Il est ressuscité !

N° 221 – Mai 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


GEORGES DE NANTES, DEFENSOR FIDEI

contre l’apostat Hans Küng
et le moderniste Ratzinger-Benoît XVI

LE moderniste suisse allemand Hans Küng est mort le mardi de Pâques 6 avril, paraissant devant Dieu pour son jugement éternel, sans avoir rétracté ses négations des mystères de la Sainte Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption, son rejet de la réalité historique de la résurrection de Jésus-Christ, ses blasphèmes contre l’Eucharistie et le Sacré-Cœur, ses outrages insupportables à l’Imma­culée Vierge Marie, ni sa contestation très médiatisée de la morale chrétienne qui a favorisé les chutes et les désertions d’une multitude de prêtres et de fidèles.

Hans Küng a toujours refusé de se soumettre aux molles injonctions de la Rome conciliaire, dans les années 1970. Notre Père s’indignait alors de la faiblesse du Pape, qui tournait à une véritable complicité : « Qu’est-ce que Paul VI attend pour rejeter hors de l’Église cet apostat triomphant et toute sa maffia, ou pour la quitter Lui-même et en fonder une autre avec eux ? » Et encore : « Qu’attend Paul VI pour excommunier ces contempteurs de la morale naturelle et de la loi évangélique ? Il ne peut tarder sans encourir avec eux l’anathème ! » (CRC no 37, octobre 1970, p. 6)

Sous les pontificats suivants, le théologien rebelle continua par son impiété provocante à blesser le très Saint Cœur de Jésus et Marie et à scandaliser les fidèles, sans être jamais frappé d’une peine canonique.

Il fut même reçu par le pape Benoît XVI, quelques mois après son élection au souverain pontificat, le 24 septembre 2005. « La salle de presse du Saint-Siège souligna que la rencontre s’était déroulée “ dans une atmosphère amicale ”. Benoît XVI appréciait “ l’effort du professeur Küng pour contribuer à une reconnaissance renouvelée des valeurs morales essentielles de l’humanité à travers le dialogue des religions et dans la rencontre avec la raison séculière ”, soulignant “ que l’engagement pour une conscience renouvelée des valeurs qui soutiennent la vie humaine est également un objectif important de son pontificat ”. »

En 2013, Küng prit position publiquement pour le « suicide assisté. Atteint d’un Parkinson, il n’entendait pas en passer par la déchéance intellectuelle ou, au-delà d’un certain point, physique. » Aussi, envisageait-il « de mettre fin à sa vie terrestre au moment où cette dernière cessera de coïncider avec son idée de la dignité ».

L’été dernier, le sachant proche de mourir « paisiblement », le très moderniste cardinal Walter Kasper, son ami de longue date, téléphona au pape François qui « m’a dit de lui transmettre ses salutations et ses bénédictions  dans la communauté chrétienne ” » (L’Osservatore romano, 7 avril 2021).

Cela a été publié le lendemain de sa mort par le cardinal Kasper dans l’Osservatore romano en langue italienne, sans provoquer le moindre démenti. C’est renversant. Le pape François acquiesçait donc à ce que Küng avait osé prétendre à la dernière page de ses Mémoires : « Peu importe comment le système et ses administrateurs peuvent me juger, je suis encore chez moi dans la grande communauté chrétienne des fidèles. » (Küng, Mémoires, éd. Cerf, 2006, p. 550)

Pour comprendre ou, plus précisément, pour expliquer l’attitude si conciliante, si bienveillante des Papes à l’égard de cet apostat, de Jean XXIII à François, il faut remonter au concile Vatican II.

« LE BON DÉPART DE VATICAN II. » (HANS KÜNG)

Avec plusieurs théologiens comme le professeur Karl Rahner et son émule, Joseph Ratzinger, Hans Küng fut un des artisans de la révolution opérée par Vatican II. Leur première victoire fut le discours d’ouverture du Concile, du 11 octobre 1962. « Les Pères, écrivait l’abbé de Nantes, y apprirent qu’ils ne devraient pas faire œuvre dogmatique, définir des vérités divines ni dénoncer les erreurs de ce temps, et surtout ne condamner personne. Les hommes, maintenant adultes, savent reconnaître par eux-mêmes les doctrines pernicieuses et on se souvient avec quelle désinvolture cruelle Jean XXIII traitait les prophètes de malheur ! Ce Concile préférait les voies de la miséricorde à celles de la sévérité, usitées jusqu’alors. Il serait ouvert, pastoral, œcuménique. “ Ces accents ne sont-ils pas tout nouveaux ? remarquait Hans Küng, expert du Concile. C’est le refus du doctrinalisme,... le refus évident d’un anti- protestantisme purement défensif et polémique, et d’un anti-modernisme moralisateur et figé dans une attitude négative ; mais c’est aussi le refus de cet anticommunisme de teinte méridionale, etc. ” (Küng, Le bon départ de Vatican II, p. 68) Grande nouveauté, en effet ! Le Magistère solennel, dans ses assises œcuméniques, décide de ne plus faire le départ de la vérité et de l’erreur, de tout admettre et de ne rien proscrire. Il décide de laisser les hommes à leurs opinions sans se prononcer infailliblement ni rien ordonner impérativement au nom de Dieu. » (Lettre à mes amis no 212 du 15 septembre 1965)

Avec davantage de maîtrise et de retenue que son ami Hans Küng, l’abbé Ratzinger, jeune théologien privé du cardinal Frings, de Cologne, exprimait lui aussi son contentement : « Le climat du Concile fut tout de suite marqué par la largeur d’esprit de Jean XXIII. On semblait enfin réussir à dépasser la névrose de l’antimodernisme. » (Regard rétros­pectif de la première session, Bonn, 19 mars 1963)

MANŒUVRES ET VICTOIRES 
DE KÜNG ET DE RATZINGER

En 1962, l’abbé Hans Küng, alors âgé de trente-quatre ans, fut l’un des premiers à préparer la deuxième grande victoire des novateurs. « Rahner, raconte-t-il, avait déjà fait une conférence à Tübingen, le 14 janvier 1962, au sujet du Concile, une conférence accueillie avec enthousiasme par mes étudiants qui avaient pu constater l’accord de ses positions avec celles de leur propre professeur de théologie. Déjà, à cette époque, nous avions fait des plans pour lutter contre la stratégie curiale conciliaire. » (Mémoires, p. 304) C’est-à-dire contre l’œuvre préparatoire des théologiens romains, souvent membres du Saint-Office.

Quinze jours avant l’ouverture de Vatican II, il voulut rencontrer en urgence le dominicain français, auteur de Vraie et fausse réforme dans l’Église, Yves Congar, dont les erreurs, rappelons-le, avaient été détectées par le Saint-Office dès 1937, après la parution de son livre Chrétiens désunis.

Congar raconte : « Küng m’a téléphoné le 27 septembre au matin, en demandant à me voir. Le même jour, il est venu de Tübingen [à Paris] pour cela.

« Lui, d’accord avec plusieurs théologiens allemands, en particulier Möller, de Tübingen, estime les quatre schemata dogmatiques mauvais : il faut non les amender, mais les rejeter. Amendés ils resteront substantiellement ce qu’ils sont. Or, ils formulent une théologie d’école, celle des écoles romaines. Pour le public, et même pratiquement pour les clercs moyens, leurs constitutions passeront pour des définitions de foi. Ce sera un durcissement de plus dans un sens qui n’offre pas de vraies possibilités de dialogue avec la pensée de nos contemporains.

« Pour se donner de meilleures chances de refus, dit Küng, il faut éviter que ces schémas dogmatiques soient proposés les premiers.

« Nous envisageons les possibilités d’action en ce sens.

« J’attire cependant l’attention de Küng sur le danger et l’inconvénient qu’il y aurait à donner l’apparence d’un paraconcile de théologiens qui voudrait influencer le vrai concile des évêques. Küng aurait voulu tenir à Rome une réunion de théologiens. Je lui ai formellement déconseillé de le faire. Nous susciterions l’impression :

« 1. que des théologiens veulent dicter au Concile sa ligne. Cela rappellerait fâcheusement Döllinger ;

« 2. qu’on trame un complot.

« Or, toute action suscite une réaction. Notre action attirerait un durcissement de l’ensemble immobiliste et scolasticard, qui représente peut-être la majorité numérique [des Pères du Concile]. » (Mon Journal du Concile, t. I, éd. Cerf, 2002, p. 101)

Congar, tout à fait d’accord sur le fond avec Küng, était beaucoup plus prudent et rusé...

On n’en finirait pas si l’on voulait raconter toutes les intrigues et les manœuvres des réformistes, particulièrement contre le schéma préparatoire sur les sources de la Révélation, marqué selon Congar par un esprit antiprotestant, de Contre-Réforme, incompatible avec les nécessités de notre temps. Ils obtinrent le 21 novembre 1962, grâce à Jean XXIII et à sa violation du règlement conciliaire, le rejet du schéma, puis à la fin de la première session la mise au pilon de tous les autres schémas préparés par la Commission théologique. « L’abbé Joseph Ratzinger déclara que l’absence de tout texte conciliaire approuvé constituait le grand, l’étonnant résultat, véritablement positif, de cette session. Le fait qu’aucun texte n’ait remporté l’assentiment des Pères conciliaires était pour lui la preuve d’une forte réaction contre l’esprit qui avait sous-tendu le travail préparatoire. Ne dissimulant pas sa jubilation, l’abbé Hans Küng affirmait que ce qui avait été naguère le rêve d’un groupe d’avant-garde dans l’Église s’était répandu et avait, grâce au Concile, pénétré toute l’atmosphère de l’Église. Il voyait dans le rejet du schéma sur les sources de la Révélation un grand pas dans la bonne direction. C’est bien là quelque chose qu’en Allemagne nous avions tous espéré mais, n’étant qu’une faible minorité, nous ne songions pas que cela fût possible. » (Cité dans Pour l’Église, t. II, éd. CRC, p. 20)

Le lendemain de leur victoire, le 22 novembre au soir, Rahner, Küng, Ratzinger et Schillebeeckx décidaient d’un commun accord de créer Concilium, revue théologique d’avant-garde, « dans l’esprit du Concile ». En 1958, Rahner avait refusé de se lancer dans une telle aventure : « Nous ne pourrons pas y écrire ce que nous voudrons écrire », avait-il répondu à l’éditeur hollandais Paul Brand. Mais comme Jean XXIII avait révélé ses intentions par ses différentes interventions au Concile – son discours d’ouverture, le rejet du schéma sur la Révélation, les nominations de nouveaux experts dont Küng en personne –, les réformistes n’avaient plus à s’inquiéter d’une éventuelle censure. Congar écrivit le premier article du premier numéro de la revue et Ratzinger, le deuxième.

Congar appréciait particulièrement ce dernier : « Heureusement qu’il y a Ratzinger. Il est raisonnable, modeste, désintéressé, d’un bon secours. » (Mon Journal du Concile, t. II, p. 355) D’un bon secours, parce que plus posé, plus doux, plus fin et plus habile que Küng, mais l’un et l’autre s’entendaient à merveille à cette époque, chacun s’activant à sa manière dans le complot moderniste.

À l’été 1963, Ratzinger se réjouissait de la venue probable de Küng à Münster pour occuper la première chaire de théologie dogmatique de l’université où lui-même enseignait. Küng lui répondit : « J’ai constaté rapidement à Rome [au Concile] que nous sommes sur la même longueur d’onde, voilà ce qui importe. » Quant à Ratzinger, il lui écrivait : « Je n’ai pas besoin de vous dire combien je partage votre avis » à propos de la nécessité d’une nouvelle théologie pour une conciliation avec les protestants. Finalement, ce fut Ratzinger qui rejoignit Küng à l’université de Tübingen, pour poursuivre la carrière qu’il ambitionnait secrètement et qui le mènera effectivement jusqu’au souverain pontificat.

LA SECTE GOUVERNE LE CONCILE.

Les réformistes n’ignoraient pas les critiques argumentées de l’abbé de Nantes. Au lendemain de l’ouverture de la troisième session, le 15 septembre 1964, Yves Congar nota dans son Journal du Concile : « Mgr Guerry m’apporte des copies de Lettres où un certain abbé Georges de Nantes m’attaque. Cela ne m’intéresse pas, mais Mgr Guerry pense qu’il faut [sic] répondre : c’est maintenant répandu à dix mille exemplaires et soutenu par des patrons [sic]. » (t. II, p. 137)

Assurément, il fallait répondre à cet abbé Georges de Nantes... ou lui donner raison ! Et il le faut encore aujourd’hui.

