Il est ressuscité !

N° 215 – Novembre 2020

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Notre écologie communautaire
sous le regard de l’Immaculée

DEUXIÈME PARTIE : POINTS 121 À 134

DANS un premier article (cf. Il est ressuscité  n° 214, octobre 2020, p. 18 à 26), nous avons présenté les principes posés par l’abbé de Nantes, notre Père, pour fonder une nouvelle science écologique, celle d’une vie commune familiale, interfamiliale, humaine. Si cette écologie est d’abord un humanisme en ce qu’elle reconnaît à chaque famille, à chaque communauté temporelle, l’autorité de déterminer ses fins et ses moyens, la lumière supérieure de la foi se révèle bien nécessaire pour contrer l’égoïsme individuel et toutes les frénésies des passions. Notre écologie est donc catholique. Elle est aussi nationaliste en ce qu’elle a besoin non pas de la domination, mais de la protection de l’autorité publique.

Nous avons ensuite souligné les maux dont est responsable le système capitaliste libéral, selon lequel est organisée la vie économique des pays dits “ industrialisés ”. Système athéiste, apatride, asocial, il exacerbe les instincts de chacun dans la recherche individualiste et sans frein des biens de ce monde et livre la vie économique et financière, et le pays tout entier, à la domination de synarchies bancaires et industrielles, toujours dans la négation du pouvoir politique, comme fonction souveraine du gouvernement de la nation en vue du bien commun.

Depuis les trente dernières années, nous assistons à une victoire apparente de cette démocratie économique sur le système socialiste, les deux présentant, malgré leur caractère antithétique, des accointances, une collusion que notre Père est le seul à avoir dénoncées et démontrées tout au long de ses conférences d’actualités et qu’il a systématisées dans les 150 Points de notre doctrine. Cette victoire s’appelle “ mondialisation ”. « Son programme est de dépasser le stade de l’affrontement entre le communisme et le capitalisme pour instaurer une entente mondiale qui facilite les échanges technologiques, commerciaux et financiers, sous prétexte de lutter contre les disparités économiques et de régler les grands problèmes mondiaux d’approvisionnement énergétique, les risques écologiques, etc. »

Quelle est notre réponse à cette mondialisation à laquelle rien ne semble résister ? L’instauration d’un nouvel ordre fraternel qui fasse rupture avec les principes de 1789. C’est le sujet de ce deuxième article.

Au préalable, le point 121 revient sur le socialisme pour le louer d’avoir cherché et trouvé « le remède au capitalisme, tout au moins chez ses théoriciens français tels Proudhon », en prônant le retour de la propriété des biens et du pouvoir de décision à la base, à la communauté d’entreprise où tout est à l’échelle humaine. Difficile de ne pas faire là un parallèle avec notre projet corporatiste et notre souci de confier au peuple la libre disposition de son travail et de ses biens. Mais l’égalitarisme démocratique, diluant entre tous et le droit de propriété et le pouvoir de décision, rend l’autogestion impossible. De même, la nationalisation rejoint d’une certaine façon notre appel à un pouvoir absolu, c’est-à-dire indépendant des partis et des puissances d’argent. Toutefois la nationalisation parce que démocratique n’est rien d’autre qu’un asservissement au collectivisme d’État. Ainsi « la Phalange, profondément éprise du bonheur du peuple et de justice sociale, n’était le démocratisme, se proclamerait volontiers socialiste. »

Ensuite le point 122 aborde une question délicate. Comment détacher la France de ce système capitalo-socialiste, de cette démocratie économique qui ruine son âme, mais auquel tous les organes collectifs de réflexion et de décision semblent irrémédiablement inféodés ? Comment organiser dans de pareilles conditions ce qui ne pourrait être qu’une véritable contre-révolution et non pas simplement une correction du système et des institutions ?

Le 6 février 1934, le pays réel se soulève contre la classe politique de la troisième République entièrement corrompue et empêtrée dans de multiples scandales financiers. Ce soir-là, la place de la Concorde se remplit d’une foule immense à l’appel de l’Action française. La République fut à deux doigts d’être renversée, mais elle réussit à se maintenir grâce au tir nourri de mitrailleuses de la part des services de police contre les manifestants sans armes, grâce aussi à la trahison des 6 000 Croix de Feu du colonel de La Rocque. Dès le lendemain, la République put reprendre son cours normal et conduire le pays à la déroute de 1940. Et notre Père de faire le commentaire de ces événements : « Et la République demeure tout comme avant. Une élite peut bien soulever Paris, un soir, aux cris de “ À bas les voleurs ! ”, mais aucun parti, aucune ligue ne peut entrainer tout un peuple à l’insurrection, à la lutte sanglante contre le Pouvoir oppresseur, ni décider un chef militaire à franchir le Rubicon, s’il n’y a ni Dieu ni Roi pour commander et bénir le mouvement. » (Contre-Réforme catholique n° 106, juin 1976, p. 12)

Cette année 1940, précisément, fut celle de l’effondrement des institutions de la troisième République. En toute légalité, sans discussion de quiconque, Paul Reynaud céda sa place de président du Conseil au maréchal Pétain, lequel put aussitôt arracher aux Allemands un armistice salvateur pour l’intégrité et l’unité du pays. Il fut ensuite investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale qui se réunissait pour la dernière fois et qui lui confiait la mission de promulguer une nouvelle constitution garantissant « les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie ».

Libéré du carcan des institutions républicaines, le Maréchal imposa aussitôt son prestige, son autorité, sa sagesse politique pour entreprendre un travail très remarquable. D’abord restaurer l’autorité de l’État, assurer au jour le jour la survie de la France comme le rétablissement en urgence des voies de communication et du ravitaillement, maintenir l’intégrité territoriale du pays y compris l’Empire, malgré les clauses très pesantes du traité d’armistice du 22 juin 1940. Et le Maréchal aidé de son gouvernement s’attela à la réforme des institutions dans le cadre d’une Révolution nationale pour parvenir à un vrai et durable redressement du pays.

