Il est ressuscité !

N° 217 – Janvier 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Notre écologie communautaire
sous le regard de l’Immaculée

TROISIÈME PARTIE : POINTS 135 À 147

DANS un premier article (cf. Il est ressuscité no 214, octobre 2020, p. 18-26), nous avons présenté les principes posés par l’abbé de Nantes, notre Père, pour fonder une nouvelle science écologique, celle d’une vie commune familiale, interfamiliale, humaine. Cette écologie nouvelle qui doit être humaniste, catholique et nationaliste, est contrée par le système capitaliste libéral. Système athéiste, apatride, asocial, ce dernier, au contraire, exacerbe les instincts de chacun dans la recherche individualiste et sans frein des biens de ce monde et livre la vie économique et financière et le pays tout entier à la domination de synarchies bancaires et industrielles, toujours dans la négation du pouvoir politique, comme fonction souveraine du gouvernement de la nation en vue du bien commun.

Dans un deuxième article (cf. Il est ressuscité no 215, novembre 2020, p. 27-35), nous avons étudié les conditions nécessaires pour l’instauration dans notre société d’un nouvel ordre fraternel qui ne pourra être réalisé qu’au prix d’une contre-révolution, d’un retour des pasteurs de l’Église de leur apostasie et donc d’une contre-réforme, le pays pouvant alors se libérer de la puissance de l’argent, de la puissance des médias et même de la puissance des armes de mouvements terroristes. Nous avons admiré le rôle que devrait alors jouer dans ce nouvel ordre fraternel la famille qui constitue la cellule de base essentielle de tout équilibre écologique et le premier acteur économique. Mais pas de famille solide sans la restauration de l’autorité du père qui en est le chef. Après la religion, il doit lui procurer le pain quotidien par l’exercice de son métier au sein d’une autre communauté, celle de l’entreprise. C’est le sujet de ce troisième article qui abordera également les conditions nécessaires à une nation restaurée.

L’ENTREPRISE LIBÉRÉE 
POINTS 135 À 140

Le point 135 part du principe que le règlement de la question sociale doit s’appuyer en priorité sur la restauration de la communauté économique de base qu’est la petite et moyenne entreprise (PME). Cette catégorie représente en nombre une part écrasante des entreprises françaises (environ 94 %), elle embauche la moitié des salariés et produit un peu plus de 40 % de la valeur ajoutée réalisée sur le territoire national. Il faut d’abord s’occuper des PME. D’ailleurs, tous les développements qui vont suivre les concernent plus directement. La grande industrie, quant à elle, suivra.

Mais qu’est-ce qu’une entreprise ? Comment la définir au regard de notre doctrine écologique ?

Le point 135, complété par les enseignements de frère Bruno et de frère Pierre, définit l’entreprise comme une communauté hiérarchisée, organisée autour d’un projet d’affaires, en vue de produire des biens et des services et dont la finalité est d’assurer la prospérité des familles qui s’y trouvent associées par le travail ou le patrimoine.

Certes, la science économique moderne, prise ­d’ailleurs dans un sens très large, sera éminemment appliquée dans tout ce qu’elle a de bien. Mais la fondation de l’entreprise comme sa gestion relèvent d’abord de la vertu de prudence (136). Plutôt que le profit immédiat et maximum, il faut rechercher une rentabilité élevée, rigoureuse pour assurer à long terme la pérennité de l’entreprise et donc le pain quotidien des familles qui en dépendent. De cette vertu de prudence, il résulte nécessairement des ­stratégies et des relations humaines foncièrement différentes de celles qui peuvent avoir cours dans l’entreprise capitaliste libérale, poussée à rechercher à court terme un profit maximal.

Le premier responsable de l’entreprise, c’est son chef (135). C’est lui qui l’a fondée, ou bien qui l’a reprise dans le cadre d’une cession, ou bien encore qui en a hérité... de son père par exemple ou, tout simplement, qui en assure la direction s’il n’en est pas propriétaire ou ne possède pas de participation dans le capital. « Parce qu’il est le plus intéressé à la réussite de l’entreprise et à sa pérennité, il est le mieux placé pour défendre l’intérêt commun et faire droit aux exigences raisonnables de tous ses membres. Et tant mieux si ce patron est aussi le propriétaire de l’entreprise ; c’est la plus sûre des responsabi­lités. » Tout repose donc sur ses épaules. Il doit par conséquent être en mesure d’exercer pleinement son autorité. D’où la nécessité de neutraliser celle des intrus extérieurs à l’entreprise qui parasitent la sienne.

D’abord les banques en veillant à limiter les emprunts aux seules dépenses d’investissement nécessaire pour maintenir et développer les activités de l’entreprise et encore, dans des proportions raisonnables. Cette question relève donc de la responsabilité du chef qui doit éviter de dépasser un seuil au-delà duquel il sait qu’il aliénera l’indépendance de son entreprise. Celle-ci est également soumise non pas seulement à un contrôle, mais à un véritable diktat de l’État, des organismes sociaux qui lui imposent dans le domaine du droit du travail, du droit social, du droit fiscal, pour ne citer que les principales, toute une réglementation très contraignante, très évolutive et en définitive très décourageante... et surtout des contrôles très intrusifs comme ceux de l’Urssaf, de l’Inspection du travail ou même du fisc. Sans compter, enfin, l’action possible des syndicats qui ne font que détériorer le climat social, systématiquement au détriment du bien commun de l’entreprise, et donc de ceux dont ils prétendent défendre les droits.

Il faut donc chasser ou, à tout le moins, tenir à distance tous ces intrus, c’est-à-dire « libérer l’entreprise » (135), de manière à ce que son chef puisse pleinement exercer ses fonctions et son autorité dans la définition et la conduite du projet d’affaires, la gestion administrative et financière et enfin la gestion du personnel, sachant que c’est la compétence qui fonde la légitimité de l’autorité (136).

