatican II, pour se ménager le droit canonique de fonder ad experimentum la Fraternité sacerdotale Saint Pie X et un séminaire, à Écône, pour faire « l’expérience de la Tradition ».

Alors que dès le 6 janvier 1967, dans sa Lettre à mes amis n° 240, notre Père était déjà en mesure de dresser un bilan catastrophique de la réforme conciliaire, de dénoncer la collusion fondamentale entre le Pape en personne et les exécuteurs subalternes de cette réforme, de prendre la décision d’engager un combat de contre-réforme et même d’annoncer son intention de s’adresser directement au Souverain Pontife, Mgr Lefebvre attendra, lui, l’année 1974 pour manifester publiquement son opposition mais sans clairement mettre en cause les Actes et les discours du pape Paul VI. Il préféra encore louvoyer, ­professer envers et contre tout un attachement apparent au ­Souverain Pontife, toujours dans le dessein de sauver sa Fraternité Saint Pie X d’une éradication programmée, laquelle se produisit le 6 mai 1975 par décision de l’évêque de Fribourg agissant sur ordre de Paul VI.

Mgr Lefebvre va alors commettre deux erreurs majeures qu’il faut aujourd’hui rappeler, car nous les retrouvons sous la plume de Mgr Vigano.

La première erreur de Mgr Lefebvre fut de prétendre que depuis le concile Vatican II deux Églises parallèles coexistent : « l’Église réformée libérale » et « l’Église de toujours » que lui pensait pouvoir et vouloir sauver en instituant une « Église officieuse, discrète, humble, silencieuse, Église fidèle, qui maintiendrait “ la ” Tradition dans “ les ” traditions qui en sont le véhicule ordinaire ». Mais notre Père fait remarquer que « pour rehausser l’utilité, et bien plus, la nécessité vitale de cette Église parallèle, on ­accentua la défiance des fidèles envers la nouvelle Messe, jusqu’à la déclarer douteuse, injurieuse à Dieu, sacrilège, le plus souvent voire nécessairement invalide et donc idolâtrique. »

Mgr Vigano aujourd’hui fait sienne cette théorie des deux Églises. « Depuis Vatican II, une Église parallèle s’est formée, superposée et opposée à la véritable Église du Christ. Elle a progressivement occulté l’institution divine fondée par Notre-Seigneur pour la remplacer par une entité fallacieuse. » Et de recommander aux prêtres de ne célébrer « que la messe tridentine », de ne prêcher « qu’une saine doctrine sans jamais mentionner le Concile ». Quant aux laïcs, il les exhorte à « se rendre dans les églises où les prêtres célèbrent dignement le Saint Sacrifice, dans le rite qui nous est donné par la Tradition avec une prédication conforme à la saine doctrine. Lorsque les curés et les évêques se rendront compte que le peuple chrétien réclame le Pain de la Foi et non les pierres et les scorpions de la  néo-Église ”, ils abandonneront leurs craintes et se plieront aux demandes légitimes des fidèles. Les autres, véritables mercenaires, montreront ce qu’ils sont et ne pourront rassembler autour d’eux que ceux qui partagent leurs erreurs et leurs perversions. Ils s’éteindront d’eux-mêmes. »

À cette théorie qui conduit à dresser Église contre Église, notre Père répond qu’  « il est contraire à la foi catholique, insultant à la Parole de Dieu, tenant pour vaines ses Promesses, de déclarer : “ il y a deux Églises ”. Où voyez-vous deux Églises ? L’Église de Rome, Église historique, hiérarchique, visible, ­répandue par toute la terre, et... ? et quoi ? et qui ? Pour les “ donatistes ” d’aujourd’hui, la malice de dire qu’il y a deux Églises n’est qu’une manière captieuse, transitoire d’assurer le passage de l’ancienne et universelle Église à la nouvelle et particulière dont on nous dit qu’elle est aussi vraie, aussi fidèle, en attendant de proclamer qu’en définitive elle demeure la seule Église, seule fidèle, seule sainte, l’Église de Rome n’étant plus rien. Beau travail de schisme... » (CRC n° 107, juillet 1976)

Non ! ce qu’il faut comprendre, et ce dont notre Père a averti ses lecteurs avant même le concile Vatican II, dans son étude consacrée au Mystère de l’Église et l’Antichrist, c’est ceci : « Deux religions se battent dans l’unique Église, se disputant l’intelligence et le cœur des clercs pour escalader la hiérarchie et atteindre au pouvoir suprême, conciliaire, conclaviste, enfin pontifical, et ainsi se répandre sans obstacle dans tout le peuple fidèle. Ici, la religion de l’Antichrist et son culte de l’Homme, là notre religion chrétienne et son culte de Dieu seul. L’ancienne et parfaite religion révélée est aux prises avec la ­nouvelle religion inventée par les hommes qui en est la ressemblance blasphématoire. » (ibid.)

Et lorsque après la clôture du Concile, il fut patent que l’Église était emportée dans un mouvement général de réforme permanente, notre Père engagea un combat de contre-réforme qu’il encadra par deux règles. Première règle : ne jamais se déclarer, lui et ses amis qui voudront bien le suivre, l’Église à eux seuls, « répudiant cette Église réformée postconciliaire comme schismatique et hérétique » ; seconde règle : combattre « dans le Corps de l’Église, société visible où les hommes faillibles gardent leur pouvoir d’errer et de mal faire, ce schisme latent, cette hérésie parasite, cette irrecevable nouveauté qui en altère la divine pureté et en occulte la vraie vie » (Lettre à mes amis n° 240, 6 janvier 1967).