Il faut cependant noter que le Maréchal, certes libéré des institutions de la République, s’est retrouvé à la tête d’un pays très fragilisé du fait de l’occupation allemande et de la ligne de démarcation qui partageait en deux le territoire métropolitain. Il était le chef incontesté de la France, reconnu comme tel par tous les États y compris l’Union soviétique, mais il n’était pas entièrement “ maître en sa demeure ”. Cette fragilité du pays, une administration encore largement technocratique, la grande finance capitaliste, les mouvements de dissidence de toutes sortes, en particulier celle de De Gaulle, n’auront de cesse de l’exploiter pour susciter une division au sein des Français, entre le camp des ja et le camp des yes, division qui dégénéra finalement en une véritable guerre civile et qui emporta le pouvoir au moment de la prétendue “ Libération ”.

Mener dans de pareilles conditions une profonde rénovation des institutions et un vrai redressement moral du pays, de surcroît par des moyens jusqu’alors abhorrés par ceux-là mêmes qui conduisirent la France au désastre de 1940 et qui n’aspiraient qu’à recouvrer leurs pouvoirs, était tout simplement une gageure. Le Maréchal le savait, mais il refusa de se dérober à une telle tâche. Cela fait mesurer la portée réelle de ses paroles : « Je fais le don de ma personne à la France ». Que de fois jusqu’à sa mort sur l’île d’Yeu il eut l’occasion de renouveler son sacrifice. Ainsi le régime des partis ne fut pas définitivement abattu. Il s’empressa, dès son retour en 1945, d’anéantir l’œuvre naissante du Maréchal.

Autre exemple : la nomination en août 1999 de Vladimir Poutine à la tête du gouvernement d’une Russie ruinée, affamée, pillée, humiliée. La situation du pays était catastrophique au point que son unité en était menacée. Voilà un homme inconnu du grand public, issu du système, mais réputé pour sa compétence et sa loyauté, et qui se mit aussitôt au travail pour notamment tout de suite s’attaquer avec énergie à la “ sale affaire ” de Tchétchénie, brisant par la force la rébellion djihadiste et son rêve de création d’un véritable califat musulman dans le Caucase du Nord.

C’est par des services évidents rendus à la Nation dès les premiers mois de son accession au pouvoir, que Vladimir Poutine sut acquérir, non seulement aux yeux de tout son peuple, mais aussi à ceux des élites politiques et financières du pays, une légitimité naturelle qui depuis ne l’a jamais quitté.

Il est intéressant de remarquer que le chef d’État russe a profité de cette autorité pour engager le pays dans une voie de redressement qui lui assure aujourd’hui un rayonnement et une indépendance indéniables sur le plan international. Mais sur le plan intérieur, le grand souci de Poutine, comme d’ailleurs pour le maréchal Pétain, fut de garder, de renforcer l’unité, la stabilité du pays qui, après toutes ces décennies calamiteuses de la période communiste et de la période “ Eltsine ”, n’était plus en état de subir de nouvelles réformes radicales qui, inéluctablement, auraient conduit la société vers un effondrement complet. Il s’abstint donc de réformer la constitution russe de 1993 et ne se départit pas de cette règle durant vingt ans, même en 2008 quand il dut renoncer à briguer un troisième mandat présidentiel pour se conformer à la règle constitutionnelle qui le lui interdisait. Il préféra agir ainsi plutôt que de modifier un texte selon sa convenance. Mais jugeant en 2020 que les conditions d’une réforme étaient désormais réunies, que le pays, les institutions, étaient parvenus à une certaine maturité, il a engagé une procédure qui s’est achevée le 1er juillet 2020 par un vote qui entérina la réforme de la Constitution avec 77 % des voix exprimées. On admire la sagesse, la prudence et la patience du chef de l’État russe.

Mais il faut aussi remarquer que la Russie reste encore aujourd’hui sous le joug d’institutions démocratiques dont Vladimir Poutine a su, certes, extraordinairement juguler le venin, mais qui sont toujours en place... Ce fut une correction et non pas une vraie contre-révolution. C’est donc insuffisant et nous le savons avec une surnaturelle certitude, car la consécration de cette nation à son Cœur Immaculé demandée par la Sainte Vierge n’a toujours pas été prononcée.

Après avoir examiné ces quelques exemples, sur quel coup de force pouvons-nous compter pour espérer et réussir un renversement en France des institutions républicaines et l’abandon par notre pays du système capitalo-socialiste ?

Le point 122 part du constat qu’il n’y a plus actuellement d’espoir d’une réaction populaire emmenée par « une droite conservatrice et nationale avide de juste liberté et d’initiative, protestant contre le carcan d’un État bureaucratique et contre l’étouffement de la libre entreprise. » Moins encore peut-on compter sur une vraie droite légitimiste, c’est-à-dire des personnes craignant la loi de Dieu et voulant que toutes choses soient posées sous son regard et dans la justice envers le faible autant qu’envers le puissant. Il n’y a plus en France de forces capables de susciter une réaction salvatrice.

Un homme providentiel au détour d’une élection démocratique ? On voit ce que cela a donné avec François Fillon, balayé au soir d’un premier tour à l’issue d’une incroyable campagne médiatico-judiciaire. Il recueillit néanmoins 20 % des suffrages de Français qui ne se sont pas laissés estourbir et qui représentent sans doute un pays réel prêt à faire les efforts nécessaires pour travailler au redressement de la France. Mais au-delà ?

Il ne faut donc pas compter sur une élection démocratique, il n’y a a priori rien à attendre des urnes.

