Le Cœur et la Croix dans la vie de
Pierre-Dominique et Mireille Dupouey

Pierre-Dominique et Mireille Dupouey
Pierre-Dominique et Mireille Dupouey

EN 1920, Henri Ghéon, prenant connaissance de l’histoire de saint Alexis, résolut d’en faire une pièce de théâtre. Ce fut un chef d’œuvre, « Le Pauvre sous l’escalier », où l’on découvre des sentiments chrétiens d’une grande profondeur. Où prit-il son inspiration ?

Elle venait de rencontres qu’il avait faites quelques années auparavant, alors qu’il menait une vie avilie par tous les plaisirs de la vie : celle du jeune officier Pierre-Dominique Dupouey, qui mourut le 3 avril 1915 tué sur le champ de bataille, et celle de sa jeune veuve, Mireille, qui lui découvrit leur correspondance. Ghéon reçut alors le « coup de grâce ». Nulle part ailleurs il n’avait trouvé une telle paix et un amour d’une telle intensité, qui subsistait après la mort, il en était le témoin émerveillé. Alors Ghéon, s’humiliant, revint à l’Église où il trouva à son tour la paix de l’âme et la joie évangélique, qui rayonneront à travers toute son œuvre théâtrale.

C’est donc l’histoire de ces deux âmes d’élite, Pierre-Dominique et Mireille Dupouey, comptant parmi les plus belles figures d’époux chrétiens, qu’il nous faut raconter ici. Leur exemple est un trésor de circumincessante charité, doublé d’un miracle de la grâce. Leur « secret » ? Un cœur à cœur qui jamais ne cessa de battre, jamais ne faiblit, parce que, dès le commencement, il se fixa « en Dieu », dans le Cœur du Christ et de l’Immaculée !

Bien sûr, nos foyers chrétiens trouveront en eux un émouvant et entraînant exemple, mais c’est à tous que l’histoire des époux Dupouey parlera figurativement, comme d’une illustration magnifique du mystère du Christ et de l’Église, mystère que notre Père n’a cessé de contempler, de chérir, de servir.

LE CHARME DIVIN DE LA PURETÉ

Pierre-Dominique Dupouey, né en 1877, est orphelin de père à neuf ans. Élevé à Paris par sa mère et ses deux sœurs aînées, il reçoit d’elles une éducation plus « moralisante » que religieuse, contre laquelle il se révolte. En 1895, il entre à l’École navale. Sa carrière d’officier de marine lui permet de satisfaire sa passion pour les voyages. Polyglotte, passionné d’art et de littérature, sportif, brillant officier, il veut tout sentir, tout savoir, tout posséder peut-être, car il en a les moyens ! Un portrait de l’époque révèle un visage dominateur, sûr de lui et orgueilleux. Ce n’est pas que les vanités du monde aient quelque prise sur lui : il les méprise.

Pierre-Dominique DupoueyEn 1903, il lit les Nourritures terrestres d’André Gide, et mord avidement au fruit défendu. Gide l’amoraliste devient son ami, lui fait connaître Claudel, mais Dupouey ne trouve pas chez Claudel ce qu’il cherche. Que cherche-t-il ? S’il invoque l’Art et la Beauté, c’est pour tromper la soif d’un cœur qui aspire à autre chose... Son âme, travaillée par la grâce, a comme la nostalgie d’un paradis perdu.

Il va le retrouver un jour, chez des amis communs, à Brest. Elle s’appelle Mireille Arnault de la Ménardière. Elle a vingt ans, il en a trente-trois. Lui qui ne pensait qu’à la terre et à ses jouissances, en présence de cette jeune Bretonne à la fois réservée et gaie, simple et pure, dont le visage reflète une âme habitée par le désir de Dieu, il voit le Ciel s’entrouvrir. Elle ne lui a rien dit, mais sa seule présence suffit à le bouleverser.

Elle, de son côté, n’a rien deviné. « Lorsque le lieutenant de vaisseau Dupouey vint, selon l’usage, trouver ses parents, et que ceux-ci transmirent à leur fille sa requête, la plus étonnée fut Mireille et cependant, dans la même seconde, une joie immense remplit son cœur, une joie d’indignité, de confusion, de ravissement, de reconnaissance, disons-le, une joie d’amour, au sens divin. Elle avait compris que l’amour de Pierre avait jailli de la même source que le sien. Un détail en dit long, que je tiens de sa propre bouche, écrit Ghéon : en ce jour décisif, lorsqu’ils se retrouvèrent seuls, leur premier mouvement fut de s’agenouiller ensemble. Quand le brillant lieutenant de vaisseau vint demander la main de Mireille de la Ménardière, il s’était soumis de cœur et d’esprit, d’intention et de fait, à toutes les exigences de la foi. Il avait tenu à ne l’aborder que revêtu de la robe nuptiale qui permet l’accès au festin. »

« Quelle douce rencontre, dit saint François de Sales, que celle de deux âmes qui ne s’aiment que pour mieux aimer Dieu ! »

DEUX ÉPOUX VIVANT DU FEU DE L’AMOUR DU CHRIST

C’est bien le cas ici. Je n’en veux pour preuve que les pages du premier Cahier intime de Mireille, consacrées au jour de leur mariage et à la semaine qui suivit :

En exergue, on lit le verset du psaume : Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum... Ah ! qu’il est bon, qu’il est doux pour des frères d’habiter ensemble !

