Il est ressuscité !

N° 222 – Juin 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La Phalange Royaliste 
TROISIÈME conférence : points 86 à 100 

Quand l’Immaculée nous donnera un chef

APRÈS avoir retracé l’affrontement des deux Cités dans l’histoire humaine (points 51 à 66), nos  150 points nous ont présenté une science politique moderne (points 67 à 86) qui confirme et renouvelle les leçons de notre tradition politique millénaire : à la France il faut un Roi, et mieux, un Roi très chrétien. Notre conclusion était : “ Consécration d’abord ”, parce que nous croyons que le Cœur Immaculé de Marie, quand le Pape lui obéira, nous donnera un certain temps de paix par la restauration d’un ordre politique semblable à celui que notre Père a défini dans ces 150 points. Par ce miracle, tout sera renouvelé, de la tête découlant dans les membres, la science politique se prolongeant en art politique, c’est-à-dire en institutions concrètes, en fonctions sociales, en métiers à remplir correctement au quotidien. C’est cette restauration de l’État, cette révolution nationale bien repérée que nous étudierons dans cet article. Œuvre éminemment délicate... « Nous ne pouvons tracer que les grands axes d’un redressement national. Sa mise en application relèvera des circonstances. » (86)

Au siècle dernier, il y a eu tout de même quelques expériences de restauration nationale, quelques exem­ples de sursaut antidémocratique – au Portugal, en Espagne, au Chili, en Pologne même – dont s’est inspiré notre Père pour mettre en forme sa doctrine politique. En France, c’est la Révolution nationale du maréchal Pétain, à laquelle le petit Georges de Nantes a assisté et participé de tout son jeune cœur enthousiaste, qui demeure notre modèle. Dans les ténèbres actuelles, la restauration de l’État accomplie en 1940-1942 dans les conditions peut-être les plus difficiles de notre histoire nationale, nous est une lumière.

Yves Bouthillier, le ministre des Finances du Maréchal de 1940 à 1942, résume ainsi dans ses Mémoires la méthode de la Révolution nationale, qui sera aussi la nôtre : « La pensée du maréchal Pétain ne procédait nullement de l’amour du passé en tant que tel. Les pieds enfoncés dans l’épaisseur de la terre, il promenait sa raison au milieu des faits. Il les appréhendait ensemble. Il abordait de front les difficultés telles qu’elles se présentaient. La voie du gouvernement du Maréchal était donc toute tracée : s’orienter résolument vers le réel. » (Le drame de Vichy, t. II, “ La vie française ”, 1951)

C’est la définition même de « l’empirisme organisateur maurrassien, dont la règle d’or consiste à savoir le bien et le mal politiques en analysant le présent à la lumière du passé, pour prévoir où l’on va, afin de pourvoir aux meilleures solutions. Le fruit de cette méthode est une sagesse profondément ancrée dans l’histoire nationale, dégagée de tous les a priori idéologiques, comme de toute passion démocratique. » (86)

Yves Bouthillier, que nous suivrons pas à pas au fil de cet article, définit l’art gouvernemental en une formule admirable : « Regarder les choses en face était notre première règle. Savoir choisir et nous tenir à notre choix, la seconde. »

Les points suivants, qui abordent les grands domaines de l’action de l’État, sont élaborés selon cette méthode d’un prudent retour au réel : « Le Chef de l’État devra tenir compte avec le plus grand réalisme des dispositions de son peuple, de ses capacités, en particulier humaines et financières, de la conjoncture internationale tant politique qu’économique. En outre il devra faire preuve de prudence, cherchant tout d’abord à assurer la cohésion nationale et la vie quotidienne des populations. » C’était la grande obsession du Maréchal et de Salazar : faire vivre leur pays au quotidien et restaurer la communion nationale. Prudence et patience sont ici les maîtres mots. Ainsi de Salazar préparant minutieusement, vingt ans durant, la mise en place de statuts corporatifs au Portugal. « Le désordre est tel que le redressement ne pourra pas être immédiat. S’il nous est impossible, à l’heure présente, d’imaginer le contexte du triomphe du Cœur Immaculé de Marie, il n’en demeure pas moins que le relèvement nécessitera une réforme des institutions et de la politique gouvernementale qui tendra à l’idéal que nous allons exposer. » (86)