Il appartient au chef d’entreprise de définir le projet d’affaires, de le faire évoluer et de le mettre en œuvre. Il doit fonder ses réflexions, ses décisions sur la réalité de la situation, telle qu’elle se présente, par exemple le marché, son entreprise avec ses points forts, ses faiblesses qu’il doit connaître, etc., plutôt que de tabler sur des prévisions, des pronostics, des estimations qui demeurent hypothétiques. Il doit agir avec prudence. Il acceptera pour l’entreprise un marché qui lui permettra d’étendre son activité, il en refusera un autre qui bouleverserait trop profondément son organisation au point de la mettre en danger pour un profit sans lendemain. Il fera affaire avec tel client potentiel qui permettra peut-être de prévenir la défaillance d’un autre, mais il refusera de signer un contrat avec tel client potentiel qui ne présente pas de garanties de solvabilité suffisante. C’est prudemment investir dans la recherche et le développement pour faire progresser la qualité des produits, mais c’est au contraire s’abstenir dans l’investissement d’un équipement informatique mal maîtrisé, coûteux, inutile...

Le chef d’entreprise doit également veiller aux besoins financiers, à la rentabilité et au bon ordre de toutes les affaires administratives, fiscales, comptables et juridiques pour assurer une gestion sécurisée.

Enfin, la direction du personnel est déterminante dans notre écologie communautaire. Elle revient d’abord au chef d’entreprise et à ce titre il exerce une vraie paternité. Il ne peut ni se désintéresser de son personnel, c’est évident, ni le flatter pour se faire aimer. Chacun doit être considéré, traité, rémunéré, et même aimé par le chef d’entreprise non pas de façon égalitaire ni déréglée, mais selon son ancienneté, ses responsabilités, ses compétences, son application, etc. Il s’agit de ne pas exacerber les antagonismes et encore moins de les réglementer à coup d’articles dans le Code du travail, mais de susciter les conditions d’une vraie et continuelle réciprocité de services, malgré les inégalités dans la hiérarchie de l’entreprise, chacun se dévouant au service de tous pour la prospérité de l’entreprise dont dépend celle des familles. Mgr Freppel n’hésitait pas à dire que c’est par l’unité du travail que l’on peut parvenir à celle des cœurs.

Mais cela suppose beaucoup de compétence, de patience, de temps de la part du chef d’entreprise... et en fait beaucoup de vertu... dont seule la foi catholique pourra lui donner l’héroïcité... Mais pour que la grâce d’une vraie charité fraternelle puisse irriguer les relations humaines dans le travail, il faut que l’entreprise ne soit pas seule, isolée dans un monde totalement laïque, mais aidée par des institutions catholiques et aussi politiques. Et cela ne sera possible qu’à compter du triomphe du Cœur Immaculé sonnant le signal d’une contre-réforme au sein de l’Église et d’une contre-révolution au sein de la société civile, ce qu’il faut sans cesse rappeler dans l’étude de cette doctrine d’écologie dont certains points peuvent être mis en œuvre à notre petite mesure dès maintenant, d’autres pas encore.

Le point 136 fait également remarquer que « la restauration de l’autorité légitime du patron ne signifie pas une gestion arbitraire, bien au contraire. Le souci du bien commun de l’entreprise et de l’efficacité dans la réalisation des tâches implique la consultation régulière du personnel concerné », en particulier pour tous les projets importants, les questions qui touchent à l’organisation du travail ou qui relèvent du règlement intérieur... Car avant d’être opposés sur la question des salaires, tous ont intérêt à ce que l’entreprise marche. Mais cela suppose que prenne fin l’ingérence directe ou indirecte des organisations syndicales extérieures, et que l’autorité du chef d’entreprise décide en dernier ressort selon ce qu’il juge conforme au bien commun de l’entreprise.

Ces principes de gestion écologique devraient créer un climat de travail familial qui inclinera les membres de l’entreprise à s’entraider de différentes manières.

« De même que les familles s’associent de gré à gré selon leurs besoins, les entreprises nouent des alliances pour étendre et améliorer leurs activités. » (137) Toujours la grande idée de notre Père, comme celle du Maréchal, de voir s’établir des relations entre acteurs économiques, dans l’intention d’une réciprocité de services qui atténuera les dures lois du marché et de la concurrence.

Si ces accords de gré à gré spontanés devaient perdurer dans le temps, il serait prudent de les officialiser dans un cadre juridique qui définirait clairement les droits et obligations de chacun. Et lorsque cette association aura fait ses preuves, jouira d’un certain rayonnement, alors il sera bon, utile que lui soit reconnu un statut d’établissement privé assurant une mission de service public.

Et voilà le point 137, sans crier gare, qui nous achemine vers la corporation.

Le point 138 définit la corporation comme « une organisation de gens du métier en vue du meilleur accomplissement de leur service spécifique de la société et, à cette fin, du maintien de leur solidarité interne et de la défense de leurs droits et privilèges. Eux-mêmes règlent leurs activités, s’imposent des exigences de compétence et d’honnêteté, réglementent le travail, limitent la concurrence et développent des institutions d’entraide. Cela sur le plan local, provincial et, le cas échéant, national. »

Dans un article publié dans le numéro d’avril 2007 de La Contre-Réforme catholique, frère Pascal explique que les corporations trouvent leur origine dans les confréries qui réunissaient sous la bannière d’un saint les maîtres et les ouvriers d’un même métier. Sous l’influence de l’Église, de religieuses ces associations prirent un caractère professionnel. Ce furent les groupements corporatifs, librement formés, sans contrôle particulier des pouvoirs publics. Ces communautés étaient fondées sur un serment qui scellait un contrat collectif par lequel les membres s’engageaient à respecter certaines règles, certains usages, de garder le métier bien loyalement, de dénoncer les malfaçons de tout contrevenant, etc.