Congar ne lui répondit jamais... En revanche, il le diffama, comme nous le verrons plus loin.

L’abbé de Nantes comprenait parfaitement les raisons de l’évolution catastrophique de ce « funeste Concile » et le rôle qu’y jouaient ces novateurs, notamment Hans Küng, théologien privé de l’évêque de Paderborn. Il écrivait dans sa Lettre à mes amis de la Pentecôte 1965 :

« Il y a dans l’Église une poignée de docteurs orgueilleux et de mauvais bergers. Ils veulent en chasser tous ceux qui s’opposent à leurs projets pour dicter en maîtres leurs volontés à la hiérarchie et y contraindre le peuple. Ce sont les princes du Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle, et le Concile est devenu le moyen de leur victoire.

« Dès l’ouverture du Concile, le conseiller de l’évêque de Paderborn avait pris une position à vrai dire inquiétante, dans son livre Le Concile, épreuve de l’Église. Le thème en était clair : un Concile se réunit pour accomplir une certaine réforme et certains progrès, connus de Dieu, et qu’inspire à ses membres l’Esprit-Saint. Certains ont réussi, d’autres non. Hans Küng expose alors ce que l’Esprit-Saint veut voir accompli par Vatican II. Lui, Küng, expert, sait les projets de Dieu ; il les énonce, pour que les Pères puissent les suivre, et que nous sachions clairement si le Concile obéit ou manque à la volonté de Dieu.

« Dans le présent article, Hans Küng ne donne au Concile qu’un satisfecit partiel. Les plans annoncés par lui, la réforme divine tracée a priori par les experts ont été décidés, proclamés, mais aussi sabotés. “ Des résultats substantiels ont été obtenus ”, mais non sans “ revers ”... Et Hans Küng dresse la liste de huit points sur lesquels les obstructionnistes ont réussi, malgré “ les réactions très critiques de la presse du monde entier ”, à bloquer la marche en avant du réformisme. Dans cette conjoncture, la Secte [moderniste] doit adopter deux attitudes, complémentaires, qui vont travailler la hiérarchie en tenaille. L’une, pragmatique, consiste à exploiter au maximum les décisions favorables au Mouvement et à y précipiter au plus loin le plus grand nombre. L’autre, intransigeante, doit rester fidèle au programme intégral de la Réforme et protester, s’opposer, désobéir même à tout ce qui y contredit, sans rien renier des exigences premières.

« Tous les évêques peuvent comprendre que la Secte garde son unité profonde, sa volonté totalitaire de gouverner le Concile et de le mener où elle veut. Ils sont prévenus qu’elle se divise en deux colonnes : l’une qui va mettre en œuvre tout ce qui est favorable à la subversion, en attendant mieux et comme étape provisoire, l’autre qui va réclamer davantage et critiquer ouvertement ces demi-mesures. Apparemment opposés, ces deux corps obéissent à une même stratégie. Les uns tirent en avant l’auto­rité souveraine, tandis que les autres la poussent par-derrière. La masse et les experts ligués pour faire avancer l’Église ! » À tel point « qu’il faut obéir ou désobéir aux évêques selon qu’ils sont ou non dans le mouvement réformiste. Au-dessus du Concile hiérarchique plane l’autorité absolue du Concile des experts, au-dessus de l’Église commande le Masdu. Tout doit amener le peuple chrétien et ses chefs eux-mêmes à ses volontés, par l’obéissance ou par la révolte, par persuasion ou par force.

« Rahner, Küng, Schillebeeckx, Congar, Chenu, de Lubac, ce n’était qu’une poignée de théologiens sans influence et sans audace quand Pie XII les eut réduits au silence... Ils reviennent maintenant et font la loi. » (Lettre à mes amis no 206 de la Pentecôte 1965)

Et ils l’ont faite au Concile jusqu’à sa clôture grâce à la complicité active du pape Jean XXIII, puis de Paul VI qui soutenait et conduisait le mouvement réformiste avec une habileté sans pareille.

LE SAINT-OFFICE ANÉANTI.

L’abbé Hans Küng avait publié en 1960 son livre Concile et retour à l’unité, où il dénonçait l’Église d’ancien régime, et plus que tout sa bastille : le Saint-Office, à détruire ! C’est grâce à son jeune ami, l’abbé Joseph Ratzinger, que l’assaut fut lancé.

Dans sa chronique de la deuxième session de Vatican II, l’abbé de Nantes écrivait : « Le cardinal Frings, poussant son avantage, a clairement réclamé la réforme de la Curie romaine et en particulier du Saint-Office, chargé de veiller sur la pureté de la foi au nom du Pape même. C’est le vœu passionné des réformateurs de réduire ce tribunal suprême à l’impuissance sous le contrôle des évêques. » Et d’expliquer que « le barrage héroïque, seul tenace et sûr dans l’Église depuis vingt ans », pour la conservation et la défense de la foi, « c’était le Saint-Office. Et maintenant, on lui a crevé les yeux. » (Lettre à mes amis no 158 du 23 novembre 1963)

En effet, quelques jours plus tôt, le 8 novembre 1963, le cardinal Frings avait déclaré dans l’aula conciliaire : « La façon de procéder du Saint-Office, dans beaucoup de domaines, n’est pas en phase avec notre temps, porte préjudice à l’Église et est une cause de scandale pour beaucoup. »

C’était, mot à mot, la déclaration que son théologien personnel, l’abbé Ratzinger, lui avait préparée (cf. Norbert Trippen, Joseph Kardinal Frings, 1887-1978, t. II, éd. F. Schöningh, 2005, p. 383). Quelques minutes plus tard, le cardinal Ottaviani, secrétaire du Saint-Office, protesta vigoureusement contre les affirmations scandaleuses du cardinal Frings.

Puis Mgr Romoli, évêque dominicain de Pescia, expliqua et justifia sa procédure, dans un entretien accordé au journaliste Wiltgen : « Comme je lui demandais s’il était vrai que le tribunal suprême de l’Église condamnait un accusé sans l’avoir entendu, Mgr Romoli me répondit : “ Il convient de distinguer. Si un membre de l’Église en accuse un autre d’un crime qui relève de la compétence du Saint-Office, l’accusé est toujours entendu et a toute possibilité de se défendre. Mais il en va tout autrement d’œuvres publiées, car il s’agit là de théories qui, considérées en elles-mêmes, risquent de nuire à l’intégrité de la doctrine de l’Église et au salut des âmes. En de tels cas, le Saint-Office n’entend pas toujours la partie intéressée avant de prononcer son verdict. Dans ce genre de condamnations, ce n’est pas les intentions de l’auteur qui sont mises en question ou condamnées ; le tribunal n’envisage que ses théories prises en elles-mêmes. Une fois que des doctrines incertaines ou fausses ont été répandues, à quoi servirait un tel interrogatoire ? Il ne changerait rien à l’influence exercée par l’œuvre publiée sur le monde catholique. ” »

Malgré cette défense, très argumentée, des procédures inquisitoriales, le pape Paul VI demanda le soir même au cardinal Frings de préparer la réforme du Saint-Office qui sera neutralisé, démantelé, anéanti, à la fin du Concile, par le motu proprio Integræ servandæ du 7 décembre 1965. Lui succédait la Congrégation pour la doctrine de la foi, chargée non pas de fulminer des condamnations, mais de « susciter des progrès de doctrine en fonction des acquisitions de la culture et des sciences humaines ». Avec un tel objectif, la nouvelle Congrégation favorisa le pullulement des hérésies dans l’Église et contribua à y détruire la foi.

RATZINGER : CONTRE LES ANATHÈMES DU CONCILE DE TRENTE.

Joseph Ratzinger fut nommé professeur de théo­logie dogmatique de la faculté de théologie catholique de l’université de Tübingen, grâce à son doyen, Hans Küng, qui l’avait remarqué dès la première session de Vatican II. L’abbé Ratzinger était pénétré de l’esprit du Concile, tel que le pape Jean XXIII l’avait défini dans son discours d’ouverture : « Aujourd’hui, l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque, en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. »

Pour répondre aux besoins de notre époque, l’abbé Ratzinger condamnait les anathèmes du concile de Trente !

« Le concile de Trente termine ses déclarations sur la Fête-Dieu par une phrase qui sonne douloureusement à nos oreilles œcuméniques et qui n’a sûrement pas peu contribué à discréditer cette fête aux yeux de nos frères protestants. Mais si l’on purifie cette formulation de ses éléments passionnels propres au seizième siècle, on est surpris de ce qu’elle laisse paraître de positif et de grand. Le texte conciliaire précise que la Fête-Dieu doit représenter le triomphe de la vérité d’une manière telle que  ses adversaires, devant une telle splendeur et une telle joie de l’Église tout entière, ou bien s’effondrent, ou bien, frappés de honte, viennent enfin à résipiscence ”. Dépouillons cette phrase de toute polémique : elle signifie que la force par laquelle la vérité s’impose doit être la joie en laquelle cette vérité se manifeste. » (Ratzinger, La célébration de la foi, au chapitre “ Que signifie pour moi la Fête-Dieu... Trois méditations. )

Mais quelle était pour Ratzinger cette vérité ?

Jusqu’au concile Vatican II, le rayonnement de la vérité (qui fait notre joie !) dans notre monde de ténèbres s’était toujours accompagné de la lutte contre ces mêmes ténèbres et leurs erreurs. « Quelle entente entre le Christ et Bélial ? » (2 Co 6, 14)

En réalité, Ratzinger renonçait à la lutte, parce qu’il vidait le dogme de l’Eucharistie de son contenu. C’est pourquoi la visite au Saint-Sacrement n’avait pour lui plus de raison d’être : « On ne peut pas envisager raisonnablement que l’adoration eucharistique ou la visite silencieuse dans une église consiste simplement à s’entretenir avec le Dieu dont on imagine qu’il est présent dans un lieu déterminé », expliquait-il pendant le Concile, dans une conférence.

« L’affirmation : Dieu habite ici ”, ainsi que le colloque avec le Dieu dont on imagine qu’il est présent localement, fondement de cette affirmation, manifestent une méconnaissance de l’événement christologique tout comme de l’idée de Dieu. Cela ne peut que répugner à l’homme qui réfléchit et qui est instruit de l’omniprésence de Dieu. Si l’on voulait justifier  l’aller à l’église  par le fait que l’on doit rendre visite à Dieu qui n’est présent que là, ce serait en effet une justification insensée que l’homme moderne aurait raison de rejeter. » (Die sacramentale Begründung christlicher Existenz, conférences de l’abbé Ratzinger, Salzbourg, Autriche, 1965 ; Il est ressuscité no 110, octobre 2011, p. 8)

RATZINGER : L’ESSENCE MÊME DU MODERNISME.

Le maître livre du jeune professeur de dogmatique, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, publié en 1968, contient une dialectique allemande pour rationaliser les mystères de la foi, dont les représentations anciennes n’auraient prétendument aucun sens pour l’homme moderne. Suivons notre Père dans sa critique de ce bouquin, « vieux pain rassis, chargé de mort-aux-rats vert-de-gris ».

L’abbé de Nantes note d’abord que « trop d’allusions ou d’appels aux sciences modernes manquent totalement de sérieux », par exemple la référence élogieuse à Jacques Monod, « quelqu’un que je connais assez pour le mépriser parfaitement » (cf. Dieu existe, CRC no 44, mai 1971, p. 1-11).

« Que peut valoir une théologie à ce point serve de la modernité ? Hélas ! moins que rien, et pire que tout. Déjà nous en avertit la note que voici, à propos de la prétendue “ création ” ou “ forgerie ” (sic) du Nom de Yahweh, dans le “ récit ” du Buisson ardent, “ œuvre de la foi d’Israël ”, “ création ” qu’une “ forte présomption, de nos jours, conduit à attribuer à Moïse  :

« “ C’est le point de vue de l’historien. La conviction du croyant n’en est pas affectée ; pour lui, cette transformation créatrice n’a été possible que sous la forme d’un accueil de révélation. Le processus de création est d’ailleurs toujours un processus d’accueil. 