La deuxième erreur de Mgr Lefebvre, qui est d’ailleurs dans la suite logique de la première, c’est de s’être abstenu de tout recours au Pape.

Il est en effet extrêmement impératif pour quiconque refuse le désordre et la corruption du culte de la foi, de combattre cette réforme autorisée, commandée par une hiérarchie apparemment unanime avec à sa tête le Pape en personne, sans quitter cette Église qui le provoque à la révolte et qui souhaite ouvertement son départ. Il faut refuser la Réforme tout en restant dans l’Église. Mais comment dissocier la Réforme de l’Église qui l’impose ? « En attaquant la Personne du Pape comme étant, et elle seule, à la jointure des deux mondes, de l’ordre et du désordre, de la Tradition et de la subversion, de l’œuvre du Christ et des machinations de Bélial. » (CRC n° 38, novembre 1970)

Car un Pape en dehors de l’exercice de son magistère extraordinaire, solennel, peut faillir au point même d’être hérétique, schismatique et scandaleux. Et même hérétique, schismatique et scandaleux, le Pape, juge souverain de tous les fidèles, demeure le seul juge de sa propre cause, dans son infaillible magistère doctrinal. Le Pape infaillible juge sans appel le Pape faillible. C’est la solution de “ l’appel du Pape au Pape ” que notre Père déduit de la définition dogmatique du premier concile du Vatican. Mais attention, cette solution a pour conséquence que celui qui reproche au Pape d’être hérétique ou schismatique « ne doit pas s’en tenir là, mais il doit provoquer le processus juridique de sa déposition, ne pouvant ériger son jugement personnel en décision universellement et immédiatement exécutoire. » (CRC n° 69, juin 1973)

C’est précisément ce qu’a fait notre Père, d’abord dans cette lettre magistrale qu’il adressa à Paul VI le 11 octobre 1967 et dans laquelle il dénonça en toute clarté, à l’encontre même de celui qui en était l’instigateur, le projet d’une certaine réforme jamais vue, inouïe et insensée de l’Église, idée centrale tout à la fois du concile Vatican II et de son pontificat. Puis, à partir de 1973, constatant qu’aucune voix ne se dressait dans l’Église pour s’opposer à cette réforme, notre Père dressa contre le pape Paul VI puis contre le pape Jean-Paul II trois Livres d’accusation en hérésie, schisme et scandale, actes publics, actes loyaux, mais également actes de soumission au jugement infaillible demandé au Juge souverain qui en était canoniquement saisi. Aucun de ces deux Papes ne daigna rendre de jugement solennel et définitif dans l’exercice de leur infaillible magistère sur les accusations dont ils furent l’objet de leur vivant, « par le plus flagrant délit de forfaiture du Juge suprême ».

Mais il demeurait l’ultime remède : « qu’un évêque, lui aussi successeur des Apôtres, membre de l’Église enseignante, collègue de l’évêque de Rome et comme lui ordonné au bien commun de l’Église, rompe sa communion avec lui tant qu’il n’aura pas fait la preuve de sa fidélité aux charges de son suprême pontificat. » (CRC n° 89, février 1975) Mgr Lefebvre refusa obstinément de rompre sa communion avec le Pape, de le mettre publiquement en accusation pour hérésie, schisme et scandale. Tout en s’empressant d’exprimer à Paul VI son attachement sans réserve au Saint-Siège et au Vicaire du Christ, tout en discutant de la validité des nouveaux rites liturgiques et détournant ainsi des masses entières de fidèles du combat de contre-réforme, tout en s’érigeant seul « juge souverain et de la Rome de toujours et de celle d’aujourd’hui », tout en s’abstenant de révéler les raisons doctrinales de son refus de la réforme, Mgr Lefebvre n’en poursuivit pas moins, après le 6 mai 1975, les fondations de son œuvre et ordonnait le 29 juin 1976 quinze prêtres, nonobstant l’interdiction de Rome, en attendant de consommer son schisme, douze ans plus tard, par la consécration de quatre évêques sans mandat pontifical.

Mgr Vigano, prend-il le même chemin que Mgr Lefebvre qu’il admire tant ?

Il semble faire une analyse lucide à propos de Vatican II. Il vient d’écrire, dans une lettre publique datée du 21 septembre : « Le vice substantiel consiste à avoir frauduleusement conduit les Pères du Concile à approuver des textes équivoques, qu’ils considéraient néanmoins comme suffisamment catholiques, puis à utiliser cette même ambiguïté pour leur faire dire exactement ce que les novateurs voulaient. Ces textes, aujourd’hui, ne peuvent être modifiés en substance pour les rendre orthodoxes ou plus clairs : ils doivent être rejetés sous les formes que l’autorité suprême de l’Église jugera opportunes en temps voulu. »

Mais qui est l’autorité suprême dans l’Église ? C’est évidemment le Pape à propos duquel Mgr Vigano ajoute : « il faut noter que ce mécanisme inauguré par Vatican II a connu une recrudescence, une accélération, voire un essor sans précédent avec  Bergoglio ”, qui a délibérément recours à des expressions imprécises, astucieusement formulées en dehors du langage théologique, précisément dans l’intention de démanteler morceau par morceau ce qui reste de la doctrine, au nom de l’application du Concile. Il est vrai que chez  Bergoglio ”, l’hérésie et l’hétérogénéité par rapport au Magistère sont évidentes et presque éhontées ; mais il est tout aussi vrai que la Déclaration d’Abou Dhabi ne serait pas concevable sans Lumen gentium. »

Nous pouvons donc en conclure que Mgr Vigano est aujourd’hui à la croisée des chemins.