LA RÉFORME DU GOUVERNEMENT DE LA NATION 
(POINTS 87 A 89)

L’État restauré sorti de la Révolution nationale sera un État indépendant, fort et décentralisé, et par là un État ramené à ses attributions véritables, ses fonctions sacrées. Ce sont là les deux grands axes obligés du redressement national de demain.

UN ÉTAT DÉCENTRALISÉ : L’AUTORITÉ EN HAUT.

Pour « aborder de front les difficultés telles qu’elles se présentent », commençons par jeter un regard lucide sur le désordre actuel. « Actuellement, dans l’appareil gouvernemental de nos démocraties se juxtaposent technocrates et politiciens soumis au diktat des partis pour élaborer des politiques et des législations centralisatrices répondant aux préoccupations électorales. » (87) Et maintenant, à la centralisation parisienne s’ajoute celle de Bruxelles. En fait, la nation n’est pas gouvernée.

Pour retrouver une administration efficace et humaine, c’est-à-dire vouée au bien commun et respectant la diversité de la nation, il faut faire la décentralisation. Maurras disait : « Voici une très belle chose sous un très méchant mot. C’est tout simplement l’autorité en haut et les libertés en bas. » Et il ajoute cette précision importante : « L’erreur de notre jeunesse fut de penser que la décentralisation et la fédération pourraient être obtenues en France par en bas, par l’initiative des groupes, et avant la restauration du pouvoir central. Mais en raison de l’inorganisation naturelle et de la tentation révolutionnaire et antinationale des groupes auto-organisés, j’en ai conclu qu’il faut commencer par en haut. »

Or, la République électorale, jacobine par essence, est incapable de décentraliser. Aujourd’hui, en dépit de la masse de discours, de textes de lois et même de la réforme constitutionnelle qui ont été consacrés au développement des libertés locales, celles-ci demeurent très relatives. Le mot de Maurras en 1920 n’a, hélas ! pas vieilli : « C’est un lieu commun, aujourd’hui, parmi les spécialistes, que d’observer combien la centralisation réelle s’est développée au rebours de la décentralisation théorique, gravée dans les lois. Par voie financière, l’État a commencé par reprendre aux communes plus que ne leur avait reconnu son octroi direct. Il a ensuite fabriqué des lois religieuses, des lois scolaires et des lois sociales qui ont serré le licou et rétréci le pauvre cercle où peut encore se mouvoir l’autonomie locale. »

Ce sera donc au souverain légitime de lancer ce grand chantier de la décentralisation, car la réforme du gouvernement commence par l’allègement de l’administration centrale et le replacement de l’État dans ses attributions essentielles.

Maurras le disait, le Maréchal après lui l’a fait. L’expérience décentralisatrice de l’État français est exemplaire. Avec la création des préfectures régionales, le Maréchal a créé un relais vivant entre l’action gouvernementale et la vie française, diverse et spontanée. Bouthillier, son ministre des Finances, l’a expliqué en revenant sur la pénurie qui menaçait la France en 1940 : « Que pouvaient faire les cinq ministres réunis des Finances, de l’Agriculture, du Ravitaillement, des Communications et de la Production industrielle, lorsqu’ils étaient informés qu’un chef de division de Limoges refusait obstinément que des châtaignes, sur le point de pourrir, fussent expédiées dans un département voisin ? Ou que des fonctionnaires avaient dépensé quatre-vingts litres d’essence en neuf voyages pour décider d’abattre une vache qui toussait ? L’institution des préfectures régionales, l’une des plus importantes décisions, dans l’ordre administratif, du gouvernement du Maréchal, est née de ces soucis primordiaux. Il nous fallait à tout prix rompre le cercle où la fatalité nous enfermait : prendre fortement en main l’économie tout en évitant de livrer le pays à une bureaucratie omnipotente et anonyme, sans entrailles et sans discernement. » (ibid. p. 264-267)

