Il est ressuscité !

N° 233 – Juin 2022

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Lettre ouverte au pape François, 
serviteur de la Servante du Seigneur, 
médiateur de la paix promise par Elle 
“ en nom Dieu ”

Très Saint-Père,

SI « nous avons perdu le chemin de la paix, oublié la leçon des tragédies du siècle passé, le sacrifice  de millions de morts des guerres mondiales », c’est bien sûr à cause de « la misère du péché » de « nos fatigues et fragilités », mais bien au-delà de ces faiblesses humaines, c’est en raison d’un profond et inexorable mystère. Le « mystère d’iniquité du mal et de la guerre », qui par permission de Dieu, pour que soient accomplies les Écritures, est l’œuvre du « diable », l’adversaire de Dieu et le nôtre, « le séducteur de toute la terre, descendu vers nous avec fureur sachant qu’il ne lui reste que peu de temps » (cf. Ap 12, 9-12).

Avant que d’être homicide, génocide, le « diable » est menteur et séduisant falsificateur. Il peut prendre le bel aspect « d’un ange venu du Ciel » (Ga 1, 8) « d’un ange de lumière, et ses ministres se déguiser en ministres de justice » (2 Co 11, 14), d’une justice plus que parfaite et prêcher une contrefaçon séduisante de l’Évangile. Il ne suffit donc pas de très sincèrement prêcher la non-violence et la paix (Jr 8, 11), ni de proclamer à l’ONU « plus jamais la guerre, plus jamais la guerre ! » pour qu’advienne avec un bienheureux temps de paix, la civilisation de l’amour. Pourquoi cette “ bonne volonté ” est-elle restée sans effet ? Comment avons-nous « perdu le chemin de la paix » (Rm 3, 17) ?

Permettez-moi, Très Saint-Père, de tenter une réponse à la lumière de l’enseignement de l’abbé de Nantes notre père fondateur, théologien de la Contre-Réforme catholique, défenseur de la foi comme des apparitions et du message de Fatima. Car c’est dans cette lumière que votre consécration du 25 mars prend tout son sens, comme aussi cette autre exigence du Cœur Immaculé de Marie, la communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois.

C’est cette petite dernière demande qu’il vous reste à accomplir pour satisfaire pleinement le Bon Plaisir de Dieu, et obtenir enfin le fruit de la divine Promesse de Notre-Dame de Fatima, celui d’un bienheureux temps de PAIX POUR TOUS.

APOCALYPSE 
DU « MYSTÈRE D’INIQUITÉ DU MAL ET DE LA GUERRE »

Le 18 juillet 1830, l’Immaculée Vierge Marie, apparut à sainte Catherine Labouré pour prévenir de l’imminence de bouleversements catastrophiques dans le monde entier, sans en préciser le terme : « Les temps seront mauvais. Les malheurs viendront fondre sur la France. Le trône sera renversé. Le monde entier sera renversé par des malheurs de toutes sortes (la Sainte Vierge avait l’air très peinée en disant cela). »

Il s’agissait, déjà, d’une « guerre mondiale par morceaux », guerre de la Révolution partout répandue dans le monde, hérétique dans son principe premier, car guerre idéologique du protestantisme et de la franc-maçonnerie contre l’Église romaine, fidèle épouse du Christ et pourvoyeuse de son règne évangélique parmi les nations ; guerre des nations de proie protestantes, anglo-saxonnes et germaniques contre la Chrétienté, c’est-à-dire le concert des nations catholiques européennes ainsi que leurs prolongements ultra-marins, comme l’Amérique du Sud pour l’Espagne et le Portugal. La Russie occupe une place à part, son pays légal subissant l’influence des “ Lumières ” germaniques, tandis que l’âme russe de son pays réel demeurait, malgré le schisme orthodoxe, dans la simplicité évangélique de sa foi chrétienne et de sa piété mariale, multiséculaires.

PRINCIPES ET ORIGINES 
DES « ERREURS DE LA RUSSIE ».

