Il est ressuscité !
N° 272 – Décembre 2025
Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard
Deus Mariæ
Théologie totale de l’abbé Georges de Nantes (2)
en réponse à la note Mater Populi Fidelis du Dicastère pour la doctrine de la Foi (suite)
LA lecture de la note doctrinale Mater Populi Fidelis du Dicastère pour la doctrine de la foi est insupportable à un catholique bien né à cause de l’esprit protestant qui y règne dès la première ligne. « ... Parce que si la grâce nous rend semblables au Christ, Marie est l’expression la plus parfaite de son action qui transforme notre humanité. Elle est la manifestation féminine de tout ce que la grâce du Christ peut opérer dans un être humain. » ( n° 1) N’importe lequel ? Aucune différence entre notre état de pécheur taré par le péché originel en Adam, bien que peut-être racheté par le baptême dont il n’est pas question ici, ni de l’Immaculée Conception ?
Ce mauvais esprit luthérien est évidemment au rebours de toute la tradition de l’Église, qui au contraire va à une exaltation toujours croissante de la Sainte Vierge ( nos 9 à 14 de la note doctrinale). Et crescendo, jusqu’aux définitions des dogmes de l’Immaculée Conception par le bienheureux pape Pie IX en 1854 ( n° 14), et de l’Assomption en 1950 par le pape Pie XII, aux applaudissements du monde chrétien.
Toutes les étapes de cette dévotion grandissante et du développement dogmatique sont indiquées en note jusqu’à Pie IX... à l’exception de Pie XII ! Le dogme de l’Assomption est absent de la note : le cardinal Fernandez y croit-il ? Cette omission montre que non. Il a donc « fait complètement défection dans la foi divine et catholique » selon les termes de Pie XII dans Munificentissimus Deus où il définissait l’Assomption de Notre-Dame comme un dogme de foi divine, donc infaillible.
Les apparitions mariales des deux siècles passés (absentes aussi), en France, et plus encore à Fatima, très importantes dans leurs conséquences doctrinales, ont encouragé largement cet élan de dévotion dans le peuple fidèle, de recherche et de compréhension du mystère chez les saints et docteurs catholiques, comme saint Maximilien-Marie Kolbe par exemple. Naturellement, tous en sont venus à demander la proclamation solennelle, infaillible, des titres de Corédemptrice, et Médiatrice de toutes grâces, pour l’exaltation de la Vierge Marie. Déjà en 1921, le cardinal Mercier, et encore en 1962 dans les schémas préparatoires du concile Vatican II ( n° 23).
Jusqu’ici sans pouvoir l’obtenir de Rome. Pourquoi ?
« Le principal problème dans l’interprétation de ces titres appliqués à la Vierge Marie est de comprendre comment Marie est associée à l’œuvre rédemptrice du Christ. » ( n° 3) La “ note doctrinale ” accepte une « coopération de Marie dans l’œuvre du Salut » ( n° 3), une « participation de Marie à l’œuvre salvifique » ( n° 4), une « collaboration » (nos 6, 15), et même une certaine « intercession ». La Vierge Marie est bien reconnue comme « Mère de Dieu » ( n° 11) dans une « maternité pleinement active qui s’unit au mystère salvifique du Christ comme instrument aimé par le Père dans son dessein de Salut » ( n° 15).
Mais le mot de « Co-rédemptrice » pose « problème » jusqu’à proscrire son utilisation comme « toujours inopportune » et « gênante » ( n° 22), de même que « Médiatrice universelle de toutes grâces » qu’il faut amoindrir ( n° 33). Pourquoi ? à cause de « la nécessité d’expliquer le rôle subordonné de Marie au Christ dans l’œuvre de la Rédemption » ( n° 22).
C’est donc cette « nécessité » qui est le « problème ». D’où vient-elle ? Du mauvais esprit protestant, à n’en pas douter, qui veut rabaisser la Sainte Vierge par haine diabolique, n’en faire qu’un “ modèle ” de foi et d’obéissance, pour que soit universelle la théorie d’un accès direct à Dieu pour chaque croyant sans autre médiateur que le Christ. Mais bien plus, ce luthéranisme latent dont on retrouve trop d’expressions typiques dans la “ note doctrinale ”, se trouve très commodément installé dans une “ gêne ” du néo-thomisme, au fond assez rationaliste, imposé par Léon XIII en théologie, et dont profite le mauvais esprit conciliaire sous prétexte d’œcuménisme. Il s’en trouve un aveu blasphématoire dans le titre d’un article de La Croix : « Entre la Vierge et le Sauveur, la dissimilitude ne peut être qu’abyssale. Elle est une créature, il est le Créateur. » (La Croix du lundi 17 novembre 2025, dans la rubrique À VIF / l’espace du dialogue, par don Guillaume Chevallier, communauté Saint-Martin)
S’il y a un abîme infranchissable entre Dieu et Marie, alors nous sommes les plus malheureux des hommes ! Heureusement, le Bon Dieu Trinité n’est pas prisonnier du système substantialiste. Et c’est ici que notre Père apporte la nouveauté de sa théologie “ totale ”, application de sa métaphysique “ relationnelle ”, en apportant à l’élan de la tradition catholique l’assise théologique qui la rendra victorieuse de ce genre de rationalisme contre lequel elle s’est montrée impuissante jusqu’ici.