Ou bien il suit l’exemple de Mgr Lefebvre et ce qu’il dit, écrit et publie dans des blogs et autres sites internet n’a aucune portée sinon de s’ériger lui-même comme juge du Pape légitime et de créer contre lui un parti et indurer ainsi le schisme initié par le fondateur de la Fraternité Saint Pie X.

Ou bien il se met au service du bien commun de l’Église et il doit alors révéler au Saint-Père, et non pas seulement à ses lecteurs, ses soupçons d’hérésie, les raisons de son opposition aux Actes du Concile. Et en tant que successeur des Apôtres, il doit rompre sa communion avec l’évêque de Rome, lui remettre officiellement, solennellement, publiquement de manière à ce que nul n’en ignore, à commencer par tout le clergé de Rome, un acte d’accusation en hérésie, schisme et scandale et engager ainsi le Pape faillible à exercer son magistère infaillible en sa propre cause et trancher définitivement entre la vraie religion du culte de Dieu et de sa Divine Mère et la religion du culte de l’homme... et de la terre mère...

Et pour ce qui nous concerne, faisant nôtres les trois Livres d’accusation dressés par notre Père, nous demeurons en soustraction d’obédience pour discerner de notre mieux, selon le critère infaillible de la Tradition, ce qui procède du Magistère coutumier et catholique du Souverain Pontife régnant pour nous y soumettre, et ce qui vient de cette autorité usurpée pour la Réforme de l’Église que nous tenons pour nulle et non avenue. Même un “ avertissement ” de cette prétendue “ Conférence des évêques de France ” qui n’a aucune autorité canonique pour prononcer des jugements doctrinaux au nom de l’Église, ne peut nous distraire de ce service commun de l’Église ainsi que nous l’avons écrit récemment à Mgr Éric de ­Moulins-Beaufort.

Avec Notre-Dame de Fatima nous ne pouvons perdre la foi en l’Église et en son relèvement à l’appel de son magistère suprême, par la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Cette consécration se fera bien tard, mais nous savons que le Saint-Père la prononcera, sans doute lorsque les événements la lui imposeront comme l’ultime et unique moyen de miséricorde pour épargner au monde les justes châtiments vers lesquels il va tout droit et dont la crise sanitaire actuelle est un très sérieux “ avertissement ”.

COVID 19

Plusieurs choses à dire sur la crise sanitaire que nous venons de traverser. Elle a mis en relief plusieurs réalités cruelles.

1o Il ne faudrait pas oublier que ce virus nous vient de la Chine communiste ! Est-il d’origine animale ou s’est-il envolé par erreur d’un laboratoire ? Nous n’en savons rien, là n’est pas l’essentiel. Supposons que les Chinois ne soient pas coupables ou, au pire, qu’ils aient commis une erreur de laboratoire. Admettons. Mais là où ils sont gravement coupables, c’est qu’ils ont dès le début carrément menti sur les chiffres, sur leur nombre de malades, sur leur nombre de morts, ils ont menti sur la date de l’apparition du virus. Actuellement, ils n’avouent que 4 632 décès. Difficile à croire ! Ce mensonge sur les chiffres a eu pour conséquence d’inciter les médecins et les gouvernants occidentaux à sous-estimer la dangerosité de ce virus.

D’autre part, le docteur Alexandra Henrion-Caude rappelait que les soi-disant experts chinois nous ont également fait perdre un temps précieux dans la lutte contre le virus : un à deux mois. Quand le virus est arrivé en Europe, les Chinois ont proposé leur aide à l’Italie en disant qu’ils savaient comment gérer la maladie. La première chose qu’ils ont conseillée fut de ne surtout pas faire d’autopsie. Curieux, car la première chose à faire quand on voit qu’un virus inconnu tue est de monter un protocole d’autopsie complète des patients décédés. Or, on a préféré faire confiance aux Chinois.

Si on avait procédé à des autopsies dès le début, et non pas au mois de mars, on aurait considérablement diminué le nombre de morts, car on aurait compris pourquoi les patients suffoquaient, et on aurait vu que le virus n’attaquait pas directement le système pulmonaire, mais le système cardiovasculaire. On aurait ainsi mené une réflexion anticoagulante et on aurait réalisé une prise en charge médicale efficace plus tôt.

2o Parlons plus spécifiquement de la France qui fait partie des dix pays les plus touchés par la pandémie. Pourquoi nous ?

« Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? » C’est le titre de l’essai du professeur Christian ­Perronne publié au printemps sur la crise de la Covid. Le docteur Christian Perronne est chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital ­Raymond-Poincaré de Garches, professeur d’université, et il a pendant quinze ans présidé la commission maladie transmissible de l’actuel Haut Conseil de la Santé publique (HCSP). Sa fonction l’a conduit à con­seiller de nombreux gouvernements et ministres dans de grandes crises sanitaires comme celle de la pandémie H1 N1 de 2009, le SRAS, etc. Il connaît donc son sujet et il est de la maison.