À l’horloge de l’histoire, tel que l’Apocalypse en livre le sens, l’heure des “ Derniers temps ”, celle de la lutte du Dragon contre la Femme avait sonné dans le Ciel, tandis que sur terre, la Révolution devait donc inexorablement progresser, « cerner le camp des saints et investir la ville bien-aimée » (Ap 20, 9). Ce sens de l’histoire tel que le voit Dieu dans son immense lumière, rejette celui de Hegel dans l’insignifiance, tandis que l’abbé de Nantes, notre bienheureux fondateur, fidèle serviteur de la Parole (Ap 1, 2) jetait dans une étude magistrale sur la Russie un flot de lumière sur le grand mouvement de la Révolution démocratique universelle, et sur les nations de proie qui en sont aujourd’hui encore les servantes et pourvoyeuses :

« Partis de Wittenberg (Luther) et de Genève (Calvin), puis de Londres (Henri VIII) où ils s’arment de judéo-maçonnisme, les Principes de la Révolution universelle passent en réalité par Washington et Yorktown, pour nous revenir par Franklin, Jefferson, et ce grand benêt de La Fayette (...). Ce sont les pères de l’Indépendance américaine qui viendront apprendre aux terroristes de la Convention les vrais et immortels Principes de la Révolution universelle, Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort ! Ainsi que la Déclaration des droits de l’Homme tout orientée à la ruine de l’autorité de Dieu et de la souveraineté des rois (...). »

Napoléon Ier consolidera les acquis de la Révolution en France, et inoculera ce virus au fil de ses conquêtes en Europe. Deux nations chrétiennes lui résisteront victorieusement : la Russie et l’Espagne, mais pas l’Allemagne.

« C’est ce mal, cette peste, démocratique ou révolutionnaire c’est tout un, idéologie aussi antihumaine qu’antichrétienne, qui enflamme alors les esprits allemands. C’est à qui mieux mieux établira, et exportera, la théorie d’un État Léviathan, « panoptique », perpétuellement absolu et terroriste qui ferait, à lui seul, la révolution intégrale et le bien des peuples par le fer et par le feu. Ce mélange de rationalisme absolu et de romantisme hagard, conduit en ligne directe de Kant à Hegel, et de Hegel à Marx et à Engels. C’est de ces sources étrangères que la Russie reçut le communisme de Lénine, de Staline, de Brejnev et d’Andropov. » (CRC n° 184, décembre 1982, p. 7)

LA RÉVOLUTION 
À L’ASSAUT DU SIÈGE APOSTOLIQUE

Après avoir supplanté l’autorité des rois, c’est par la violence des armes, puis par la séduction des idées fausses et des généreuses contrefaçons que la Révolution chercha à investir la « cité sainte », Rome. Le bienheureux pape Pie IX s’opposa à la force brute des armées de Satan grâce à la résistance héroïque des zouaves pontificaux. Il démasqua et condamna sans appel, le mauvais levain du libéralisme qui à l’intérieur même de l’Église, gravissait progressivement les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, militant pour une réconciliation, un dialogue de l’Église avec les principes de la Révolution.

LÉON XIII.

À la différence du bienheureux Pie IX, son successeur Léon XIII adopta une attitude conciliante vis-à-vis des pouvoirs politiques qui luttaient pourtant contre l’Église et la Chrétienté à visage découvert... Il prit le parti du chancelier Bismarck contre les catholiques du Zentrum ; il imposa à une France encore très majoritairement catholique et royaliste de se rallier à la République, alors que celle-ci était plus agressivement que jamais anticléricale... Il mena une politique anglophile qui, en 1898, ira jusqu’à soutenir finalement les USA dans leur guerre hégémonique contre l’Empire espagnol. Politique de Satan opposée à celle du Sacré-Cœur dont Léon XIII connaissait pourtant les volontés grâce à une communication de la bienheureuse Marie du Divin Cœur. Pour être “ apparemment ” quitte avec les demandes du Ciel, Léon XIII consacra le monde au Sacré-Cœur, mais tout en s’opposant à sa volonté essentielle, puisqu’il poursuivit sa politique mondaine de concorde avec les gouvernements ennemis de l’Église, trahissant les nations chrétiennes qui subissaient le joug de leur anticléricalisme persécuteur. Face à une telle rupture d’Alliance, le Sacré-Cœur ne remplit pas non plus, évidemment, son contrat, et ses promesses magnifiques ne sanctifièrent pas l’Église, qui en avait pourtant tellement besoin.

SAINT PIE X.