« C’est là, très exactement, littéralement, l’essence même du modernisme dénoncé et anathématisé par saint Pie X.

« Moderniste n’est pas un mot bénin, un mot sans venin. Il désigne, depuis l’encyclique Pascendi (1907), du nom ostentatoire dont ils se dénommaient eux-mêmes, un parti d’hérétiques de la pire espèce, décidés à s’incruster dans l’Église à force de dissimulation et de faux serments, pour en mieux détruire la foi traditionnelle et, par là, toute l’institution. Pour leur substituer une religion toute subjective, individuelle et démocratique, toute de sentiment et de liberté, adhérant charismatiquement à des mystères chrétiens que cependant, par raison et par science, ils rejettent hors de la réalité physique et historique.

« Parce que l’esprit moderne ne saurait rien admettre qui dépasse le cours ordinaire des choses et ne puisse être expliqué par les sciences rationnelles. Il convient cependant d’accorder aux “ révélations divines ” une adhésion du cœur, une émotion de la sensibilité, comme à ce que la communauté humaine accueille de “ divin ” dans certaines expériences si hautes qu’elles ne peuvent venir que de l’Esprit, qui souffle où il veut.

« Telle est la foi du moderniste Ratzinger, gonflée comme une outre de phénoménologie allemande. Alors, gare aux dégâts ! » (Rome perd la foi, CRC no 212, juin 1985, p. 2-3)

LES FOUS SONT EN LIBERTÉ.

Unis quand il s’agissait d’attaquer le dogme catholique et de le vider de son contenu, les réformistes, osons dire les diaboliques, qui s’étaient écartés de l’orthodoxie et de la discipline de l’Église, n’ont pas tardé, après le Concile, à se diviser et à se haïr : ils s’opposaient dans de violentes querelles.

Dans un éditorial intitulé Les fous sont en liberté, notre Père les décrivit avec des images très parlantes :

« Dans ma ville, par suite d’une inexplicable décision de l’Administration, les fous ont été remis en liberté. C’est la fête des fous, comme au Moyen âge. Du coup, tout le monde fait le fou et les vrais s’en donnent à cœur joie. C’est grave, très grave. Je ne pense pas cependant que ce soit absolument mortel, parce que les gens se rendent encore très bien compte que nous vivons dans un climat anormal. Même les plus grands fous ont des moments de lucidité, et il est amusant de les entendre s’accuser alors les uns les autres de folie !

« Il ne faudrait tout de même pas que cela dure, parce que rien n’ébranle davantage le sens commun, qui passait pour la chose du monde la plus assise et la mieux partagée. Il suffit d’écouter les discours d’un fou pour sentir vaciller son propre bon sens. C’est d’ailleurs pourquoi, dans notre ville, des accidents bizarres se produisent, des crimes odieux, des scandales inouïs. Il est fréquent de voir des gens se déshabiller soudain dans la rue, et d’autres mettent le feu à leur propre maison. Toutes choses incroyables hier, et dont on ne sait plus que penser maintenant.

« Il se passe dans le quartier allemand des choses extraordinaires. Là commencent à se disputer les deux plus redoutables fous de la ville, du nom de Karl Rahner et Hans Küng. Ils vont jusqu’à réclamer l’un contre l’autre à l’Administration des mesures d’internement immédiat ! Karl est de tous le plus dangereux : son aspect est froid et farouche. Il accuse Hans, qui est plus jeune et a la danse de Saint-Guy, d’être frénétique ! Antan ils étaient d’accord pour dire que le Christ n’était pas Dieu. Cela, disaient-ils, n’a pas de signification pour la raison moderne. L’homme est Dieu et le Christ est homme, c’est pourquoi les anciens se sont imaginé qu’il était Dieu. Langage de fous ! Peu de gens certes s’en faisaient accroire, mais Hans affirmait que les discours de Karl étaient incompréhensibles à force de profondeur. On les croyait pour ne pas paraître bête !

« Aujourd’hui, rien ne va plus. Hans ayant prétendu que l’infaillibilité du Pape c’est l’infaillibilité du peuple, ce qui me paraît d’une innocente bêtise, Karl se met très en colère et traite l’autre de grand fou. Du coup leur querelle agite tout le quartier et on voit que les gardiens auraient envie de les ramener s’entre-tuer derrière des barreaux ! L’amusant est que ces profonds génies incompréhensibles aux hommes et aux anges, quand ils s’injurient, redeviennent d’une telle simplicité de langage que tout un chacun les comprend et perd alors de son profond respect ! » (CRC no 42, mars 1971, p. 1)

INFAILLIBILITÉ, INDÉFECTIBILITÉ

EN octobre 1979, l’abbé de Nantes publia une critique de l’entretien d’Hans Küng avec le journaliste Robert Serrou, paru quelques semaines plus tôt dans la revue Match. Gardons ici ce qui concerne l’infaillibilité.

Serrou : À propos de dogme, vous avez publié un livre il y a quelques années sur l’infaillibilité du Pape. C’est toujours une question ?

Küng : Oui, malheureusement, je dois le dire. La question que j’ai posée dans mon livre n’a pas reçu une réponse satisfaisante de la part des autorités ecclésiastiques.

Voilà ce qu’on gagne à épargner les méchants ; ils vous narguent, vous insultent et troublent ainsi le peuple fidèle.

J’ai tout simplement demandé, ce qui est le droit de tout chrétien et avant tout le droit d’un théologien, comment ce dogme de l’infaillibilité pontificale est fondé dans l’Écriture elle-même et aussi dans la grande tradition catholique du premier millénaire. Je n’ai reçu aucune réponse.

Un dogme est une définition de l’Église enseignante qui n’a pas à s’expliquer devant le magistère parallèle d’Hans Küng. Au fidèle il appartient de croire et, s’il est théologien, de chercher les raisons de la définition infaillible, non de la discuter et de faire de son ignorance ou de son refus un argument contre la foi catholique !

On a répété des définitions infaillibles pour prouver qu’on est infaillible, mais cela n’est pas une réponse.

Ici, Hans Küng ment, ridiculisant les Pasteurs de l’Église. Il n’y a jamais eu raisonnement circulaire, du genre : Je suis infaillible, et la preuve en est que je le déclare infailliblement ! Prenant acte de ce que les définitions solennelles des Conciles œcuméniques avaient de tout temps et partout été tenues pour infaillibles, le concile œcuménique du Vatican en 1870 proclama infailliblement que le Pape était personnel­lement doté par le Christ de la même infaillibilité dont il précisa exactement les conditions et les limites, en invoquant d’ailleurs toutes les preuves nécessaires, surabondantes, d’Écriture, de Tradition et de raison.

J’ai donc proposé récemment de nommer une commission œcuménique pour étudier ce problème, avec les meilleurs experts sur la question. Moi-même ou mes amis ne pouvons pas imposer nos propres convictions à l’Église...

Ici la paranoïa refait surface.

... mais les autorités ne peuvent pas davantage supprimer les doutes et les questions. Peut-être peut-on rejeter ma réponse, mais on ne peut nier le problème.

Autant dire que Hans Küng n’est pas catholique. Car précisément la foi catholique tient, et de tout temps, que les autorités ont le charisme de l’assistance du Saint-Esprit pour résoudre les problèmes, dirimer les conflits, proclamer la vérité sans plus de contestation possible.

Serrou (toujours secourable) : Quelle est votre réponse ?

Küng : Ma réponse est qu’un croyant, un chrétien, peut croire dans « une infaillibilité », ou bien mieux une indéfectibilité de l’Église, dans un sens plus radical ; c’est-à-dire que l’Église sera toujours soutenue dans la vérité de l’Évangile, pas parce que l’Église ou quelques autorités ou quelques théologiens ne se trompent jamais, mais bien qu’ils se trompent de temps en temps. Cette infaillibilité plus radicale veut donc dire que nous pouvons avoir confiance dans la permanence de l’Église dans la vérité de l’Évangile, malgré toutes les erreurs de détail... On pourrait comparer la foi avec l’amour : un homme peut éprouver un amour très sérieux et profond, même s’il se trompe sur quelques aspects.

C’est malin ! En changeant l’infaillibilité de quelques-uns en une infaillibilité plus radicale, l’indéfectibilité, qu’il accorde à tous, Hans Küng déplace l’infaillibilité du Pape à soi-même, et de la hiérarchie en général aux théologiens sérieux, ses amis. À preuve ce qui suit.

Cela veut dire : même si une en­cyclique comme Humanæ Vitæ (sur la limitation des naissances) était une erreur – et je suis convaincu avec beaucoup de catholiques, hommes et femmes, théologiens et même évêques, que c’était une erreur – même si cette encyclique était une erreur, la vérité que l’Église a à annoncer n’est pas perdue non plus. Elle est peut-être compromise pour un certain temps, surtout si on ne se corrige pas,

ON, c’est le Pape. Incorrigible Hans Küng !

mais elle n’est pas perdue.

D’où la charmante plaisanterie qui court l’Allemagne : Küng refusant d’être élu pape... pour ne pas perdre son infaillibilité !

Serrou : L’encyclique Hu­manæ Vitæ n’était pas un document infaillible...

Küng : Mais, pour les autorités romaines, je le crains, la doctrine qui est derrière cette encyclique est, en fait, une doctrine infaillible, parce qu’elle a été défendue pendant un très long temps par tout l’épiscopat et les papes, et c’est précisément toute la difficulté car, pour cette raison, cette doctrine ne peut pas être corrigée.

D’où pour Hans Küng, l’inéluctable nécessité de nier l’infaillibilité des papes et de l’épiscopat mondial, afin de mieux assurer la sienne ! D’où, hélas ! l’injuste patience, la scandaleuse protection de Rome envers Küng, dont le résultat est tout à la fois de convaincre les foules que Paul VI n’était pas très assuré d’avoir raison sur l’affaire de la pilule, et que l’Église n’est pas très sûre de son infaillibilité, tandis que Küng dit oui à la pilule et à cent autres choses en pleine conscience de son infaillibilité- indéfectibilité et totale immunité à lui.

Abbé Georges de Nantes.

DISQUALIFICATION MENSONGÈRE.

Aussitôt après le Concile, le théologien de la Contre-Réforme catholique entreprit des démarches pour que le contenu de ses écrits soit examiné et jugé à Rome. Il obtiendra finalement que son procès doctrinal soit ouvert par la Congrégation pour la doctrine de la foi, grâce à la publication de sa supplique au cardinal Ottaviani du 16 juillet 1966. Notre Père répondra aux convocations romaines pour que l’instruction de son procès doctrinal soit menée à son terme. Et elle le fut en 1968. Son procès s’acheva cependant, du moins provisoirement, un an plus tard, par un déni de justice et une mise en garde médiatique, sans aucune valeur canonique : ce fut une autodisqualification, contenant « une cascade de mensonges évidents », publiée en première page de l’Osservatore romano du 10 août 1969.

En effet, selon la notification romaine, l’abbé de Nantes avait refusé « de souscrire une formule de rétractation de ses erreurs... » Alors que les consulteurs et les juges de la Congrégation n’avaient pas trouvé la moindre erreur dans ses écrits. Ses prétendues erreurs, personne ne les lui avait fait connaître. « D’erreurs doctrinales, il ne s’en trouve pas dans mes écrits. Qui l’a dit en a menti. » (CRC no 24, septembre 1969, p. 4)

La notification faisant connaître cette prétendue disqualification parut en France dans le journal Le Monde sur « la même page qu’une diatribe d’Hans Küng bravant l’autorité romaine qui n’osait même pas réprouver ses erreurs manifestes ! »

Ses erreurs étaient manifestes particulièrement dans le dernier de ses livres, à visées œcuméniques, L’Église (Desclée de Brouwer, 1967, 703 pages), fruit de sa collaboration avec Ratzinger : « Je remercie de tout cœur mon collègue en théologie dogmatique et coéditeur des Recherches œcuméniques, le professeur Joseph Ratzinger, de son aide précieuse. » (p. 16)

Dans cette conjoncture, la Congrégation pour la doctrine de la foi l’invita à venir à Rome, en son palais, pour un colloque sur ses théories. C’était en 1968, il aurait pu y croiser notre Père. Mais lui refusa de s’y rendre et ne fut nullement inquiété.