Le point 122 en conclut que « la contre-révolution que les temps actuels exigent sera donc consécutive à l’écroulement du monde présent impie et au triomphe du Cœur Immaculé de Marie qui disposera aussi les cœurs et les esprits au retour à la vérité catholique dans tous ses aspects. Établi dans le culte de l’Immaculée, libéré de l’emprise de l’argent, le peuple lui-même, instinctivement avide, en ses communautés naturelles, de liberté, de responsabilité, aspirera à reprendre ses légitimes pouvoirs économiques en brisant le carcan de l’État capitalo-socialiste. »

Donc il n’y aura pas de véritable restauration de l’ordre sans contre-révolution ou Révolution nationale, c’est-à-dire « sans renversement des institutions et des groupes sociaux oppresseurs, et sans doute à la faveur d’une terrible crise économique accompagnée d’un vide politique ou d’un violent mécontentement populaire. Cette réaction nationaliste pourra être provoquée soit par des hommes politiques déjà en place, soit par un coup d’État militaire, soit encore par l’arrivée au pouvoir d’un homme politique  charismatique ”, capable de prendre en main les destinées de la nation. L’idéal serait évidemment la restauration au plus vite d’un pouvoir royal, par une intervention de la Providence.

« La Révolution nationale consistera à écarter du pouvoir économique et politique les organisations synarchiques occultes et oppressives, tant de la haute finance et de la grande industrie que des partis et de leurs filiales syndicales. Cependant, elle devra se faire hors de tout esprit de vengeance, sans  épuration  ni lutte des classes. » Ce ne sera pas une revanche sur les exactions effroyables commises à partir de 1944 au nom de la prétendue libération. « Elle ne devra en rien toucher, troubler la vie quotidienne du peuple. Mais elle devra anéantir et interdire les idéologies qui ont été le support mental et moral de l’oppression, et de leur opposer, leur substituer fièrement les idées mères, les lois saintes et saines de notre véritable tradition populaire catholique et française. »

Mais il faut que le chef d’État, que le roi, que les pouvoirs publics aient une bonne conscience de leurs devoirs. Cette révolution durera dans ses effets seulement si les pouvoirs qui la conduisent agissent avec une bonne conscience. « Car, comme le dit notre Père, sans bonne conscience tous les pouvoirs humains sont accessibles au doute et finalement sont capables de démissionner en face de l’opposition. Quand on est les envoyés de Dieu, quand on travaille pour le bien du peuple au nom de Dieu, avec l’autorité qui vient de Dieu, on ne doit pas avoir de scrupules de conscience à gouverner, à tenir, à résister contre toutes les oppressions et toutes les révolutions. Pour le bien du peuple on reste, et s’il le faut, on meurt à la tâche. C’est le catholicisme qui en donne la force. »

Cette contre-révolution devra s’accompagner, être précédée d’une contre-réforme (123) dont il n’est pas exagéré de dire que notre Père en sera l’âme. Dans ses conférences d’actualités qu’il donna à la Mutualité, il ne cessa de prévenir que le monde dit “ libre ”, et tout spécialement la France, court à sa perte parce que mal défendu par cette démocratie libérale et ouvertement impie, donc doté d’un gouvernement par définition faible. Or la seule institution capable de combattre ce régime démocratique, de jeter les bases d’un vrai redressement politique et moral, c’est l’Église. Mais encore faut-il que celle-ci cesse de donner un élan mystique à tous les mouvements révolutionnaires ennemis de tout ordre chrétien, encore faut-il qu’elle fasse sa propre Contre-Réforme.

Donc « pas de révolution sociale qui ne soit nationale. Point de Révolution nationale sans destruction radicale des philosophies athées, matérialistes, décadentes du libéralisme capitaliste et du socialisme démocratique, responsables de l’appât du profit, du culte de l’homme et donc de l’argent, de la frénésie des jouissances immédiates et égoïstes, qui ont entrainé la dégénérescence de la race par le fléau de la dénatalité et de l’immoralité. » Or seule l’Église a la force nécessaire pour réaliser cette œuvre. Elle seule a l’autorité pour « dénoncer le crime de ces fausses philosophies et d’y opposer la vraie doctrine catholique tout en obtenant du Cœur Immaculé de Marie la grâce qui disposera les cœurs aux efforts nécessaires pour le redressement national. » C’est précisément ce qui a manqué à la Révolution nationale avec une Église de France qui s’abstint de lui apporter une doctrine forte, une vraie mystique qui affermissent le relèvement spirituel et moral de la France entrepris par le Maréchal Pétain et fasse en sorte que la cohésion nationale résiste aux chimères de l’étranger, fut-il allemand, anglo-américain ou même russe.

Demain il en sera de même, si l’Église ne revient pas d’abord de ses propres erreurs, de son modernisme, de son libéralisme par une Contre-Réforme.

Et à vues humaines, cela semble bien hypothétique pour ne pas dire franchement impossible... à moins d’un miracle qui sera celui de la conversion du cœur du Pape lequel consacrera alors la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Nous assisterons alors au triomphe de ce Cœur par la médiation duquel la Providence disposera « les biens temporels nécessaires à la prospérité des nations » et procurera la paix aux sociétés humaines. « La dévotion au Cœur Immaculé reconstituera le tissu social de la Chrétienté, loin des prestiges de l’argent et des discordes qu’il provoque [...] et sans attendre la conversion de tous, notre Dieu et l’Immaculée Conception notre Mère à tous, seront honorés non seulement par le respect de la loi divine et le repos dominical, mais encore par des liturgies à l’occasion de leurs fêtes.

« Et la foi en la providence imprégnera la vie temporelle. Manifestée par la prière, elle donnera à l’écologie nouvelle sa loi la plus sûre, à sa prudence naturelle une lumière supérieure. Ainsi notre peuple retrouvera le sens du réel, du possible, du souhaitable, contre l’utopie mensongère, la critique subversive, la confiance en l’État-Providence et sa démagogie, les revendications abusives, le parasitisme social. Ce sera le  retour au réel ”, marque exacte de la vertu humaine fondamentale qui est l’humilité mais seule la confiance en Dieu, qui est amour, lui donne son incontestable noblesse par la médiation du Cœur Immaculé de Marie. »