La Révolution, dès ses débuts, eut raison de cette merveilleuse organisation professionnelle avec le décret d’Allarde du 2 et 17 mars 1791 et surtout le décret du 14 juin 1791 dit “ loi Le Chapelier ” dont l’article premier anéantissait toutes espèces de corporations de citoyens de même état et profession. Toutes furent anéanties ? Oui, mais certaines purent se reformer assez rapidement comme la profession d’avocat qui obtint de Napoléon, en 1810, le rétablissement des barreaux, et de Louis-Philippe, en 1830, le droit d’élire leurs bâtonniers ainsi que les membres des conseils de l’ordre.

Comment est organisée cette profession qui est sans doute actuellement la forme de corporation la plus achevée ? Pour pouvoir exercer cette profession, un avocat doit être inscrit à l’un des 161 barreaux répartis sur tout le territoire national, respecter un règlement intérieur défini par la profession elle-même et être à jour dans le règlement de ses cotisations ordinales. À la tête de chaque barreau, un bâtonnier élu par ses pairs arbitre les différends entre avocats y compris avec leurs collaborateurs, taxe leurs honoraires en cas de litige avec leurs clients et représente la profession auprès des institutions et des autres professions. Il préside le conseil de l’ordre qui est notamment compétent pour infliger des sanctions disciplinaires. Enfin, les avocats mutualisent entre eux beaucoup de services qui sont gérés par l’ordre.

Cet exemple d’actualité a le mérite de bien faire comprendre ce qu’est une corporation et de représenter un modèle, qui sait, pour d’autres métiers, avec les adaptations nécessaires évidemment. Mais ce qui mine cette profession judiciaire, c’est l’argent, comme partout ailleurs, pour lequel les avocats n’hésitent plus à se faire ouvertement des mercenaires du prétoire et non plus des auxiliaires de justice, ce qu’ils sont pourtant officiellement et qu’ils ne veulent plus être. L’organisation en ordre professionnel freine le mouvement mercantiliste sans le bloquer. Cela montre bien qu’il est vain aujourd’hui d’espérer un effet bénéfique réel des corporations tant que l’Église et les pouvoirs publics heureusement concertés ne peuvent ni ne veulent jouer leur rôle, en l’absence de contre-réforme et de contre-révolution.

C’est ce qu’avait très bien compris le maréchal Pétain en voyant quel avantage il était possible de retirer de l’effondrement des institutions républicaines. Et il ne s’est pas contenté d’exposer une grande idée. À cet égard, il faut mentionner la corporation paysanne à classer parmi les grands succès du gouvernement du maréchal Pétain. Ce fut un retour à la terre d’abord par un immense labeur à la charge du gouvernement pour assurer en pleine débâcle la remise en marche de toute l’agriculture et éviter in extremis une famine massive de la population française. Un retour à la terre également de la part des jeunes gens qui furent réquisitionnés pour prêter main-forte aux paysans, assurant ainsi une union des gens des villes et des gens des campagnes, union étroite préfigurant celle de tous les Français. Mais retour à la terre également avec la fameuse loi sur la corporation paysanne du 2 décembre 1940, dont l’article premier disposait : « L’organisation corporative de l’agriculture a pour objet de promouvoir et de gérer les intérêts communs des familles paysannes dans le domaine moral, social et économique. »

Ainsi que l’explique très bien frère Thomas dans une conférence prononcée en 2004 (La Corporation paysanne 1934-1944, 14 février 2004, F 86), les paysans français étaient appelés à gérer eux-mêmes et ensemble les intérêts de la profession. Cette loi une fois votée, il fallut la mettre en œuvre et ce fut Hervé de Guebriant qui en fut chargé par le maréchal Pétain. Il fit un tour de France et en moins de deux ans il réussit à mettre debout l’une des plus grandes institutions de la France contemporaine. Sa tâche consista à unifier les syndicats agricoles à chaque échelon : communal, régional, national. L’idée directrice, comme le Maréchal l’expliqua lui-même dans un discours prononcé le 20 avril 1941, était de rassembler toutes les forces rurales françaises et de donner à la paysan­nerie un nouveau statut social avec des avantages parfois différents dans leur nature, mais comparables à ceux accordés aux travailleurs des villes. Mais cette corporation qui rencontra un vif succès auprès des paysans de France se heurta aussi à de fermes oppositions. De la part du parti gaulliste, cela n’eut rien d’étonnant. Le gouvernement provisoire raya d’un trait la corporation paysanne dès le 26 juillet 1944. Mais l’opposition la plus déconcertante vint d’anciens syndicalistes et de hauts fonctionnaires qui n’entendaient pas confier au monde paysan la liberté de gestion de leur profession. Donc tous les esprits, et non des moindres, n’étaient pas prêts et cela montre qu’il sera nécessaire de tenir compte d’une telle inertie lorsque reviendra le temps d’une révolution nationale.

En conclusion, la restauration des corporations de métier, aujourd’hui impossible, en tout cas prématurée, sera le résultat d’un long mûrissement. Ces associations devront se former de façon assez spontanée, sous la guilde de l’État et de l’Église, des provinces, des communes mêmes... mais pas forcément à coup de décret. Elles devront être protégées par les pouvoirs publics, mais pas imposées par l’État. Donc cela suppose au préalable une réforme des institutions de manière à ce que les corps intermédiaires puissent jouer leur rôle, ce qui actuellement est exclu par la démocratie économique au nom de la liberté individuelle du commerce et de la libre concurrence sur le marché, censées assurer une compétition parfaite et sans merci entre les entreprises.

Quelles seraient les activités des corporations ? Le point 139 en définit trois.