Notre Père a montré dans sa métaphysique relationnelle, que la valeur des êtres n’est pas tant fonction de leur nature que de la qualité de leurs relations et de la manière dont ces êtres vont répondre à leur vocation : « Dieu pense cet être, il le situe là en connaissant les relations qui vont le définir et c’est sa vocation, son identité. Elle vient de Dieu, elle est projetée dans le monde et elle définit la personne, sa vocation, sa valeur. Et si elle réussit à faire tout ce qu’elle pouvait, on appellera ça sa sainteté ou sa perfection. » (PC 29 : Notre doctrine de “ A ” jusqu’à “ Z ”, camp Charles de Foucauld, août 1985)
Ainsi, lorsqu’il s’agit de Marie, l’Immaculée Conception, Fille du Père, Mère de Dieu toujours Vierge et Épouse du Verbe, Colombe du Saint-Esprit, la perfection de ses relations avec les Trois Personnes de la Sainte Trinité est voulue telle par Dieu lui-même, au point que saint Maximilien-Marie Kolbe pourra s’écrier : « Elle est complètement divine ! »
Il nous faut donc poursuivre notre étude de la “ théologie totale ” de notre Père pour comprendre et contempler la Vierge Marie Co-rédemptrice.
Et d’abord, qu’est-ce que le mystère de la Rédemption ?
II. LE DIEU SAUVEUR 1
LE MYSTÈRE DE LA RÉDEMPTION ET DE LA CORÉDEMPTION
ADAM ET ÈVE AU PARADIS.
Au Paradis terrestre Adam et Ève étaient saints et heureux. Ils dominaient la terre, mais mieux : ils s’aimaient mutuellement dans la sainteté et la justice sous le regard de Dieu leur Père. Ces êtres sortis de la main de Dieu, étaient homme et femme pour représenter en figure prophétique, pour annoncer l’amour du Christ et de l’Église à venir. Ils étaient le tableau vivant du Dieu de Marie, de Dieu concevant Marie, par son Verbe, “ Immaculée Conception ”, et pour son Verbe, la lui consacrant et unissant dès avant la création du monde. Et c’est pour Elle qu’il a mis en branle toute l’histoire de la création.
« C’était le dessein premier et c’est le dessein dernier de Dieu, qui était la loi d’Adam et Ève au Paradis terrestre : en s’aimant l’un l’autre et de la manière dont un époux et une épouse s’entr’aiment, de cette manière bien spécifique, ils devaient découvrir son amour à lui, Dieu. Et dans leur union conjugale, pleine et entière, de l’esprit et du cœur, de l’âme et de la chair, selon saint Paul aux Éphésiens (Ep 5, 22-33), ils devaient être l’annonce de l’union du Christ avec l’Église. C’est saint Paul qui nous le dit :
« Que les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur : 23 en effet, le mari est chef de sa femme, comme le Christ est chef de l’Église, lui le sauveur du Corps ; 24 or l’Église se soumet au Christ ; les femmes doivent donc, et de la même manière, se soumettre en tout à leurs maris. 25 Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église : il s’est livré pour elle, 26 afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; 27 car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée. 28 De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme c’est s’aimer soi-même. 29 Car nul n’a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Église : 30 ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? 31 Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : 32 ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. 33 Bref, en ce qui vous concerne, que chacun aime sa femme comme soi-même, et que la femme révère son mari. » (Ep 5, 22-33)
« Voyant Adam et Ève s’entr’aimer, s’embrasser, se contempler mutuellement avec joie, le Verbe de Dieu voyait déjà la réalisation de son dessein commencer. C’était l’image de ce qu’un jour il vivrait avec la Vierge Marie et ensuite avec toutes les âmes saintes et l’Église dans sa totalité. Et donc, cette joie du Paradis terrestre, c’est le miroir du Mystère divin. »
Notre Père ajoutait : « Et je note, avec ma brutalité d’expression habituelle, comme conclusion de ce premier acte, très important et qu’on ne dit, qu’on ne peint jamais : dans le cœur et dans le ventre de sa créature, Dieu prépare le sanctuaire de son Verbe. Ça, c’est l’événement essentiel de notre histoire. »
L’ACCIDENT DIABOLIQUE.
Notre Père nous décrivait ensuite le péché originel comme lui seul pouvait le faire : « Puisque Dieu veut être dans le ventre et le cœur de sa créature, Satan va donc prendre sa place. »
Une théologie “ totale ”, cela veut dire : une théologie qui ne cache rien de la vérité. Et la vérité sur le péché originel, qui la dit aujourd’hui ? Plus personne et surtout pas la note doctrinale Mater Populi Fidelis qui n’en contient même pas la notion. Résultat : plus personne n’y croit.
Pendant dix-neuf siècles, avant le concile Vatican II, siècles de foi, on le peignait sous l’image enfantine du fruit défendu. Dieu disait à Adam et Ève : Ne mangez pas de ce fruit-là, ne cherchez pas à savoir ce qui est mal. Personne ne soupçonnera l’abbé de Nantes d’être intégriste ni moderniste. Il n’hésite pourtant pas à dire : « Si le péché originel est d’avoir mangé le fruit défendu, notre religion n’est rien. » Mais si c’est l’évocation discrète d’une horrible chose que notre Père n’hésite pas à mettre à découvert, alors le mystère de la Rédemption se dévoile dans toute sa profondeur.
La séduction exercée par le Serpent sur Ève est une séduction charnelle. Ève est prise dans le vertige de ce crime abominable de se souiller avec ce serpent, l’animal « le plus rusé », dit la Bible, et le mot hébreu vient d’une racine qui veut dire mettre à nu : celui qui met à nu le secret, l’ “ intelligent ”, le “ lucide ”, le “ pénétrant ”. Mais on peut aussi traduire : « le plus nu » de tous les animaux des champs que Dieu avait faits. Et c’est vrai que le serpent est la bête la plus “ nue ” de tous les animaux des champs que Dieu a faits : il n’a pas de poil. Le serpent est un être qui, par sa nudité, est impudique.
Quand on lit le texte dans l’hébreu, la vérité... toute nue ! est clairement suggérée : « Or tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, et ils n’avaient pas honte l’un devant l’autre. » (Gn 2, 25) C’est le dernier verset du chapitre. Et voici le premier verset du chapitre suivant : « Le serpent était le plus nu de tous les animaux. » La traduction la plus exacte serait : « le plus pénétrant ».