« 3 mai 1911. Matinée de notre mariage, matin de mai. Au dehors lumière discrète, éveil presque timide du printemps, et dans nos âmes, le silence, une attention profonde, quasi divine, avant le Sacrement, avant la bénédiction nuptiale posée sur notre amour, comme le sceau du divin amour. Silence où il y avait Dieu et Pierre : Nul ne peut servir deux maîtres, dit le Christ. Cependant aucun trouble en mon cœur : je servais Dieu en m’unissant à Pierre ou, ce qui est plus vrai : nous unissions nos vies, nos forces et notre amour au service de notre Dieu. »

Dès le premier soir, le rite de la prière à deux fut institué. « Lorsqu’elle fut achevée, il ajouta seulement de sa belle voix profonde : Laus tibi, Christe. Dans la nuit close, Pierre me proposa doucement d’établir en souvenir de cette journée un rite d’amour que nous accomplirions fidèlement tous les jours de notre vie. Ce sera de baiser l’alliance l’un de l’autre avant de nous endormir, pour bénir Dieu de la bénédiction dont Il a consacré notre amour, et pour goûter la réalité du prodige d’aujourd’hui, que nous soyons mariés in nomine Domini [au nom du Seigneur].

Et quand nous serons séparés ?

– Les deux alliances, comme les deux cœurs, n’en sont plus qu’une, ma femme chérie, et Dieu peut supprimer la distance, opérer lui-même entre nos cœurs l’échange de tendresse et nous unir dans ce baiser. »

Mireille Arnault de la Ménardière
Mireille Arnault de la Ménardière

Notre Père l’a souvent prêché : dans le mariage chrétien, les époux ne sont pas seuls ; entre eux, il y a une troisième Personne, c’est Dieu, qui les unit d’abord dans son Cœur, avant de les voir avec bonheur échanger leurs cœurs sous son regard. « Ô lumière de notre foyer, écrit Mireille, jamais plus tu ne t’éteindras, car nous t’avons allumée au feu nouveau, le Christ, lumière du monde en qui grandira notre amour. »

La vie de Pierre-Dominique Dupouey sera désormais sans artifice. « Entre nous, confie-t-il à sa jeune épouse, il n’y a plus rien que du vrai, il n’y a plus que la vraie joie de vivre simplement, dans le bon vouloir et l’amour d’être simples en toutes choses comme des enfants. » Mireille, qui déjà pratique cette voie d’enfance, s’empresse d’adhérer à cette résolution, parce qu’elle lui vient de son bien-aimé. Elle la fera sienne magnifiquement jusqu’à la fin.

« Sais-tu, lui demanda encore Pierre, comme je t’ai reçue de Dieu ? Rappelle-toi dans l’Évangile du Christ : “ Celui qui reçoit en mon nom un de ces petits enfants, me reçoit moi-même ”. C’est ainsi que j’ai fait entrer dans ma maison le petit enfant de Paix que tu m’es apparu... Et qu’ai-je besoin d’autre chose quand, avec toi, j’ai reçu la Paix de Dieu et Dieu lui-même ? »

Sa conversion est totale. C’est un autre homme. Les photos en témoignent. Toutes ses facultés, – qui sont éminentes, nous l’avons vu – ne tournent plus à la satisfaction et à l’épanouissement de son moi, mais au service de Dieu et du prochain, qu’il veut aimer et aider : c’est la France et sa Marine, mais aussi tout particulièrement les pauvres, les laissés-pour-compte envers lesquels il montre une attention, une délicatesse tout évangélique. Un jour, il rencontre une vieille femme, qui n’a rien d’attirant, mais il en éprouve un tel choc intérieur qu’il dessine son portrait. Elle sera pour lui « Dame pauvreté ».

En même temps, c’est un officier accompli, connaissant parfaitement son métier, travaillant beaucoup. En 1912, ses supérieurs lui confient une compagnie d’instruction à Lorient ; il y fait merveille, et compose, à l’intention de ses hommes, un essai sur (plutôt contre) l’individualisme.

S’étant converti sous le pontificat de saint Pie X, il a pour ce Pape une immense admiration, faisant sienne sa devise : « Tout instaurer dans le Christ. » Tout. Il n’y a plus deux parts dans sa vie : vie privée, plaisirs d’humaniste d’un côté, et vie publique, professionnelle ou politique de l’autre. Il a tout unifié. Il adhère à l’Action Française, y voyant l’intelligence et l’expérience appliquées à la chose politique. À la lumière du Syllabus, dont il fait sa méditation quotidienne, il rêve, comme l’expliquera Ghéon, de « couronner la doctrine maurrassienne de son complément nécessaire dans l’ordre surnaturel, si l’on veut, disait-il, que la France revive, et catholique ! » Mireille sera l’héritière, la gardienne de ce trésor de doctrine, et elle ne se ralliera pas à l’esprit de Benoît XV, puis de Pie XI. En cela, elle est pour nous comme l’image de l’Église fidèle à saint Pie X.