La Révolution nationale que nous voulons sera fondée non pas sur une “ mystique ” raciste, gnostique, matérialiste, mais sur la religion catholique (124). Elle aura d’autant plus de force qu’elle sera, à tous les échelons de la société, le fruit d’un pur élan de générosité naturelle et d’ « une immense réciprocité de services », pour reprendre l’idée chère à Mgr Freppel et si riche de sens. Elle permettra de déterminer de façon spontanée et « sans trop de calcul égalitaire les droits et devoirs de chacun pour le meilleur bien de tous, compte tenu de la vocation surnaturelle commune et du service national exigé de chaque personne. »

Donc la loi du travail n’est pas une simple règle, c’est une loi sacrée, parce que posée par Dieu même à Adam en châtiment du péché originel : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » Le maréchal Pétain, quant à lui, enseignait au peuple de France que « le travail est le moyen le plus noble et le plus digne que nous ayons de devenir maîtres de notre sort. Un homme qui sait accomplir une tâche avec courage et expérience représente toujours une valeur pour ses semblables. La plus saine fierté que l’on puisse éprouver est de se sentir utile par un travail bien fait. Aucun privilège de rang ou de fortune ne donne à quelqu’un autant de confiance dans la vie et de la bienveillance à l’égard d’autrui. » (discours du 1er mai 1941)

Tout travail, tout service seuls doivent être occasion de mérites et de droits et ils doivent être protégés de manière à demeurer « la première et principale source de la richesse, de l’honneur, de l’autorité dans la nation, par opposition à la spéculation, à l’intrigue et au favoritisme. » Donc pas de parasitisme des riches, l’argent en soi ne pouvant fonder aucun droit ni aucun pouvoir, pas de parasitisme non plus des pauvres au nom d’une prétendue justice sociale et qui se manifeste par des revendications de droits sans obligations réciproques. Un exemple parmi tant d’autres d’une assistance dégradante : le RSA, le revenu de solidarité active, versé à n’importe quelle personne résidant en France sans autres conditions que celles d’en faire la demande et d’être privé de toutes ressources, mais sans avoir à justifier le moindre mérite, le moindre service, le moindre effort, le moindre travail... C’est un droit opposable à toute la société, au détriment de tous.

S’agissant des services de charité, le point 124 précise qu’ils ne doivent plus être confiés aux services de l’État, ou alors de façon supplétive et provisoire en cas de carence. Ces services de charité doivent être rendus non par justice, c’est-à-dire en rétribution d’un droit, ni même par politique, mais bien, comme le nom l’indique, par esprit de charité. Et c’est à l’Église qu’il appartient de susciter ces services auprès des communautés locales et professionnelles qui sont, par définition, directement au contact des misères et des besoins à soulager. Avant de s’occuper de donner un petit chèque qui ne vous coûtera d’ailleurs pas grand-chose pour financer, en supposant que votre argent aille jusqu’au bout de la chaîne, le forage d’un puits au fin fond de l’Afrique saharienne, il serait plus utile et plus charitable de s’occuper de votre voisine de palier qui, âgée de 85 ans, vous sera bien reconnaissante si vous vous chargez de lui faire ses courses et lui épargner ainsi l’effort de descendre et de remonter ses quatre étages sans ascenseur.

Charité fraternelle dans l’ensemble de la communauté nationale certes, mais répression ferme et vigoureuse des minorités puissantes et agissantes qui feront obstacle à ce mouvement de Révolution nationale (125). Le commandant Marc de Nantes, le père de notre Père, qui avait une profonde admiration pour le maréchal Pétain pensait néanmoins qu’il n’avait peut-être pas été suffisamment répressif entre 1940 et 1944. « Le maréchal Pétain était trop bon. Il aurait dû frapper au moins de condamnations effectives et qu’il ôte leur faux honneur aux responsables de tant de maux. Ensuite, de fait, le maréchal Pétain a voulu réprimer avec vigueur la grande finance, mais il fut trahi par des gens qui l’entouraient. Et ces gens-là ont décidé de l’abandonner. Et finalement, le maréchal Pétain a été vaincu par la grande finance. »

C’est la puissance de l’argent qu’il faut en priorité dominer. La Révolution nationale devra sur cette question être forte et vigoureuse, bien faite et surtout ne pas permettre à l’adversaire de reprendre le dessus. « On ne fait rien sur terre sans répression », disait notre Père. La fortune anonyme et vagabonde est le principe majeur de tout désordre et de toute subversion, parce qu’elle travaille pour elle-même, en vue de son accroissement perpétuel et illimité. « C’est l’or qui a fait la révolution de 1789. Ce sont les capitalistes qui ont su profiter de Napoléon, des révolutions de 1830, de 1848 et même du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte grâce auquel ont prospéré les grandes dynasties bourgeoises du dix-neuvième siècle », explique notre Père.

Ce qu’il faut interdire, ce n’est pas la fortune en elle-même, mais son anonymat qui autorise une spéculation irresponsable et qui permet, sous couvert de sociétés secrètes, de commissions économiques, de groupes d’apparence philanthropiques, de dominer la vie sociale, acheter les consciences, pourrir la pensée, conduire l’opinion publique et finalement procurer des armes à des égarés pour détruire tout ce qui s’oppose à leur domination. En cela, l’or étranger devra faire l’objet d’une surveillance particulière, car la France n’est pas à vendre, et son âme encore moins que ses biens. C’est d’ailleurs le souci de Poutine en Russie en faisant adopter en 2012 une loi contraignant les organisations non gouvernementales engagées dans des activités politiques et financées par des fonds venant de l’étranger à se faire officiellement enregistrer. « Après tout, comme Poutine l’explique lui-même, si des étrangers paient pour une activité politique dans notre pays, ils en attendent probablement d’une façon ou d’une autre un certain résultat. »

Il faudra veiller à libérer la presse, l’industrie du livre et de la radio-télévision, internet, les réseaux sociaux... bref tous les moyens d’information... de l’esclavage de l’argent ; et pour cela notre Père pensait à la création d’une corporation des journalistes et des écrivains garantissant tout particulièrement l’honnêteté de l’information. Lorsqu’un groupe de presse est détenu par un groupe industriel, le journaliste qui y collabore n’est pas libre... de dire la vérité.