La création d’un échelon régional, intermédiaire entre le gouvernement et le département, était tellement nécessaire que les hommes de la Cinquième République vont la réaliser en copiant jusqu’à la carte des préfectures régionales de Vichy. Tout le monde sait – mais sans jamais l’avouer – que nous devons cette réforme indispensable au Maréchal. Les autres réformes lancées sous son gouvernement, et rappelées dans le point 87, ne sont pas moins indispensables :

« Une fois le gouvernement de la nation débarrassé du diktat des partis et du Parlement, le Chef de l’État pourra se choisir librement une équipe restreinte de gens compétents, de serviteurs de l’État capables de le conseiller et d’assurer ensuite l’application des décisions prises en privilégiant l’esprit de sa politique et non pas la lettre du règlement : des gens responsables. »

Il se choisira d’abord des ministres qui ne seront plus responsables devant une Assemblée élue, mais uniquement devant lui. Il les nommera selon le seul critère de compétence et pourra, en conséquence, leur accorder une grande confiance et la liberté d’initiative qui l’accompagne.

Actuellement, les ministres sont nommés selon les résultats de l’élection, pour récompenser tel soutien ou tel groupe politique. La prise en compte de la compétence est secondaire ; ce sont les impératifs partisans qui sont premiers, et les ministères dépendent des luttes d’influences du Parlement et de l’instabilité chronique qui en résulte. Ainsi, le nouveau ministre n’a pas le temps de découvrir son ministère et la tâche qu’il doit remplir, que survient un remaniement ministériel, et qu’un autre tout aussi incompétent le remplace. Ce sont donc les hauts fonctionnaires, installés à demeure dans les ministères et dans l’administration centrale, qui gouvernent réellement la nation. Ils ont beau connaître parfaitement la technique, la gestion des administrations publiques telle qu’on l’apprend à l’ENA, ils n’ont pas toujours une vue supérieure du bien commun, et surtout ils n’ont aucune responsabilité politique. C’est ce qu’on appelle la technocratie. C’est une plaie de nos démocraties modernes en même temps que c’en est une conséquence. En finir avec ce système absurde ne serait pas si compliqué. En effet, pour disposer d’une équipe d’hommes compétents, il n’y aurait rien de plus aisé que de nommer les meilleurs de ces hauts fonctionnaires, les rendant par là responsables de leur gouvernement. Yves Bouthillier était un technocrate qui avait servi dans l’Inspection générale des finances sous Blum, Daladier et Reynaud, avant d’être nommé ministre par le Maréchal qui avait repéré ses capacités.

Le Chef de l’État nommera ensuite des gouverneurs « qui seront ses représentants dans chaque province. Assistés de hauts fonctionnaires de la plupart des ministères, ils jouiront de larges pouvoirs d’administration et de réglementation. » (87) C’est ce qu’avait voulu faire le maréchal Pétain avec la loi du 19 août 1941 instituant les préfets régionaux, par laquelle il renouait avec l’organisation provinciale de l’ancienne France.