« Pierre enseignait, dirigeait, éclairait, écrit Ghéon, et l’on eût dit vraiment que Mireille lui devait tout sur la terre, non seulement la joie et l’amour, mais même la foi, et qu’il n’avait rien reçu d’elle ; or, c’était d’elle que lui-même estimait avoir tout reçu. Ils avaient chacun l’humilité des saints. »

« Il n’y a pas de petites choses dans la vie d’un foyer où grandiront des enfants », écrit Dupouey à sa femme. Un fils va leur naître. Il veut que l’enfant puisse dire un jour : “ Seigneur, je suis ton serviteur et le fils de ta servante ”. Ce verset du psaume, notre Père en a fait l’expression même de sa philosophie relationnelle. « Puisse Dieu exaucer notre commune prière et faire de cet enfant un homme pour Lui, une âme pleine de son amour et du courage de ses saints. Puisse Dieu nous faire la grâce de ne rechercher dans l’éducation de nos petits que l’unique nécessaire et de ne pas en faire une impossible salade d’Évangile et de pharisaïsme bourgeois. »

C’est un apôtre, un battant : « Faire dépasser à ceux qu’il aime le domaine de la tiédeur et du demi-jour », telle est son ambition passionnée. « Le capitaine Dupouey, disait un de ses maîtres de bord, nous sommes pleins de confiance en lui parce qu’il est aussi bon qu’il est juste. D’ailleurs une chose qu’il commande ou simplement qu’il demande, on n’a pas l’idée de la lui refuser, car, avec lui, on est comme obligé d’agir le mieux possible. »

Arrive la guerre de 1914. Il sait que c’est dans l’épreuve que l’âme de la France se purifiera. Avant de s’embarquer à Toulon, le 2 août 1914, il confie à son épouse qui a fait, comme lui, avec lui, le grand sacrifice : « Souviens-toi toujours de ce que je te dis aujourd’hui : non seulement nous ne serons pas désunis, mais le bien que j’aurais pu vous faire en revenant vivre près de vous n’eût été rien en regard de celui que je vous ferai de l’autre Vie. »

UN AMOUR SACRIFIÉ, RESSUSCITÉ… EUCHARISTIQUE.

Officier DupoueyLa faction en mer Adriatique, où il ne se passe pour ainsi dire rien, lui pèse. Il demande un commandement à terre, sur le front. Exaucé, il est envoyé avec une compagnie de fusiliers marins, dans les Flandres, sur l’Yser. Presque chaque jour, des lettres partent pour Villa Perlette, à Toulon, où Mireille vit avec leur petit Michel... Admirable correspondance ! Nous avons été stupéfaits de la plénitude de sagesse, de courage, de piété qu’elles renferment. Une attention aux petites choses en même temps qu’une compréhension des grandes, en tous domaines : militaire, politique, religieux. Il est vraiment très complet ; rien n’échappe à son jugement clair et droit, le tout enveloppé dans une tendresse et une bienveillance universelle (Lire L’homme né de l’amour. Il est ressuscité ! n° 2, septembre 2002 ; en audio ou vidéo : PC 64, veillée théâtrale 2002).

Quel réconfort pour elle que ces lettres ! Elle s’en souviendra plus tard : « Lettre du bien-aimé qui arrivait vers 11 heures et qui ajoutait son soleil au soleil du Bon Dieu, la douce, chère, belle et bonne lettre venue du fond de la Belgique, pleine de paix malgré la guerre, pleine de tendresse malgré l’âpreté des combats, la lettre qui venait dire : Ayons tous deux courage ; c’est pour Dieu ! c’est pour la France ! Nous vaincrons et nous nous retrouverons... »

Durant le carême 1915, il connaît une ascension spirituelle qui ne passe pas inaperçue auprès de ses camarades et de ses hommes, ils le diront ensuite à son épouse. À son ordonnance, il confie : « Toute la vérité de la vie est dans la religion. Moi aussi, vers vingt-cinq ans, j’ai voulu faire comme les autres, et m’en affranchir, mais j’ai dû y revenir, car on ne s’affranchit pas de Dieu, et toute notre raison de vivre est en Lui. » C’est à ce moment qu’il rencontre Henri Ghéon, l’ami de Gide, et trois petites rencontres suffisent à toucher au plus intime l’homme de lettres affranchi depuis longtemps de toute morale et de toute religion.

Mais l’heure a sonné. La Semaine sainte ne s’achève pas que, le 3 avril 1915, dans la nuit pascale commençante, le capitaine Dupouey est tué d’une balle ennemie au cours d’une inspection qu’il faisait en première ligne.