C’en est assez pour nous faire comprendre qu’Ève connaît dans cet embrassement, ce viol, cette souillure, ce que saint Paul appellera les “ profondeurs de Satan ”. C’est la première possession diabolique.
Comment Ève a-t-elle cédé à cette première tentation, elle qui était sainte et heureuse avec Adam ?
Elle y a cédé par le vertige de tout “ connaître ”. Et le verbe “ connaître ”, au sens biblique, signifie la connaissance physique en même temps qu’intellectuelle. Elle a voulu connaître le mal. Et donc, c’est le sens total de ce péché horrible parce que si vous concevez ce que peut être l’embrassement de cette femme avec ce serpent qui est un Satan, il résume tous les crimes dont notre société apostate est le théâtre, jusque dans l’Église qui s’est “ ouverte ” à ce monde-là depuis le concile Vatican II :
1. C’est d’abord une idolâtrie, en vertu de laquelle le démon a pris la place de Dieu.
2. C’est un adultère, car le démon a pris la place d’Adam.
3. C’est un acte d’homosexualité, parce que le démon a pris une forme féminine.
4. C’est un acte de bestialité.
C’est précisément ce que les philosophouména de saint Hippolyte (130 ap. J.-C.) qui attaque un certain Justin, gnostique, nous transmet : « Naas le serpent est coupable d’iniquité, il s’est approché d’Ève, il l’a trompée et a commis avec elle l’adultère, ce qui est un crime. Il s’est approché de même d’Adam. »
D’Adam, Satan a fait son mignon. Adam s’est donc livré à son tour à l’idolâtrie, à l’adultère, à l’homosexualité, à la bestialité, tous crimes d’une humanité tirée de l’animalité par la création de l’âme et qui se détourne de Dieu pour se faire servante de la bête.
Après quoi, explique tout crûment notre Père, Satan occupe le ventre, le cœur et l’esprit de l’homme. Il l’a emporté sur Dieu dont le dessein était de faire du ventre de sa créature le sanctuaire de son Verbe !
Tout le système de Freud est un jeu d’enfant à côté de cette révélation biblique ; Adam et Ève sont avilis, pervertis, détruits. La vérité est sans proportion avec le récit destiné aux enfants, pour leur inculquer une juste horreur de toute désobéissance à papa et maman, parce que c’est une désobéissance à Dieu même ! Ce que le catéchisme enseignait suffisamment... avant le concile Vatican II ! Elle se dévoile à une lecture attentive de la Sainte Écriture, et est transmise par une tradition immémoriale, qui traîne dans les talmuds, dont on retrouve des traces dans la plus antique tradition de l’Église, sans être prêchée ouvertement.
Le péché originel, péché d’Ève, commis par Adam qui était chef de race, à l’encontre d’une sagesse exemplaire dont il avait été lui-même instruit par Dieu, ce péché est le plus effroyable que l’on puisse concevoir, pire que tout ce que nous lisons dans les journaux en nos temps de corruption généralisée, qui n’est que la réplication, par les enfants, du péché originel de nos premiers parents. C’est une tare.
Une femme qui sort d’une pareille expérience ne sera plus jamais la même jusqu’à la fin de sa vie. Surtout si cette femme était sainte et heureuse au Paradis. La preuve en est qu’on n’ose même plus en parler publiquement. Si on en reste au mythe enfantin, il n’est plus rien et voilà pourquoi notre clergé moderniste, depuis Vatican II, n’y croit plus. Mais il ne croit pas davantage au mystère de notre rédemption par lequel Dieu, notre Père du Ciel, va nous tirer de là. Par une incompréhensible bonté miséricordieuse...
Car d’une femme qui s’est souillée de cette façon, personne ne voudrait. Ni d’un homme qui s’est corrompu jusqu’à la racine. Et toute la génération qui sortira de ce couple est une génération maudite, adultère, pourrie. Le péché originel est une tare marquée dans notre sang, dans notre adn, dans notre âme. Qui nous rend insupportables à Dieu, et insupportables les uns aux autres. C’est une humanité dont Satan est devenu le prince, le Prince de ce monde. Il a gagné contre Dieu pour toujours. Il s’est logé au centre de la transmission de la vie, de la vie sexuelle.
La théologie trinitaire de l’abbé de Nantes nous permet de comprendre. Au lieu de cette trinité dont est marquée la création grâce à la distinction des sexes : Dieu le Père, Adam le Fils, Ève sanctuaire de l’Esprit-Saint, signe du dessein de Dieu qui doit paraître en Jésus et Marie, nous avons Satan qui trône et gouverne l’homme par la femme et la femme par l’homme.
DIVINE PÉRIPÉTIE.
Dieu va-t-il détruire l’humanité ? En lisant la suite des chapitres du livre de la Genèse, on voit Dieu tellement en colère qu’il s’apprête à détruire l’humanité entièrement pervertie. Dès le chapitre sixième, par le Déluge.
Mais c’est trop tard. Dieu ne peut plus détruire l’humanité, à cause de l’Immaculée Conception.