Au début du vingtième siècle, le libéralisme catholique avait acquis tant de prestige parmi le clergé, qu’il aurait précipité l’Église dans un aggiornamento ruineux si Pie X n’avait été élu Pape le 4 août 1903 avec pour programme de « tout restaurer dans le Christ ». Tout, absolument tout, même la politique, afin d’enrayer si possible ce grand mouvement d’apostasie dont il voyait bien qu’étant issu du protestantisme, il attaquait l’Église par le modernisme et la démocratie chrétienne, et qu’il précipiterait bientôt le monde entier dans l’athéisme d’un culte de l’homme. C’est pourquoi il renversa les idoles de son temps, démasquant avec génie et condamnant fermement les erreurs modernistes (Pascendi Dominici gregis, 1907) qui corrompaient la foi, et celles des utopies de la démocratie chrétienne (Lettre sur le Sillon, 25 août 1910) qui avaient cours dans le clergé. En politique extérieure, il défendit la liberté et l’indépendance de l’Église, rompant ainsi avec la politique de trahison de Léon XIII ; cela lui valut bien des inimitiés, comme aussi la secrète admiration des opposants et des persécuteurs...

Saint Pie X, grand réformateur en tous domaines, a été aussi à l’origine d’une prodigieuse épopée apostolique avec le concours des rédemptoristes belges et du saint patriarche, métropolite de Lemberg, en Galicie, Mgr Szeptycki : la conversion des Russes orthodoxes par le truchement des Uniates, c’est-à-dire des catholiques ukrainiens de rite grec. Cette œuvre prometteuse et très vite féconde fut anéantie par la guerre, le communisme, et ensuite par la trahison et l’abandon des Uniates par les autorités romaines.

Les apparitions et l’obéissance de la foi au message de Notre-Dame de Fatima seront seules capables de dénouer les nœuds de cet inextricable mystère d’iniquité, lourd de plusieurs millions de victimes. Il est toujours à l’œuvre aujourd’hui, mais vous vous y êtes opposé avec courage, Très Saint-Père, en comparant les persécutions que subissent les Russophones ukrainiens depuis 2014, au génocide rwandais (3 mai 2022), bravant ainsi la terrible pression médiatique d’un mensonge mondialement orchestré.

C’est avec une angoisse semblable à la vôtre aujourd’hui que saint Pie X assista aux prodromes de la Première Guerre mondiale. Il savait bien qu’elle verrait l’abaissement des puissances catholiques, à commencer par l’Autriche-Hongrie qui commettait l’imprudence, l’impiété même, de déclencher une guerre mondiale, pour si peu finalement. Saint Pie X mourut avant, mais son pontificat lumineux, hélas vite oublié, demeure toujours un phare dans la nuit du mystère d’iniquité qui s’épaissit.

FATIMA, PAIX ET SALUT DU MONDE

C’est dans ce contexte géopolitique apocalyptique que Dieu intervint dans notre histoire par les apparitions et le message de Notre-Dame de Fatima en 1917, prolongés par ceux de Pontevedra (1925) et de Tuy (1929). Non pour condamner le monde, mais pour le sauver une nouvelle fois, lui procurer une paix durable, par l’action conjuguée de la Vierge Immaculée de Fatima, rôle principal, et celle du Pontife romain au rôle subordonné mais indispensable...

Depuis 1917, pour vaincre cet énorme mouvement d’apostasie, ce que le Christ demande à son vicaire, ce n’est pas d’avoir une certaine idée de la paix et des moyens pour lui seul y parvenir ; ce n’est pas non plus de parler trente-six langues, ou de stipendier – avec l’argent US – la révolte contre le communisme, comme le fit Jean-Paul II en Pologne ; ce n’est pas davantage prêcher la non-violence, la non-résistance au mal à la remorque de Gandhi ou de Luther King ; il ne s’agit même pas de déployer des trésors de zèle apostolique, d’exhortations pédagogiques, charmantes, attirantes... Si cela qui fut si bon et bienfaisant est resté finalement sans lendemain, c’est parce que le mal est trop profond, trop induré...