Dans son livre, le docteur Perronne ne relève pas moins de onze scandales dans cette crise : pénurie de masques, absence de tests, attentisme du Conseil scientifique censé assister le gouvernement, conflits d’intérêts caractérisés chez les médecins qui font partie de ce Conseil scientifique, refus d’utiliser la chloroquine, interdiction faite aux généralistes d’en donner (c’est la première fois en France qu’on retire aux médecins le droit de prescrire ce qu’ils croient devoir donner à leurs patients), etc.

Le but ici n’est pas de nous affronter entre par­tisans pour ou contre la chloroquine. C’est aux médecins d’analyser les faits et d’en tirer les conclusions. Mais le but est de rappeler que la raison profonde de tous ces scandales, c’est la démocratie. La République, c’est la femme sans tête ! En crise comme en guerre, personne n’est responsable ; en République personne ne prend de décision, et tout le monde se cache derrière son parapluie. On a vu ça pendant la Première Guerre mondiale, pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans tous les grands scandales de la République. Cela ne nous étonne pas.

Le docteur Perronne écrit : « Y a-t-il un pilote dans l’avion France ? Oui, nous avions une pilote che­vronnée et même visionnaire, Agnès Buzyn, puisqu’elle avait compris avant tout le monde, dès décembre 2019, que nous courions à la catastrophe. Elle avait aperçu de loin la vague du tsunami. La ministre a donc attendu. Et sa dernière mesure, magnifique d’héroïsme, a été d’activer son siège éjectable avant le crash. » sic !

Donc c’est bien cela, c’est toujours comme ça en démocratie : il n’y a jamais de coupables, il n’y a jamais de responsables. Actuellement, plus de six cents médecins ont saisi la justice pour mensonge d’État : parions qu’aucune plainte n’aboutira. Ni Macron, ni Véran, ni les médecins du Conseil scientifique, ni les patrons d’industries pharmaceutiques, ni personne ne paiera, ni n’aura de comptes à rendre pour les milliers de morts qu’on aurait pu éviter si nous avions eu un chef compétent et un minimum de souci du bien commun de notre pays.

3o Beaucoup plus grave, l’Église progressiste, l’Église du pape François, soi-disant proche de tout homme et de tout l’homme, était aux abonnés absents pendant cette crise : ordre de fermer les églises, d’annuler les messes, de supprimer la liturgie de Semaine sainte, d’interdire aux prêtres de visiter les familles, d’assister les mourants, d’enterrer les défunts à l’église, etc. Résultat, et c’est Mgr Chauvet, recteur de la cathédrale de Paris qui l’a dit au micro de France info le 14 août : en France, « il y a environ 30 % de pratiquants qui ne sont pas retournés à l’église », soit qu’ils préfèrent maintenant continuer de suivre la messe à la télé, soit qu’ils ont été extrêmement déçus par nos pasteurs et qu’ils ont perdu toute confiance en eux. Voilà, c’est ça la vérité. L’Église a manqué à sa mission de sauver les âmes en soignant les corps.

LOI BIOÉTHIQUE

Cette démission de l’Église se manifeste plus encore dans son inertie face à la loi bioéthique proposée en octobre 2019 et adoptée déjà en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 31 juillet dernier. Elle devrait être définitivement adoptée par le Sénat en janvier 2021. C’est effrayant.

On nous parle tout le temps de la PMA, mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Cette loi est bien plus grave que ça ; en réalité c’est une loi qui institutionnalise la marchandisation du corps vivant en pièces détachées. Désormais, on pourra manipuler et vendre en toute légalité des embryons et des organes développés à partir de souches embryonnaires. Les gros laboratoires souhaitent pouvoir manipuler les cellules d’embryons pour les prendre comme modèles afin de faire des médicaments, d’étudier leur tolérance au corps humain, pour faire des modèles de médicament. Il y a donc derrière tout cela une fascination pour la recherche et la perspective d’un marché extrêmement juteux. Seulement, ça passe par le trafic d’embryons à volonté, et même la suppression de la frontière entre l’homme et l’animal. On est en pleine barbarie.

Le député Touraine, socialiste, franc-maçon notoire, mène les choses à un train d’enfer. Voici quelques mesures phares qui seront adoptées et qu’on peut découvrir sur le site de l’Assemblée nationale :

1o Jusqu’à présent, le recours à la PMA était accessible aux couples hétérosexuels sur indication médicale, désormais, il le sera aux couples de femmes et aux femmes seules.

2o La technique du double diagnostic préimplantatoire ou encore “ bébé médicament ” a été approuvée par 48 voix contre 30 (sur 577 députés !). Elle consiste, chez une femme qui a un enfant atteint d’une maladie rare qu’on veut sauver, à lui implanter un fœtus qui a été au préalable sélectionné (parmi d’autres fœtus qu’on a évidemment détruits) sur des critères de compatibilité génétique avec le premier enfant malade, de manière à ce qu’on soit sûr que ce deuxième enfant qui va naître puisse donner à son frère ou à sa sœur un organe compatible pour le sauver. Donc, cette loi est un premier pas vers ­l’eugénisme, puisqu’il permet de sélectionner les fœtus en fonction de leur patrimoine génétique.

3o Le titre IV affirme qu’  « aucune recherche sur l’embryon humain ne peut être entreprise sans autorisation », sauf si « la pertinence scientifique de la recherche est établie » et sauf si « cette recherche ne peut être menée sans recourir à des embryons humains. » Il a également été adopté. Ce titre donne toute liberté aux laboratoires de faire des expérimentations sur les embryons, de les modifier, de les détruire ou de les vendre. L’embryon ne compte plus pour rien.

