25 FÉVRIER 2018

La Transfiguration de Notre Seigneur
nous incite à porter notre croix

2 Six jours après,

Pourquoi six jours après ? Je pense que c’est en référence à l’Exode et à la double apparition de Yahweh sur la montagne du Sinaï à Moïse. À moins que ce soit une indication chronologique. Six jours après, cela ne fait pas tout à fait une semaine, mais la Transfiguration aura lieu le septième jour. Par rapport à cette annonce de l’humiliation du Christ, une nouvelle création va se dérouler : toute l’histoire du monde, et le septième jour sera celui du grand repos, ce sera l’apparition du royaume de Dieu en puissance. Voilà ce que signifient à mon avis ces six jours, mais qui peut-être, à la manière de Marc, ne sont pas symboliques. C’est une des rares fois où nous rencontrons dans saint Marc une date si précise, il faut y faire attention.

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls, à l’écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux 3 et ses vêtements devinrent resplendissants, d’une telle blancheur qu’aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte.

La comparaison est matérielle, elle est d’un homme du peuple, elle vise à décrire la matérialité du fait. Dans les apparitions de Lourdes et de Fatima, on voit les enfants donner des comparaisons de ce genre, et parce que la comparaison est empruntée vraiment à la vie quotidienne, on sent qu’ils comparent une expérience tout à fait réelle qu’ils viennent de vivre avec leur expérience de la vie ordinaire. Voilà comment on procède quand on rapporte un fait tout à fait vécu.

4 Élie leur apparut avec Moïse et ils s’entretenaient avec Jésus.

De quoi ? Saint Marc ne nous le dit pas. Nous restons sur cette énigme que saint Luc éclairera plus tard, mais nous ne le disons pas.

5 Alors Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »

Ce « il est heureux que nous soyons ici » a été généralement mal interprété. Cela ne veut pas dire : « Nous avons de la chance d’être ici. On va faire trois cabanes pour que ça continue longtemps ! » Non. C’est très drôle ! On sent le patron d’une petite entreprise là, qui a l’habitude de travailler. Il veut dire : « Rabbi, ça se trouve bien que vous nous ayez pris avec vous, on va faire trois cabanes ! On sait faire ! » C’est cela que cela veut dire dans le grec, vous relirez attentivement !

6 C’est qu’il ne savait que répondre, car ils étaient saisis de frayeur.

Cette frayeur en présence de cette gloire, vous n’avez qu’à vous rapporter au Livre de l’Exode, c’est la nuée lumineuse, c’est Dieu. C’est Jésus qui se manifeste comme source de lumière, c’est la gloire divine qui rayonne de lui-même, qui traverse ses vêtements et qui les illumine eux-mêmes, il n’est pas éclairé par une source de lumière extérieure, c’est Lui la source de la lumière, et à ce moment-là,

7 Et une nuée survint qui les prit sous son ombre,

Les exégètes en font le signe de la présence de Dieu le Père, le Dieu de l’Ancien Testament. C’est vrai, mais à mon avis, il faut préciser autre chose. « Qui les prit sous son ombre », qui prit qui ? Les Apôtres. Et donc ce qu’il faut voir, c’est Jésus qui est dans toute sa gloire et puis les Apôtres sont là en contre-bas. Jésus, Élie et Moïse sont bien sûr sur le Thabor, les Apôtres sont à leurs pieds, ils n’osent pas regarder et une nuée descend sur les Apôtres et elle les prend sous son ombre, comme la Vierge Marie a été prise sous l’ombre du Saint-Esprit lors de sa conception virginale. Pour ma part, je pense que c’est la personnification du Saint-Esprit et que cette nuée lumineuse est un autre symbole analogue à la colombe dans le baptême de Jésus « et une voix partit de la nuée », alors là, c’est la voix du Père :

Une voix partit de la nuée : « CELUI-CI EST MON FILS BIEN-AIMÉ ; ÉCOUTEZ-LE. »

Vous vous rappelez la parole du Baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances ». Mais maintenant, la parole est changée et elle nous fait deviner ce dont Jésus parlait avec Moïse et Élie. Nous sommes dans le contexte de cette annonce effroyable de la Passion du Christ. Et saint Pierre s’est dressé à l’encontre et il a fallu que Jésus le fasse taire. Il n’est pas dit que saint Pierre soit revenu à de meilleurs sentiments.