Dans l’état actuel de nos institutions, l’action législative et exécutive du gouvernement est encadrée par deux conseils : le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel. Si le Parlement en tant qu’Assemblée représentant la nation souveraine est voué à disparaître, ces deux conseils rempliraient un rôle utile dans le régime que nous appelons de nos vœux. Le Conseil d’État est une institution héritée de l’Ancien Régime que la République a conservée et qui a une double compétence de rédaction des lois et des règlements, et de juge d’appel en matière administrative. Il conseillera le Chef de l’État dans son œuvre législative. L’actuel Conseil Constitutionnel serait avantageusement remplacé par un Conseil Souverain qui remplirait certaines attributions de notre actuel Sénat. « Sa fonction sera de constater la vacance du pouvoir par décès ou empêchement et de désigner son nouveau titulaire, mais aussi de s’assurer du respect des lois fondamentales de la nation », c’est-à-dire des règles de dévolution de la Couronne et du Royaume. Ce Conseil par son existence rappellera que l’autorité souveraine n’est pas toute-puissante, mais limitée par la coutume, les lois fondamentales et les promesses du Sacre.

Le dernier aspect de la réforme du gouvernement touche à la fonction publique elle-même, sujet éminemment sensible. Il faut d’urgence lui rendre ses lettres de noblesse : « Les fonctions d’administration civile étant une participation directe au gouvernement du pays seront spécialement honorées. » C’est une grande chose que de servir l’État. Administrer, étymologiquement, c’est exercer un ministère, un haut service à rendre à la société ; ce qui faisait tenir ces propos à monsieur Bouthillier, notre ministre des Finances catholique : « Je ne crois pas qu’il y ait, après le sacerdoce et la vie cénobitique, rien d’aussi digne de respect que l’office du magistrat et du fonctionnaire. » (p. 265)

Seulement, pour que ce service public soit vraiment un service de la France et non pas un service de ses propres intérêts, deux conditions sont nécessaires. La première, c’est que « les administrateurs civils d’échelon supérieur ne pourront pas passer au service d’intérêts privés. » Ce qui est actuellement le cas pour beaucoup de hauts fonctionnaires, notamment de membres du Conseil d’État, qui font des détours fréquents par de grands cabinets d’affaires ou de grandes entreprises privées.

La seconde condition, c’est de les rendre « responsables de leurs actions et de leurs décisions, pour en être récompensés ou en être blâmés, voire punis par la justice ». À tout pouvoir, responsabilité.

Si ces deux conditions sont réunies, on pourra compter sur eux et toute la puissance de leur technique, bien orientée, sera mise au service du bien commun.

Bouthillier écrit dans Le drame de Vichy (1951) ces lignes pleines d’espérance qui nous font admirer la “ divine surprise ” sous un autre angle : « Les corps de l’État (ou administrations centrales), par la qualité de leurs membres, par la force des personnalités qui les composent, par le soin qu’ils apportent à maintenir leurs traditions propres, ont été ici d’un grand secours. Un préfet, un magistrat, un ingénieur des Ponts et Chaussées, un directeur des contributions ou du contrôle des prix, vraiment intelligents, sont capables, si le gouvernement leur fait confiance, de transformer la vie des populations. De très nombreux fonctionnaires avaient conservé un sens aigu de leurs responsabilités et se trouvaient aptes par conséquent à prendre de délicates initiatives. Il leur suffisait de se sentir libérés de la tutelle des bureaux. » (p. 20) Pour lui, la formation d’une élite de hauts fonctionnaires était donc le préalable nécessaire à la réforme de l’administration centrale.

UN ÉTAT DÉCENTRALISÉ : LES LIBERTÉS EN BAS.

Pour décentraliser, il ne suffit pas d’alléger les attributions de l’administration centrale, il faut encore les transférer à des entités locales. Comment va s’effectuer ce transfert ? Le point 88 détaille le rôle de ce gouverneur, ou intendant, ou préfet régional – peu importe son nom – qui sera le support principal de l’État décentralisé.