« La première activité de la corporation est religieuse, morale et humaine. » La personnalisation de la vie professionnelle restaure l’honnêteté de la part des membres d’une même communauté, dans les rapports entre eux, mais également dans les relations extérieures d’achat et de vente avec à la clef une entraide, mais aussi une “ police ” pour corriger, au besoin sanctionner les abus de toutes sortes. « L’honnêteté du service et du travail fournis est le fruit d’une grande vertu morale ; la qualité de la production est une valeur capitale qui mérite accroissement du salaire alloué et du bénéfice distribué. »

La deuxième activité des corporations touche la vie économique « autodirigée » pour reprendre le mot de Salazar. « Les conseils corporatifs élus, mixtes à tous les échelons, aidés au besoin de conseillers économiques, et au plus haut niveau toujours en présence d’un représentant de l’autorité publique, délibèrent des plans et programmes de production, modulés dans l’espace et dans le temps ; des créations, aménagements, restructurations, restaurations d’entreprises, de leur nombre et de leur diversification ; des modes de financement, des investissements, des placements de capitaux ; des conditions d’embauche, des salaires et de la distribution des bénéfices ; de la constitution et de la gestion de la banque communautaire et du patrimoine corporatif (...). À mi-chemin entre l’utopique autogestion démocratique et la planification étatique, l’autorégulation corporative serait une merveille de liberté et de concertation, de souplesse dans l’ordre, donc d’efficacité. »

Enfin, la troisième activité corporative est d’ordre social et charitable. L’idée serait d’organiser au moins en partie le système de protection sociale assurée pour l’instant par cette monstrueuse Sécurité sociale avec les résultats... totalement déficitaires... que l’on sait : 31 milliards avant la crise sanitaire... Donc, ce seront les corporations qui prendront en charge une partie de tout ce régime social, mais avec l’idée que « tout y sera organisé au plus près, au plus simple, au plus vite, à l’échelon primaire du fonds social d’entreprise, au plus haut par appel au patrimoine corporatif des conseils provinciaux et nationaux ».

En conclusion, le point 140 souligne l’harmonie de la vie sociale que reconstitue l’écologie communautaire « en rendant le travail à sa véritable fin qui est la prospérité des familles et à sa réalité première, celle d’associations libres de chefs de famille assurant leur vie matérielle et leur meilleur avantage par la prudente mise en œuvre associée de leurs biens et de leur travail.

« C’est en ramenant le  problème social  à ses cadres étroits, les plus humains, des communautés locales, provinciales, du métier, de l’industrie, de la profession, au lieu de l’étendre imprudemment à l’échelle nationale, voire multinationale et internationale, que la collaboration, le service mutuel des divers personnels de la société de travail l’emportent dans les esprits comme dans la réalité quotidienne sur l’antagonisme des intérêts privés et la lutte des classes. »

Le point 140 achève la partie consacrée à l’entreprise en faisant remarquer l’immense complexité de la vie économique moderne qui « ne doit pas décou­rager ceux qui invoquent la charité pour instaurer une véritable fraternité née du respect de la paternité, c’est-à-dire de l’autorité à tous les échelons de la vie sociale, afin de proposer des principes écologiques clairs, des solutions corporatistes simples, fruits d’une réflexion sur la nature humaine et sur les leçons de l’histoire. Ils seront de toute manière plus vrais, plus justes et d’un meilleur avenir que les théories inhumaines et irrationnelles de ceux qui, au nom de la liberté et de l’égalité, ont accumulé tant de ruines et mené le monde moderne à une inéluctable catastrophe. »

Il nous faut maintenant aborder la vie communautaire au niveau de la nation.

LA NATION RESTAURÉE : 
POINTS 141-147

Le point 141 souligne le rôle de la communauté nationale qui demeure au dernier degré la communauté la plus achevée pour assurer la paix et la prospérité des familles et les protéger contre « une société totalement émancipée de ses instincts séculaires d’équilibre naturel et de prudence » et soumise, au contraire, à « un emballement de la vie économique ». Contre de telles forces économiques, la communauté nationale constitue « l’ultime force écologique, actuellement du moins, capable de maîtriser ce phénomène sauvage et de rappeler à la prudence des forces économiques déchaînées (...).

« Dans cette unité d’essence supérieure, politique, des équilibres nécessaires peuvent être sauvegardés ou restaurés, tels ceux d’agriculture et d’industrie, de ville et campagne, de dépenses et investissements, de production et consommation, de capital et travail, d’exportation et importation, de même que les harmonies sociales indispensables entre classes, régions et peuples.

« Au-delà, actuellement, il n’existe pas de communauté écologique internationale autre qu’illusoire, et point d’autorité souveraine efficace pour la défense du bien commun des familles. » Il appartient dès lors « à chaque nation de s’essayer à étendre sa puissance organisatrice au-delà des frontières pour contrôler ses approvisionnements en matières premières, l’équilibre de ses échanges, la tenue de sa monnaie sur le marché international, etc. Comme entre familles, la vertu de prudence est encore, même entre nations, la meilleure garantie d’équilibre écologique ! »

L’ÉCOLOGIE NATIONALE AMÉNAGÉE (POINT 142).

Le point 142 s’attaque, lui, à la grande question de ce qu’en langage moderne nous appellerions “ l’aménagement du territoire ” et de ce que notre Père préfère dénommer « écologie nationale aménagée ». En ligne de mire, le déséquilibre en France entre Paris et la province, entre les grandes villes et la campagne déserte. Cette situation est la conséquence directe de l’industrialisation du dix-neuvième siècle menée à marche forcée, de l’évolution de l’économie libérale en parallèle avec celle de l’idéologie socialiste égalitaire, sans compter l’attrait de la vie moderne exercée sur les populations des campagnes.

Loin d’être un fait naturel et une nécessité iné­luctable du progrès, le développement des villes et des mégapoles au détriment des campagnes a créé des déserts en France, sans que rien ne soit fait de façon sérieuse pour y remédier. François Fillon l’avait même souligné dans son programme de campagne en 2017 : « Depuis une dizaine d’années, j’ai vu la situation de nos territoires se dégrader. La concentration des populations et des richesses vers les grandes métropoles s’est accélérée. La fracture territoriale n’a jamais été aussi profonde. Elle oppose les territoires urbains riches et dynamiques aux territoires ruraux et périurbains pris dans une spirale de paupérisation. Avec cette fracture territoriale, c’est l’unité même de la France qui est menacée. »

Notre Père en 1990 envisageait cette question d’une façon très concrète :

« Celui qui ne voyage jamais sur les routes parce qu’il est chez lui et qu’il n’en bouge pas, je ne vois pas pourquoi on lui ferait payer le macadam de toutes les routes de France, qui n’est jamais usé que par les touristes qui y passent et repassent, et par les camions qui en font un commerce, qui rivalisent avec les chemins de fer. Il y a les chemins de fer ; si vous voulez aller en camions, c’est peut-être plus facile pour vous, mais vous devez payer la réfection de la route. Alors les économistes américains ont poussé très, très loin cela. Pour que l’usager paie ce qu’il dépense ; et non pas qu’on fasse porter la dépense sur tous, même ceux qui ne profitent jamais de l’avantage.