C’est la « Pâque », le « passage du Seigneur » dans leur vie à tous deux. L’un monte au Ciel, martyr de la France, tandis que l’autre commence une vie nouvelle, tout à la fois crucifiée et ressuscitée. Mireille, à Toulon, en eut le pressentiment, accompagné du désir d’aimer Dieu « à n’importe quel prix »... Au début de la Semaine sainte, la parole de Jésus au bon larron – « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi au Paradis. » – lui semblait s’appliquer à son mari : ce serait au Ciel qu’il passerait le jour de Pâques. De fait, le dimanche matin, alors qu’elle ne sait encore rien du drame qui s’est déroulé la veille au soir, une joie inexprimable l’envahit à la pensée que son bien-aimé goûte le bonheur des élus. Elle apprend la nouvelle le lendemain soir et, le mardi matin, dans la communion, elle entend au fond d’elle-même une voix lui dire distinctement : « Il est dans ma gloire. » C’est prodigieux ! « Puis, écrit-elle, j’ai reçu ses dernières lettres débordantes d’allégresse où je sentis le détachement de son cœur. Rien d’étonnant à ce que Dieu n’ait pu résister à un don si complet, si pur, si joyeux. Pierre est au Ciel et Dieu en soit béni. Il m’est impossible de penser à autre chose. »

Ces dernières lettres qui lui parviennent, qu’il a écrites le Jeudi, le Vendredi, le Samedi saint, c’est comme s’il les lui écrivait... du Ciel. Le cœur à cœur continue, « l’amour étant fort comme la mort » (Ct 8, 6).

Ghéon sera le témoin émerveillé de ce miracle de la grâce, qui n’a rien d’une illusion, d’une autosuggestion dictée par la douleur due à la perte de l’être cher, mais qui naît de la foi.

Plus que jamais, Pierre-Dominique Dupouey est pour sa jeune épouse, qu’il laisse veuve, un médiateur, un intercesseur. Que lui demande-t-elle ? « Oh ! quand je songe que tu es là devant le trône de l’Agneau et que tu peux tout m’obtenir, je te demande l’amour de Jésus, cela seul car cela est tout... Pierre, je remets ma pauvre âme entre tes mains. Donne-moi la fidélité à Dieu et à toi. »

Cet amour de Jésus a été « acheté » au prix fort : la présence à ses côtés de celui qu’elle aimait, mais non pas son amour même. « Si Dieu le voulait, je pourrais te revoir encore, une minute, une seconde puisqu’il est le Tout-Puissant, – par moments, je ne peux presque plus lui faire le sacrifice de tes doux yeux aimés – et pourtant il faut sauver la France, et tu es heureux infiniment et je veux le Ciel avec toi et près de toi, Pierre chéri, mon Trésor, mon ami.. »

Il est heureux au Ciel, comment serait-elle triste ? Et puis, il y a la France qu’il faut continuer à sauver par le sacrifice. À la Noël 1915, elle a comme la révélation intime qu’il agit au Ciel, puisque Ghéon se convertit. Alors elle exulte, en s’enthousiasmant de la liturgie de l’Église : « Laus tibi Christe, Rex æternæ gloriæ. Oh ! grandeur de la liturgie ! Oh ! Que d’actions de grâces ne dois-je pas à Dieu qui m’a révélé à travers toi les richesses incomparables de son Église. Plus tard les chanter, les méditer, s’y reposer, en vivre. Louer pour tous ceux qui ne louent pas, qui l’oublient, qui ne le feront jamais, qui ne savent rien de la grandeur de Dieu, aimer pour ceux qui n’aiment pas, se prosterner pour ceux qui n’adorent pas, s’offrir pour ceux qui se refusent toujours. » Étonnant rapprochement avec la prière que l’Ange de Fatima apprendra bientôt aux bienheureux pastoureaux ! « Ô Jésus, suprême amour des cœurs, Enfant plein de charmes, attirez-moi par une foi vive, par un détachement généreux, par une humilité profonde, gardez-moi par une fidélité qui soit un parti-pris d’amour de mon être tout entier, par une adhésion totale à tous vos désirs. Vivez en moi pour que je vive en vous. Tout le reste je vous l’abandonne amoureusement. » Belle définition de la fidélité : un parti-pris d’amour !

LA VIE D’AMOUR CONJUGAL D’UNE SAINTE VEUVE

Son cœur, sa « conversation », comme dit saint Paul, est décidément au Ciel, auprès de son bien-aimé, dans le Cœur de Jésus. Encore une fois, aucune trace d’illuminisme chez elle, aucune illusion charismatique, parce qu’à tout moment, elle sort d’elle-même, de son « moi hideux et lourd à la fin et odieux », comme elle dit. Ses mérites, elle les attribue tous à Pierre ; quant à ses faiblesses, elle s’en sert comme d’un tremplin pour une confiance, un abandon plus complets.

Lisons-la évoquer l’anniversaire de leurs fiançailles. « Ce 3 février, qui était pour nous une si douce fête, est maintenant une date, j’allais dire de mort, mais non ! impossible d’entendre ce mot. Tu es dans la vie, dans la vérité, dans la lumière, et je n’ai qu’à louer Dieu qui a comblé tes désirs. Nous passons encore ensemble cette fête, seulement toi tu es dans l’éclatante armée des martyrs et tu chantes le Sanctus, mais, moi aussi, je le chante et je le chanterai, presque sans comprendre, comme les petits enfants qui répètent docilement. Tu m’as révélé, au lendemain de ta mort, mon ange, que la louange à Dieu était notre premier devoir, je m’unis donc à toi que je sens et que je sais m’aidant, priant et louant. »

Elle sera hostie de louange. Son sacrifice est déjà tout eucharistique, c’est-à-dire d’action de grâces. Vivre le cœur au Ciel, et pourtant, sur la terre, continuer à vivre dans le monde, c’est au-dessus des forces humaines. Il y faut le secours de la grâce de Dieu, son Esprit-Saint, qui est en même temps pour Mireille l’esprit de Pierre, puisque Pierre est en Dieu. Au jour de la Pentecôte 1916, elle se consacre à l’Esprit-Saint, pour que sa vive flamme d’amour et de charité vienne embraser et consumer son « cœur misérable », comme elle dit.