Saint Thomas dit en effet que la Rédemption était nécessaire : Necessitas simpliciter. Il y avait une nécessité intrinsèque à la Rédemption et elle se trouvait dans la prédestination, dit-il. C’est que Dieu avait déjà conçu la Vierge Marie. C’est Elle qui a été notre paratonnerre. Il avait d’abord aimé la Femme sous sa forme parfaite, la Vierge Marie. Et maintenant, le Diable pouvait passer, détruire l’œuvre, Dieu ne pourrait pas renoncer à cette première conception, c’était trop beau ! Il s’était déjà, si on peut dire, engagé par des fiançailles avec Elle, et c’est à cause de Marie, non pas à cause de ses mérites, elle n’en a pas encore, mais à cause de sa prédestination, de cet élan d’amour que Dieu a eu pour Elle, pour qui il a mis en branle toute l’histoire de la création. Quand Adam et Ève se livrent au Démon, c’est trop tard, Dieu ne va pas annuler, anéantir son œuvre, parce qu’il n’y aurait point de Marie. Or, il aime Marie, et il s’est engagé. Dans le concert des trois Personnes divines, Elle existe déjà comme une œuvre de leur sagesse et de leur amour.
À cause de cette prédestination éternelle qui a établi Marie, il y a une nécessité que Dieu continue son œuvre. Dieu doit donc, à cause d’elle, pardonner, restaurer, tout relever pour que son Fils puisse, le moment venu, prendre son épouse et par là, en venir à l’Alliance nouvelle et éternelle, et à cause d’elle, Marie, épouser tout l’humain lignage, c’est-à-dire l’Église, dont Marie est la personnification.
Donc, Dieu se trouve affronté à un problème terrible : son amour est plus fort que sa haine ou que son dégoût. C’est cela, cette nécessité intime de la Rédemption.
Le Moyen Âge, au temps de saint Bernard, a fait de grandes représentations des confrontations de la justice et de la miséricorde de Dieu. La justice réclamant que l’humanité soit anéantie à cause du péché originel et de tous les crimes qui ont suivi. La miséricorde intervient... Mais, en réalité, la miséricorde est antérieure, en la Personne de Marie.
Seulement, maintenant que Dieu a décidé de sauver l’humanité, encore faut-il qu’il adopte une certaine pédagogie pour que son pardon ne soit pas à nouveau un objet de mépris et que l’humanité ne piétine pas ce pardon de Dieu, comme elle a piétiné son premier don.
Dieu se dit : je vais quand même réaliser mon dessein, et pour cela il faut que je me réconcilie cette création, mais il faut que je me la réconcilie de telle manière que ces personnes créées, rebelles, se convertissent. Et donc, je vais l’approcher à petits pas, à pas de loup, en faisant une éducation telle, que cette humanité ne s’enfonce pas plus à fond dans le péché, mais qu’elle revienne à moi.
Après la faute d’Ève, Adam aurait dû, au lieu de la suivre dans son péché, rompre avec elle ou alors, lui pardonner et s’offrir à Dieu, à sa justice, afin de retrouver son épouse purifiée et que Dieu lui fasse grâce.
C’est Dieu qui l’a fait, après avoir commencé par rompre avec l’humanité, l’abandonnant à son aberration à travers les siècles pour que les fils d’Adam qui composent l’humanité comprennent. Il suffit de faire un peu de sociologie religieuse pour constater les horreurs des religions païennes avec cette corruption, cette idolâtrie des bêtes, le veau d’or, Pasiphaé et son taureau...
« Les dieux des païens sont des démons... » (Ps 95, 5)
Dieu et le démon sont aux prises, au long des millénaires, et l’humanité est l’enjeu de ce combat.
Même Israël, le peuple choisi de Dieu, n’est pas meilleur que les autres. Israël a pratiqué l’homosexualité, la bestialité, tout comme les païens. Cependant à Israël, Dieu a donné ses commandements à Moïse, et l’homosexualité, la bestialité, l’inceste sont punis de mort : lapidation ! Que Dieu est dur avec son peuple ! C’est pour qu’on se rende compte du mal où nous sommes pris, pour apprendre aux juifs ce qu’est la vertu, et leur montrer qu’ils sont incapables de la pratiquer.
Tout cela, Dieu le fait pour que, peu à peu, l’homme se rende compte de la bonté de Dieu qui continue néanmoins à faire alliance avec lui et qui lui annonce tout de même, à l’horizon, une “ consolation ”, un avenir merveilleux, la libération du péché, et la défaite du démon. Il s’agit d’écraser le démon de telle manière que l’humanité change de parti, en vue de la reprise du dessein initial qui est celui des épousailles de l’humanité avec son Fils.
Alors la Rédemption va s’accomplir.
LA RÉDEMPTION PAR LE CHRIST ET POUR MARIE.
Après des siècles de préparation, le Verbe se fait chair dans le sein de la Vierge Marie : Dieu reprend son grand dessein d’avant le péché originel. Il s’installe en maître dans le ventre de la femme, comme dit notre Père en son langage sans détour.
Le Verbe de Dieu, nouvel Adam, pense toujours à sa nouvelle Ève. Et quand son peuple élu se montre « bien disposé », avec des familles qui, aidées de la grâce, ont commencé à vivre d’une haute spiritualité et d’une forte vertu, à l’école des prophètes et des sages de l’Ancien Testament, dans ces familles est apparue la fleur de cette humanité : la Vierge Marie. Née elle aussi de cette tige empoisonnée mais préservée du péché, antérieure au péché, parce qu’elle est “ l’Immaculée Conception ”.
Lorsque le Verbe prend chair dans le sein de la Vierge, l’homme et la femme se tiennent enlacés selon la prophétie de Jérémie 31, 22 : « La Femme entourera l’Homme. » Quelle merveille ! Car l’un est Dieu, et même dans le sein de sa Mère, avant même d’être né, il a toute sa pensée, sa conscience divine, il est bien là où il est, il est en acte d’amour de cette Femme qui est sa Mère, et qu’il destine de toute éternité à être son Épouse parfaite.
Et elle a conscience de cet Enfant qui remue dans son sein, elle sait que ce n’est pas un petit enfant inconscient, mais elle sait que c’est son Dieu. Et voilà donc les splendides épousailles qui sont réalisées entre eux.