« À Paris, il y a tout un ensemble de métros, de trains de banlieue, et cela coûte très cher. Et comme cela coûte très cher, on donne des billets, pour presque rien, aux usagers. Mais les personnes qui veulent aller de Clermont-Ferrand à Riom, il n’y a pas de chemin de fer. Ni métro non plus d’ailleurs. Il faut qu’ils y aillent avec leur auto, ce qui leur coûte plus cher. Je ne vois pas pourquoi ils paient des impôts pour financer le métro de Paris.

« Du coup, on a tout intérêt à déserter les campagnes pour aller jouir de tous les avantages de la vie parisienne. Et c’est gratuit d’y aller. Les “ imbéciles ” d’Auvergnats et de Bretons qui paient ! Donc, c’est très normal, vous voulez avoir la vie douce, allez en ville, vous paierez des impôts en proportion de ce qu’on dépense pour vous.

« Vous voulez élever des moutons en Lozère ? Eh bien ! allez-y, vous êtes exemptés d’impôts pour vingt-cinq ans. Et j’en connais des masses de gens qui fuiront Paris, à condition que ça soit vivable. Ah, moi, je ne demande qu’une petite masure en Lozère, et avec ma femme, nous y éduquerons nos enfants très librement, nous ferons cela nous-mêmes. Nous aurons bien quelque curé pour leur apprendre à lire, etc. Et nous n’aurons pas d’impôts, donc nous pourrons vivre de ce que nous produirons.

« Et voilà comment la terre française se repeuplerait. Et en Lozère, qu’est-ce que vous voulez, ils s’ennuieront tellement, sans aucun des loisirs de la ville, qu’ils feront des enfants pour s’amuser. Et ils en auront beaucoup. Tandis que tout le monde sait bien qu’en ville, on n’a pas le temps de s’en occuper, on ne peut pas. Résultat, la ville est une mangeuse d’enfants. Et la campagne est une “ productrice ” d’enfants. Et je ne vois pas pourquoi la ville a tous les avantages et ne produit rien pour l’avenir de notre société. Et que les malheureux qui ont des enfants là-bas dans la campagne n’ont aucune aide, et au contraire sont écrasés d’impôts également comme les autres, alors qu’ils sont en train de préparer la génération future. Vous voyez ce que je veux dire ? »

Oui mon Père, nous voyons très bien ce que vous voulez dire et du coup nous comprenons mieux ce qui est préconisé au point 142. « Le renversement de tendance de l’accroissement des mégapoles au détriment des campagnes, radical en théorie, devra se faire de façon très progressive, sur une longue période, en particulier par une politique fiscale à long terme » comprenant plusieurs volets. En voici le principal : « Aux hauts avantages et hauts rendements et salaires des zones à forte densité humaine, c’est-à-dire dans et autour des mégapoles, doivent correspondre des charges financières équivalentes. Aux terres dépeuplées, l’exemption de toute charge collective paraîtra une incitation suffisante aux libres et fières populations autochtones fixées dans les régions les plus pauvres à y vivre dans leur austérité aimée, et un appel enthousiaste aux aventuriers de l’indépendance et de la pauvreté, capables de repeupler ces régions en peu d’années.

« Et si nul ne répond à l’appel, une nouvelle fois les moines seront là pour faire refleurir le désert français. »

L’AUTOGESTION DES COMMUNES (POINT 143).

Notre Père fait remarquer que la vie communale est « un cadre amical, une aide, une protection à la liberté des familles ». C’est le lieu naturel de leur enracinement, le cadre où se perpétuent leur histoire, leurs mœurs et leurs traditions religieuses et sociales. Mais encore faut-il que les familles qui y résident se sentent chez elles, sentent que leurs soucis sont pris en compte, par exemple sur la question épineuse de l’école... Et dans un village tout le monde se connaît et, indirectement, c’est une aide à bien se tenir, car tout se sait...

Donc la commune a un rôle déterminant dans la sédentarisation des familles et dans l’écologie communautaire.

Par ailleurs, notre Père, reprenant l’idée de Maurras, est favorable à ce que la commune soit consi­dérée comme une véritable “ petite république ” avec élection du maire, comme dans un monastère. Parce que tout le monde se connaît et sait à qui on peut faire confiance pour bien s’occuper des intérêts de la cité. Il part aussi de l’idée qu’au niveau local, les communes sont les mieux à même d’évaluer les besoins et la manière d’y pourvoir. Mais cela implique aussi qu’elles soient dépolitisées, pacifiées, de manière à éviter cette surenchère électorale qui existe même dans les petits villages et qui occasionne bien des désordres dont le surendettement n’est pas le moindre.

Partant de là, l’autogestion communale est possible, mais à la condition de suivre trois orientations.

Tout d’abord, la commune doit jouir de la plus large autonomie possible pour s’administrer et déterminer, dans les domaines qui relèvent de ses compétences, ce qui est le plus conforme au bien commun des familles qui y sont établies. Cette liberté sera guidée par la vertu de prudence et par le sens des réalités. Elle n’exclut pas évidemment une assistance technique. On a toujours besoin de conseils, par exemple dans le domaine de l’urbanisme qui est très complexe. Cette liberté n’exclut pas un contrôle de la part des autorités provinciales, voire nationales, surtout lorsqu’il apparaît nécessaire d’assurer une cohérence entre les politiques suivies par différentes communes.