Portrait de Mireille Dupouey
Portrait de Mireille Dupouey

L’Esprit-Saint est un Esprit de vérité, c’est pour cela qu’elle désire tant sa venue en elle : « Nous n’avons pas de plus pur bonheur que la possession de la vérité. » Esprit d’humilité aussi : « Je me donne, mais c’est Dieu qui va me garder, j’offre mon cœur, mais c’est lui qui y va mettre le feu. N’être rien, mais être à lui, se compter pour rien qu’un instrument misérable, et cependant choisi, où résonnent chaque jour davantage sa munificence et son amour. Mais je n’ignore pas que le démon, furieux de cette donation à Dieu, va s’acharner bientôt, et, à vrai dire, cela ne m’effraie pas trop. Jésus ne gardera-t-il pas ce cœur qui lui est pleinement remis ? »

Sans cesse, elle invoquera cet Esprit-Saint, et en cela, elle est bien une figure de la Sainte Église, qui ne peut rien sans le secours de son Paraclet, de son « boss », comme dirait notre Père. Et, de même que le Saint-Esprit n’est donné à l’Église que pour lui rappeler l’enseignement et l’exemple de son Seigneur et Maître, de même Mireille sait que c’est grâce à l’Esprit-Saint qu’elle pourra rester fidèle à la pensée et au cœur de son époux.

À partir de ce jour de Pentecôte, elle avance à pas de géant dans la voie de la sainteté, une sainteté à la sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui consiste à être de moins en moins quelque chose à ses propres yeux, pour que Jésus, par son Esprit-Saint, dirige tout, gouverne tout. « Mon Jésus, délivrez-moi de moi-même, faites que je disparaisse pour que Vous régniez, dépouillez-moi de toute personnalité. Ne permettez pas que j’oublie à quel point c’est Vous et non pas moi qui avez travaillé ici. »

Dans son amour exclusif de Jésus, oublie-t-elle Pierre ? Non, elle ne le peut pas. Alors, elle se plaint doucement de ce que les gens qui l’entourent, peu à peu, oublient la mémoire de son bien-aimé : « Mon amour, pourquoi toujours cette faim de parler de toi, comme si la pauvreté de mes mots t’évoquait ! et comme si tu allais te dresser affirmant la vérité de ce que je citais de toi. Ô folie ! Ils ne te veulent pas, ils ne te veulent plus, ils te veulent mort et absent... et moi je te veux vivant, et bienheureux, triomphant, aimant, survivant, c’est-à-dire entré pour jamais dans une vie qui surpasse ce que nous nommons ainsi, dans une vie sans limite aucune, in conspectu Domini.... »

Cette union d’âmes, fondée en Dieu, en ce Cœur très miséricordieux de notre Père céleste qui les a unis, puis les a séparés... pour mieux les unir « en Lui », est vraiment une grâce extraordinaire.

Bien sûr, il y a la Croix, et elle consent à toutes les peines du cœur, de l’âme, du corps même. Elle sera atteinte quelques années après la guerre d’une grave maladie qui minera inéluctablement son organisme et la consumera dans la souffrance : « Je vous demande la Croix, écrit-elle, c’est-à-dire les bras étendus pour vous étreindre, les mains ouvertes pour recevoir tout ce qu’il vous plaira d’y mettre, les pieds fixés, c’est-à-dire la dépendance de tout mon être, l’obéissance, l’adhésion de ma volonté, la fixité dans Votre volonté. Je vous demande la Croix parce qu’elle est le foyer ardent d’où l’amour a rayonné sur le monde comme une lumière fulgurante. »

Son modèle, c’est la Vierge Marie : « “ Ecce ancilla Domini de la Sainte Vierge qui se livre tout entière au divin amour. » Mais, dans l’épreuve, la joie demeure, la louange continue de s’élancer à travers les larmes, grâce à la pensée du bien-aimé qui est au Ciel et qu’elle peut retrouver chaque matin dans la communion, « nos âmes se fondant de plus en plus à chaque communion eucharistique, à chaque contact avec le Dieu d’amour, le Dieu tout un. »

La Croix, la Vierge Marie, l’Eucharistie... Elle vit intensément toutes ces dévotions de l’Église. Surtout quand ces dévotions sont liturgiques, c’est-à-dire participent à la grande prière de l’Église.