Une seule chose est donc nécessaire, car source vive de la grâce et de la miséricorde, c’est que par amour de Dieu qui y tient beaucoup, par amour des âmes et de leur salut éternel, par amour de la Vierge Marie, le Souverain Pontife obéisse à deux petites demandes : Qu’il répande dans le monde entier la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, en lui consacrant la Russie qui se convertira, et en répandant la dévotion réparatrice des cinq premiers samedis, grâce à laquelle les chefs et le peuple chrétien retrouveront une foi sans artifice, une foi enthousiaste, simple et heureuse, afin de célébrer pour la plus grande gloire de Dieu notre Père, les bontés des très saints Cœurs de Jésus et de Marie. Ces demandes, enseignait l’abbé de Nantes, notre Père fondateur, sont comme les stipulations d’un renouvellement de l’Alliance nouvelle et éternelle, dans le Cœur Immaculé de Marie. C’est un marché d’amour.

FIDÉLITÉ À L’ALLIANCE ET RÉALISATION DE LA PROMESSE.

Très Saint-Père, vous venez de réaliser la première clause de ce renouvellement de l’Alliance, d’une manière tellement émouvante, juste et vraie, employant un « nous » diplomatique vis-à-vis des hommes pour dire la vérité à mots couverts, et de suppliant vis-à-vis de la Vierge Marie. C’est le cœur navré de peine que vous avez frappé à la porte du Cœur Immaculé de Marie... Mais vous le savez bien, car c’est une particularité de votre enseignement sur la grâce, primerea, vous n’auriez pas osé braver les oppositions, comme en octobre 2013, si la Madone, si Notre-Dame de Fatima elle-même en grand chagrin n’avait mystérieusement frappé à la porte de votre cœur, et opéré une semblable ouverture grâce à laquelle vous l’avez entendue, accomplissant ainsi cette première demande.

Notre Bon Dieu, qui scrute les cœurs à l’aune de leur être relationnel et les juge sur l’amour, connaît en toute vérité nos “ handicaps ”, ce que vous appelez plus justement « la misère du péché, nos fatigues et nos fragilités » aux prises avec « le mystère d’iniquité du mal et de la guerre ».

C’est bien évident que pour l’accomplissement de cette seconde demande, la communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois, de redoutables obstacles et oppositions vont se mettre en travers... C’est alors qu’il faudra vous souvenir, Très Saint-Père, de vos propres paroles : « Nous sommes chrétiens, parce que nous avons été ÉLUS. Dans cette élection, il y a une PROMESSE d’espérance, le signe en est la fécondité. Mais tu dois – le troisième pas – observer L’ALLIANCE avec moi. »

Dieu vous a élu pour une œuvre que vous sembliez avoir discernée puisque vous avez très vite exprimé le désir de consacrer votre pontificat à Notre-Dame de Fatima. Aujourd’hui, c’est Elle, qui en “ nom Dieu ”, vous promet une fécondité somme toute analogue à celle du Père des croyants : un certain temps de paix. Une nouvelle Pentecôte, la civilisation de l’amour fruit d’une nouvelle évangélisation... Toutes ces espérances “ messianiques ” jusqu’à maintenant trop humaines, trop charnelles, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie va les accomplir dans des proportions que nous avons peine à imaginer... Mais vous précisez aussitôt la condition sine qua non de cette fécondité promise et de cette vertigineuse espérance : « Mais tu dois – le troisième pas – observer L’ALLIANCE avec moi. Et l’Alliance est fidélité, être fidèle. » (2 avril 2020)

Vous identifiez ensuite parfaitement les obstacles sur lesquels ont buté tous vos prédécesseurs à l’exception de saint Jean-Paul Ier : « Les péchés sur ce chemin sont toujours contre ces trois dimensions : ne pas accepter l’élection et  élire  nous-mêmes de nombreuses idoles, tant de choses qui ne sont pas de Dieu ; ne pas accepter l’espérance dans la promesse, aller, regarder de loin les promesses, y compris souvent, comme le dit la Lettre aux Hébreux, en les saluant de loin et faire que nos promesses soient aujourd’hui avec les petites idoles que nous faisons ; et oublier l’alliance, vivre sans alliance, comme si nous étions sans alliance. »

Quelques jours plus tard, le 27 avril, vous affinerez l’analyse psychologique de cette infidélité à l’alliance de Fatima, ce que sœur Lucie appelait une désorientation diabolique : « Nous commençons sur un chemin à la suite de Jésus » [en obéissant à Marie comme les bons serviteurs de Cana en Galilée...]. Mais, « à mi-chemin, une autre idée nous vient à l’esprit et nous nous éloignons (...). Nous nous conformons à quelque chose de plus temporel, de plus matériel, de plus mondain, et nous perdons la mémoire de ce premier enthousiasme que nous avions éprouvé en entendant parler Jésus. »