« Il ne s’agit plus de toucher aucun hérétique. Paul VI a dû capituler là-dessus. C’est un aveu d’impuissance totale devant les forces conjuguées du modernisme germanique et du progressisme latin », observait l’abbé de Nantes.

« Il faut supplier le Pape, ou le contraindre, de faire son devoir, et même s’il lui faut pour cela renoncer aux principes libéraux et démocratiques de son Concile. Il n’est que de voir avec quelle impudence Hans Küng conteste à grand fracas l’infaillibilité du Pape, en contradiction avec la foi définie au premier concile du Vatican, pour comprendre que la force de la contestation est dans la faiblesse de l’Autorité suprême qui la tolère jusqu’à l’extrême limite de son propre reniement. Et c’est cela qui n’est pas supportable. » (CRC no 48, septembre 1971, p. 5)

PAUL VI LIÉ PAR LE PACTE CONCILIAIRE.

« Nonobstant ses gémissements, ses mises en garde, ses coups de barre passagers, d’ailleurs absolument inefficaces, Paul VI s’identifie tenacement à cette exaltation de la nouveauté, à cette chimère de changement perpétuel qui dévore l’Église et nous tue.

« Il y a des liens plus forts entre Jean-Baptiste Montini et Schillebeeckx, Küng, Chenu, Illich, Le­mercier, qu’entre nous et Lui. Il existe entre eux, préalable même à la foi, un accord sur les principes réformateurs de Vatican II, sur quoi nous sommes en opposition totale avec eux tous. Comme dans la Révo­lution de mai 68, les responsables gouvernementaux éprouvent plus de sympathie pour les enragés des barricades et des syndicats qu’ils n’en auront jamais pour la contre-révolution. Le Pacte qui lie toujours Paul VI aux rebelles, c’est la Réforme conciliaire !

« Schillebeeckx, Küng, Illich ont des ennuis avec l’ex-Saint-Office, et Chenu avec la curie généralice des dominicains. Tous les journaux en parlent. La ténébreuse solidarité moderniste a joué, le chantage a duré trois jours et le quatrième Rome s’est écrasée. » (CRC no 13, octobre 1968, p. 1)

Küng dira tout ce qu’il doit à Paul VI : « Personnellement, je lui suis reconnaissant parce qu’il a tenu sa main posée sur moi ; en d’autres termes, il m’a protégé. »

« Küng n’a-t-il pas une photographie qui le représente souriant aux côtés du Pape, lui ! » remarque l’abbé de Nantes dans son Liber accusationis à l’encontre de Paul VI. « Tout est permis, même d’attenter à Votre fonction, même de Vous insulter en face ! » (p. 47)

Küng poursuit : « Sans Paul VI, il y aurait certainement eu des gens à Rome pour exiger des condamnations, des sanctions, des mesures disciplinaires contre moi. » (Cité dans la CRC no 146, p. 8) De fait, il y en avait à Rome, mais Paul VI avait écrit dans le dossier Küng, de la Congrégation pour la doctrine de la foi : Que l’on procède avec charité, ce qui signifiait pour Paul VI, aucune mesure disciplinaire.

Bref, tout le contraire de la véritable charité !

Rien ne pourra excuser Paul VI, disait notre Père, « de se dérober aux devoirs essentiels de son Autorité souveraine. Il n’y a plus de foi catholique inébranlable, il n’y a plus de culte assuré, il n’y a plus de justice dans l’Église quand le Pontife romain se refuse à exercer sa triple Magistrature et qu’il empêche tout autre évêque ou prélat de l’exercer en sa charge. » (CRC no 38, novembre 1970, p. 7)

L’APPEL À L’INFAILLIBILITÉ PONTIFICALE.

Dans son article L’opposition au Pape est-elle parfois légitime et sainte ? l’abbé de Nantes écrivait : « Il n’y a jamais eu d’opposition au Pape comme tel, de révolte contre le Siège apostolique, sous prétexte de collégialité, de gallicanisme, de libéralisme ou de démocratie, qui ait été finalement gagnante, ni qui puisse être légitime. Et nous récusons tout à fait, dès le début de cette étude, l’amalgame de nos thèses, parfaitement catholiques et romaines, avec celles d’un Hans Küng, dans son récent ouvrage Infaillible ? une interpellation (Desclée, 1971). Sa contestation, à propos d’Humanæ Vitæ, atteint le Magistère lui-même, dans son principe, dans sa prérogative essentielle de l’infaillibilité, en contradiction avec la foi définie, d’ailleurs dans un style d’arrogance et de persiflage qui juge l’auteur. Il confronte le dogme catholique à ses rêves et se donne raison contre l’Église. Les familiers de notre pensée savent que nous donnons notre foi à l’Église contre tout novateur ou réformateur, fût-il pape. Notre démarche est d’humilité et de respect, j’ose dire d’obéissance. La sienne est de présomption et de révolte.

« Nous n’avons rien de commun avec de tels rebelles dont nous ne comprenons pas qu’ils puissent enseigner dans l’Église. Il ne s’agit pas pour nous de décapiter l’Église ! Toute atteinte à l’autorité du Pape est une atteinte à l’Église, au Christ et à Dieu. Anathema sit ! » (CRC no 69, juin 1973, p. 3)

Quand il établissait l’opposition entre l’enseignement de Paul VI et celui de ses prédécesseurs, l’abbé de Nantes achevait ses démonstrations par un appel du pape au Pape, lui demandant de se juger lui-même en délivrant un enseignement ex cathedra.

« Écoutez saint Bernard, avertissant Innocent II : “ Qui me fera justice de vous ? Si j’avais un juge devant lequel je puisse vous traîner, je vous aurais déjà montré ce que vous méritez. Il y a bien le tribunal du Christ, mais loin de moi la pensée que je vous y appelle !... C’est donc à celui à qui il fut donné de juger maintenant toute la Chrétienté que j’ai recours. J’en appelle de vous à vous-même pour prononcer entre vous et moi. ” (Ep. 213)

« Depuis le premier concile du Vatican, la solution est claire, mais Suenens-Küng-Congar la redoutent plus que tout : c’est l’appel à l’infaillibilité pontificale. La remontrance au Souverain Pontife, la menace de déchéance formulée par le clergé romain ne débouchent pas sur une impasse : Que le Pape se juge donc Lui-même !

« Pressé de sortir de l’ambiguïté et des incohérences au moins apparentes de ses théories personnelles, il devra décider souverainement, seul ou dans un Concile présidé par Lui, et mettre un terme à cet extraordinaire procès. Que ce soit Paul VI ou son successeur, seul ou par un nécessaire Vatican III, il faudra apurer le trouble héritage de cette prétendue Réforme. Si le magistère solennel élève, ex cathedra, ces théories nouvelles et discutées au rang de dogmes irréformables, alors nul ne pourra plus que se soumettre, y adhérer de plein cœur et réparer le tort causé à l’Église par toute critique injustifiée. Mais si le magistère, le voulant, en est empêché ou si, comme j’en suis convaincu, il ne l’ose pas, c’est Lui qui devra renoncer, sous menace de mise au ban de l’Église, à tenir publiquement ces opinions étranges et cesser de paraître les imposer à l’Église comme doctrine révélée. De l’une ou l’autre manière, l’Église sera délivrée de l’hérésie. » (CRC no 25, octobre 1969, p. 9)

CONGAR LE DIFFAMATEUR.

Le 5 juillet 1973, la Congrégation pour la doctrine de la foi publia la déclaration Mysterium ecclesiæ, rappelant les dogmes de l’unicité de l’Église, de son infaillibilité et particulièrement en la personne du Souverain Pontife, du caractère spécifique du sacerdoce dit ministériel, dans l’intention d’amener Hans Küng à rétracter ses hérésies avérées sur ces trois chapitres. Cependant, il n’y était pas nommé, ni ses livres réprouvés explicitement.

L’abbé de Nantes commentait : « Rentrant de Grèce où il prenait ses vacances, Hans Küng a rencontré à Rome, en privé dit La Croix pour ne pas offusquer ses lecteurs, en réalité dans un banquet de fête, le cardinal Seper, préfet de ladite Congrégation. L’entretien fut cordial. Küng a déclaré ensuite qu’il gardait ses idées ; ça, on s’en doutait ! Il a ajouté : “ Je ne veux pas ranimer en vain la controverse, mais je suis heureux ces jours-ci. J’ai trouvé moins de rigidité que je ne l’avais pensé. ” »

Le syndicat moderniste s’était aussitôt mobilisé pour le soutenir : « Les journalistes et les théologiens effrayent Paul VI en lui rappelant le Pacte de réforme, qui lui interdit de revenir en arrière ! Le meilleur moyen de dissuasion est de faire glisser l’accusation d’hérésie sur un autre, du bord opposé. Dès le 8 juillet, Le Monde ouvre ses colonnes à Hans Küng, et nous met en cause dans la présentation, anonyme, de l’article : “ Il apparaît, comme l’a souligné Mgr Schoeffer, le prélat chargé de présenter la déclaration, que d’autres thèses que celles d’Hans Küng sont en cause. Il s’agirait notamment de celles de théologiens intégristes comme l’abbé de Nantes, qui s’est récemment attaqué très vivement au pape. 

« Le Père Congar bientôt rend son oracle dans le même journal, en première page le 13 juillet. C’est un rideau de fumée artificielle dérobant l’ennemi à la vue, déroutant le vaisseau amiral et finalement lui faisant ouvrir le feu sur une autre flottille. Habile défense du théologien de Tübingen qu’on reconnaît certes fautif, mais qu’on excuse et disculpe pour rejeter toute la responsabilité de ce désordre, encore et toujours, sur l’Église d’avant Moi-Congar.

« “ Sur le magistère et l’infaillibilité, Küng met radicalement en question des positions [Congar ne dit plus : des dogmes] qu’affirment [il ne dit plus : qu’ont infailliblement définis] les deux conciles du Vatican... Il attend qu’on les réfute. Suffisance ? Beaucoup le pensent. Küng, lui, dirait qu’il s’agit de la vérité et que Galilée avait raison contre la commission qui le jugeait et l’opinion du grand nombre. 

À Annecy, salle Lamy, le 8 février 1977, l’abbé de Nantes contraignit le Père Congar à controverser publiquement avec lui.
À Annecy, salle Lamy, le 8 février 1977, l’abbé de Nantes contraignit le Père Congar à controverser publiquement avec lui. Le dominicain réformiste dut concéder que le concile Vatican  II n’avait enseigné infailliblement aucun dogme nouveau. « J’ai obtenu, triomphera l’abbé de Nantes, de voir reconnaître notre liberté sainte dans l’Église et à “ part entière ”, de refuser les Actes du Concile dont les nouveautés scandaleuses ne sont couvertes par aucune infaillibilité. »

« Est-ce à dire que Congar lui-même prend ouvertement parti pour le Galilée des temps modernes contre le dogme de l’infaillibilité de l’Église et spécialement du Souverain Pontife ? Non, trop dangereux. Il sait bien que ses idées ne sont plus catholiques. Mais il l’aide davantage par cette manière de semer le doute dans les esprits, de répandre l’obscurité sur cette question trop claire, d’accuser même l’accusateur en la personne de toute l’Église antéconciliaire : “ On voit mal que l’affaire puisse finir par une mesure d’autorité. Le plus sûr est de laisser à la recherche de la vérité le temps d’apporter les mises au point nécessaires... (car) il faut reconnaître que des siècles de triomphe clérical ont accumulé tant de choses qu’on ne pourra, en un jour, faire les discernements qu’appelle un service exigeant et patient de la vérité. ” Un tel langage, au demeurant parfaitement stupide et hypocrite, est exactement fait pour jeter Jean-Baptiste Montini dans une cruelle indécision et le rappeler à son libéralisme juré. On recherche, on repense, on tente de discerner, on ne sait pas encore, on ne saura de longtemps qui dit vrai, foi de Congar, dans des questions dogmatiques déjà tranchées infailliblement par des définitions irréformables et irrévocables de 1’Église !