Comme toujours, il faut remonter à 1789 pour comprendre le désordre actuel. L’historien Funck- Brentano a bien expliqué la rupture provoquée par les révolutionnaires dans l’organisation sociale de la nation : « Arrive la Révolution brutale, terrible, splendide en ses flaques de sang. Par centaines, par milliers, les “ fédéralistes ” sont guillotinés à Paris, noyés à Nantes, égorgés un peu partout. La France est aplatie, nivelée ; les vieilles provinces, avec leurs traditions et leurs autorités particulières, sont mises en pièces, déchiquetées en départements. On avait tout d’abord pensé à désigner les départements, non par des noms de fleuves ou de montagnes, qui leur laissaient encore trop de couleur locale, mais par des numéros qui auraient plus complètement dépouillé la France de sa physionomie variée. Quand la Révolution, après avoir terminé sa tâche, eut clos sa carrière, le nombre des fonctionnaires avait décuplé. La France patronale, féodale, pittoresque, active, aux fécondes initiatives, aux frondaisons enchevêtrées, grouillante de vie et de couleur – la vieille France familiale était morte : voici une France administrative. » (L’Ancien Régime, p. 560-561)

C’est cette cassure historique que rappelle le point 88 : « Les régions, les départements, les arrondissements et les cantons sont des circonscriptions administratives artificielles nées de la Révolution pour les besoins du centralisme jacobin. » Ces cadres artificiels ont permis le développement d’une bureaucratie envahissante et inefficace que tous les efforts de rationalisation entrepris depuis les années 1980 ne parviennent pas à diminuer.

Par conséquent, une réhabilitation des cadres de l’Ancien Régime s’impose : « Il faut supprimer ces entités artificielles au bénéfice d’un retour aux entités traditionnelles dont les plus récentes études sociologiques et démographiques montrent l’étonnante pérennité.

« On restaurera donc les provinces, elles-mêmes subdivisées selon les réalités historiques et humaines – les anciens  pays  – regroupant plusieurs communes. »

Le principe de cette nouvelle administration de la France sera de « faire correspondre le réseau administratif de l’État, de la police et de la justice aux subdivisions provinciales ». C’est cela la véritable décentralisation !

Bouthillier, très favorable à la création des préfets régionaux, écrivait : « La création des préfectures régionales ne fut point une tentative de revenir aux provinces de l’ancienne France. Peut-être certains collaborateurs du Maréchal ont-ils rêvé d’un retour aux provinces chargées d’un passé si riche, si émouvant, si beau. En cherchant à faire revivre des formes attachantes et augustes, mais évanouies, nous eussions subi la fascination de concepts abstraits, comme ces politiciens, faiseurs de règlements, qui comptent sur la multiplication des services publics et l’épaisseur des lois pour faire apparaître la justice. Non. Il faut accepter son temps pour tenter de le conduire. En ce siècle de fer, il n’eût été ni possible ni prudent de détendre le lien administratif unitaire créé par la Révolution de 1789 et le Premier Consul. Une France affaiblie par les incohérences de sa politique entre les deux guerres et par la défaite de ses armes n’appelait point un effort gouvernemental disséminé. Issu d’une pensée ferme, il devait être appliqué, au contraire, d’une manière homogène et continue. Mais ce qui était juste, ce qui était nécessaire, c’était d’allier l’unité de foi et de doctrine, l’unité de but et de méthode, à la souplesse intelligente de l’action qui sait nuancer la prescription, écarter dans un cas difficile un texte inapplicable et sortir hardiment des impasses où l’absurde et le réglementaire se rejoignent. » Ni centralisme révolutionnaire, ni fédéralisme étranger à notre histoire nationale, le gouvernement du Maréchal était en train de tracer une voie bien française, capétienne. Cette voie, nous la faisons nôtre !

« La province aura à sa tête un gouverneur. Celui-ci, aidé des directeurs provinciaux des ministères, appliquera les mesures politiques nationales en les adaptant aux réalités régionales. Il aura la charge du maintien de l’ordre et de l’administration de la justice par les tribunaux d’appel et le tribunal administratif. À lui aussi reviendra l’importante fonction du contrôle des finances publiques des communes et des différentes associations reconnues d’intérêt public. » (88) Ce sont là des missions régaliennes qui font du gouverneur, comme de l’intendant sous l’Ancien Régime, une incarnation locale du Chef de l’État. Beaucoup plus qu’un préfet de la République ne l’est actuellement.