Voilà bien pourquoi, Très Saint-Père, nous formulons pour vous-même le vœu que vous adressiez aux pèlerins de ce 2 avril 2020, celui d’avancer « conscient d’être élu [par Notre-Dame de Fatima], joyeux d’aller vers une promesse [la Paix, si ardemment désirée par votre bon cœur] et fidèle dans l’accomplissement de l’alliance [l’obéissance de la foi à deux petites demandes] ».

Pour qu’il en soit ainsi, de grâce Très Saint-Père, ne vous arrêtez pas ou plutôt ne vous laissez pas arrêter, « à mi-chemin », comme en octobre 2013, alors que vous vouliez consacrer la Russie au Cœur Immaculé de Marie dans les termes fixés par Notre-Dame...

Expliquez-nous avec le talent apostolique qui est le vôtre, les tenants et aboutissants de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie et de la communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois. Si vous le faites, les deux clauses de l’Alliance que Dieu le Père a fixées pour que soit satisfait son Bon Plaisir, seront réalisées, et c’est toute l’humanité qui sera bénie par un « certain temps de paix », durant lequel une nouvelle et éternelle évangélisation fera triompher, c’est-à-dire aimer et servir le Cœur Immaculé de Marie... et le reste vous sera donné par surcroît, cette cité de Dieu, nouvelle Chrétienté que vous appeliez de vos vœux dans la dernière partie de Lumen Fidei : « Dieu prépare pour eux une cité. » (He 11, 16)

PAPE FRANÇOIS DE FATIMA 
(PROSPECTIVE)

Ce que Notre-Dame de Fatima vous demande, somme toute, par l’accomplissement de cette petite demande, ce n’est pas quelque chose de radicalement nouveau ou d’insolite pour vous. Ce n’est que « de reprendre votre conduite première » (Ap 2, 5), de revivre l’idylle des premiers temps de votre pontificat. Non plus, vous tout seul, merveilleux Bon Pasteur ranimant la ferveur et attirant les foules ; vous n’en avez plus la force physique. Mais de reprendre le même chemin, plus lentement, plus vacillant assurément, mais avec pour point d’appui, refuge et guide, Notre-Dame de Fatima dans l’esprit et le cœur.

C’est le sens profond de votre consécration, car depuis le 25 mars vous êtes comme Œdipe-Roi le Suppliant ; vous vous êtes assis à la table des pécheurs, sachant bien que vous êtes des leurs. Mais pour vous aider à avancer sur le chemin à la suite de Jésus crucifié, alors que votre démarche est hésitante, comme celle de l’antique Suppliant aux yeux crevés, voici que Notre-Dame de Fatima veut vous prendre la main, comme Antigone, pour vous ramener et vous conduire sur ce chemin de vie que vous aviez si merveilleusement tracé lors de votre première homélie.

Désormais, c’est Elle, l’Immaculée pleine de grâce, qui a le rôle principal, et qui par votre personne, le meilleur de votre doctrine et de votre pastorale aussi, va opérer « l’impossible » (Lc 1, 37) renaissance de l’Église, qui s’apparente, vu la situation actuelle, à une résurrection des morts. On reverra alors les merveilles de grâce et de miséricorde, les miracles, qui jalonnèrent la route mondiale de Notre-Dame de Fatima de 1943 à 1957, convertissant les protestants, attirant à Elle les musulmans, les hindous, etc. Cette “ Nouvelle Pentecôte ” fut d’abord le cri spontané des vieux curés français qui n’en revenaient pas de voir leur église remplie, les confessionnaux pris d’assaut, la prière du chapelet, de jour et de nuit... C’était la Pâque du Cœur Immaculé de Marie...

Elle ne descendra pas du Ciel pour vous, Elle y règne et y travaille pour la paix contre la guerre, comme le révèle la vision du troisième secret. Mais Elle a élu depuis longtemps sa fille chérie, pour vous venir en aide et vous apprendre à connaître et aimer le Cœur Immaculé de Marie : sœur Lucie de Fatima. Son livre, Apelos, “ Les appels du message de Fatima ”, pourrait devenir la source vive d’une nouvelle prédication, et partant d’une nouvelle évangélisation...