« Congar flatte Paul VI, pour le posséder : “ Entre une Église répressive et une Église permissive, il y a celle de Paul VI, ouverte, patiente, aux deux sens du mot, humble et priante : notre mère spirituelle. Küng sait bien, car je le lui ai dit souvent, qu’au-delà des divergences intellectuelles finalement limitées, je la sens et je la vois autrement que lui. ” Et là, au terme de son article, in cauda venenum, me voici subitement impliqué : “ Il y a l’intelligence. Ni Hans Küng ni Georges de Nantes n’en manquent. Il y a, plus profond qu’elle, les yeux illuminés du cœur, qui entrent aussi dans la perception de la vérité, car c’est bien de vérité qu’il s’agit. C’est avec eux ou par eux, aussi, qu’on est appelé à être catholique. 

« Me voilà rangé par le Père Congar, et sur la foi d’une calomnie d’un Fesquet anonyme [renseignements pris à Rome, c’était un mensonge : Mgr Schoeffer n’avait pas mentionné l’abbé de Nantes], au banc d’infamie des hérétiques notoires, qui n’ont pas les yeux du cœur comme Congar. Symétrique de Hans Küng. À égalité avec lui ? Non, en pire position.

« Relisez cet habile verbiage. Il distingue trois Églises : la permissive, c’est l’Église totalement démocratique, anarchique, dont rêve Küng. La dissuasive (Congar me sera reconnaissant de lui souffler le mot), c’est la sienne et celle de Paul VI, notre mère spirituelle. Quant à la répressive, c’est sûrement l’Église de toujours, l’Église des saints Pierre et Paul, des 263 Papes antéconciliaires, des Pie V, Pie X, Pie XII... L’avouer passerait mal. Alors, c’est l’Église de Georges de Nantes, ni humble ni priante, triomphaliste, juridique, notée d’infamie : répressive. Et qui sent le fagot, depuis Vatican II. »

FAUSSE SYMÉTRIE, PERFIDE AMALGAME.

« Je tiens les fausses symétries pour la forme de mensonge et d’homicide moral la plus astucieuse, la plus efficace et donc la plus infâme qui soit. Ici, l’attention est déviée de Küng l’hérétique sur nous qui ne le sommes pas. À nous équivaloir, Congar apporte au coupable quelque chose de notre innocence, et à nous quelque éclaboussure de sa noirceur. Je l’ai souvent écrit du fellagha et du parachutiste mis sur balançoire. Les amener à égalité, à l’horizontale, c’est imprimer à 1’engin un mouvement artificiel dont le terme sera l’amnistie totale du terroriste (avec des excuses et indemnités de combat) et la condamnation à mort du soldat. Ce qui s’est réalisé à la lettre. Ainsi Congar imprime à notre mère spirituelle, l’Église de Paul VI, un mouvement de répulsion pour l’Église répressive qui n’est que d’attraction vers l’Église permissive de Küng.

« Ne pas le condamner aujourd’hui, mais soupçonner l’opposant, c’est demain lui donner raison et nous condamner, nous et à travers nous l’Église de toujours. » (CRC no 74, novembre 1973, p. 11)

Il s’agit « de savoir qui est d’Église et qui ne l’est pas, de Küng, de Congar et de nous, car il n’est plus tenable que nous y soyons tous à la fois.

« Théologien et lecteur attentif de la CRC, Congar sait parfaitement la perfidie de cet amalgame. Il sait du dedans que cet acte doctrinal du Saint-Siège vise des erreurs et des hérésiarques de son bord à lui, en rappelant des vérités que nous n’avons pas cessé de tenir et de rappeler contre eux tous, et contre lui aussi. » (CRC no 75, décembre 1973, p. 11)

COMMENT RESTAURER LES LIENS DE LA CHARITÉ ?

Küng méritait d’être condamné en bonne et due forme, puisque les dogmes qu’il refusait relevaient du magistère de l’Église, ordinaire et extraordinaire. Or, il ne le fut jamais. En revanche, c’est l’abbé de Nantes qui fut disqualifié, alors que tout ce qu’il refusait, les nouveautés de Vatican II, reprises par Paul VI, n’était aucunement garanti par l’infaillibilité de l’Église.

Quelques années plus tard, au début du pontificat de Jean-Paul II, l’abbé de Nantes écrivait :

« Il paraît que les Papes et les Conciles peuvent se tromper sur des points secondaires. Küng, qui le dit, s’en autorise pour rejeter les mystères de la Sainte Trinité, de l’Incarnation, de la Rédemption, et la réalité historique de la Résurrection, sans parler de la morale chrétienne. Et on le laisse se glorifier de son immunité dans l’Église.

« En revanche, tout ce qui plaît énormément à Hans Küng dans l’enseignement de Vatican II, des papes Paul VI et Jean-Paul II, nous paraît absolument irrecevable, étranger à l’Écriture et à la Tradition, au contraire tout inspiré des principes de la société moderne, de son rationalisme philosophique, de son humanisme athée, de son esprit révolutionnaire. Or tout cela, auquel nos Papes et nos évêques attachent une telle importance, ne relève jusqu’à ce jour que de leurs pensées et options de théologiens privés. Du moins, nous semble-t-il.

« Nous faisons avec Paul VI profession de foi catholique, nous adhérons à son Credo comme à tout son enseignement moral absolument traditionnel. Mais nous contestons son culte de l’homme, son œcuménisme universel, sa théorie de la liberté religieuse, opinions inouïes de la part d’un Pape. Et notre libre critique de ces points secondaires n’est pas tolérée ; elle nous vaut d’être suspens et disqualifiés dans l’Église !

« Il y a de la clarté à remettre dans les idées, de l’ordre à remettre dans l’Église pour que, par la vérité divine et la justice humaine, nous nous retrouvions unis dans une sincère et profonde charité, c’est notre désir le plus ardent.

« Or, qui peut le faire hors du Pape ? » Assurément, seul le Pape le peut. « C’est à lui que nous en appelons. » (CRC no 146, octobre 1979, p. 2)

KÜNG ENCOURT L’EXCOMMUNICATION.

Constatant à quel point le nouveau livre de Küng, Être chrétien, de 799 pages, « faisait des ravages » dans l’Église, notre Père me demanda de prononcer, en septembre 1978, une série de conférences exposant et critiquant ses théories philosophiques, exégétiques, théologiques, des concentrés de modernisme ! Je les réfutais point par point en m’appuyant sur le corps de doctrine catholique renouvelé que notre Père nous enseignait.

Pour sa part, il publia une sévère critique, très argumentée, de l’entretien de Küng avec le journaliste Robert Serrou, paru dans la revue Match. Nous en avons reproduit des extraits en encart. De cet entretien, l’abbé de Nantes tira trois conclusions :

« La première est une simple constatation. Hans Küng n’a pas varié d’un iota dans ses convictions et dans ses volontés depuis l’ouverture de Vatican II, telles qu’elles apparaissaient alors dans son livre Le Concile, épreuve de l’Église (Le Seuil, 1963). Et quand Paul VI a paru tergiverser, freiner le mouvement de la réforme de l’Église tendant à sa protestantisation, Küng, invoquant la volonté des masses, a protesté que le mouvement continuerait, avec ou sans le Pape, le débordant, l’emportant.

« On sait donc à quoi s’en tenir avec ce nouveau Döllinger.

« La deuxième est d’ordre théologique. L’interview de Match résume exactement la foi et la morale, ou plutôt l’incroyance et l’immoralité du professeur de théologie de Tübingen. C’est précisément l’hérésie moderniste, “ carrefour de toutes les hérésies ”, que saint Pie X a dénoncée, réprouvée, interdite dans son encyclique Pascendi, le décret Lamentabili et enfin le serment antimoderniste.

« Hans Küng a prêté ce serment antimoderniste. Il est hérétique, il le sait et il se parjure.

« La troisième est d’ordre juridique, disciplinaire, ecclésiastique. Küng n’a pas à être jugé ; il ne dit rien de neuf, il est donc condamné de facto. Il encourt l’excommunication latæ sententiæ qui tombe sur ceux qui tiennent et propagent une hérésie déjà formellement condamnée par l’Église (canon 2314). » (CRC no 146, octobre 1979, p. 12)

AUCUNE CONDAMNATION DOCTRINALE, 
AUCUNE SANCTION DISCIPLINAIRE.

Le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi avait en main le dossier Küng depuis plus de dix ans et l’apostat s’en tirait très bien, puisque la Congrégation n’utilisait plus de procédure inquisitoriale. Succédant au Saint-Office, la nouvelle Congrégation devait non pas condamner, mais dialoguer, au cours de colloques auxquels Küng refusa toujours de se rendre, prétextant que les droits de l’Homme n’y seraient pas respectés.

Cependant, le scandale provoqué par sa critique publique et virulente de tous les dogmes amena finalement la Congrégation romaine à prendre une décision contre lui : le 15 décembre 1979, elle lui retira sa licence d’enseigner la théologie.

Commentant les documents publiés par l’Osservatore romano, notre Père écrivait : « Il appert que le professeur Hans Küng est un hérétique formel, tient tête à l’épiscopat allemand et à Rome, refuse des dogmes essentiels, connus de tous comme infailliblement définis et irréformables. Et qu’on s’occupe de lui depuis au moins sept ans, avec respect, avec patience et indulgence, beaucoup d’égards. Pour aboutir à déclarer “ qu’il ne peut plus être considéré comme un théologien catholique, ni ne peut en tant que tel exercer une charge d’enseignement ”. C’est tout ? Oui, c’est tout.

« C’est tellement tout que les derniers mots du dossier, et ils seront repris par la presse du monde entier, sont pour affirmer que “ Hans Küng n’en est pas pour autant exclu de l’Église ; et il ne cesse pas d’être prêtre. 

« Il “ s’écarte de l’intégrité de la vérité de la foi ”. Et il ne cesse pas pour autant d’être membre de l’Église, et prêtre ! Oui. Évidemment, cela doit s’entendre au sens actif. Il ne croit pas au Pape, mais il reste fidèle de l’Église. Il ne croit pas en l’Église, mais il demeure de plein droit catholique. Il ne croit pas au sacerdoce ni à la messe, présence réelle, sacrifice, sacrement, mais il garde le droit de célébrer le Saint-Sacrifice, de présider l’assemblée liturgique. C’est démentiel. » (CRC no 151, mars 1980, p. 5)

Quelques jours plus tard, le cardinal Höffner, président de la conférence épiscopale allemande, souligna publiquement que le professeur n’était frappé « d’aucune mesure disciplinaire romaine » ! La suppression de l’autorisation d’enseigner est « exclusivement provoquée par un profond sentiment de conscience pastorale » (Documentation catholique, 1980, p. 20).

Le loup ravisseur demeurait donc membre du clergé catholique et, tout en n’appartenant plus à la faculté de théologie catholique de l’université de Tübingen, il demeura dans cette université, puisque son recteur lui conserva ses fonctions de professeur et de directeur d’un Institut de recherche œcuménique.

Küng put de surcroît continuer la publication de ses livres traduits dans toutes les langues et diffusés en italien à Rome même, puisque la commission de l’Index avait été supprimée la veille de la clôture du Concile.

On se souvient qu’avant son élévation au souverain pontificat, Karol Wojtyla le cita dans la retraite Signe de contradiction qu’il prêcha au Vatican, devant Paul VI, en 1976, et plusieurs passages de sa première encyclique Redemptor hominis, concernant le monde moderne, le culte de l’homme, le service de l’homme sont inspirés de la première et de la dernière partie du livre Être chrétien, qui traitent de l’humanisme. J’en avais fait un relevé pour notre Père.

JÉSUS, UN GRAND PERSONNAGE DE L’HUMANITÉ, 
ÉMINEMMENT MODERNE ?!

VOICI deux autres passages de l’entretien de Hans Küng avec le journaliste Robert Serrou, paru dans la revue Match, accompagné des remarques critiques de l’abbé de Nantes.

Serrou : Et les miracles de Jésus ?