Ensuite, l’autonomie de la commune doit s’étendre aux ressources. C’est à elle de déterminer l’assiette de l’impôt qui sera levé pour couvrir ses dépenses, de percevoir directement les revenus des biens communaux... Pour ce qui est des financements extérieurs tels l’emprunt ou les subventions, s’ils s’avèrent nécessaires, la commune les sollicitera prudemment. À cet égard, le budget des communes sera contrôlé par l’autorité provinciale, particulièrement les prêts, de manière à prévenir les déficits qui devront demeurer exceptionnels.

Enfin, la commune aura diverses tâches à remplir, notamment l’entretien des écoles, la nomination des maîtres, toutes les questions relevant de la voirie, les transports en commun, les aides sociales, les loisirs, les hôpitaux, les maisons de retraite, etc. Les services intercommunaux seront encouragés, mais resteront sous l’autorité des représentants des communes concernées.

Si les communes constituent les collectivités de base de la communauté nationale, les provinces en seraient les corps intermédiaires.

LA RESTAURATION DES PROVINCES (POINT 144).

Jusqu’à la Révolution, le royaume de France était divisé en provinces (le Berry, le Dauphiné, l’Anjou, le comté de Champagne, le comté d’Angoulême, etc.). « Ces provinces, explique notre Père, étaient des unités économiques ; mais également des unités de tradition, représentant des communautés moins vastes que la nation, et ayant la possibilité de revendiquer certaines libertés qui leur avaient été toujours reconnues, en face du pouvoir royal. La Révolution a supprimé tout cela »... et créé dès 1790 quatre-vingt-trois départements qui constituent un quadrillage administratif destiné d’une part à briser les grandes forces traditionnelles qu’était le sentiment provincial et d’autre part à imposer sur tout le territoire l’autorité du jacobinisme centralisateur. Ce découpage en départements, purement administratif, ne correspond à aucune réalité géographique, économique, écologique...

Or les provinces sont historiquement les mieux à même de garantir aux communautés locales une grande autonomie et assurer un équilibre écologique entre peuplement, territoire et travail. Il faudra donc les restaurer et leur laisser jouer ce rôle charnière entre l’autonomie des peuples qui la composent et l’autorité souveraine royale qui s’y exerce. Dans ce dispositif, les gouverneurs joueraient un rôle clef. Ils seraient à la fois les représentants du souverain et les représentants des peuples placés sous leur autorité auprès du pouvoir central. En outre, ils présideraient une assemblée provinciale qui, composée de « représentants élus des communes, des grands ordres et des corps de métiers et professions », débattrait de toutes les questions importantes intéressant la province. Là encore, c’est la dignité du métier qui donne à celui qui l’exerce honnêtement et honorablement le droit de prendre part aux décisions prises à l’échelon provincial.

Notre Père explique que « de Gaulle, qui voulait faire le roi, avait eu l’idée de restaurer les provinces. Et Pompidou était contre, car, disait-il, le gouvernement de la République est trop faible pour se permettre ça. Si nous restaurons les provinces, nous leur donnons des pouvoirs, une certaine autonomie. Elles retourneront à l’autonomie, et que pourra la République ? Elle n’y pourra rien. Pouvoir faible au sommet, impossibilité de donner la moindre liberté aux provinces. Mais pouvoir sacré, pouvoir aimé, pouvoir paternel, liberté aux provinces. Plus on leur donnera la liberté, plus elles reviendront vers la France avec amour. »

Quelle sagesse politique de la part de notre Père. Comparaison n’est pas raison, mais c’est intéressant de remarquer qu’après soixante-quinze années de régime communiste, les gouverneurs de la Fédération de Russie profitèrent de la faiblesse de l’État central, c’était sous la présidence Eltsine, pour ménager en faveur de leur région un fédéralisme à la carte et firent systématiquement obstruction à tous les projets de loi discutés au niveau fédéral. Les choses allèrent si loin qu’en 1999 « l’unité de la Russie était minée et dans les faits elle avait cessé d’être un pays uni dans le sens plénier du mot ». (Vladimir Poutine)

La province réalisera avec efficacité une vraie médiation écologique tout à la fois en faveur des communautés locales et de la communauté nationale. Mais elle ne pourra pas entretenir de relations internationales qui viendraient en concurrence avec les intérêts nationaux « dont seul le chef de l’État est responsable ».

L’ŒUVRE ECOLOGIQUE INTERNATIONALE (POINT 145).

Le sujet est sensible puisqu’il s’agit, en fait, de la question de la colonisation.

Bien des pays, « émancipés du cadre colonial pour satisfaire davantage les intérêts du capitalisme international que ceux de leur population, ne sont des  nations  que de noms. Nos pays catholiques ne peuvent rester insensibles à leur exploitation au profit des grandes puissances, cause de leur misère endémique. » D’où cette conclusion : « Il faudra donc restaurer un cadre de relations qui ne pourra pas être un pur et simple retour au  colonialisme  d’antan, d’ailleurs souvent perverti par les pouvoirs francs-maçons. »

Dans une conférence donnée à la Mutualité en 1992, donc juste après la ratification, par référendum, du traité de Maastricht par lequel la France fit un nouveau pas dans l’aliénation de sa souveraineté au profit de l’Union européenne, notre Père mettait en parallèle ces deux situations tout à fait contradictoires : « On nous a fait perdre notre Empire, c’était notre respiration, c’était notre marché, c’était notre avenir. Ceux qui l’ont fait étaient criminels. Ils l’ont dit : on perd notre Empire, mais c’est pour faire l’Union européenne. C’était crime sur crime. Et je disais : mais comment se fait-il qu’on nous dit qu’il faut maintenant faire un grand ensemble européen, que l’avenir est aux grands ensembles et qu’on commence par nous faire démolir nos grands ensembles ? L’Empire anglais, je veux bien, l’Empire français, l’Empire portugais, l’Empire espagnol ? » Et notre Père d’imaginer tout simplement une Europe où chaque pays ayant suffisamment à s’occuper avec les territoires qu’il occupe, se tourne vers l’Afrique, chacun vers l’Empire qui était le sien autrefois, « plus par charité et la persuasion que par la violence directe et la conquête militaire, à l’appel des autorités dépassées et des peuples malheureux ».