La province sera aussi le cadre ordinaire des ordres professionnels et des corporations. Car l’échelon provincial ou régional est le plus pertinent du point de vue économique, comme la République semble enfin le comprendre. Enfin, c’est au niveau provincial que se décidera la répartition de l’impôt national et local entre les particuliers, les entreprises, les associations. L’impôt, c’est la liberté locale essentielle !

En dessous, il y aura les pays : on parle d’intercommunalités actuellement. Mais il faudra que cela corresponde à des bassins de vie réels, et non pas à des regroupements ou découpages effectués suivant des préoccupations électorales... Il est frappant de voir que la carte des petits pays naturels et historiques de l’ancienne France correspond toujours à celle de ces “ bassins de vie ”, une catégorie statistique de l’INSEE.

Tout en bas, l’autogestion communale sera le grand principe administratif. Selon ce principe, la gestion ordinaire des services à la population revient à l’administration communale. Les Français restent très attachés à leurs communes rurales, comme l’avouait Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, en conclusion d’une enquête de 2019 : « Le patriotisme communal vient battre en brèche la décentralisation rationalisée que proposent tous les gouvernements depuis les années 1990. »

L’autorité en haut, les libertés en bas ; rien de plus efficace et humain, et rien de plus... représentatif de la vie réelle de la nation !

LA REPRÉSENTATION NATIONALE.

Terrible constatation, bouleversante nouvelle ! Dans le régime de redressement national que Notre-Dame nous accordera, il n’y aura plus de Parlement représentant la souveraineté nationale. Un État restauré ne pourra pas faire l’économie d’une telle mesure, car c’est une impiété pour les hommes de se croire leurs propres maîtres et d’ambitionner de se gouverner eux-mêmes.

Affirmer cela, c’est s’exposer à la condamnation unanime de tous nos contemporains, jusqu’aux plus réactionnaires, tant nous touchons là au noyau dur de la religion démocratique. Encore une fois, heureusement, nous avons le Maréchal pour nous : après que l’Assemblée nationale lui eut accordé les pouvoirs constitutionnels, il l’a révoquée sine die. C’en était fini de ce Parlement frondeur, prétendant tout contrôler de l’action gouvernementale. Le pays respirait enfin !

Néanmoins, si notre Père ose envisager un tel changement, c’est qu’il a quelque chose d’autre à proposer. En effet, la représentation populaire est une vraie question, un double souci, celui pour le Chef de l’État d’entendre ce que veut lui dire son peuple, et pour le peuple d’entendre ce que son Chef doit lui dire... C’était la grande obsession du Maréchal – comme autrefois de nos rois – de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’écran qui rompe le contact ou déforme la relation entre son peuple et lui-même. D’autant plus lorsque l’heure est venue de mener de profondes et difficiles réformes...

Qu’avons-nous donc à proposer à la place ? « La représentation populaire sera avantageusement remplacée par un contact constant, souvent direct, du Chef de l’État avec les autorités civiles, économiques et sociales qui gèrent l’ensemble des activités du pays. » (89) Comment se mettra en place ce contact constant et direct ? « D’abord, au niveau communal, la désignation des autorités par le moyen de l’élection se justifie pleinement. » On a beaucoup scrutiné sous l’Ancien Régime, disait Maurras dans L’Enquête, et ça continuera, mais seulement à cet échelon. Ensuite, « c’est par les rapports des gouverneurs avec les premiers magistrats élus de chaque commune que les besoins de la nation seront portés à la connaissance du Chef de l’État d’une manière bien plus efficace et objective que par les discours de représentants issus de partis politiques, liés par le programme de ceux-ci et par leurs intérêts électoraux. »

En outre, comme le Roi jadis, le Chef de l’État, selon les décisions à prendre et les affaires à traiter, réunira des conseils où il pourra convoquer, outre les ministres concernés, toute personne jugée compétente pour éclairer ses décisions. Ces conseils, institutionnels ou non, étaient vraiment le meilleur du gouvernement royal d’Ancien Régime.