C’est le sommet, mais c’est aussi l’exemple de ce que Dieu veut entre nous tous et Lui : Union du Créateur à sa créature, du Verbe divin à son épouse, du Fils à sa Mère, du sauveur à sa créature sauvée. Quelle merveille !
Ce que Dieu veut établir entre toute l’humanité et lui, il le réalise parfaitement en la Vierge Marie. Et bientôt, il va le réaliser avec Marie-Madeleine, personnification de l’humanité pécheresse, à qui le Christ va pardonner et qu’il va finalement conduire à un mariage, une union d’amour qui durera toute l’éternité.
Le Christ étant présent, rencontre cette humanité. Que va-t-il se passer ? Il fallait qu’il rencontre cette Ève, cette créature déchue, qu’il entre en contact, en conversation, en familiarité avec elle, qu’il échange – comme on dit maintenant – avec l’humanité pécheresse.
L’ÉPOUX SAUVEUR. L’AMOUR VAINQUEUR.
Comment cet Époux divin, outragé, va-t-il s’y prendre avec son épouse infidèle, butée dans son infidélité, possédée de sept démons et absolument rebelle ? Eh bien ! il vient la trouver, et lui annonce la bonne nouvelle : il vient la sauver en lui disant qu’il l’aime. Cela tombe dans une atmosphère vraiment détestable. Une femme avilie ne peut pas supporter que son époux lui dise qu’il lui pardonne, qu’il l’aime encore. Il y a un tel fossé ! Les prophètes, le second Isaïe (“ l’Inconnu de l’Exil ”), Zacharie, la Sagesse, ont prévu la scène... de ménage !
Que fait une épouse infidèle quand son mari lui tient un tel discours ? Elle le gifle, elle le bat, elle l’insulte et elle aggrave son cas, c’est prévu. Les êtres avilis, les êtres souillés, les êtres possédés du monde ne supportent pas la patience des justes. Plus ils sont patients, plus les injustes les persécutent pour les faire sortir de leurs gonds, afin qu’ils deviennent méchants eux aussi.
Le livre de la Sagesse montre le juste mis à mort par les méchants. Il y consent, il laisse l’iniquité aller à son comble pour montrer que sa patience ne se laisse pas vaincre, et qu’à la haine répond un amour aussi grand, jusqu’à la mort, et la mort sur la Croix. Il n’y a pas de plus grand amour.
Jésus ne meurt pas à cause de la colère de Dieu qui tombe sur lui, mais à cause de la colère de cette épouse avilie dont toute l’amertume, le vice, la méchanceté se déchaînent contre lui. Là encore, l’abbé de Nantes opère une “ révolution copernicienne ”, et nous délivre de la théorie scolastique de la « satisfaction vicaire » selon saint Anselme : le Christ a “ satisfait ” à la peine du péché, d’où le mot de “ satisfaction ”, à notre place, d’où le mot latin vicaire.
Il en résulte cette idée assez sombre et scandaleuse : Dieu était en colère contre l’humanité, mais il a passé sa Colère sur le Christ à notre place. C’est véritablement renverser les rôles !
Le sommet de la malice humaine a paru chez les pharisiens, les sadducéens, les grands prêtres contre Jésus, parce qu’il était bon. Plus il était bon, plus ils étaient méchants. Mais plus ils étaient méchants, plus il acceptait de souffrir. En acceptant de souffrir, il leur manifestait qu’il accomplissait toute justice ; et acceptant cette souffrance infinie, en donnant jusqu’à sa dernière goutte de Sang et d’eau, en accomplissant son Sacrifice, il « accomplissait toute justice », c’est-à-dire que son amour se manifestait aussi total que l’immensité du péché du monde.
Tel est le mystère de la Rédemption.
LA CROIX, ACTE DE RÉCONCILIATION SUPRÊME.
Quand Dieu se fait homme pour sauver les hommes afin de retrouver cet amour qu’il veut établir avec eux, il entre dans une dimension humaine qui s’appelle la justice. Et puisque le péché des hommes est énorme, le Père et le Fils disent : “ si on veut qu’ils comprennent l’étendue de leur péché afin de s’en sortir, il faut que la souffrance éprouvée par le Sauveur soit énorme, elle aussi ”. C’est la sainteté de Justice : le Père d’accord avec le Fils pour qu’Il accepte de ne pas anéantir cette justice, et en la subissant, qu’il manifeste la mesure de l’injure faite à Dieu. Cela, ce n’est pas factice, c’est réel.
Saint Thomas dit très justement : Dieu aurait pu pardonner à l’humanité par simple décret. Du point de vue de Dieu, qui est bon, il ne faut pas croire que Dieu avait à passer sa colère contre quelqu’un. Du point de vue absolu de Dieu, ce n’était pas nécessaire pour Jésus de mourir en Croix. À la rigueur, si Dieu voulait montrer quand même que notre péché était une réalité, une goutte de Sang Précieux de Jésus suffisait à pardonner aux yeux de Dieu, à manifester aux hommes le pardon de Dieu, manifester un pardon que Dieu accordait gratuitement. Donc, ce n’est pas du côté de Dieu que la Passion était exigée.
Et pour nous le faire bien comprendre, notre Père prend un exemple de l’Évangile :
« Quand le Christ, face à la femme adultère prise en flagrant délit d’adultère et que les autres veulent lapider, dit à ceux qui veulent la lapider : “ Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ”, personne ne se présente. À la femme adultère, il dit : “ Va, tes péchés te sont remis ! ” C’est trop facile ! Il faut quand même que cette femme sache un jour que, en lui disant cela, il était tellement bouleversé du péché de cette femme, irrité si on peut dire, l’injustice de cette femme lui était tellement pénible et insupportable que lorsqu’il a dit : “ Tes péchés te sont remis ”, il a fait un acte de charité incroyable, et il va le manifester en mourant sur la Croix pour elle ! »
C’est pourquoi, sans que ce soit cependant nécessaire parce que le Père ne l’exige pas de son Fils, le Père a laissé le Fils entrer dans cette voie effrayante qui va bien au-delà de ce que la Justice (divine, invisible) exigeait, jusqu’à donner la totalité de sa vie terrestre pour toucher, au-delà de toute la Justice commutative (celle que l’on peut appréhender avec notre raison), le cœur de l’homme par cette surabondance d’amour, destinée à le convertir en le sauvant. C’est la sainteté de miséricorde.