4o Il est permis aussi aux laboratoires d’expérimenter des implants de cellules humaines sur des embryons d’animaux, et non pas (encore) de faire l’inverse. C’est le début de ce qu’on appelle les embryons chimères, on fait un mélange homme-­animal.

5o Le titre V autorise les avortements jusqu’au dernier mois de la grossesse si la mère risque sa « santé » ou si l’enfant à naître est atteint d’une « affection grave incurable ». Il supprime aussi le délai de réflexion obligatoire en cas d’IVG. Et il permet à toute jeune fille mineure d’avorter sans le consentement de ses parents.

Quelle a été la réaction de l’Église ? Mgr Lebrun a quand même parlé du Bon Dieu en octobre dernier : « Une société sans Dieu fait le choix de croire qu’elle devient Dieu en pouvant fabriquer des enfants, en étant maître de la vie. » 75 évêques ont publié sur le site de la CEF leur réaction contre cette loi. Seulement, leur réaction, qui n’est jamais canonique, est forcément neutralisée par les principes de la démocratie et de la liberté de la personne humaine auxquels ils croient. Concile oblige !

C’est ainsi que le 16 septembre 2019, l’année dernière, en conclusion d’un Congrès organisé aux Bernardins pour réagir à la loi bioéthique, Mgr de Moulins-Beaufort a dit que l’Église était contre cette nouvelle loi, mais il en a profité pour exprimer l’  « espoir que les personnes homosexuelles soient mieux connues et mieux reconnues dans nos sociétés, mieux respectées », et que « chacun soit moins obsédé par son orientation sexuelle et celle des autres, et davantage aidé pour intégrer paisiblement toutes les dimensions de son être et les dynamismes de son corps. »

C’est ainsi également que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Cultes, a rencontré, sans encourir le moindre reproche, un représentant de la Curie romaine et une partie du clergé français de Saint-Louis-des-Français lors de son voyage à Rome, le 31 juillet dernier, alors qu’on était en pleine discussion de la loi bioéthique à l’Assemblée nationale.

En fait, nos évêques et le Pape ne peuvent pas réagir de façon efficace contre cette loi qui conduit notre pays à la ruine morale et démographique, car toutes leurs protestations sont anéanties par la charte du Concile, à savoir par la sacro-sainte loi du respect de la démocratie et de la liberté et de la dignité de toute personne humaine, fût-elle la plus dépravée et la plus ennemie de Dieu, qui passe par-dessus l’obligation que nous avons d’obéir à Dieu : le culte de l’homme a surpassé le culte de Dieu, lequel pourrait bien nous en châtier par la guerre...

Le chaos qui règne actuellement dans le monde ressemble fort au tableau brossé par le début du psaume 2, le psaume de la royauté du Christ. Quoi d’étonnant puisque le pape François ne demande pas la paix au Cœur Immaculé de Marie, mais veut établir une fraternité universelle entre les hommes sur les bases de la rencontre d’Abou Dhabi, donc en invoquant Allah avec les musulmans ! Il faut tout de même essayer de comprendre les grands ressorts qui animent ce chaos, mais sans oublier que « Celui qui siège dans les cieux s’en amuse » et que « Adonaï les tourne en dérision » (Ps 2, 4). Chaque jour apporte son lot de révolutions et de guerres, que ce soit au Liban, en Biélorussie, en Russie, mais aussi autour de la Méditerranée avec la Libye, la Turquie en conflit avec la Grèce, la guerre en Syrie qui n’est pas terminée, l’Iran dont on parle toujours, des accords passés de façon surprenante entre Israël et des pays musulmans fanatiques... Qu’y a-t-il à comprendre dans ce chaos ? Essayons une clef.

L’AFFAIRE NAVALNY

Plusieurs pays européens affirment détenir des preuves de l’empoisonnement dont aurait été victime Alexeï Navalny. Le poison qui aurait été utilisé ? Apparemment du Novitchok, une arme chimique, de type militaire conçue au temps de l’Union soviétique... Mais de la composition d’une substance « du groupe des inhibiteurs de la cholinestérase » dont les médecins allemands n’ont pas été en mesure de préciser laquelle, il est impossible de déduire avec certitude l’origine du produit, encore moins l’identité de ceux qui en ont fait usage et certainement pas le mobile réel d’un tel crime... C’est d’autant plus difficile d’établir une telle relation de cause à effet que l’emploi du Novitchok, arme militaire donnée pour être d’une toxicité extrême, ne laisse en principe aucune chance à sa victime... qui a pourtant survécu en ce qui concerne Navalny, de surcroît sans séquelles, tout comme d’ailleurs Skripal il y a deux ans, dans des circonstances en tout point très semblables.

Donc, comme dans l’affaire Skripal, un deuxième crime de très haut vol... qui aurait complètement raté... commis par des services gouvernementaux russes pour débarrasser d’un rival politique Vladimir Poutine qui se serait empressé d’autoriser le transfert de Navalny en Allemagne et donner ainsi toutes les preuves pour se faire battre ? Certainement pas. C’est évident.

Certes, il s’agit bien d’une affaire de haut vol car elle requérait pour l’organiser une très grande expertise, mais dont l’objectif attendu, réel, a été jusqu’à présent parfaitement rempli. Et quel est-il ?