Il faut juguler la puissance de l’or, il faut juguler la puissance de l’intelligence, il faut juguler le terrorisme par une police spécialement conçue pour cette forme de lutte et le réprimer par une justice dure et rapide. « Toute guérilla est l’instrument cruel de commanditaires puissants, dont les buts économiques et politiques n’ont rien de commun avec la liberté et le bonheur du peuple. »

Le pays une fois libéré de ce totalitarisme de l’argent qui va jusqu’à acheter les consciences et les opinions ou même manier les armes, l’État en retrouvera une autorité souveraine, sans passer d’un totalitarisme à un autre (126). Ploutocratie et partis, une fois neutralisés seront pressés d’intégrer le pays réel et de mettre à son service leurs compétences, leurs aptitudes au service de la communauté nationale. La vérité, affranchie de l’erreur, se verra reconnaître une totale liberté à la diffusion tandis que l’expression du matérialisme athée, de l’erreur et du mensonge seront réprimés. « Ce ne sera pas un totalitarisme intellectuel, mais au contraire un affranchissement de l’erreur, de l’absurde, de l’impiété » qui pourra néanmoins bénéficier d’une certaine tolérance de la part des autorités publiques et de l’Église elle-même, du moins tant que cette erreur ne cause aucun mal social et que la paix comme l’expression de la charité fraternelle s’en trouve renforcées.

Tout cela semble bien utopique, situé dans un avenir bien éloigné eu égard à l’état actuel de notre pays, de la société dans lesquels nous vivons. C’est pourquoi le point 127 rappelle que cet avenir si incertain ne dépend pas, et heureusement, de nos seules forces. Rien ne pourra se faire sans le triomphe du Cœur Immaculé, sans un retour de l’Église de son apostasie, sans une restauration de l’autorité souveraine de l’État affranchie de la tutelle des puissances capitalistes.

Mais en attendant, il est toujours possible de pratiquer cette écologie, à notre mesure, dans le petit espace de liberté qui nous est laissé. Et il faut de surcroît travailler cette doctrine, la comprendre pour préparer les voies d’une Révolution nationale. C’est le rôle de notre Phalange de s’y préparer par son travail, sa prière et son obéissance de manière à ne jamais laisser dévier le mouvement libérateur sur des objectifs d’importance nulle tels le clergé progressiste, les immigrés, la manif pour tous, etc., mais suivre, au contraire, le plan d’une action sociale catholique et nationale telle que notre Père l’a lui-même fixé : « refaire l’entente naturelle des patrons et des ouvriers au sein de l’entreprise et y constituer des systèmes d’accord, d’un rendement immédiat ; ces îlots pacifiques prépareront l’ample et riche système d’économie nationale dont un nouvel État légitime dotera le pays ».

Mais avant tout, c’est de la famille dont il faut s’occuper.

LA FAMILLE 
POINTS 128 A 134

Avant de s’appliquer à l’étude du rôle de la famille, le point 128 pose la règle souveraine que notre restauration nationale devra suivre comme principe fondamental de la science et de l’art écologique : la réalisation d’un équilibre harmonieux entre l’espace naturel, non pas seulement préservé, mais cultivé et soigné, un habitat distribué dans l’espace afin d’assurer une répartition raisonnable, convenable du peuplement sur tout le territoire national, et enfin le travail conçu en vue de la civilisation et non l’inverse.

Ce travail de longue haleine menée dans le cadre d’une grande politique écologique décidée de haut, mais réalisée avec enthousiasme par la communauté nationale pour réparer les conséquences insensées d’un « développement cancéreux de l’industrie et de concentration urbaine lépreuse » ne sera pas « la création technocratique et planifiée d’un État omniscient, omnipotent. Ce sera une œuvre de patience et d’amour, spontanée et prudente des cinq  piliers  de l’écologie » : la famille, l’entreprise, la commune, la province et enfin la communauté nationale.  « Un peuple est une hiérarchie de familles, disait le Maréchal, de professions, de communes, de responsabilités administratives, de familles spirituelles, articulées et fédérées pour former une patrie animée d’un mouvement, d’une âme, d’un idéal, moteurs de l’avenir, pour produire à tous les échelons, une hiérarchie des hommes qui se sélectionnent par les services rendus à la communauté, dont un petit nombre conseillent, quelques-uns commandent et, au sommet, un chef qui gouverne. » (Discours du 8 juillet 1941)

Il nous faut maintenant évoquer la question essentielle de la famille.

Dans une conférence prononcée en 2004, frère Pierre a expliqué qu’après la chute de l’Empire romain et les invasions barbares, nos pays européens se sont constitués avec cette pyramide de la féodalité fondée sur des liens personnels, de familles à familles. Dans les villages, il y en avait une chargée de défendre les autres qui lui faisaient allégeance. C’était le seigneur du lieu qui, ayant besoin lui aussi d’être défendu, faisait à son tour allégeance à un autre plus puissant et ainsi de suite jusqu’au roi. C’est ainsi que petit à petit nous sommes arrivés à cette merveille de la société médiévale chrétienne. Une toile sociale fondée sur le serment, l’allégeance bénie par le prêtre. Cette société a continué à évoluer pour donner la nation qui est le chef d’œuvre de l’ordre politique.

« La famille est une cellule écologique complète, avec ses intérêts stables, biologiques, matériels et moraux, son circuit d’activités complet, son travail en vue de sa propre consommation, son épargne orientée par des projets à long terme communs, sa volonté de fécondité et de prospérité équilibrée, constante et sûre : sa prudence spontanée. » (129) Tout cela fait de la famille un microcosme qui ne relève pas de l’économie matérialiste actuelle.