Un jour, elle entend une autre parole en elle qui lui dit : « La vérité de ta faiblesse n’enlève rien à la vérité de mon amour pour toi. » Dès lors, c’est un amour ressuscité et vainqueur qui l’habite : « Être tienne en chacun des jours, les vivre sous ton regard, marcher le front dans la lumière, et ne plus laisser les brumes de ce monde ternir le grand sourire de joie qui doit être le pur encens de mon sacrifice. Viens, ciel de mon cœur, viens, mon amour ressuscité. Là où il ne devait plus y avoir que la nuit sans espoir dans le deuil et les larmes, ton entrée au Paradis a opéré le Fiat lux ! et ma vie s’est fondée sur la lumière. Paradoxe humain ! Vérité divine ! ô mon amour, ce n’est pas vivre dans l’illusion que de franchir tout le visible et de t’étreindre avidement dans la gloire, et de t’y chérir, de m’enchanter en méditant sur la félicité au lieu de pleurer la vie, en apparence brisée, de notre foyer. »

Alors, elle comprend que ce n’est pas pour elle seule qu’a été donnée cette grâce. Elle est comme un vase d’argile dont l’esprit vivant de Pierre, son cœur, son exemple, est la lumière. Sa vocation : « Être comme un sanctuaire où se continue la vie de mon Pierre et où ses amis le retrouvent. » Elle le comprend au moment où ces mêmes amis la pressent de publier les Lettres de son époux. Elle accepte malgré bien des réticences, uniquement pour le bien que ces écrits pourront procurer.

Mais elle s’efface : ses propres lettres, elle les a brûlées, seule importe la gloire de son bien-aimé. « Solidité de notre cher foyer, écrit-elle, éteint pour le monde, mais où s’est allumé, au Samedi Saint, le feu nouveau, l’impérissable flamme de la louange et de l’amour. » Certes, c’est la solidité, la perpétuité, pour ainsi dire l’éternité d’un tel foyer qui impressionne, mais aussi sa fécondité ; et il nous suffit, pour le comprendre, d’évoquer les relations que Mireille Dupouey cultivait, dans l’esprit de Pierre-Dominique, avec tous les membres de son entourage immédiat ou lointain.

VIE MORALE ET JUGEMENTS POLITIQUES D’UNE ÂME MYSTIQUE

De Mireille Dupouey, on fera ce portrait : « Son abord était franc et clair, sans aucune réticence ; aussitôt attentive à l’auditeur ou au visiteur, gaie et enjouée avec ceux qui étaient dans la joie, compatissant et pleurant avec ceux qui étaient dans la peine, elle était toute à tous. Le pauvre qui frappait à sa porte, la domestique qui la servait, l’amie qui venait solliciter un conseil avaient tous ses soins, tout son cœur... et au surplus toute sa reconnaissance, car la louange débordait de toute sa vie et elle se sentait redevable à tous. Avec les siens, un amour inépuisable, aux attentions multiples. Le deuil de celui-ci, la maladie de celui-là, la fête ou l’anniversaire de tel autre, rien n’était oublié et toutes les ressources de son imagination et de son cœur étaient utilisées pour la joie ou la consolation des autres. Était-elle avec des amis sûrs, qui s’accordaient à sa recherche, elle n’hésitait pas à juger durement le monde. Cela avec de l’esprit, du mordant, des indignations vibrantes contre les préjugés, les hypocrisies, les erreurs [...]. Aussi longtemps que sa santé et autant que les soins du ménage lui en laissèrent le loisir, elle resta en contact avec ce qui était essentiel dans la vie extérieure : livres, arts, musique et d’autre part les événements politiques qu’elle suivait avec une profonde passion pour le sort du pays [comme son mari]. Elle avait sur tout des lumières, des idées justes et droites, à tous autour d’elle, elle donnait l’impulsion, sollicitait sans cesse cependant des conseils, même des petits. »

Mireille Dupouey
Portrait de Mireille Dupouey

Bref, tout cela dénote un caractère et un comportement très relationnel. Le contraire d’une âme repliée sur elle-même, sous prétexte d’union à Dieu ou de « mystique ».

Le premier dans le cercle de ses affections était bien sûr Michel, son enfant, qui formait avec elle ce « foyer à trois », où la présence du disparu se faisait tellement vivante, ce « petit foyer de paix » qu’il avait fondé. Elle écrit à la date du 8 avril 1915, quelques jours après la mort de son mari, alors que l’enfant n’a pas un an et demi :

« Quant à Michel, quant à cette âme infiniment précieuse puisqu’elle est l’image du Christ et le vivant souvenir de son père chéri, je jure d’en faire une âme pour Dieu autant qu’il est en moi, de l’élever comme nous l’aurions fait ensemble, avec douceur et fermeté, sans l’attendrir sur lui-même, dans la charité et l’amour des pauvres que mon bien-aimé pratiquait avec tant d’ardeur, de générosité et d’esprit de foi.