Engager les gouvernements européens, à commencer par ceux de la France et de l’Allemagne, à accuser d’une seule voix la Russie de ce prétendu crime.

« C’est du pain bénit pour ceux, nombreux en Occident, qui sont hostiles à la Russie, à Vladimir Poutine et à la nouvelle politique russe d’Emmanuel Macron, lancée au printemps 2019 », explique Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe de Moscou. Et au-delà des inimitiés, « d’importants intérêts économiques et politiques, tant russes qu’occidentaux – et notamment américains – sont également en jeu, souligne le professeur Souzdaltsev. » La clef ?

« “ Nord Stream 2 ”, tout est là. Ce chantier pharaonique, poursuit Jean Kedroff dans Valeurs Actuelles, de quelque 10 milliards d’euros, à ce jour presque achevé, est au cœur de débats entre pays européens, dont plusieurs demandent sa suspension. Le gazoduc de 1 222 km – doublant Nord Stream 1 entré en service en 2012 – devrait prochainement permettre d’acheminer le gaz russe sous la mer Baltique jusqu’en Allemagne. Il constitue un enjeu économique et stratégique majeur, tant pour la Russie que pour l’Europe. »

Chantier stratégique pour l’Europe de l’Ouest, il l’est aussi, mais pour des raisons radicalement inverses, vis-à-vis des États-Unis. Grâce à l’exploitation de leurs immenses, mais coûteux gisements de pétrole et de gaz de schiste, les Américains sont devenus un acteur majeur dans le marché mondial de l’or noir et de l’or bleu. Ils voient donc d’un très mauvais œil ce gazoduc réalisé au détriment de leur propre gaz, au point d’avoir infligé à la fin de l’année 2019 toute une série de sanctions commerciales aux entreprises associées au projet.

Leur attitude est devenue plus agressive encore avec la guerre des prix lancée par la Russie et l’Arabie Saoudite sur les produits pétroliers, sans compter la crise sanitaire qui a occasionné un grand ralentissement de l’économie mondiale. L’Allemagne et la France tenaient bon... jusqu’à l’affaire Navalny. Angela Merkel, suivie de peu d’Emmanuel Macron, sont montés au créneau pour exiger de la Russie des explications dans les plus brefs délais, sans d’ailleurs communiquer les propres informations dont eux-mêmes disposeraient, et voici que l’abandon de Nord Stream 2 est à l’ordre du jour alors qu’il ne reste plus que 150 km de tubes à poser au fond de la Baltique. Tout est fait pour séparer la Russie du reste de l’Europe, contre les intérêts de la France. Et les événements qui se déroulent en Biélorussie en sont une nouvelle preuve.

LA BIÉLORUSSIE

La Biélorussie connaît des mouvements sans précédent de manifestations depuis la réélection, le 9 août dernier, de son président, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis l’année 1994. Scénario classique des révolutions “ colorées ” : le scrutin est contesté par la prétendue communauté internationale qui soutient l’opposante déclarée Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée depuis en Lituanie, et à laquelle Emmanuel Macron vient de rendre visite pour lui apporter son soutien ; des manifestations monstres sont organisées tous les dimanches dans les rues de Minsk et dans les principales villes du pays, par réseaux sociaux interposés d’une redoutable efficacité, pour exiger le départ du pouvoir du dernier « dictateur d’Europe », pour reprendre les propres termes des États-Unis...

La Russie, elle, tempère prudemment la crise. La Biélorussie est un pays qui lui est très proche à tous les points de vue, y compris sur le plan économique. La majorité de la population parle russe et, à la différence de l’Ukraine, il n’y a pas, en son sein, de mouvement “ antirusse ”. Mais il se trouve que les deux pays sont membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et sont liés par le Traité sur l’État de l’Union. À ce titre ils sont tenus à une entraide mutuelle pour garantir leur souveraineté, leurs frontières extérieures et leur stabilité, et la Russie a annoncé qu’un groupe de réserve était prêt à entrer en action, mais n’a pas prévu de faire appel à ses services tant que les manifestations ne dégénèrent pas en émeutes insurrectionnelles, comme ce fut le cas en Ukraine.

Ce même traité sur l’État de l’Union, signé en 1999 par Boris Eltsine et Alexandre Loukachenko, prévoit une intégration des deux États. Il n’a jamais été appliqué du fait de la très mauvaise volonté du chef d’État biélorusse, qui vient de faire un virage à 180° sur ce sujet, eu égard à l’évolution de la situation intérieure dans son pays. Vladimir Poutine s’est déclaré convaincu que son homologue parviendra à résoudre la crise. Il le soutient dans son projet de réforme constitutionnelle et a confirmé une aide de la Russie à hauteur de 1, 5 milliards de dollars pour l’économie biélorusse sérieusement mise à mal. Et les deux parties prenantes du traité sont désormais bien d’accord pour travailler sérieusement sur les perspectives d’intégration entre les deux États.

Ce qu’il faut retenir de ces événements actuellement en cours, c’est que la Russie intervient toujours comme un rempart contre la révolution que nos pays européens, dans le sillage des États-Unis, ne cessent de semer au nom des Droits de l’homme.