En ce moment, nous avons un peu plus de cinq mille soldats français déployés dans les pays de la bande sahélo-saharienne dans le cadre de l’opération Barkhane. La stratégie officielle « vise à ce que les États  partenaires  acquièrent la capacité d’assurer leur sécurité de façon autonome (...). Dans le contexte actuel, l’effort de Barkhane porte sur la lutte directe contre la menace terroriste, l’accompagnement des forces partenaires, l’appui des forces internationales et les actions en faveur de la population de façon à permettre un retour progressif à la normale dans la zone où l’autorité des États était remise en cause. »

Nous sommes évidemment très admiratifs du travail que nos soldats réalisent dans ces pays où ils sont d’une certaine manière “ chez eux ”, dans leur vocation au milieu de toutes ces populations qui ont besoin de nous, c’est évident. Mais tous ces efforts déployés pour soutenir à bout de bras ces pays incapables de s’administrer et de résister aux mouvements djihadistes sont voués à être sans lendemain, aussi bien pour ces populations que pour la France, si nous n’allons pas plus loin dans ce “ partenariat ”.

Concrètement, il faudrait que la France réalise avec ces pays « une véritable association avec installation fixe et définitive de l’armée, de l’administration, de l’Église catholique, protégée par l’armée, et de toute une population française préparant les mille liens de relations réciproques, formant de pièces et de morceaux nouveaux un Empire continuant l’Empire ancien. » Et si la France le faisait en coordination avec les autres pays de l’Europe, ce serait tout simplement formidable. Et donc en plus du Larzac, nous aurions d’autres déserts à valoriser. Mais ce qui est rétrograde et sans avenir sérieux pour la France, c’est l’Union européenne.

En attendant, le point 145 laisse très ouvertes les solutions pour cette écologie internationale :

« Selon les circonstances locales, les rapports historiques, les conditions géopolitiques et les besoins économiques, des accords bilatéraux permettront de mettre la puissance de notre État au service de la réalité écologique locale. Cela pourra se faire d’une manière très différente d’un pays à l’autre, depuis de simples accords d’aide au développement jusqu’à la création de provinces ultra-marines, en passant par des protectorats ou autres formes d’association politique, militaire et économique. La légitimité de cette intervention en dehors de nos frontières sera étroitement dépendante de l’efficacité de celle-ci pour le mieux-être des populations. Elle ne pourra pas cependant compromettre le bien commun de la nation, et devra tenir compte de la situation des relations internationales. »

L’ECONOMIE REGALIENNE (POINT 146).

Il faut considérer le point 146 comme une première conclusion à l’étude de cette merveilleuse écologie fraternelle et familiale.

Il faut laisser aux familles, aux entreprises, aux communes et finalement à toutes les cellules formant la communauté nationale l’initiative la plus large qui puisse être pour se gouverner, s’administrer, déterminer les fins et les moyens qui sont les leurs afin d’assurer leur prospérité par la vertu de prudence. Il faut donc rompre avec cette habitude détestable, tout spécialement dans le domaine économique, d’un État omnipotent qui se juge indispensable en tout. L’administration royale veillera au contraire à se limiter aux seules tâches économiques qu’un État autoritaire et décentralisé peut et doit remplir au service de la nation.

Le point 146 reconnaît trois fonctions à l’État.

D’abord, et sans doute la plus importante et la plus complexe, la fonction régulatrice. Sa première application serait de créer et de conserver une monnaie saine, forte sur le marché international, stable sur le marché intérieur. Cela implique donc que la France recouvre toute son autorité non seulement sur une monnaie qui lui soit propre, mais également sur une politique monétaire qui soit vraiment la sienne. Une politique monétaire est l’ensemble des moyens menés par un État ou une autorité monétaire pour agir sur l’activité économique par la régulation de la monnaie.

Or, depuis le 1er janvier 1999, la France, avec dix autres États membres de l’Union européenne, a décidé de figer définitivement les taux de conversion de leurs monnaies nationales qu’ils ont remplacées par une unité monétaire commune : l’Euro. Et depuis cette date, c’est le conseil des gouverneurs des banques centrales nationales (BCN) au sein de la Banque Centrale Européenne (BCE) qui pilote entièrement la politique monétaire pour toute la zone euro indépendamment des États. Ainsi, la France n’a plus de monnaie ni de politique monétaire qui lui soient propres. L’État ne dispose donc plus de ce pouvoir autonome régulateur pourtant essentiel sur toute l’économie nationale. Il faudra par principe qu’il recouvre toute son autorité sur une monnaie nationale.

L’État réduira sa participation directe dans la vie économique nationale pour concentrer son activité sur l’exercice de ses pouvoirs régaliens (la monnaie, la justice, la défense nationale, la défense intérieure, la diplomatie). Cela signifie son “ désengagement ” dans toutes les activités industrielles et commerciales du pays, activités dans lesquelles il n’a ni vocation ni compétence à intervenir. L’État n’a pas vocation à produire de l’électricité ou du gaz, à faire voyager en train, en métro ou en avion, à construire des véhicules, des avions, à soigner, à enseigner, à produire des émissions de télévision, à faire de la recherche dans l’exploitation de la mer, à monter des opéras, des pièces de théâtre, à faire des études sur la consommation, etc.

Mais “ désengagement ” ne signifie pas “ désaffection ”, “ désintérêt ”. L’État demeure en droit d’intervenir dans la vie économique, par exemple en prenant une participation dans le capital d’une société privée, en initiant la création d’un établissement à caractère industriel et commercial ou même d’un établissement bancaire, mais de façon supplétive, exceptionnelle et provisoire, s’il juge nécessaire au bien commun de la communauté nationale d’intervenir dans des secteurs économiques inertes ou défavorisés.