Vrai homme, Jésus a vraiment souffert de cette justice, en se “ faisant péché ”. On peut dire qu’il a porté la colère de Dieu et la haine des hommes, c’est-à-dire qu’il a donné aux hommes la juste mesure de la colère que Dieu a contre eux ; mais ce faisant, il l’a apaisée. Ainsi y a-t-il un Dieu qui aime les hommes et un homme qui aime Dieu ; “ croisillon ” beaucoup plus satisfaisant que l’explication de la satisfaction vicaire.
Saint Thomas a très bien expliqué pourquoi cette souffrance du Rédempteur était gratuite du côté de Dieu, mais de grande convenance pour convertir les hommes. Il a des passages merveilleux pour montrer que la Croix est une source de méditation infinie, parce que le mode de cette souffrance est pour les hommes un modèle de pardon, de justice, de piété filiale et de charité fraternelle.
Voilà pourquoi la Croix est l’acte de réconciliation suprême de Dieu avec son épouse infidèle. C’est la reprise de sa part d’un amour conjugal, et de la part de la Vierge Marie qui est associée à lui, Corédemptrice, Médiatrice, dont le Cœur Immaculé ne fait qu’un avec le Cœur du Christ broyé.
L’ÉPOUSE CORÉDEMPTRICE.
« Marie est la Mère de Jésus, c’est vrai. Donc Elle le domine comme son enfant, c’est vrai. Mais Il est Dieu et, en tant que Dieu, Il lui échappe complètement, Il est au-dessus d’elle, elle le sait bien et elle le veut ainsi.
« Jésus et elle sont en accord merveilleux, il y a une compréhension totale entre ce qu’Il veut faire et ce qu’elle veut qu’Il fasse. Cela s’est déjà produit d’une manière mystérieuse dans l’Incarnation. Ensuite, pendant toute la vie de Nazareth, entre elle et Jésus, il y a une compréhension d’Époux et d’épouse, c’est l’union parfaite, c’est l’union intime. Elle dit oui dans l’Incarnation, et dans les trente ans de vie cachée, la Vierge Marie est avec Jésus pour faire les mêmes choses : prier de la même manière, travailler ensemble, etc.
« Le jour où Jésus part pour sa prédication, le plus vite possible la Vierge Marie part à sa suite, se joint au groupe des saintes femmes qui l’écoutent. Lui prêche et elle écoute, comme un époux parle et sa femme écoute, comme un époux commande et sa femme obéit.
« Quand vient la Passion, évidemment il n’est pas question que Jésus souffre sa Passion tout seul, mais elle est là associée à lui. » (Théologie mariale, récollection de Josselin 1980)
Saint Jean l’a raconté : « Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : “ Femme, voici ton fils. ” Puis il dit au disciple : “ Voici ta mère. ” Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui. » (Jn 19, 25-27)
Et notre Père commente : « Le mot “ Femme ” employé par Jésus pour s’adresser à sa Mère est le mot par lequel Adam désignait Ève lorsque, saisi d’admiration, il s’écriait : “ Celle-ci sera appelée Femme ! ” (Gn 2, 23) »
La Vierge Marie est donc la Nouvelle Ève, et les meilleurs auteurs l’enseignent à l’envi. Mais notre Père va au-delà :
« Jésus s’adresse à sa Mère dans des termes qui sont sans équivalent humain. Je veux dire qu’il y a entre Jésus et sa Mère une relation semblable à celle que Jésus entretient avec son Père. Bien sûr, Jésus est le Fils du Père ; mais il est la Parole qui est auprès de Dieu, et cela dépasse tous les langages. De même, Jésus est le Fils de Marie ; mais il entretient avec sa Mère une relation infinie, illimitée, totale, mystérieuse, ineffable.
« Si Jésus avait dit : “ Mère ”, il aurait réduit la Vierge Marie à cette fonction providentielle qu’elle a eue en ce monde de l’enfanter et de l’élever. Mais cette fonction même, cette relation si noble et si merveilleuse, si unique et incomparable qu’elle fût, ne dit qu’une partie, je ne dis pas de l’affection, mais de l’échange de sagesse qui régnait entre Lui et Elle.
« Puisque Jésus se tenait là sur la Croix, comme le Sauveur du monde, il était comme le Père de tous les hommes. Et si on ne dit pas qu’il est le père de tous ceux qu’il sauve sur la Croix par son Sang, c’est parce qu’il est tellement le Fils de son Père qu’il ramène toute paternité à son Père qui est dans le Ciel. Mais c’est Lui qui les enfante à la grâce du haut de la Croix. Il est le tout de la Révélation. » (frère Bruno Bonnet-Eymard, La Passion du Seigneur, in Bible, Archéologie, Histoire, t. III, p. 38)
Et Elle ? Que fait-elle ?
« Maintenant la voilà au pied de la Croix pour la consommation de leur Alliance. Là, elle s’unit aux volontés du Christ d’une manière merveilleuse.