Au bout de six jours, ils sont encore stupéfaits. Ils n’ont toujours pas compris. Et voici que Jésus parle avec Moïse et Élie. De quoi parlent-ils ? Il est évident que Jésus parle avec Moïse et Élie de sa mission, et c’est-à-dire qu’il répète ce qu’il a dit aux Apôtres, et Moïse et Élie sont d’accord. Et donc cette conversation porte sur la grande chose qui est le scandale de Pierre et des Apôtres et Dieu dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » L’ « écoutez- le », c’est une réponse Jésus parler d’échec et de mort. C’est donc la voix de Dieu doublée de la voix des prophètes de l’Ancien Testament qui contraint les trois colonnes futures de l’Église à admettre que Jésus doit passer par la prison et la mort pour ressusciter.

Mes chers amis, on ne peut absolument pas décider du destin du monde et révéler le grand mystère de l’Évangile en si peu de mots.

8 Soudain, regardant autour d’eux, ils ne virent plus personne, que Jésus seul avec eux.

Seul avec eux ! Mettez en rapport ce « Jésus seul avec eux » et la parole qui est l’ordre de Dieu dans cette théophanie incomparable « Écoutez-le ! » Eh bien ! il est là, il est seul, il n’a qu’à leur répéter ce qu’il a dit. Maintenant, ils n’ont qu’une chose à faire, c’est le suivre. C’est la Parole de Dieu, c’est la parole de Moïse, le grand législateur d’Israël, c’est la parole d’Élie le grand prophète. Qu’est-ce que vous voulez de mieux, vous n’avez plus qu’à suivre ! Mais comme Jésus s’est manifesté dans cette gloire qui lui est propre, et dans cette gloire de la nuée divine et assisté de la voix de son Père, en même temps c’est leur montrer qui Il est dans sa divinité, dans sa gloire que personne ne peut lui ravir et donc cela leur donne du courage et ils savent maintenant que quels que soient les événements, les échecs jusqu’à la mort, Jésus ressuscitera, rebondira, se relèvera et ira dans la gloire et donc leur appétit de gloire et de triomphe sera rassasié en son temps.

9 Comme ils descendaient de la montagne, il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, si ce n’est quand le Fils de l’homme serait ressuscité d’entre les morts.

Vous voyez donc que les oracles prophétiques de Notre-Seigneur sont parfaitement clairs. Maintenant le programme va se dérouler comme Jésus l’a enseigné en toute clarté très explicitement. Et donc il leur dit : « Gardez cela pour vous, que cela soit un réconfort, c’est entendu ! Mais restez fidèles et quand je serai ressuscité des morts, là vous pourrez le raconter aux autres. »

10 Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait “ ressusciter d’entre les morts. 

Alors là, le « ressusciter d’entre les morts », ils ne vont pas comprendre. On nous le dit là et on le répétera à satiété, mais ils garderont l’observation et ils ne la répéteront pas.

Cette scène considérable est pleine de leçons pour nous aider à continuer notre Carême. Si nous voulons marcher courageusement à la suite du Christ, il faut le regarder dans sa gloire pour prendre courage, savoir quel est le bonheur qui nous est préparé. Mais il faut aussi écouter Jésus-Christ nous parler de le suivre chaque jour en portant notre croix et par notre propre mort, nous associer à son Sacrifice pour entrer dans la vie éternelle.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du commentaire de l’Évangile de saint Marc
4e instruction : Jésus en pleine lumière – S 90 et conclusion du sermon du 3 mars 1985