LA DÉVOTION RÉPARATRICE, REMÈDE À L’APOSTASIE DANS L’ÉGLISE.

Dès votre accession au trône de saint Pierre, le 13 mars 2013, vous avez voulu que votre ministère pétrinien soit consacré à Notre-Dame de Fatima, il le fut le 13 mai, alors que le thème de cette journée était, singulier intersigne : « Dieu est le maître de l’impossible » (Lc 1, 37). Dans les semaines suivantes, vous avez résumé la situation de l’Église en une formule aussi exacte que lapidaire : « Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. »

La réparation qui s’est imposée alors à vous a été celle des « blessés graves ». Ils étaient innombrables puisque vous reconnaissiez vous-même que ce n’était pas seulement des personnes isolées qui s’étaient éloignées de la foi, mais des générations entières qui n’avaient pas entendu le nom de Jésus ou de Marie, et qui ne savaient même plus faire leur signe de croix... Quant aux religieux, c’est souvent par générations, eux aussi, qu’ils avaient fait naufrage dans la foi... Cinquante ans après le plus grand Concile de tous les temps ?!... Aujourd’hui la demande de communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois, l’explication qu’en a donnée Notre-Seigneur à sœur Lucie jettent une singulière lumière sur votre comparaison.

En 2013, vous ne donniez pas de précision sur la “ guerre et la bataille ” en question ni sur les “ ennemis ” et leurs “ armes ” causes de tant de malheurs temporels et éternels. Mais vous avez fait preuve alors d’une énergie, d’un enthousiasme communicatif prodigieux qui a, pendant un temps, attiré à vous les foules avides d’entendre leur Bon Pasteur leur rappeler les fondamentaux de la religion révélée, avec cœur, d’une manière concrète, aimable et ferme, souvent drôle et percutante, qu’il s’agisse de la confession, de l’eucharistie, du chapelet, de la dévotion à la Vierge Marie Mère de Dieu, du combat spirituel, et même de la réalité de l’enfer évoqué sans équivoque possible, une seule fois, à propos des maffieux. Vous étiez, à n’en pas douter, un Pasteur selon le Cœur de Dieu et de Notre-Dame de Fatima, c’est tout un.

C’est ainsi que le 30 octobre 2014 dans un message aux chrétiens « un peu fainéants dans la lutte » spirituelle, vous rappeliez en parfait accord avec le message de Fatima, que les trois ennemis de la vie chrétienne sont le démon, le monde et la chair, c’est-à-dire les passions qui sont les blessures du péché originel. « On ne peut penser à une vie spirituelle, à une vie chrétienne, sans résistance aux tentations, sans lutter contre le diable, sans avoir à revêtir l’équipement de Dieu (...). Cette génération a fait croire que le diable était un mythe, une idée, l’idée du mal... Mais le diable existe et il faut lutter contre lui. C’est saint Paul qui le dit ! »

Très ému par les conséquences morales, sociales et politiques de cette perte de la foi, et en raison probablement de votre formation théologique, vous n’avez cependant pas pensé à nous rappeler que Dieu étant notre Père, son Cœur qui est celui que nous a révélé son Fils Jésus, ainsi que le Cœur Immaculé de Marie, tous trois souffrent plus que quiconque de la perte des âmes, et d’être aussi si mal aimés, tant délaissés. Le petit François de Fatima a été bouleversé de voir, dans cette immense lumière qui était Dieu, à quel point Notre-Seigneur était si triste à cause de tant de péchés... Tandis que la petite Jacinthe, elle, était obsédée par le salut des pécheurs. François, Lucie, Jacinthe n’ont cessé d’offrir des prières et des sacrifices pour empêcher les âmes de tomber en enfer, et tâcher de consoler Dieu et le Cœur Immaculé de Marie.

AU SEIN MÊME DE L’ÉGLISE, LE COMBAT DE SATAN CONTRE L’IMMACULÉE.