« Je promets à Dieu et à mon Pierre de l’instruire solidement et profondément de sa religion d’abord, d’en faire pour lui la raison de vivre ; il sera courageux comme son père vénéré, non pas seulement du courage des soldats, mais il sera fier de manifester Dieu, de Lui rendre témoignage hautement et publiquement. Je lui apprendrai à mépriser l’argent, à travailler parce que nous le devons en union avec le travail du Christ, mais jamais pour gagner. Il donnera suivant ses moyens, mais si, dans l’élan de sa charité et pour secourir un pressant besoin, il lui faut donner plus qu’humainement parlant il ne le peut, il saura faire cette folie (suivant le monde) se souvenant que Jésus a promis une récompense au moindre verre d’eau donné en Son nom. »

Elle s’est fixé comme but de former en son enfant « un cœur pur et un esprit droit ». Quelques années plus tard, inscrivant Michel au collège des Jésuites de Brest, elle déclarera au Père directeur : « Je vous confie la formation intellectuelle de mon enfant ; pour sa formation spirituelle, je m’en charge. »

Autre relation : après la visite d’un ami de son mari, artiste comme lui, avec de belles idées, mais sans flamme religieuse pour les animer, elle écrit ceci : « J’ai l’impression (fausse ou forcée, peut-être, et souhaite qu’elle le soit) que cet ami ne peut pas te suivre parce qu’il a enfermé le monde en lui, qu’il s’aime dans le monde, et qu’il aime le monde à travers lui. Il n’y a que jouissance en lui, jouissances d’un ordre élevé, mais non pas encore d’un ordre surnaturel [...]. Que devient alors l’humilité ? et la louange à Dieu pour le secours venu de Lui ? Il n’y a chez lui qu’une satisfaction propre qui crée un état d’abaissement spirituel à l’heure où l’homme, épris de lui-même, est sur le point de se couronner ! Il a sans cesse aux lèvres les mots d’idéal, d’immatériel, d’invisible, il regarde les êtres avec toute l’attention dont il est capable, mais il ignore l’adoration, le prosternement humble et plein d’un joyeux respect, la prière enfin, l’élan du cœur vers Dieu, le seul Saint, le seul Seigneur, le seul Très-Haut, l’Idéal parfait de nos âmes. »

Et voilà pour le mondain ! Mais dans cette France de l’après-guerre qui, passée la terrible épreuve, est retournée à ses plaisirs, à ses erreurs, à son libéralisme, oubliant Dieu, son amour et sa loi, que fait-elle ? Se rallier, composer ? Non, ce n’est pas possible ! « Ô mon Dieu, je voudrais que vous soyez connu, aimé, adoré de tous les hommes, que tous confessent la sainteté de votre Nom, acceptent en les bénissant tous vos droits, votre justice, votre rigueur même, sachant que vous ne voulez pas la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie. Que puis-je faire, moi misérable femme, pour qu’aucun ne murmure contre vous, mais que tous vous appartiennent dans l’esprit d’adoption et marchent, pleins d’amour, dans la liberté glorieuse des enfants de Dieu ? [Elle poursuit sa méditation et, tout à coup, elle comprend :] Humblement, mais avec ferveur, je ferai ce que fit Jésus lui-même. Je m’offrirai tout entière, ne réservant rien, à votre justice, à votre gloire, à votre amour, et continuellement, avec lui, par lui, je vous dirai : Notre Père qui êtes aux cieux... »

Jésus est donc la Voie, le Modèle. Nos relations doivent être calquées sur les siennes. Cela, elle le comprend et l’exprime admirablement : « Jésus, Vous avez fait assez souvent le rapprochement entre vos saintes relations avec votre Père et les nôtres avec Vous, pour que j’ose ce matin reprendre exemple sur vous et méditer les rapports adorables qui nous unissent. [Pas seulement entre nous, mais avec tous... on croirait lire le Père de Foucauld :] Réfugiés en Vous, mais non point pour cela inhumains. Ravis par Vous, mais non point déçus par les hommes. Entraînés, attirés par l’odeur de vos parfums, mais non pas rebutés par l’indifférence de nos frères. Conquis par vous, Jésus, mais non pas refusés à leur attente, à leurs besoins. Ouverts en nos âmes à l’admiration de vos œuvres, à la contemplation de vos mystères, mais non point fermés et insensibles aux larmes près de nous répandues. Ivres de votre Croix et tout empressés dans la charité. Comblés de vos dons et affamés de les répandre, de publier combien est suave et doux le Seigneur, l’Époux de nos âmes. Je voudrais réaliser tout cela et que tout mon être fût une vivante harmonie dans l’amour de Jésus, que son amour et la charité fraternelle ne fussent point séparés en ma vie. »

Elle a de très belles pages sur la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, qui n’est pas simplement une dévotion individuelle, encore moins individualiste, mais communautaire, mais politique. En France, la dévotion au Sacré-Cœur est le signe d’une alliance de Dieu, de Jésus-Christ, avec la fille aînée de l’Église. Le tout, comme elle dit, est de laisser Jésus – et Marie ! - régner librement en nous, autour de nous. Mais comme l’obstacle est politique, ce sont les institutions laïques qui empêchent Notre-Seigneur et son Église d’agir librement, et que le bien soit promu, protégé, plutôt que le mal, alors il faut un engagement politique. Oui ! mais pour restaurer la Chrétienté où les institutions, à la fois spirituelles et temporelles, sont les relais, les instruments de la libre souveraineté du Christ. « Oh ! si Jésus pouvait être libre dans son corps mystique, comme il le fut dans son corps humain. S’il pouvait disposer de nous, ses membres, comme il disposa de sa sainte et adorable humanité ! Quelle harmonie ! quelle unité ! »