LA TURQUIE

La crise en Méditerranée orientale vient de baisser d’un cran avec le retrait du navire turc de forage Oruç Reis et l’ouverture de négociations entre la Turquie, la Grèce et Chypre. Mais elle pourrait bien un jour déboucher sur un conflit. De quoi s’agit-il ? D’un nouvel accès de “ fièvre ”, au demeurant bien calculé, de Recep Tayyip Erdogan dans ce que Richard Labevière appelle son « projet  néo-ottoman  censé restaurer le prestige de l’ancien empire démantelé à la fin de la Première Guerre mondiale. Parfaitement irréaliste sur un plan géopolitique, cette politique s’avère idéologiquement très efficace. »

Avant-hier la Syrie, hier la Libye, aujourd’hui c’est au tour de la Grèce et de Chypre de faire les frais des ambitions de la Turquie. En litige et pour l’essentiel : les zones économiques exclusives, et donc les ressources en gaz auxquelles elles pourraient donner droit et que les îles grecques parsemées tout au long de la côte anatolienne, souvent même à quelques kilomètres seulement du littoral turc continental, confèrent à la Grèce, mais aussi à Chypre. La Turquie, qui n’a pas ratifié la convention de Montego Bay, revendique à l’encontre de ses voisins sa souveraineté sur ces zones maritimes et n’a pas hésité à envoyer cet été un navire de recherche sismique, l’Oruç Reis, escorté par une douzaine de navires militaires, dans le dessein d’effectuer des recherches de ressources gazières.

La Grèce a déployé ses forces navales, y compris ses sous-marins, mais également sa diplomatie.

La France, qui représente la deuxième zone économique exclusive au monde après les États-Unis, a apporté son soutien à la Grèce et pas seulement par de solennelles protestations, mais en multipliant des exercices conjoints, en envoyant des avions de type Rafale ainsi que le porte-hélicoptères Tonnerre et la frégate La Fayette. D’où des rapports de défiance entre la France et la Turquie en Méditerranée orientale. « Depuis plusieurs mois, écrit Le Figaro, les marines se toisent et s’observent alors qu’Ankara tente la politique du fait accompli pour faire valoir des droits au sud de Chypre et faire circuler des navires violant l’embargo sur les livraisons d’armes en Libye. Paroxysme des tensions des derniers mois, un navire de guerre turc a, en juin,  illuminé ”, c’est-à-dire visé avec son radar de tir, la frégate Le Courbet qui tentait d’interroger un bâtiment suspect, Le Cirkin, dans le cadre de la mission de l’OTAN Sea Guardian. »

La France s’est finalement retirée en partie de cette mission et Florence Parly, ministre des Armées, a protesté au sein de l’OTAN contre le comportement agressif de cet “ allié ”. Huit membres seulement de l’Organisation ont accepté de la suivre.

Et de fait, les États-Unis n’entendent pas prendre part à une affaire qui oppose deux membres de l’Alliance. Résultat, le secrétaire général d’une OTAN plus que jamais fidèle à son déni vis-à-vis du problème turc a préféré s’aligner sur les efforts diplomatiques d’Angela Merkel et appeler au « dialogue » et à la « désescalade ».

Car l’Allemagne, entraînant dans son sillage l’Autriche, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède, avec un million de ressortissants en Turquie, cinq millions de Turcs sur son territoire, plus de vingt milliards d’euros de commerce avec Ankara et la crainte d’un redoutable chantage aux migrants, ne tient pas à entrer en conflit avec la Turquie.

Ainsi la France, même avec une Italie qui a perdu sa capacité opérationnelle en se concentrant sur des missions de “ garde côte ”, se retrouve pour ainsi dire à peu près seule sur ce dossier turc qui pourrait bien un jour dégénérer en un véritable conflit armé. La Méditerranée orientale constitue un carrefour stratégique entre l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, et même un enjeu géostratégique avec ses ressources énergétiques. La France a donc des intérêts à défendre. Mais si elle dispose incontestablement d’un haut niveau de préparation opérationnelle, notre marine est étirée sur l’ensemble du globe « avec des engagements qui la poussent aux limites d’un format notoirement insuffisant et qui ne laissent à Paris que peu de marges de manœuvre », ainsi que le note Stéphane Audrand, spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles. Alors, sur qui compter ?

Mais sur la Russie ! qui trouverait sans doute un intérêt à faire la “ police ” au sein d’une Alliance Nord-Atlantique qu’Emmanuel Macron avait lui-même jugée « en état de mort cérébrale ». Ayant désormais sécurisé en partie sa position en Syrie notamment vis-à-vis de la Turquie à laquelle elle a cédé le 5 avril 2018 quatre batteries de son redoutable système de défense antimissile S 400, la Russie est certainement aujourd’hui la puissance la mieux à même de tenir à distance, de circonscrire ce pays qui ne cesse de mettre le désordre partout où il passe, au gré de ses ambitions géopolitiques. Et sans oublier les relations étroites, non seulement économiques mais religieuses, de la Russie avec une Grèce et une île de Chypre majoritairement orthodoxes.

Et si la France a un rôle à jouer en Méditerranée orientale, et elle en a certainement un conjointement avec la Russie, le Liban se trouve nécessairement dans sa ligne de mire... diplomatique, comme Emmanuel Macron semble l’avoir compris en se rendant à Beyrouth très rapidement après l’explosion qui a ravagé la ville.