Le motif pour lequel Jésus vous demande de répandre cette petite dévotion de la communion réparatrice des cinq premiers samedis du mois fut révélé à sœur Lucie le 29 mai 1930. Il concerne plus particulièrement le personnel de l’Église enseignante, comme aussi nos frères séparés. Et c’est grave, plus grave encore que les crimes des maffieux ou les abus sur mineurs... Car il n’y a pas pour notre Sauveur de crime plus impardonnable que de mépriser sa très Sainte Mère et d’outrager son Cœur Immaculé qui est le sanctuaire de l’Esprit-Saint. « Elles sont si nombreuses les âmes que la justice de Dieu condamne pour des péchés commis contre moi, que je viens demander réparation. Sacrifie-toi et prie (...). Cherche sans cesse par tes prières et tes sacrifices, à émouvoir ma miséricorde à l’égard de ces pauvres âmes. »

Vous ne le savez que trop bien, Très Saint-Père, elles sont légion les âmes des théologiens, des catéchistes, des prêtres, des évêques et même des cardinaux, etc. tous parangons de la mariologie minimaliste de Vatican II, mais qui en toute impunité, ne croient pas et enseignent à ne pas croire en l’Immaculée Conception ; qui ne croient pas et enseignent à ne pas croire en la Virginité de Marie, avant, pendant, et après l’enfantement ; qui ne croient pas et enseignent à ne pas croire en Marie, Mère de Dieu, refusant aussi d’admettre qu’elle soit mère des hommes. Ces malheureux qui ont fait ainsi naufrage dans la foi, enseignent pourtant le catéchisme et communiquent leurs doutes et incrédulités aux petits enfants, allant même jusqu’à leur arracher le chapelet des mains... Cela s’est vu... Comment se fait-il que ces scandales, tellement plus graves que les autres n’ont pas alarmé nos pasteurs ?... La cinquième offense, la cinquième peine, concerne l’iconoclasme de ceux qui outragent la Vierge Marie dans ses saintes images... Vous n’ignorez pas non plus, Très Saint-Père, la fureur qui s’est emparée des clercs, ni comment ils ont dépouillé leurs églises, remisant les statues de la Vierge et des saints dans les greniers ou aux ordures...

La révélation par le Christ en personne du motif de la communion réparatrice des cinq premiers samedis doit certainement vous accabler et d’autant plus que vous en mesurez mieux que quiconque l’apostasie, puisque le numéro 48 de Lumen Fidei en donne l’explication théologique :

« Étant donné qu’il n’y a qu’une seule foi, celle-ci doit être confessée dans toute sa pureté et son intégrité. C’est bien parce que tous les articles de foi sont reliés entre eux et ne font qu’un, qu’en nier un seul, même celui qui semblerait de moindre importance, revient à porter atteinte à l’ensemble. Chaque époque peut rencontrer plus ou moins de difficultés à admettre certains points de la foi : il est donc important de veiller, afin que le dépôt de la foi soit transmis dans sa totalité (cf. 1 Tm 6, 20), et pour que l’on insiste opportunément sur tous les aspects de la confession de foi. Et puisque l’unité de la foi est l’unité de l’Église, retirer quoi que ce soit à la foi revient à retirer quelque chose à la vérité de la communion... »

LA FRATERNITÉ UNIVERSELLE ET LA PAIX SONT POSSIBLES.

La situation internationale, la volonté de puissance inouïe des États-Unis, diabolique, car mensongère et homicide, la crainte d’une troisième guerre mondiale avec ses victimes par millions, tout cela vous bouleverse, Très Saint-Père, comme cela avait bouleversé en son temps saint Pie X.

Mais par l’histoire sainte, multimillénaire, du peuple de Dieu, dont Fatima nous rappelle opportunément la sagesse, nous savons bien que la guerre n’est qu’une conséquence, le salaire et le châtiment d’une impiété majeure et persistante... Vous savez aussi que depuis le concile Vatican II, cette vérité biblique, divine par conséquent, n’est plus rappelée par personne. Nous l’avons entendue dernièrement de la bouche d’une vieille Ukrainienne du Donbass recroquevillée sur son lit d’hôpital : « Tout ce qui arrive, c’est parce que nous avons péché. C’est comme ça que je vois les choses. »

Alors, disparu, utopique votre rêve d’une fraternité universelle, dont vous rappeliez justement le fondement divin dans le numéro 54 de Lumen Fidei ? :