Küng : Ses guérisons étaient très importantes, très surprenantes, stupéfiantes, miraculeuses pour ce temps-là ;

Hans Küng réduit les miracles de l’Évangile à la seule catégorie des guérisons. Les autres sont traités par prétérition. Quel théologien ! Quel savant ! Quel herméneute ! Quant aux guérisons, elles étaient stupéfiantes... pour ce temps-là, mais elles n’étonneraient plus notre siècle savant, elles n’étonnent pas Hans Küng.

cela ne veut pas dire qu’il a fait des miracles contre les lois naturelles,

Nouveau retranchement, purement a priori. Hans Küng parlant de pilule nie qu’il y ait des lois naturelles ; ici il les dresse en obstacles infranchissables aux prétendus miracles de l’Évangile. Le modernisme n’est pas scientifique, expliquait Pie X, mais rationaliste.

mais cela veut dire qu’il a accompagné son message de faits prophétiques qui ont vraiment ébahi les gens,

On avait l’ébahissement facile en ce temps-là...

qui ont montré que, pour lui, ce n’était pas seulement une question de sauver l’âme, mais aussi de sauver le corps, l’homme tout entier.

Le menteur ! c’est tout le contraire et tout le monde le sait. Jésus a bien voulu guérir de nombreux malades, faire par charité bien des miracles, mais pour prouver sa divinité et sa mission de salut, qui est le salut des âmes pour la Vie éternelle, non des corps pour la vie temporelle.

Je pense que l’on devrait mutiler tous les Évangiles si on n’acceptait pas cette tradition des guérisons qui est le noyau historique des récits de miracles.

Tout ce langage cafard pue le mensonge et l’hypocrisie : cette tradition ? des guérisons, et non de la tempête apaisée, de la multiplication des pains, de l’eau changée en vin ? et ce noyau historique qui implique pas mal de déchet tout autour.

On ne doit pas s’étonner qu’au cours d’une transmission orale, de quarante à soixante-dix ans, ce qui s’est passé en fait ait été amplifié, enjolivé, exagéré, comme il est courant, et pas uniquement en Orient, dans la diffusion des récits.

Voilà l’argument éculé des modernistes qui, menteurs eux-mêmes, trouvent naturel que les Apôtres et les Évangélistes aient menti, amplifiant, enjolivant, exagérant des guérisons d’un Jésus, thaumaturge heureux, enjolivées en miracles d’un Dieu venu sur terre pour sauver tous les hommes. Et tout cela candidement reçu par deux ou trois générations de badauds ébahis est le point de départ de l’Église et le fondement de ses dogmes. Voilà le théologien Hans Küng sur lequel Paul VI a posé sa main !

Serrou : Comment expliquez-vous cet essor d’une religion qui, après tout, ne valait pas mieux que d’autres ou pas plus, apparemment en tout cas ?

Le blasphème le dispute à la sottise.

Küng : En dernière analyse, c’est en raison du message fondamental du christianisme : le Crucifié, Jésus de Nazareth, est vraiment le Christ, la révélation de Dieu et le Sauveur de l’homme.

Même expression bizarre que Redemptor hominis, Sauveur de l’homme ! [Ce sont les premiers mots de la première encyclique de Jean-Paul II, du 15 mars 1979.]

Le christianisme n’a pas accepté de compromis avec les autres dieux.

La chose était-elle donc possible ? Grand Dieu !

Si le christianisme avait accepté de mettre la figure de Jésus dans le Panthéon des Grecs et des Romains...

Vous remarquerez cette curieuse expression : la figure de Jésus. Küng croit à la figure de Jésus. Qu’est-ce qui se cache là derrière ? Et vous voyez le Christ au Panthéon ?

... le christianisme aurait cessé de vivre, lui aussi : toute sa force aurait disparu.

Ce qui l’a sauvé, c’est d’avoir fait bande à part. Truc génial, qui lui vaut d’exister encore aujourd’hui... Je me sens des démangeaisons dans le pied.

Serrou : Comment expliquez-vous son attrait, aujourd’hui encore ?

Maintenant que le truc est éventé, comment cette forme vide, cette figure de Jésus, peut-elle encore aujourd’hui attirer à elle ?

Küng : C’est en effet très surprenant,

Ô abîmes du blasphème et de l’impiété. Il paraît « très surprenant » au grand théologien de l’université de Tübingen, dont les livres rendent « un service énorme », que la figure de Jésus ait « encore aujourd’hui » quelque attrait pour les hommes.

N’a-t-il pas lu en saint Jean l’explication prophétique de cet attrait par le Christ lui-même : « Quand j’aurai été élevé de terre [c’est-à-dire crucifié], j’attirerai tout à moi » ?

Mais nous n’avons pas encore atteint l’affreux ; il faut nous préparer le cœur à pire. Voici :

C’est en effet très surprenant, après tous les grands personnages de l’humanité, après les grands génies et après les grands politiciens et dictateurs, les grands héros, que cette figure de Jésus de Nazareth ait encore plus de rayonnement que PRESQUE toutes ces figures.

J’ai souligné par des majuscules le mot impie. À lui seul, il mérite l’excommunication ipso facto pour ce blasphémateur. Car, notez-le bien, Küng pouvait à la rigueur constater, avec peine, à regret, en incriminant la bêtise humaine, que certains prétendus grands hommes aient pu avoir, ou aient encore, plus de rayonnement dans le monde que JÉSUS. Mais non, le malheureux ! il s’étonne que Jésus de Nazareth vienne encore aujourd’hui dans le peloton de tête des grands hommes, malgré la concurrence de tant d’autres qui le valaient bien !?! J’aurais aimé savoir de Hans Küng quels étaient les grands personnages qui, à son avis, ont aujourd’hui, ou ont mérité dans le passé d’avoir un plus grand rayonnement que Notre-Seigneur Jésus-Christ.

La raison ?

La raison du grand et stupéfiant rayonnement de la figure de Jésus de Nazareth.

Peut-être...

Incertitude marquée. Hans Küng ne voit pas très bien.

... parce que c’est une figure qui, d’une part, est plus humaine que celle de beaucoup d’autres héros :

Nous sommes dans les comparatifs, et non dans le superlatif absolu : un héros humain parmi d’autres.

il a souffert vraiment et il est resté le symbole de la créature souffrante que nous sommes, nous-mêmes.

Sa souffrance ? symbole de la nôtre, simplement.

Et, d’autre part, cette figure est en même temps plus divine que les autres figures de l’histoire :

Comparatif toujours. Dans les hommes plus ou moins divins ( ?!), Jésus semblerait l’avoir été plus que d’autres.

il est la pure image, face, parole, volonté de Dieu.

Avalanche soudaine, inattendue, de mots bibliques exprimant très fortement le Mystère du Fils de Dieu fait homme. Hans Küng en arrive-t-il à une profession de foi ferme, après tant de propos contraires ?

C’est donc en raison du double aspect de cette figure :

Serait-ce une manière moderne de dire le dogme d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451) : deux natures en l’unique Personne du Fils de Dieu fait homme, ce double aspect de la figure de Jésus ?

un vrai homme...

Oui !

... en qui...

Non, pas « en qui », mais tout simplement : qui,

... Dieu lui-même a parlé et agi...

Mortelle équivoque !

... et s’est définitivement révélé dans son amitié pour les hommes.

C’est faible, et nous restons dans l’incertitude. Serrou aurait pu, aurait dû, poser la question décisive : Alors, le Fils de Dieu ? Je l’attendais, cette question...

Serrou : Voulez-vous dire par là que le Christ...

Je croyais déjà la tenir...

... demeure un homme éminemment moderne ?

Flac ! Le complice, en rompant les chiens une nouvelle fois, évite l’aveu de son ami et l’éclat du scandale. Mais Küng le moderniste ne peut s’empêcher de terminer en écrasant le Christ en qui il ne croit plus et pour lequel je lui devine une haine secrète, froide, implacable.

Küng : Oui, sa figure est restée beaucoup plus significative que, par exemple, la figure de Jules César ou celle de Platon ou celle de Napoléon.

De telles comparaisons sont pires que des insultes. Pour un théologien ! un prêtre ! J’y entends un sarcasme, un grelot de paranoïa diabolique.

Abbé Georges de Nantes.

(CRC no 146, oct. 1979, p. 10-12)

AVEC LE CARDINAL RATZINGER, 
IL N’Y A PLUS CETTE CHARITÉ PREMIÈRE...

Küng n’avait rien à craindre du cardinal Ratzinger, nommé préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1981. Son ancien collègue et compagnon de combat était résolu à ne jamais entreprendre la moindre démarche inquisitoriale : « Jamais je n’aurais accepté de me consacrer à ce service ecclésial si ma tâche avait été avant tout celle d’un contrôle. »

L’abbé de Nantes commentait : « Vous prenez soin de faire savoir que jamais, au grand jamais, vous n’auriez accepté la fonction de préfet du Saint-Office s’il n’avait été bien entendu, juré, promis, qu’il n’était plus question, qu’il ne serait plus jamais question de sanctionner ni de condamner personne, sauf... les ennemis de la Liberté.

« C’est entendre la charité, ou comme on préfère dire maintenant, la “ solidarité ” au sens où la franc- maçonnerie l’entend : Que tout homme soit respecté dans ses convictions, dans ses engagements et ses libres comportements, publics autant que privés. Et, règle suprême : que nul ne soit “ jugé ” par personne ni a fortiori condamné ”. Comme si la première charité n’était pas de définir la vérité et de la défendre !

« C’est ainsi que, Votre Éminence régnant, selon ce qu’elle a exigé et promis, à la Congrégation (fondée pour la défense) de la foi, il n’y a plus cette charité première qui consiste à défendre l’Église de l’invasion, de la domination et des ravages du Prince de ce monde, Satan. » (CRC no 207, janvier 1985, p. 21)

LANGAGE D’EUNUQUE ALORS QUE JÉSUS-CHRIST 
EST CRUCIFIÉ UNE NOUVELLE FOIS.

Le 6 août 1983, le préfet de l’ex-Saint-Office écrivit aux évêques sur le pouvoir de consacrer l’Eucharistie. Il les mettait en garde contre les « opinions erronées » qui se fondent sur le « sacerdoce commun » des fidèles, proclamé au concile Vatican II, pour présumer le droit des laïcs à « présider et à consacrer l’eucharistie ».

Ajoutons ce qui n’était pas dit dans cette Lettre : comme le prétendait avec insistance Hans Küng. Lui allait jusqu’au bout des avancées du Concile !

La foi si vive de notre Père inspira son commentaire de cette Lettre :

« Est-ce parfait ? Non ! Et la Congrégation pour la doctrine de la foi mérite trois blâmes véhéments, que nous lui faisons la charité de lui signifier.

« Premièrement. À peine le document publié, son préfet l’annule dans sa conférence de presse du 8 septembre 1983, assurant que les doctrines erronées visées par cette déclaration “ ne sont pas très répandues ”. D’ailleurs, “ aucun nom de théologien ou de communauté n’est cité dans cette lettre : les tendances sont diffuses et diverses... Le but de ce document n’est donc pas de prononcer des sanctions touchant des personnes ou des communautés, mais de conforter les fidèles et les prêtres, car, ici ou là, des problèmes existent, même s’il n’y a pas péril en la demeure. ” »

Et notre Père de laisser éclater son indignation : « Langage d’eunuque. On prend la grosse voix pour faire aux évêques un devoir sacré de réprouver ces affreuses hérésies, réprimer ces odieuses pratiques, et puis soi-même, préfet du Saint-Office, on s’écrase, on s’effondre devant les journalistes !

« Deuxièmement. Pourquoi donc cette défense solennelle de la foi catholique ? Hélas ! je vous le donne en mille ! Pour l’honneur de Dieu ? Point. Pour le salut des âmes ? Que non ! Alors, pour le respect du sacrement ? Nenni. Voici le motif, avoué aux journalistes par le même cardinal préfet... pour se faire pardonner cet accès de rigueur. Hé ! leur a-t-il dit, nous y avons été contraints par... nos frères séparés que de tels excès scandalisent !

« “ Cette lettre, leur a-t-il confié, est appelée à avoir un certain retentissement œcuménique ; spécialement auprès des Églises orthodoxes, parfois inquiètes de voir ou d’entendre certaines pratiques et théories s’éloigner de la foi commune du premier millénaire, aujourd’hui réaffirmée ( !) avec clarté ( !!) par l’Église catholique. De même, pour le protestantisme, il y a une certaine recherche de la structure épiscopale, comme le montre encore la récente assemblée du Conseil œcuménique de Vancouver. 

« Les hérétiques et schismatiques séculaires sont plus chrétiens que notre Église postconciliaire en folie. C’est pour les rassurer qu’on fait mine de remettre de l’ordre chez nous.