Alors de quoi relève-t-elle ? « De l’amour. Non pas de l’amour fou, mais de l’amour qui est maîtrisé, qui est commandé, qui est informé par la prudence. » Donc « la communauté familiale est l’objet primordial du discours écologique et le premier acteur économique parce qu’elle existe et assume son destin comme une personne morale, unité d’amour conjugal et parental et non pas lieu de rencontre, de profit, de commerce, de concurrence. L’unité familiale est antérieure aux rapports d’intérêts que préside la loi d’équilibre des échanges. » Et voilà ce qui est merveilleux : « la famille n’est pas un marché. Et quand on construira la société à partir de ce “ non-marché ” qu’est la famille, pour essayer de donner aux marchés, même aux marchés professionnels, quelque chose d’autre qui ne soit pas matérialiste, alors on aura fait faire un grand progrès à cette société. »

Aussi la prudence des communautés familiales est-elle le premier et le plus efficace remède aux crises économiques. Plus solide et saine sera l’institution familiale libérée de la propagande capitalo-­socialiste, mieux la société saura faire face à ses difficultés. Ce principe sacré implique le respect absolu de trois conditions de l’écologie familiale : le pouvoir de décider, c’est-à-dire l’autorité, le pouvoir de disposer de ses biens de façon durable, c’est-à-dire la propriété, et le pouvoir de contracter des engagements stables, c’est-à-dire la responsabilité.

Il faut d’abord restaurer la famille selon notre ancien droit familial qui n’était autre que « le droit ecclésiastique faisant du mariage une institution stable et civilisée, fondée sur un sacrement et un engagement irrévocable, définissant la famille comme une hiérarchie naturelle et sacrée, une réciprocité de services, un équilibre de droits et d’obligations. Il assura mille ans la vitalité des familles et par elle la fécondité et la vigueur de la nation. » (130)

Mais pourquoi y a-t-il des familles ? Pourquoi la société est-elle organisée en familles ? Frère Pierre l’a bien expliqué dans une conférence de février 2004 reprenant l’enseignement de notre Père : « C’est parce que Dieu est Trinité. C’est le mystère divin par excellence. L’homme étant fait à l’image de Dieu, il pénètre dans ce mystère divin par l’expérience de la famille. Et Dieu ayant eu le projet de nous faire entrer dans sa vie intime, il a fallu qu’il nous crée dans ces dépendances de liens familiaux. Sinon, il nous serait impossible d’avoir la moindre idée de Dieu. Donc il n’y a rien de plus précieux ici-bas que les familles. Du coup, cela fait comprendre pourquoi dans notre monde moderne, antichrist, antichrétien la famille doit être abîmée, cassée. Elle doit disparaître... et par tous moyens. C’est Satan qui le veut. »

Du coup, on comprend très bien pourquoi la Révolution, avec le principe des droits de l’homme qu’elle entendait imposer à toute la société, s’en est aussitôt prise à la famille, à l’une de ses conditions essentielles, à savoir l’indissolubilité du mariage. Ainsi, une loi sur le divorce fut imposée dès 1792 et maintenue par Napoléon. Sous la Restauration, en 1816, la loi est abrogée. Mais le divorce est définitivement rétabli en 1884, sous la troisième République, avec la loi Naquet. Il était quand même nécessaire de démontrer une faute à l’encontre du conjoint contre qui le divorce était demandé. Depuis 1975, les époux sont libres de divorcer si tout le monde est d’accord. Et désormais chaque époux peut librement “ répudier ” l’autre après deux années de rupture de la vie commune, délai réduit à un an à compter du 1er janvier 2021. Actuellement le taux de divorce en France est d’un peu moins de 47 % ; ce qui est un désastre social quand on imagine les drames familiaux, en particulier pour les enfants, qu’un tel chiffre représente.

Une cellule hiérarchisée suppose un chef, en l’occurrence celle du père de famille. La loi a anéanti officiellement son autorité, plaçant les deux époux sur un pied d’égalité, y compris vis-à-vis des enfants, mettant au milieu du ménage celle du juge pour arbitrer les conflits.

Mais le plus grave c’est le féminisme que notre Père n’hésite pas à qualifier « d’hérésie moderne », de « gnose contre la foi catholique », contre le plan de Dieu et qu’il a tenté d’éradiquer de toutes ses forces de nos familles. « Il faut que nous surmontions tout cela et que nous allions jusqu’à la nature des choses et voir dans l’homme, même le plus incapable, le représentant de Dieu dans la famille, le chef, la tête dont la femme et les enfants sont le corps. La femme est la représentante de l’Église, c’est le plan divin, donc il faut qu’elle vive dans l’humilité, accepte la soumission jusqu’à l’héroïsme, parce que c’est le dessein de Dieu, c’est antérieur à notre volonté, à notre psychologie, à tout le revêtement humain des choses, on va à l’être même, Dieu nous a conçus ainsi pour que nous vivions à sa ressemblance selon le dessein arrêté par Lui. » (Sermon du 14 mai 1989) Lorsque la femme se révolte contre l’homme, contre son mari dont elle veut être l’égale, elle se révolte contre le dessein de Dieu. C’est la fin de toute société, c’est la fin surtout de toute civilisation chrétienne par manque d’enfants.

Et de fait, la France a moins d’enfants, les ménages sont désertés des épouses qui envahissent de leur présence... et de leur compétence, là n’est pas la question, tous les emplois dans tous les domaines professionnels. Par exemple : 15, 5 % des effectifs de nos forces militaires sont féminins. Un ministère du gouvernement est dédié à cette égalité qui est une idéologie entre les femmes et les hommes.

Mais cela va encore plus loin avec un dénigrement systématique du mariage et de la fidélité des époux. Le concubinage est assimilé à une vraie union matrimoniale avec tous les avantages patrimoniaux et fiscaux. Aucune distinction, en droit, entre les enfants légitimes, naturels et adultérins. La contraception donne toute liberté... Tandis que les unions contre nature se voient désormais attribuer le titre, la dignité du mariage. Sans compter l’avortement qui donne à toute femme le droit de tuer l’enfant qu’elle porte en son sein, le même enfant à qui elle peut désormais donner la vie seule, dans n’importe quelle condition, sans l’intervention de l’homme.

Une conséquence entre mille de ces agressions successives contre les familles : entre 1977 et 2001, la délinquance des mineurs constatée par les services de police et de gendarmerie a littéralement explosé en augmentant de près de 100 %.