LE LIBAN

L’explosion tragique qui a eu lieu à Beyrouth le 4 août dernier a tué près de 200 personnes, en a blessé 7 000 et mis 300 000 dans les rues, sans abri. Impossible pour l’instant d’en connaître les causes immédiates, mais la cause profonde doit être recherchée « dans l’incurie et la corruption du système politique libanais », comme le notent Georges Chebib et Sébastien Boussois, c’est-à-dire dans cette “ démocratie à la libanaise ” tant vantée par Paul VI, en 1975, qui exaltait la coexistence pacifique des diverses religions dans ce pays.

Première responsable de cette situation : la classe politique, la classe dirigeante libanaise qui depuis trente ans vit littéralement sur le dos de la population et qui a plongé le pays dans la pire crise financière et sociale de son histoire.

Deuxième facteur à prendre en compte : la profonde division de la population du pays, entre musulmans sunnites et les musulmans chiites, ces derniers rassemblés au sein du Hezbollah (le “ Parti de Dieu ”), très hostile à Israël et très proche de la Syrie, de l’Iran surtout et, en arrière-plan, de la Chine. Enfin, séquelle de la guerre civile : les chrétiens maronites divisés entre ces deux alliances.

Ces faiblesses politiques, religieuses et économiques ont placé le Liban dans un état de dépendance complète vis-à-vis d’un étranger qui considère son territoire comme un champ de bataille idéal pour régler ses grands différends internationaux.

Les États-Unis ne semblent pas avoir de visée géostratégique à long terme sur ce petit territoire, mais ils constatent que d’autres puissances en ont. À commencer par la Chine pour laquelle le Liban constitue un maillon clé dans son projet gigantesque de Route de la soie destiné à relier par un faisceau de voies de communication l’Empire du Milieu à l’Europe en passant par l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban et Israël pour aboutir notamment sur les ports libanais de Tripoli et Beyrouth, donc en façade orientale de la Méditerranée. Or ce projet reçoit un accueil très favorable de la part du Hezbollah allié par ailleurs aux intérêts de la Syrie et de l’Iran contre Israël.

D’où l’intervention des États-Unis sous la forme d’actions financières pour tenter de neutraliser directement ou indirectement l’influence du Hezbollah et les intérêts tant de la Chine que de l’Iran, en provoquant, fin 2019, la fermeture des banques libanaises, la diminution très nette de la masse de dollars en circulation, l’effondrement de la livre libanaise et la fuite des capitaux.

Le 19 décembre 2019, Hassan Diab, un sunnite indépendant, forme à la demande du général Aoun un nouveau gouvernement avec pour mission urgente de mettre en place un plan de réformes et convaincre ainsi le Fonds Monétaire International d’apporter son concours financier pour redresser la situation économique du pays. Beaucoup de réformes sont réalisées par ce gouvernement en sept mois, mais il tombe sous la pression de la rue quelques jours après la double explosion du 4 août. À ce jour, le Liban n’a toujours pas de gouvernement.

Dans notre conférence d’actualités du 5 janvier dernier, nous avions dit que « jamais le Liban ne pourra se redresser tant que l’État libanais souffrira de sa faiblesse chronique qui le paralyse depuis des lustres, et tant que le pays sera littéralement esclave des États-Unis et d’Israël ainsi que de la France républicaine et de l’Arabie saoudite ». Il se trouve qu’Emmanuel Macron semble vouloir jouer un rôle pour faire nommer un « gouvernement de mission et non un gouvernement politique », et faire mettre en œuvre les réformes et actions nécessaires afin que le Liban puisse obtenir une aide internationale.

De fait, la France a certainement un rôle à jouer, tout particulièrement vis-à-vis des chrétiens maronites qui lui sont liés depuis les Croisades et que nous avons abandonnés lors de la guerre civile. Mais que peut-elle aujourd’hui proposer à long terme si ce n’est les solutions mortelles de la démocratie qui font précisément le malheur du Liban ? Si la France n’était pas elle-même aux mains d’un pion de la judéo-­maçonnerie, elle se mettrait d’accord avec la Russie pour lancer un programme de restauration de l’État libanais et donc de l’indépendance du pays.

Cela pourrait consister par exemple à faire attribuer les pleins pouvoirs au général Aoun, actuel président de la République, afin de débloquer la situation politique. L’une de ses premières tâches serait de finaliser l’accord de défense avec la Russie, en projet depuis plusieurs années, pour équiper le pays des systèmes antimissiles S 400 et interdire l’espace aérien à l’aviation israélienne.

Cette mesure permettrait au Liban de retrouver sa souveraineté militaire vis-à-vis des États-Unis et d’Israël, et de réintégrer les soldats du Hezbollah au sein de l’armée nationale, qui deviendrait ainsi capable de faire face à toute agression étrangère. Le lien avec l’Iran ne serait plus justifié, ou en tout cas il pourrait être officialisé et réglé de façon souveraine par le chef de l’État, sans que les Perses imposent au Liban une contrepartie à l’égard d’Israël. Tout cela pourrait permettre à l’État libanais de commencer l’exploitation de son gaz offshore disputé par Israël, et ainsi de relancer la production d’électricité et le fonctionnement du pays.

Si la France et la Russie heureusement concertées pouvaient se rapprocher et travailler ensemble pour ce temps de paix qui nous est promis par Notre-Dame de Fatima et contrecarrer les desseins tant des États-Unis que de la Chine... Mais il faut que la Russie se convertisse... et le Saint-Père également, puisque lui seul détient les clés du salut du monde par la consécration de cette nation au Cœur Immaculé de Marie. Prions beaucoup pour le Saint-Père !

frère Bruno de Jésus-Marie.