« Dans la  modernité ” [régression révolutionnaire], on a cherché à construire la fraternité universelle entre les hommes, en la fondant sur leur égalité. Peu à peu, cependant, nous avons compris que cette fraternité, privée de la référence à un Père commun comme son fondement ultime, ne réussit pas à subsister [pour cause de guerres civiles et de génocide planifié...]. Il faut donc revenir à la vraie racine de la fraternité. »

Dieu la désire assurément cette fraternité universelle, mais à Fatima, le Bon Plaisir du Père en cette matière, et qui rejoint d’ailleurs l’expérience des hommes, c’est qu’il ne faut pas oublier la Mère, car c’est elle aussi, qui conjointement au « Père commun » est le fondement ultime de la fraternité. En famille, c’est souvent la Maman, qui fait cesser les “ chicanes ”, et restaure la bonne entente parmi la fratrie...

Très Saint-Père, vous avez consacré la Russie et l’Ukraine au Cœur Immaculé de Marie, c’est l’absolue assurance, impensable aujourd’hui, de la réconciliation de ces deux peuples qui « vénèrent Marie avec amour », comme vous le disiez dans votre consécration... Par sa position géopolitique exceptionnelle, une fois convertie, la Russie répandra cette grâce en Asie, jusqu’en Chine... Quelle merveilleuse perspective apostolique d’avenir...

LE SIGNE DE LA VIERGE.

Très Saint-Père, vous vous trouvez dans une situation semblable à celle du roi Achaz, sommé comme lui de mettre votre foi en Dieu, en son Bon Plaisir, autrement dit pour vous, dans le message de Notre-Dame de Fatima. Vous avez traité de ce sujet dans le numéro 23 de Lumen Fidei :

« Effrayé par la puissance de ses ennemis, le roi cherche la sécurité que peut lui donner une alliance avec le grand empire d’Assyrie. Le prophète, alors, l’invite à s’appuyer seulement sur le vrai rocher qui ne vacille pas, le Dieu d’Israël. »

Le prophète Isaïe engage le roi Achaz à demander un signe. Celui-ci refuse : « Non, je ne mettrai pas Dieu au défi. » (Is 7, 12) Le saint homme... De la même manière depuis 1917, les hommes d’Église font la sourde oreille au message de Notre-Dame de Fatima, à ses demandes, au nom d’une foi adulte qui n’a pas besoin de signe pour croire ni d’être secourue par quelque intervention de Dieu...

Face à une telle résistance du roi Achaz, Isaïe soupire et gémit, comme a dû soupirer et gémir sœur Lucie dans sa mission de faire connaître et aimer le Cœur Immaculé de Marie. Mais puisque dans un cas comme dans l’autre il s’agit d’une volonté de Dieu et que son dessein doit s’accomplir malgré ses ennemis, Isaïe donne un signe au roi, celui de la Vierge qui enfante.

Depuis 1917, Dieu donne à son Église et à ses Souverains Pontifes un signe, celui de la Vierge de Fatima. Elle est triste à cause du malheur des âmes qui tombent en enfer, à cause des persécutions qui vont s’abattre sur l’Église et le Saint-Père. Mais puisqu’elle est Reine aussi et qu’Elle est l’Immaculée Conception, Dieu lui a confié tout l’ordre de la miséricorde. De 1943 à 1957, sa statue pèlerine a parcouru le monde en faisant, non seulement le bien, mais des miracles de conversions par milliers... Depuis 1960, la vision du troisième secret nous montre que le monde qui pense et vit comme Sodome serait châtié par l’embrasement général d’une guerre mondiale, si la Vierge Marie, Reine des Cieux, « toute miséricordieuse et maîtresse de son Fils », ne s’interposait, éteignant les uns après les autres les foyers d’incendie.

Oui, comme vous l’avez dit, Très Saint-Père, c’est à travers Elle, notre Maman-Reine et médiatrice de toutes grâces, que « la miséricorde divine se déverse sur la terre ». Mais elle a encore besoin de vous pour mener son entreprise de paix jusqu’à son heureux terme.

C’est à cette intention que nos deux communautés de Petits frères et Petites sœurs du Sacré-Cœur fondées par l’abbé Georges de Nantes, ainsi que les familles de notre tiers ordre, la Phalange de l’Immaculée, prient chaque jour pour vous, Très Saint-Père.

frère Philippe de la Face de Dieu.