« Troisièmement, et c’est le plus grave : Qu’y a-t-il de mal à des eucharisties célébrées par de faux prêtres ou “ prêtresses ” ?

« Réponse : “ Les fidèles qui font la tentative de célébrer l’eucharistie en dehors du lien sacré de la succession apostolique fondé sur le sacrement de l’ordre s’excluent de la participation à l’unité de l’unique Corps du Seigneur, et par conséquent ils ne nourrissent pas la communauté, ils ne l’édifient pas, mais ils la détruisent. 

« C’est tout. Les griefs de Rome expriment son souci de défendre l’institution sacerdotale et l’unité de communion du Corps du Seigneur, à savoir l’Église. Mais nullement la pensée, le souci, la hantise de défendre Dieu, outragé par ces fausses messes, qui sont des simulacres, soit idolâtriques, si l’on croit vraiment consacrer et sacrifier le Corps et le Sang du Christ, soit profanateurs et blasphématoires si l’on n’y croit même plus. C’est Jésus-Christ qui est crucifié une nouvelle fois dans ces parodies sacrilèges. Et de cela Rome n’a cure. Il y a là pire scandale que dans le scandale même de ces eucharisties aberrantes. Rome a le culte de l’homme et de l’institution, et de la hiérarchie et de soi-même. Mais de Dieu, nullement. » (CRC no 193, octobre 1983, p. 7)

LA GROSSE BERTHA FAVORISE LES AMBITIONS DE RATZINGER.

Sous le couvert du libéralisme conciliaire, la Bête de l’Apocalypse opérait d’immenses ravages dans l’Église, à tel point que le cardinal Ratzinger ne put ignorer La crise de la foi, dans ses entretiens avec Vittorio Messori en 1984. Cependant, il ne reniait rien de ses engagements conciliaires, comme le montraient plusieurs passages de ses entretiens :

« Expert de l’épiscopat allemand à Vatican II, Ratzinger est ensuite l’un des fondateurs de Concilium, la revue internationale où se trouve réuni ce qui est considéré comme l’aile progressiste de la théologie catholique.

« Un péché de jeunesse, Éminence, cet engagement à Concilium ?

– Absolument pas.

« La boucle est bouclée quand vous tenez à faire savoir urbi et orbi que le pacte conciliaire comme je l’appelle en le dénonçant depuis vingt ans, la promesse de solidarité et de défense mutuelle des acteurs du Concile, tient toujours. » (CRC no 207, janvier 1985, p. 21)

L’année suivante, lorsque le pape Jean-Paul II annonça la réunion d’un synode extraordinaire pour célébrer les vingt ans de la clôture du Concile, Hans Küng renouvela ses campagnes et ses cris de haine contre tout ce qui demeurait encore catholique dans l’Église : « Je lance mon appel en espérant qu’on se souviendra que j’ai contribué, il y a vingt ans, à façonner ce Concile en tant que théologien conciliaire : Que les évêques au synode et dans les diocèses agissent comme ils l’ont fait à ce Concile ! Avant toute chose, puissent-ils agir au nom d’une jeunesse qui s’est tellement éloignée de l’Église, et au nom des femmes qui, face à une hiérarchie d’hommes autoritaires et célibataires, abandonnent la religion en nombre croissant sans dire mot.

« Qu’ils prennent aussi le parti de ceux qui ont divorcé ou ont enfreint les règles sur le célibat, des théologiens et des religieuses qui, à l’intérieur de l’Église, ont été intimidés ( !) ou injustement ( ?) réprimandés ( !). Puissent-ils œuvrer en vue du rapprochement ultime des Églises chrétiennes et de la poursuite sans parti pris ( !) du dialogue avec les juifs, les musulmans et les autres religions. »

Hans Küng dénonçait Ratzinger dont « on dit en Allemagne qu’il a trahi l’esprit de réforme que le cardinal allemand Frings lui avait légué en le choisissant comme expert personnel au Concile ».

La grosse Bertha allemande, comme disait notre Père, favorisait la stratégie et les ambitions du cardinal Ratzinger. En effet, sous l’effroyable bombardement, il apparaissait comme un cardinal modéré, sagement conciliaire, disant : Oui, à la réforme de Vatican II, mais Non à la réforme permanente.

« Si l’Église donc commence, et une nouvelle fois recommence, son aggiornamento, ce doit être l’œuvre inaliénable du parti libéral, non des dangereux progressistes, les jacobins de la Réforme conciliaire qu’ils changent en révolution et en terreur ! C’est un retour à la case de départ de 1789, sans 93, ce 1789 de l’Église qu’est à ses yeux le concile Vatican II, Acte de naissance, principe et charte de son existence nouvelle, moderne.

« Le cardinal est secrètement charmé de cette vicieuse manœuvre [de son ancien camarade de combat] qui lui permettra de mettre sa conscience en accord avec sa carrière et son impiété majeure, ce libéralisme de 1789 réédition 1965, qui lui fait haïr jusqu’à la mort la seule défense et illustration décisives de la foi catholique romaine, notre Contre-Réforme catholique au vingtième siècle. »

De plus, les attaques de la grosse Bertha le mettaient en bonne position pour obtenir « la reddition des intégristes. Ce lourdaud suisse allemand, déguisant le cardinal Ratzinger en dévot intégriste, en fasciste, en nazi, prétend convaincre les gens d’en face que le cardinal, vraiment converti, est des leurs. Et que le Pape l’encourage, évidemment, dans son chemin de Damas ! Comment oserait-on résister encore à Rome, quand elle est si méchamment, si odieusement attaquée par Hans Küng, le grand Satan ? Si énorme que soit le canular, il a déjà tant servi et tant fait de victimes que je ne doute pas qu’il réussisse encore ! » (CRC no 207, janvier 1985, et no 215, octobre 1985)

De fait, de nombreux traditionalistes ont cédé au Tentateur et sont tombés, au cours des années suivantes, dans son piège, et pour beaucoup Benoît XVI de­meure encore aujourd’hui une référence !

Notre Père dénonçait avec vigueur les manœuvres du « cardinal félon », destinées à rassurer et à séduire les traditionalistes : « Le cardinal, s’étant fait un renom de conservateur par quelques éclats de voix récents, ratisse large dans les milieux de droite, de tradition, dans le but d’isoler, de laisser terriblement seuls et incompris ceux qui refusent de perdre la foi comme lui, avec Rome, pour retrouver tous les avantages et les honneurs d’une confortable carrière ecclésiastique. » (CRC no 212, juin 1985, p. 14)

Il fallait toute la perspicacité de notre Père pour discerner la stratégie de Ratzinger à long terme : lui voulait non pas détruire le trône pontifical, mais le conquérir.

« Je comprends enfin qu’il n’est là, en ce haut poste auprès de Jean-Paul II, que par sa servilité doucereuse et empressée, depuis l’âge de trente-cinq ans envers le cardinal Frings, archevêque de Cologne et chef du complot moderniste allemand destiné à abattre la foi catholique romaine, d’abord par le démantèlement du Saint-Office et ensuite par la conquête du trône pontifical. » (CRC no 211, mai 1985, p. 9)

Il y parviendra vingt ans plus tard, le 19 avril 2005, sans avoir rien renié de son libéralisme et de son modernisme.

BENOÎT XVI, MODERNISTE IMPÉNITENT

Ce que l’abbé de Nantes avait écrit sur le théologien Ratzinger dans les années 1985 pour dénoncer ses théories modernistes et sa duplicité s’est trouvé parfaitement vérifié après son accession au souverain pontificat.

En effet, les analyses critiques des enseignements et des actes de Benoît XVI que j’ai publiées, ont confirmé et aggravé les accusations d’hérésie portées par notre Père à l’encontre de Joseph Ratzinger.

L’ASCENSION, DISCOURS THÉOLOGIQUE, NON PAS HISTORIQUE !

Dans son livre Jésus de Nazareth, Benoît XVI écrit : « L’   ascension ” [toujours entre guillemets] n’est pas un départ dans une région lointaine du cosmos, mais elle est la proximité permanente dont les disciples font si fortement l’expérience qu’ils en tirent une joie durable. » (t. II, 2011, p. 318)

Pourtant, le début des Actes des Apôtres nous présente bien l Ascension ” comme un départ : ils l’ont vu s’élever dans le ciel jusqu’à ce qu’une nuée « l’accueille et le soustraie à leurs yeux ».

Oui, mais « le discours sur la nuée est clairement un discours théologique », et non pas historique. « Il présente la disparition de Jésus non comme un voyage vers les étoiles, mais comme l’entrée dans le mystère de Dieu. Avec cela il est fait allusion à un ordre de grandeur complètement différent, à une autre dimension de l’être. »

L’incrédulité moderniste brille ici de tout le prestige de la parole pontificale... et révèle son incapacité à... lire les textes ! pour cause d’aveuglement.

Saint Luc écrit : « À ces mots, une nuée prit Jésus par-dessous [c’est le sens du verbe grec] et il fut enlevé loin d’eux. » (Ac 1, 9)

Cette « nuée » agit comme un véhicule, se plaçant sous les pieds de Jésus et le soulevant, comme avait fait le char qui avait emmené Élie sous les yeux de son disciple Élisée. Et lorsque Élie avait disparu dans les nuages, Élisée avait commencé à faire des miracles avec le manteau qu’Élie lui avait laissé. Les autres disciples qui regardaient la scène de loin ont compris qu’Élisée était l’héritier de l’esprit d’Élie (2 R 2).

Ce figuratif annonçait ce qui se produisit le jour de l’Ascension, pour clore la carrière de Notre- Seigneur sur terre et marquer le commencement de celle du Saint-Esprit. Jésus est enlevé aussi réellement et mystérieusement qu’Élie l’avait été.

Que de fois notre Père ne nous l’a-t-il pas enseigné ! Par exemple dans son sermon du 25 mai 1995 :

« La réalité de l’Ascension de Notre-Seigneur aujourd’hui est communément niée. On en fait une fable comme si les Évangélistes étaient capables de mentir pour faire comprendre à un peuple stupide que Jésus est toujours vivant, Dieu toujours présent dans nos cœurs et je ne sais quel autre mythe. Si Jésus est vivant en Dieu, c’est de toute éternité, s’il est vivant dans nos cœurs, c’est une blague, c’est une illusion ; autant, tout de suite, manger et boire, comme dit saint Paul, puisque demain, nous devrons mourir sans résurrection ni ascension.

« Mais les Actes des Apôtres, écrits par ce Grec distingué qu’est saint Luc, après enquête auprès des Apôtres et de tous les témoins vivants, nous racontent comment Jésus-Christ s’est élevé du sol, de la terre, du mont des Oliviers, choisi pour le lieu de son départ vers le Ciel, jusqu’à ce qu’un nuage le dérobe à leur regard. Et des Anges sont venus compléter la leçon en leur disant : “ Comme vous l’avez vu monter dans le Ciel, vous le reverrez à la fin des temps revenir pour établir son Royaume. ” C’est clair, c’est net et c’est là l’objet de notre foi, d’une sorte de foi imprescriptible. » (Il est ressuscité no 112, décembre 2011, p. 3-5)

COMMENT DIRE LA BÉATITUDE ?

Dans son encyclique Spe salvi, Sauvés en es­pérance, du 30 novembre 2007, le pape Benoît XVI se demandait :

« La vie éternelle, qu’est-ce que c’est ? [...] Vivre toujours, sans fin, en définitive, cela peut être seulement ennuyeux et en fin de compte insupportable. » ( no 10)

Il poursuivait : « Nous désirons en quelque sorte la vie elle-même, la vraie vie, qui n’est même pas touchée par la mort ; mais, en même temps, nous ne connaissons pas ce vers quoi nous nous sentons poussés [...]. Cette chose  inconnue est la véritable espérance  qui nous pousse, et le fait qu’elle soit ignorée est, en même temps, la cause de toutes les désespérances comme aussi de tous les élans positifs ou destructeurs vers le monde authentique et vers l’homme authentique. » ( no 12)

On s’attend à ce que le Saint-Père réponde à cette aspiration de l’homme en lui expliquant ce qu’est cette « “ chose  inconnue », objet de l’espérance chrétienne. Par exemple en citant sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus :

« Ce qui m’attire vers la Patrie des Cieux, c’est l’appel du Seigneur, c’est l’espoir de l’aimer enfin comme je l’ai tant désiré et la pensée que je pourrai le faire aimer d’une multitude d’âmes qui le béniront éternellement. » (au Père Roulland, 14 juillet 1897)

Mais non ! le pape Benoît XVI affirme que « nous ne connaissons pas ce vers quoi nous nous sentons poussés » ! Le Ciel est pour lui « “ chose  inconnue ».