« L’amour dans la jouissance c’est bien, naturellement parlant, c’est bien et c’est fortifiant, c’est consolant. Il faut que les époux se donnent une jouissance physique et une jouissance morale, une joie spirituelle, un bonheur mutuel, c’est dans l’ordre mais c’est encore naturel. Le surnaturel, c’est l’union dans la souffrance, l’union dans la peine. » (Le Dessein de Dieu, récollection mariale de Josselin 1977)
« Lui, le Fils de Dieu fait homme, est en train de racheter le monde et son épouse, son épouse très réelle – Elle a épousé toutes ses idées, elle a épousé toutes ses volontés – est là et elle épouse ses souffrances. Donc, elle meurt d’amour et elle meurt de peine avec lui.
« Voilà comment, Ils engendrent, lui et elle, d’une manière certes différente : lui engendre l’humanité pécheresse au salut, Il est en train de racheter le monde, lui activement. Elle est tellement unie à lui qu’elle mérite de devenir aussi Rédemptrice, Corédemptrice. À ce moment-là, dans l’amour, elle partage toutes ses souffrances rédemptrices, mais elle accepte, elle veut ce Sacrifice. Au pied de la Croix, il faut la voir s’unissant au Souverain Prêtre pour offrir la Victime au Père.
« À ce moment, Jésus lui dit : “ Femme, voici votre fils ”, c’est-à-dire que Jésus lui annonce : “ Je suis en train de sauver le genre humain et vous aussi vous le sauvez, et maintenant je vous donne tout le genre humain. ” C’est l’Époux qui donne à l’épouse tous ses enfants, parce qu’ils les ont engendrés dans le même amour et dans le même acte extraordinairement douloureux de la Croix. » (Théologie mariale, récollection de Josselin 1980)
Il n’y a donc qu’une seule volonté d’oblation, un seul Cœur, un seul Sacrifice, un seul Acte rédempteur. C’est bien ce que saint Paul enseigne lorsqu’il tient qu’il n’y a qu’un Rédempteur, qu’un Médiateur. Car, explique notre Père : « Le même Esprit est en Elle et en Lui : c’est l’Esprit-Saint. »
Le titre de “ Corédemptrice ” n’est donc pas une simple couronne honorifique décernée par les hommes. C’est une révélation de Jésus lui-même, sur la Croix, au moment de son plus grand acte d’Amour. C’est Lui qui s’adresse à sa Mère sous ce vocable de « Femme » consentant par là à cette union de Lui à Elle, et d’Elle à Lui en retour, dans laquelle le Fils de Dieu fait Homme lui donne sa fécondité : « voici votre fils ». Et saint Jean nous représente tous à ce moment-là, pour entendre Jésus nous dire : « voici ta Mère », et profiter du fruit de cette rédemption, par Elle, pourvu que nous la reconnaissions comme notre Mère. C’est ce que saint Jean fit : « Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui. »
Quant aux prétendues craintes du cardinal Fernandez que ce titre de “ Corédemptrice ” « risque d’obscurcir l’unique médiation salvifique du Christ » ( n° 22), elles sont sans fondement. Car on ne peut imaginer l’Immaculée Conception, parfaite dans sa vocation d’épouse du Verbe, “ faire de l’ombre ” à son Époux ! Ou alors, c’est qu’Il l’aura voulu...
La théologie classique présente la corédemption et la médiation de la Vierge Marie comme découlant de sa Maternité Divine. C’est ici que notre Père fait faire un progrès dans la compréhension du mystère, par sa théologie relationnelle, existentielle, en contemplant l’Immaculée Conception comme épouse du Verbe dès le commencement auprès de Dieu qui l’aime de toute éternité. Après le drame du péché originel, horrible, Elle est encore là, avec son Époux, pour une restauration magnifique de ce dessein de Dieu de l’union céleste de toute la Création au Verbe dans le sein du Père pour l’éternité.
Du point de vue de Dieu tout est fait. Dieu aime les hommes et déjà, dans le Christ, l’homme-Jésus aime Dieu. Et en la personne de la Vierge Marie, Dieu a déjà épousé un autre être humain. C’est un commencement de réunion de toute l’humanité dans le Corps mystique du Christ. C’est le commencement de nouvelles amours. Encore faut-il que les enfants de Marie profitent du salut qui leur est acquis. Comment cela se pourra-t-il ?
Par Quelqu’un dont nous n’avons pas encore parlé et qui pourtant est là, bien présent. Lui aussi aime cette Immaculée Conception, Fille du Père, Mère et épouse du Fils de Dieu fait Homme, car Il lui trouve une vocation, des relations très semblables aux siennes. C’est l’unique Esprit du Père et du Fils.
LA PLACE DE L’IMMACULÉE CONCEPTION.
Notre Père ne l’a pas oublié. En 1998, nous avons célébré la Pentecôte un 31 mai. Du coup, la fête du Saint-Esprit coïncidait avec la fête de Marie-Reine, la Reine des Cieux !
« Aujourd’hui, l’Esprit-Saint et la Vierge sont célébrés conjointement. C’est leur fête à tous les deux, ils ne font qu’un. C’est l’intime lien de l’Esprit-Saint avec Notre-Dame qui est souligné par la liturgie. Quel est donc le lien entre l’Esprit-Saint et Notre-Dame ? C’est un mystère très caché encore, qui se dévoilera à son heure, éclairant tout de la préexistence de l’âme de la Sainte Vierge dans l’éternité.
« Et l’autre point obscur de notre Credo qui me manquait encore jusqu’à Noël, c’était : qu’est-ce que c’est que cette opération du Saint-Esprit dans le mystère de l’Incarnation du Verbe ?
« 1. C’est tout simplement ceci : le Verbe s’est incarné par l’opération du Saint-Esprit. Cela suppose une intimité avec l’Esprit-Saint que le Père Kolbe a chantée, mais en disant que c’était les épousailles. Ce ne sont pas les épousailles, parce que la place est prise déjà.