L’Église seule pourra entreprendre le redressement des mœurs, mais elle devrait être aidée de la loi civile par la restauration au moins facultative et progressive de l’ancien droit français, naturel et chrétien. Le lien indissoluble du mariage, l’autorité du père en tant que chef de famille, la proscription de l’avortement seront les chapitres essentiels de cette restauration de la famille. Mais à titre transitoire, notre Père envisage d’autres droits familiaux qui pourraient être reconnus : orthodoxe, musulman, juif, protestant, etc. et même laïc... mais à l’exclusion de l’anarchie individualiste qui prétend ignorer tout engagement mutuel, toute loi naturelle et toute moralité. L’État obligera chacun à la loyauté de ses engagements selon son droit propre. Ainsi, ceux qui se déclarent catholiques auront la possibilité de se marier à l’Église sans plus avoir à passer à la mairie. Et lorsque l’un voudra abandonner l’autre, l’État sera là pour lui rappeler son engagement catholique et lui refusera le divorce qu’il tolèrera au protestant si sa religion le lui permet.

Ce n’est pas tout de rétablir la structure hiérarchique et la pérennité de la famille, il faut également lui donner les moyens d’exercer sa fonction écologique. Les libertés économiques, sociales, matérielles et spirituelles lui seront reconnues, ainsi qu’il est dit au point 131. Il faut que les parents soient propriétaires de leurs biens et soient seuls responsables de leur distribution à leur mort. Le père de famille d’ancien régime avait le droit de ne pas rendre successibles tous ses enfants. Le fils aîné héritait de toute la fortune de la famille, avec l’obligation tout de même de subvenir aux besoins de ses frères et sœurs.

Le droit le plus étendu doit être reconnu aux chefs de famille de décider de leur foi, de leur fécondité. Ce n’est pas à l’État de déterminer le nombre d’enfants que les parents doivent avoir ou ne pas avoir. Concernant l’enseignement scolaire, il est bien évident que la Révolution nationale accordera la possibilité à toutes les familles de choisir comme elles le voudront l’instituteur de leur paroisse, ou bien de confier leurs enfants aux écoles de leur choix. De façon plus générale, l’État laissera aux familles tout l’argent qu’elles auront gagné par leur travail pour le dépenser ou l’épargner selon ce qu’elles en jugeront librement.

Et le désengagement de l’État, des pouvoirs publics, sans être total, sera heureusement compensé par la responsabilité accrue de l’autorité de la famille dont la prudence naturelle ne sera jamais assez estimée.

L’autorité, la structure de la famille rétablie, celle-ci doit aussi disposer de ses propres capacités pour vivre. Autrement dit, son droit de propriété doit être respecté. C’est l’objet du point 132. « La science écologique pose en principe que la propriété est un élément de la liberté naturelle des familles et l’une des assises de l’ordre, de la vitalité et de la stabilité des sociétés. Toute propriété est reconnue légitime dès lors qu’elle est héritée ou acquise selon les lois et coutumes, capital accumulé par les familles, fruit d’un revenu honnête, d’une épargne, d’un travail, d’un service rendu, d’un échange ou d’un don normal dont la société n’a pas à discuter l’usage ou l’intention. »

Si l’État, en tant que défenseur de la nation et garant de la possession tranquille des propriétés, dispose sur celles-ci de droits régaliens qui justifient les charges et services qu’il est en droit d’exiger, il ne peut s’en emparer sous prétexte de les redistribuer aux autres au nom d’une prétendue “ hypothèque sociale ”, comme disent les socialistes. Cela revient tout simplement à détruire l’ordre écologique voulu par Dieu.

Mais cela ne confère pas pour autant un usage absolu et individualiste du droit de propriété. La nécessité de la vie en société implique la liberté de posséder, certes, mais aménagée et donc limitée, relativisée par toutes les conventions communautaires et tous les accords de gré à gré qui établissent l’équilibre des relations sociales. C’est parce que ce contre poids n’existait plus à partir de la Révolution que la propriété, au dix-neuvième siècle, a pris un caractère si sauvage.

L’ordre nouveau accordera « un honneur et un respect d’autant plus grand aux propriétés que celles-ci manifestent une valeur patrimoniale et assurent des services sociaux. Dans toute civilisation profonde, en effet, un lien existe entre les biens et les personnes, entre la richesse et sa fonction sociale, entre le prestige du propriétaire et les obligations morales. » Attention, notre Père fait la distinction entre l’argent anonyme détenu plus ou moins confidentiellement et la richesse qui, elle, se voit, qui est détenue au vu et au su de tout le monde comme une maison, un château, une entreprise, etc.

Nos Communautés des petits frères et des petites sœurs du Sacré-Cœur possèdent un ensemble de biens immobiliers, grâce à la générosité de nos familles, mais grâce aussi au travail des frères... et des sœurs... Ce patrimoine représente une richesse certaine pour les communautés, quoique très raisonnablement proportionnée à leur ancienneté, au nombre des frères et des sœurs et à leur vœu de pauvreté... Mais nos familles profitent directement et indirectement de ce patrimoine par toutes sortes de services y compris spirituels qu’il nous permet de leur rendre. Cette richesse est donc nécessaire, elle est légitime, elle est la garantie de la pérennité de nos communautés, de toute la famille spirituelle fondée par notre Père.

« En conséquence, toute communauté familiale, ou locale, professionnelle, religieuse à haute fonction de service et de grande stabilité doit se savoir maîtresse de son travail et de ses revenus, de son épargne et de ses biens patrimoniaux ou de mainmorte, à perpétuité, sans que nulle menace de spoliation n’en trouble la gestion et n’amène leurs gérants à les dissimuler par la fraude et à spéculer pour les garer de toute injuste érosion. » Et le patrimoine familial sera mieux garanti avec un élargissement du droit des libéralités en général et du droit des successions en particulier. L’État devra considérer cela comme un avantage écologique certain et devra s’abstenir de taxer de façon déraisonnable le patrimoine familial, en particulier lors des successions, pas plus que les biens attachés aux grandes fonctions sociales et aux corps de la nation.