Benoît XVI reconnaît toutefois que « dans le cours de leur histoire, les chrétiens ont cherché à traduire ce savoir qui ne sait pas en figures représentables, développant des images du  ciel  qui restent toujours éloignées de ce que, précisément, nous connaissons seulement négativement, à travers une non-connaissance ».

Le mot “ ciel ” ne désigne pas un “ lieu ” aux yeux du Pape, mais seulement une “ image ” pour dire l’indicible, l’inconnu (Il est ressuscité no 65, janvier 2008, p. 5).

De plus, dans ma critique du livre de Benoît XVI, Jésus de Nazareth, j’expliquais :

« Là où la volonté de Dieu est faite, là est le ciel », écrit-il. Donc, la terre elle-même devient “ ciel ” « si et dans la mesure où la volonté de Dieu y est faite, tandis qu’elle n’est que terre ”, pôle opposé au ciel, si et dans la mesure où elle se soustrait à la volonté de Dieu. C’est pourquoi nous demandons que sur la terre il en soit de même qu’au ciel, que la terre devienne ciel ”. » (t. I, p. 171)

Et voilà comment “ le Ciel ”, unique but de tous nos travaux, se dissipe comme un mirage ! (Il est ressuscité no 59, juillet 2007, p. 11)

IMPANATION POUR L’HOMME QUI... RÉFLÉCHIT !

Poursuivant mon étude de Jésus de Nazareth, j’ai analysé son chapitre sur l’institution de l’Eucharistie. La formulation du Pape est nettement luthérienne :

« Ce qu’on appelle le récit de l’institution, c’est-à-dire les paroles et les gestes par lesquels Jésus s’est donné lui-même, dans (sic !) le pain et dans (sic !) le vin, aux disciples, constitue le cœur de la tradition de la dernière Cène. » (t. II, p. 139)

Le Pape va chercher ailleurs que dans la pure doctrine catholique une explication qui satisfasse ses amis (protestants) en “ dialogue ”. Après avoir rappelé que tout commence par la bénédiction prononcée par Jésus en prenant le pain avant de le rompre, comme lors de la multiplication des pains (Jn 6, 11), il écrit :

« Depuis ses tout débuts, l’Église a compris les paroles de consécration non pas simplement comme une sorte de commandement presque magique [sous ce mot repoussoir, c’est le miracle qui est en cause. Il n’y a pas de miracle, puisque Jésus est “ dans le pain ”. Le pain est toujours du pain. Ni magie, ni miracle. Que reste-t-il de la “ consécration ”, de la transsubstantiation ? Nous allons voir...], mais comme faisant partie de la prière faite avec Jésus [non pas “ par Jésus ”, mais “ avec Jésus ”. Le prêtre n’agit donc pas “ in persona Christi ”] ; comme partie centrale de la louange teintée de gratitude, par laquelle le don terrestre [le pain et le vin “ offerts ” à l’homme par Dieu créateur] nous est de nouveau offert par Dieu [quel renversement des rôles ! Dans le culte qu’il rend à l’homme, Dieu lui offre le pain et le vin] comme corps et sang de Jésus, comme don de soi de Dieu dans l’amour accueillant du Fils. » (t. II, p. 152-153)

C’est toujours du pain et du vin, mais qui a changé de “ signification ”. On retrouve là la théorie moderne et moderniste de la transsignification ou transfinalisation selon laquelle le pain, qui était pour être mangé, nourriture de l’homme, cesse de nous parler ce langage naturel pour revêtir concrètement une autre signification ou finalité, un autre sens. La liturgie en modifie l’Être-au-monde, l’Être-pour-nous, en le réservant à la communion fraternelle dans le Christ (Il est ressuscité no 105, mai 2011, p. 7-8).

Toujours dans son livre, le pape Benoît XVI traitait de la résurrection du Christ en parfait moderniste : « Elle n’est pas un événement historique, du même genre que la naissance ou le crucifiement de Jésus. » C’est « un saut qualitatif » (t. II, p. 308).

Si le Corps et le Sang du Christ ont fait « un saut qualitatif dans une autre dimension », le dogme de la transsubstantiation selon lequel, à la consécration, au Saint-Sacrifice de la messe, la substance entière du pain est changée en la substance entière du Corps du Christ, et la substance du vin en son Sang Précieux, s’évanouit. Ce dogme n’a plus ni consistance ni raison d’être.

On pourrait allonger presque indéfiniment la démonstration, comme nous l’avons déjà fait (“ Benoît XVI, moderniste impénitent ”, Il est ressuscité no 126, mars 2013, p. 9-28). Rappelons simplement pour conclure ce qui con­cerne l’infaillibilité pontificale.

BENOÎT XVI CONTRE L’INFAILLIBILITÉ PONTIFICALE.

Notre appel à l’infaillibilité pontificale pour sortir de l’apostasie actuelle qui ravage l’Église et le monde, s’est heurté à la mauvaise volonté des Pontifes successifs. Ni Paul VI, ni Jean-Paul II, ni Benoît XVI n’ont voulu recourir à ce pouvoir personnel. Paul VI savait bien que la nouveauté de son enseignement, en rupture avec la Tradition de l’Église, l’empêchait d’être proclamé infailliblement, Dieu ne le lui aurait pas permis.

Quant à Jean-Paul II et Benoît XVI, leur modernisme leur rendait insupportable la proclamation d’une vérité de foi révélée objectivement.

De plus, Benoît XVI ne croyait pas en l’infaillibilité pontificale. Je l’avais remarqué en lisant son recueil d’entretiens accordés à un journaliste allemand, Peter Seewald, en 2010, intitulé Lumière du monde.

« Le Pape est-il vraiment infaillible ? » demande le journaliste. La réponse de « Benoît XVI lumière du monde » nous “ éclaire ”, oui ! sur la raison pour laquelle notre Père, l’abbé de Nantes, en a appelé en vain à l’infaillibilité du pape Jean-Paul II dont Joseph Ratzinger était le bras droit : « Le Pape peut naturellement avoir des opinions privées erronées. Mais quand il parle comme pasteur suprême de l’Église en conscience de sa responsabilité [qu’il vient de définir comme « de faire que l’on croie en la foi qui unit les hommes »], alors il ne dit rien qui lui serait propre, qui viendrait juste de lui passer par l’esprit. » (p. 25)

Ainsi, lorsque Paul VI proclamait la liberté religieuse au concile Vatican II, après l’avoir proclamée à la tribune des Nations unies, et lorsque Benoît XVI la proclame à son tour, « il parle comme pasteur suprême de l’Église en conscience de sa responsabilité », et soutient une doctrine dont on peut dire qu’elle « unit tous les hommes »... à l’exception de l’abbé de Nantes et de ses disciples.

« Il sait qu’en prenant une telle décision il n’induit pas l’Église en erreur, mais qu’il garantit l’unité de celle-ci avec le passé, le présent et l’avenir et avant tout avec le Seigneur. » Telle est en effet la conviction qui anime Benoît XVI chaque fois qu’il invoque le concile Vatican II.

Et lorsqu’il ajoute : « C’est de cela qu’il s’agit et c’est ce que ressentent aussi d’autres communautés chrétiennes », nous comprenons qu’il ne s’agit plus de l’infaillibilité définie par Pie IX au premier concile du Vatican, mais de l’unanimisme gnostique de Vatican II. Il ne s’agit plus d’un pouvoir propre du successeur de Pierre pour maintenir le dépôt de la foi contre les erreurs et défendre le troupeau contre les loups ravisseurs, mais de l’expression suprême du sentiment religieux des catholiques d’aujourd’hui en accord avec la pensée moderne !

Pourtant, Benoît XVI vient de rappeler lui-même à la même page le pouvoir propre du successeur de Pierre. « C’est seulement quand sont réunies certaines conditions, quand la tradition est devenue claire [au contraire ! Quand la tradition est claire, il n’y a pas besoin de cette intervention solennelle extraordinaire] et qu’il a conscience de ne pas agir arbitrairement [en accord avec qui ou quoi donc ?] que le Pape peut dire : ceci est la foi de l’Église. En ce sens, le premier concile du Vatican a défini la capacité de prendre une décision ultime, afin que la foi garde son caractère contraignant. »

Or, le concile Vatican II n’a jamais engagé l’infaillibilité « en ce sens-là ». Le combat mené par notre Père met en lumière la contradiction : la « décision ultime » prise par Paul VI, le 7 décembre 1965, de proclamer la liberté religieuse, a consisté à retirer à la foi catholique son « caractère contraignant ». Pourtant, depuis, la hiérarchie de l’Église prétend imposer cette liberté religieuse au nom du caractère contraignant de la foi ! Pour ce faire, il lui faut changer le sens de l’infaillibilité pontificale définie à Vatican I, tout en gardant le mot. Car il est impossible, selon les conditions posées par le droit de l’Église, que n’aboutisse pas à une condamnation la « décision ultime » sur la liberté religieuse demandée par l’abbé de Nantes « afin que la foi garde son caractère contraignant ».

Tous les Papes sont donc restés sourds à nos appels, depuis Paul VI jusqu’au pape François, “ question de principe ”... moderniste !

Et dès lors, toutes les hérésies fleurissent dans l’Église : « Au jour trois fois néfaste du 11 octobre 1962, les Pasteurs de l’Église ont décidé de ne plus condamner schismatiques, hérétiques et athées ni leurs complices. Jean XXIII s’est-il rendu compte de ce qu’On lui faisait dire ? Cette revendication du modernisme, qui refuse à l’Église le droit de prononcer des anathèmes, devenue décision “ pastorale ” de l’  Église en état de Concile ”, est une déclaration de polygamie spirituelle, disons le mot, d’adultère. » (Lettre à mes amis no 248 du 29 juin 1967, p. 2)

« Fidèles, prêtres, évêques, et Pape même ne sont membres de l’Église Sainte de Dieu qu’autant qu’ils adhèrent à la foi apostolique et repoussent tout ce qui y contredit, qu’ils sont fidèles à l’Unique Époux de leurs âmes et ennemis des séducteurs impies et des idoles de Satan. Ils doivent à leur Maître et Seigneur ce double témoignage de leur fidélité, de professer tout ce que tient pour révélé la Sainte Église leur Mère et de condamner avec anathème tout ce qu’elle a réprouvé. “ Quiconque n’est pas avec moi est contre moi, déclarait Jésus, et qui n’amasse pas avec moi dilapide.  Nul ne peut se refuser à condamner l’erreur, sous quelque motif que ce soit, sans outrager Dieu et ravaler sa Parole au niveau des diverses et incertaines opinions des hommes. Une foi “ libérale ” n’est ni sincère ni droite, son espérance diverge d’avec les volontés divines, sa charité n’est plus que crime et adultère.

« Faute de condamnation actuelle et efficace des erreurs et d’anathèmes sur les hérésiarques de l’intérieur et de l’extérieur, il y a carence de l’Autorité, si touchants que soient ses intentions et ses efforts, c’est une sorte de vacance  du Siège apostolique et de tant de Sièges épiscopaux... Sont membres de l’Église ceux-là seuls qui joignent à la profession de tous les dogmes catholiques la répudiation et l’anathème de toute hérésie, de tout schisme, idolâtrie et athéisme. » (Lettre à mes amis no 248, p. 2)

Et voilà soixante ans que dure cette “ vacance ” du Magistère, le pape François régnant légitimement.

Plus que jamais, prions pour le Saint-Père, comme l’abbé de Nantes nous le recommandait, tandis que les actes quotidiens de Paul VI le désolaient et souvent même le scandalisaient :

« Alors que la ligne générale de son pontificat me paraît funeste, je n’en continue pas moins à professer toute la doctrine catholique touchant le souverain pontificat et à prier pour la personne de celui qui est investi de cette redoutable charge. Position difficile, mais parfaitement loyale et légitime. » (CRC no 21, juin 1969, p. 1)

frère Bruno de Jésus-Marie.