« 2. L’autre point du mystère, je vous le donne en mille, il tient en trois mots, ces mots que sainte Bernadette répétait en remontant de la grotte pour aller voir son curé, l’abbé Peyramale et elle lui a dit tout d’un jet un mystère formidable. On a cru qu’elle ne parlait pas bien français. “ Je suis l’Immaculée Conception. ” – Le curé : “ Tu es folle ! Sais-tu ce que tu dis ? ” – “ Non, Monsieur le Curé. ” Je voudrais bien vous le dire, mais je n’ai pas le droit.
« Cela fait de notre fête d’aujourd’hui une espèce de rencontre providentielle. C’est ce qu’il faut que je vous prêche sans vous dire le fin fond des choses. Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas faire deux choses à la fois, remettre la foi catholique à sa place et dire des révélations. C’est dans l’Écriture sainte, c’est à la portée de tout le monde.
« Allez, chantez votre Credo, pensez à ce que la Sainte Vierge a dit à sainte Bernadette. Tout mon secret est là, vous n’allez pas dire que c’est une nouveauté. Il n’y a qu’à savoir lire. Dire que j’ai attendu soixante-quatorze ans pour y arriver. Le chaînon manquant, c’est cela. La Reine des Cieux, cela fait “ tilt ”, parce que, ayant lu saint Augustin et avec les lumières de saint Augustin, ayant compris ce que veut dire saint Jean Eudes, je montre la préexistence de l’âme de la Sainte Vierge. Sachant ces opérations du Saint-Esprit, nous nous réjouissons immensément de cette union de l’Esprit-Saint et de l’Immaculée Conception : nous la fêtons en ce jour providentiel de la conjonction de leurs deux fêtes. Cela me fait plaisir de penser que c’est leur fête à l’un et à l’autre. Cela fait plaisir à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le Ciel, croyez-le.
« C’est l’aboutissement d’une longue hésitation et dans notre Credo, nous allons le marquer. Dans notre Credo particulier, pas dans le Credo que nous chantons à la Messe en latin, mais quand nous faisons notre prière entre nous, nous avons décidé un jour, contre l’hérésie, contre l’apostasie dressée contre l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, nous avons décidé de mettre un article nouveau (mais qui n’est qu’un dogme de Pie IX sur l’Immaculée Conception), nous disons : “ Je crois au Saint-Esprit, à la Sainte Église Catholique, à l’Immaculée Conception de la Vierge Marie. ” Non sans raisonnement et motif, j’avais bien mis la Vierge Marie après l’Église, parce que l’Église, c’est la totalité de l’épouse mystique du Christ, la Vierge Marie n’en est que quoi ? Je ne savais pas, je trouvais qu’il fallait marquer que nous n’étions pas idolâtres de la Vierge Marie, que l’Église passait avant et que la Vierge Marie faisait partie de l’Église.
« Depuis ce temps-là, cela me chiffonne, comme on dit au Canada. Cela m’ennuie, chaque fois que je disais cette formule, je me disais : c’est bien beau de faire de la théologie, d’être dogmatique et de dire : “ Je crois au Saint-Esprit, à la Sainte Église catholique, à l’Immaculée Conception ”, mais j’en ai assez d’entendre les prêtres, les curés, les évêques, les théologiens et je ne veux pas parler de plus haut, mettre la Vierge Marie sous leurs pieds, parce que, eux, ils sont l’Église, ils ont le droit de régenter la Vierge Marie, quand Elle nous fait des révélations sur la terre, nous apprend des choses pour notre salut. Ils mettent cela sous cloche pendant soixante ans, sous prétexte que c’est eux qui règlent les révélations privées. Alors, la Vierge Marie devient quoi ? Parallèlement, on lui dénie tous ses mystères, y compris sa virginité. Jusqu’où va-t-on aller ?
« Eh bien, maintenant, j’ai dit : on la mettra avant l’Église Catholique. Pourquoi ? Parce qu’Elle est plus. Elle est sa Mère, disait Paul VI, ce n’est pas suffisant. Elle est immaculée, Elle est l’Immaculée Conception. Quand vous comprendrez ce que cela veut dire, vous comprendrez qu’Elle passe avant toute l’Église, tout le reste : les curés, les évêques, les cardinaux et le Pape. Et quand Elle parle, qu’Elle veut sauver l’humanité, qu’Elle est envoyée par son Fils pour inaugurer son propre Royaume à Elle, qu’Elle dit : je veux ceci, je veux cela, le Pape et les évêques n’ont qu’à dire : c’est vrai ou ce n’est pas vrai. Si c’est une illusion du diable, condamnez-la. Si c’est la Sainte Vierge, inclinez-vous !
« Donc, je crois au Saint-Esprit, à l’Immaculée Conception, c’est-à-dire à la Vierge Marie tout de suite après le Saint-Esprit. L’autre imbécile va dire que j’adore la Vierge Marie. Laissons tranquille ! Elle est tout à fait là dans son mystère et quand Elle parle, qu’Elle vient au secours de l’humanité, c’est pour instaurer son Règne avant celui de son Fils et son Fils lui obéira et Il fera son Règne à Lui quand on aura fait son règne à Elle. J’ai décidé que, dorénavant, nous dirions avec une immense joie, une colère tout apaisée, une libération, dans notre Credo, la préséance décidée de la Vierge Marie sur la Sainte Église. Tant pis si cela fait des tempêtes. Cela ne fera pas de tempêtes. Cela lui rappellera à Elle qu’il faut qu’Elle se dépêche si Elle veut trouver encore un peu d’Église sur la terre. Elle sera contente. »
Frère Bruno de Jésus-Marie
Conférence du cours de Théologie Totale de l’abbé Georges de Nantes, prononcée à Paris, salle de la Mutualité, le 19 mars 1987 (sigle ThT 6 sur le site VOD de la Contre-Réforme Catholique)