Il faut ajouter que la création des provinces permettra un transfert à leur profit d’une partie des trente-deux missions que l’État s’est à ce jour attribuées. Et donc au final, son budget se verra éclaté, allégé, et transféré en partie avec à la clef une plus grande prudence dans sa préparation et son exécution. Car là se trouve l’une des plus menaçantes épées de Damoclès au-dessus de la tête des Français.

En effet, depuis l’année 1975, le budget de l’État est continuellement déficitaire. Non seulement l’équilibre n’a jamais pu être réalisé, mais ce déficit ne cesse de s’aggraver d’année en année. Pour l’année 2018, il était estimé à 86 milliards d’euros, et pour l’année 2019 à 108 milliards. À titre de comparaison, l’Allemagne a enregistré pour cette même année 2019 un excédent budgétaire de 13, 5 milliards d’euros. Et pour l’année 2020, après trois lois de finances rectificatives, en raison de la crise sanitaire, le déficit budgétaire de l’État français est désormais évalué à 206 milliards d’euros.

Comment l’État finance-t-il son déficit budgétaire ? Tout simplement en recourant à l’emprunt qui a suivi la même spirale. En 2019, le taux d’endettement était d’environ 100 % du produit intérieur brut (PIB) ce qui était déjà inquiétant. Suite à la crise sanitaire, il est désormais estimé à 120 %, ce qui est particulièrement alarmant. Cette situation est à comparer avec celle de la Russie où Vladimir Poutine a fait exactement le contraire en libérant la politique étrangère de son pays de toute dépendance financière. Comment ? En accélérant le remboursement de la dette russe, décision d’abord politique avant d’être économique, ainsi que l’explique très bien Fiodor Loukianov : « La dépendance envers les créanciers avait augmenté sous Gorbatchev et Eltsine, limitant ainsi la politique étrangère du pays. En 2003, le pays avait pratiquement remboursé la totalité de sa dette et n’a depuis jamais été confronté à un problème similaire (...). Les années suivantes, le gouvernement mit en œuvre une politique budgétaire prudente et axée sur l’accumulation des ressources (...). Cette stratégie permit à la Russie de traverser la crise financière de 2008 sans trop de perturbations puis de s’adapter à une longue crise occasionnée par les sanctions après 2014. »

L’endettement d’un pays, d’un État est d’abord une question politique, car elle le place nécessairement sous la dépendance de ses créanciers. Accepter cet endettement exponentiel pour notre État, c’est faire passer “ l’économique ” avant “ le politique ”, c’est l’illustration de « la négation du pouvoir politique, comme fonction souveraine du gouvernement en vue du bien commun ».

Ce déficit budgétaire de l’État, comme d’ailleurs tous les déficits publics, avec l’endettement qu’il entraîne ensuite, sera la grande question à laquelle d’une manière ou d’une autre il faudra porter remède. François Fillon avait également mis cette question très avant dans son programme en 2017.

À cette première fonction régulatrice, le point 146 reconnaît en plus à l’État celle de préparer et promulguer la loi, mais, dans le domaine économique et écologique, « il en partage l’initiative avec les représentants de la nation organisée ». Il assurera la justice en haut de l’organisation économique et prendra tout particulièrement la défense des plus faibles. Il « n’hésitera pas à prendre des mesures dictatoriales pour enrayer et contrecarrer toute menace de dépossession, par la fortune anonyme et vagabonde, des patrimoines des familles, des communes et des corporations, des ordres religieux et institutions françaises, bases de la vie profonde et de la continuité nationales et garanties inviolables du travail des Français ».

Enfin, il revient à l’État cette grande fonction écologique générale consistant à étudier et mettre en œuvre les exigences de son équilibre, que ce soit au niveau de l’immigration, de l’implantation diversifiée de la population sur le territoire national, de la conservation de sites naturels, etc.

Et nous nous acheminons vers la fin de cette étude avec le point 147 consacré au paternalisme royal.

LE PATERNALISME ROYAL (POINT 147).

Le monde, le système dans lequel nous vivons en ce moment court à sa perte. Son écroulement, son anéantissement ouvrira une longue période durant laquelle, par la grâce du Cœur Immaculé de Marie, une autorité royale avec sagesse laissera le peuple revenir plus par amour que par force vers la monarchie catholique. Et tout ce que l’État démocratique s’était abusivement approprié, sera rendu à la gouvernance de la communauté nationale : l’avoir, celui de l’argent, le pouvoir et le savoir.

Le savoir, jusqu’alors monopolisé par le ministère de l’Éducation nationale, chargé de la laïcisation des masses, « sera rendu aux grands corps de la nation sous le contrôle bienveillant de l’Église et de l’État, et organisé, rémunéré par les provinces et les communes, les corporations et les fondations privées créant académies, laboratoires de recherche, maisons de la culture, en pleine liberté ».

Ensuite le pouvoir sera dévolu naturellement à toutes les élites tels les pères de famille, les magistrats, les chefs d’entreprise, etc. Ces autorités, spontanément restaurées et reconnues, participeront à ce prestige paternel, « paternaliste », si honni au temps de la démocratie, qui comporte fermeté et douceur comme un rayon admirable de l’autorité gracieuse et sage de notre Père céleste et de la divine Marie, Mère de Dieu.

Enfin l’avoir ne sera plus le privilège des grandes organisations financières ni de l’État, mais demeurera dans les horizons familiers. Il sera seul une monnaie d’échange, un moyen de placement entre maisons de bonne renommée, assurant à ceux-là mêmes qui sont les véritables créateurs de richesses, tout le profit mérité de leur salaire, de leur épargne, de leur patrimoine.

Eh bien, prions pour hâter le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, prions pour que liberté nous soit rendue de mettre en œuvre cette merveilleuse doctrine d’écologie communautaire pour le bien de nos familles, pour la paix dans nos entreprises et l’unité de notre France. Ainsi soit-il !

frère Pierre-Julien de la Divine Marie.