Il n’empêche que la vie réserve aux vies des familles bien des hasards et pas toujours très heureux (134).

« Tout d’un coup, explique notre Père, on peut être mis à la porte de son entreprise. Qu’est-ce qu’on va devenir ? On ne peut pas se suffire à soi seul. Habiter dans une banlieue de Paris, en grande banlieue, dans une petite villa ? Ou bien rester chez soi sans voir personne ? Enfin, le jour où il y aura le feu, le jour où il y aura des gens qui rôdent autour de votre maison, le jour où vous serez à votre travail tandis que votre épouse sera toute seule et malade, il serait quand même bon que des voisins puissent nous rendre service. On serait plus heureux si les voisins ou la paroisse vous prenaient un peu en charge. Alors le voisin, on lui laisse mettre son auto dans notre garage puisqu’on n’a pas de voiture en ce moment. Puis, d’autre part, les enfants vont jouer avec les leurs parce qu’il y a une balançoire.

« Alors nous, les Frères, ici, on va aider le voisin pour la récolte de ses pommes de terre. Le voisin nous prête ses remorques, le voisin viendra labourer notre champ. C’est un équilibre écologique. Mais un jour, on se dit : mais le voisin, il nous exploite ! Parce que si on calcule le prix de nos heures de travail, puis le prix de la location d’un tracteur, cela ne fait pas le poids. Ou bien le voisin va se dire : les frères, ils sont bien bons, ils m’aident une fois par an pour récolter mes pommes de terre, mais ensuite ils sont toujours pendus à ma sonnette pour avoir ceci, pour avoir cela, etc., mais ils me volent !

« La sagesse, la prudence écologique, ces simples petits exemples, multipliés par des millions, illustrent cette science économique que nous voulons. Avec le voisin, on ne fait pas de calculs. Être en bons termes, ça ne se calcule pas. C’est plus précieux que tout ! »

Tout l’équilibre instable des familles tend à la fondation entre elles de libres associations, en vue d’une collaboration dans la production de biens et leur consommation. L’avantage de l’entente l’emporte sur l’antagonisme des intérêts et les mène à composer. C’est tout le domaine des contrats spontanés, des accords de gré à gré, qu’envisage le point 134. Dans un village chrétien, dans un bon village d’autrefois, on se rendait des services de maison à maison constamment. On vivait dans des temps très durs, et on survivait parce qu’on s’entendait, parce qu’on se prêtait des affaires, on se rendait service, on s’aidait les uns les autres.

À partir des mémoires de sœur Lucie, frère François dresse ce portrait admirable de sa mère : « Non seulement Maria Rosa recevait chez elle des jeunes filles pour leur apprendre à tisser et à coudre, mais souvent les voisines lui confiaient la garde de leurs enfants, parfois de leurs nourrissons. Cela lui prenait ainsi qu’à ses filles beaucoup de temps, mais “ l’important, disait-elle, c’est de faire le bien, d’aider les autres pour que Dieu nous aide nous aussi ”. C’était sa grande foi et son esprit de confiance en Dieu. Et elle accomplissait tout cela sans demander d’argent à personne. Si des parents n’étaient pas encore venus chercher leurs enfants quand c’était l’heure du repas, ceux-ci partageaient notre table. Telle était sa grande charité et son amour du prochain pour qui elle se sacrifiait. Maria remplissait aussi la charge d’infirmière. Quand on l’appelait pour soigner des malades et pour les veiller, “ ma mère lâchait tout, raconte Lucie. Elle se levait très vite pour y aller. ” » (Sœur Lucie confidente du Cœur Immacumé de Marie, frère François de Marie des Anges, éd. CRC, p. 23)

Ces rapports sont marqués par la proximité de leurs contractants, familles du propriétaire et du locataire, du prêteur et de l’emprunteur, du marchand et du client, etc. « Et c’est un facteur d’équilibre humaniste [...] : la recherche rigoureuse du profit y est encore modérée ou dominée par des éléments spontanés relevant de la prudence, tranquillité du voisinage, sécurité de l’avenir, simplicité de l’accord, avantages de l’amitié, etc. »

Et il y a tout intérêt à reconnaître à ces contrats et associations la plus grande liberté. L’État devrait non seulement le permettre, mais l’autoriser et même l’encourager, puisque l’équilibre écologique s’y invente et s’y maintient tout seul. La responsabilité familiale prime, la justice mutuelle provient d’une prudence qui construit une fraternité, la stabilité résulte de l’honnête avantage des parties. La solidarité est sagesse.

« Un ordre écologique plus que millénaire s’est institué sur la base de ces rapports sociaux où la justice, résultant de la prudence des contractants, est devenue la loi réglant l’institution. Ainsi ont pu vivre et prospérer de grandes nations, de très hautes civilisations, dans une économie spontanée, moralisée par la religion, protégée par les pouvoirs politiques, mais autogérée, se conservant dans un équilibre général de type humain et non mathématique, naturel et non technocratique, autorégulé et non planifié, où la vertu de prudence l’emportait sur la loi barbare du profit. »

Le chef de famille a pour deuxième devoir d’état, après la religion, celui de faire vivre sa famille, de lui apporter tous les subsides nécessaires pour lui procurer le pain quotidien et tous les biens matériels nécessaires pour assurer son entretien, l’éducation des enfants, pour financer leurs études jusqu’à ce qu’ils puissent quitter la maison familiale et fonder à leur tour un foyer. Le travail pour l’homme, conséquence du péché originel, nécessite un grand labeur, il représente même bien des dangers qu’il doit porter comme une croix quotidienne. Ce travail, ce métier, qui l’accapare beaucoup, il l’accomplit au sein d’une autre communauté, celle de l’entreprise qui occupe, mais à un autre échelon que la famille, une place tout à fait déterminante dans notre écologie. C’est ce que nous étudierons dans un prochain article. (à suivre)

frère Pierre-Julien de la Divine Marie.