Il faudrait aussi citer longuement ses pages fulgurantes sur la Vierge Marie, surtout celles où elle montre une compréhension intime du mystère de son Immaculée Conception, qu’elle a longuement contemplé et aimé avec ferveur. Ce qu’elle écrit rappelle ce que notre Père nous a enseigné à propos du bienheureux Duns Scot : « Liberté de Dieu dans la Vierge Marie. Elle lui est si complètement livrée, Elle l’Immaculée, que la Trinité se meut en Elle sans obstacle [...]. Ô miroir sans défaut, ô Marie, que j’aime adorer Dieu en vous, que j’aime à penser à Sa joie qu’Il prenait et qu’Il prend en Vous. Que j’aime saluer, sans le comprendre mais de toute ma ferveur, la liberté dans laquelle Il agissait en vous, par vous, à travers vous, au point que chacune de vos pensées, de vos paroles, de vos œuvres portait un reflet des pensées du Père, était une expression de son Verbe incarné en vous, un témoignage que le Saint-Esprit, par vous et à travers vous, rendait aux deux autres Personnes divines. » Et dans ses mains maternelles, nous devenons « comme des flèches ardentes » pour vaincre Satan et sa loi.

LE TESTAMENT SPIRITUEL

Terminons peut-être par le plus émouvant et le plus utile pour nous. Il s’agit d’une lettre écrite à son fils de sa pauvre main de malade, en 1929, pour qu’il la lise après sa mort à elle, qui adviendra en 1932. Elle mourra d’ailleurs comme une sainte, dans son habit de tertiaire dominicaine. En voici quelques extraits.

Tombe de Dupouey
Tombe du lieutenant Dupouey au cimetière militaire français situé derrière l'église de Woesten, en Belgique.

« Mon fils bien-aimé, quand tu liras ces lignes, ne crois pas que tu aies perdu ta maman, non, il n’y a pas de séparation réelle pour ceux qui s’aiment en Dieu, mais seulement un éloignement momentané. Ton Papa et moi, nous serons là, tout près de toi, invisibles mais aimants et agissants. Tu seras humainement privé de nous pour la fin de ton éducation et c’est, de part et d’autre, un grand sacrifice. Mais n’oublie jamais que notre prière et notre tendresse t’aideront à t’élever vers Dieu pour qui, avant tout, tu dois vivre. »

Elle lui recommande deux choses surtout : la vérité et la charité. Derrière ces mots, c’est l’exemple de son père qu’elle lui rappelle : « Aime, vis et agis dans la gaieté et la reconnaissance de ton titre de chrétien et sois toujours prêt, par ta conduite ou par tes paroles, à rendre témoignage à la Vérité que tu as reçue dès ton enfance...

« Sois généreux et sache donner, surtout de toi-même. Donne à ceux qui t’aiment, et t’en remercieront. Donne à ceux qui t’oublieront parce que tu n’auras fait que traverser un instant leur vie. Donne aux petits de ce monde, donne-leur ta compassion, ton aide, les ressources de ton intelligence, de tes loisirs, le réconfort de ta joie et de ta confiance. »

Elle lui dit ensuite de ne pas se disperser, et de ne se décourager jamais : « Ce serait douter du secours divin qui jamais ne manque à la prière humble, à l’appel confiant. » Qu’il redoute d’être séparé de Dieu par une faute grave : « N’aie peur ni de la peine, ni des privations, ni de l’isolement, ni des rebuts ni même ni surtout de la douleur. Elle nous fait monter en nous purifiant et elle nous laisse en définitive meilleurs et plus forts. Fort, tu devras l’être, parce que tu seras tenté, parce que la tentation prendra le visage du plaisir, même l’apparence de la beauté, mais au trouble que tu éprouveras, tu sauras de façon certaine que là n’est pas pour toi la vérité. »

Et pour tout dire : « Puisses-tu toujours lever les yeux vers le Christ de l’Évangile et l’appeler à descendre en toi par la sainte communion. »

Que voilà de bons conseils pour les parents, pour les enfants, pour tous, à garder et pratiquer fidèlement, si nous voulons, comme les époux Dupouey, marquer toutes choses dans notre vie du Cœur et de la Croix de Jésus, du Cœur et de l’Hostie de Marie, pour un jour aller chanter l’Alleluia de la Résurrection avec nos bien-aimés dans le Ciel.

frère Pierre de la Transfiguration
RC no 151, octobre 2007

  • Le Cœur et la Croix dans le vie de Pierre-Dominique et Mireille DupoueyLa Renaissance Catholique, n151, octobre 2007.
  • L'épopée mystique et héroïque de la Grande Guerre (suite)Il est ressuscité ! tome 2, n2, septembre 2002
    • « L'homme né de la guerre », Henri Ghéon, pp. 15-18
    • « L'homme né de l'amour », Pierre-Dominique Dupouey, pp. 18-26
La pièce de théâtre d'Henri Ghéon dont l'inspiration fut les époux Dupouey
  • CAN 33 : Le Pauvre sous l’escalier, avec le commentaire de frère Pierre de la Transfiguration, Été 1996, 3 h
  • CAN 44 : Saint Alexis ou Le Pauvre sous l'escalier, avec musique originale de frère Henry de la Croix. 
    Présentation de frère Pierre de la Transfiguration, juillet 2007, 2 h 50 (disponible en DVD)