Voilà le cadre du gouvernement de la nation restauré selon l’empirisme organisateur. Prudence, réalisme, adhésion populaire sont ici les mots-clés. Mais Notre-Dame fera plus que nous rendre un bon gouvernement efficace et décentralisé et, si ces critères sont certes indispensables, le point 90 en ajoute un, supérieur, décisif.

UNE RESTAURATION CATHOLIQUE ET ROYALE 
(POINTS 90 A 100)

CONTRE LE LAÏCISME, UN ÉTAT CATHOLIQUE.

« La restauration nationale consécutive au triomphe du Cœur Immaculé de Marie imposera évidemment de rompre avec la laïcité de la République. On retrouvera, en théorie et en fait, les bienfaits de l’augustinisme politique, de l’accord nécessaire des  deux glaives  et de la juste subordination du temporel au spirituel. » (90)

Quelle est la situation actuellement ? Au seul point de vue temporel, il est juste de dire que la laïcité a perdu la France et qu’elle risque demain de provoquer sa ruine la plus complète. Sans Dieu, immanquablement, l’esprit de jouissance l’emporte sur l’esprit de sacrifice. Tous les grands domaines de l’État sont devenus en pratique athées et matérialistes : la justice, l’éducation nationale, l’économie, la diplomatie, l’armée, la culture et les médias, la charité sociale. Il nous faut donc revoir tous ces points, du numéro 91 à 99, à la lumière d’un critère nouveau, décisif pour le redressement réel et durable de la nation. Ce critère nouveau, c’est l’extension du règne du Christ et de la Vierge Marie dans tous les domaines de l’action étatique, suivant la demande du « Notre Père » : Adveniat regnum tuum. C’est le temporalisme de l’abbé de Nantes, comme l’ont brocardé certains confrères. Peut-être, mais c’est aussi celui du Ciel ! C’est la Cité de Dieu à réinstaurer, le Royaume de Dieu déjà commencé pour lequel nous devons prendre parti.

Dans ce point 90, notre Père détaille son projet de l’heureuse concertation qui pourrait exister demain entre l’Église catholique et l’État. « L’Église est reconnue par le pouvoir royal et s’administre librement en communion avec Rome. » Cela implique que son droit de propriété soit rétabli et que l’Ordre du clergé reçoive un traitement spécifique. Par exemple, les ecclésiastiques seront jugés selon le droit de l’Église et par les tribunaux de l’Église. Pas question de voir un nouveau « procès Barbarin » : des affaires ecclésiastiques graves jetées en pâture à la presse, c’est inadmissible. Ces privilèges auront pour contrepartie des devoirs envers la nation, en premier lieu d’assurer le culte catholique et l’apostolat, d’enseigner et de pratiquer la charité. L’Église pourra de nouveau remplir librement sa mission pour le salut des âmes. « Loin d’apporter aucune restriction à son activité, l’État accorde aide et privilèges au clergé pour la parfaite réalisation de ses buts religieux et humains. Et elle le défend contre tout ce qui porterait atteinte à son honneur, à son ministère ou à ses biens. »

Comme le Roi le promettait autrefois lors de son sacre, le Chef de l’État défendra l’Église et les hommes d’Église contre les attaques des méchants qui refusent de voir le Christ et sa Mère régner. L’un des principaux reproches adressés à Charles X est d’avoir promulgué une loi sur les sacrilèges, qui punissait de mort par exemple ceux qui profanaient les tabernacles. Pourtant, cette loi relevait absolument de son devoir royal. Elle était légitime, et un Chef d’État catholique devra la rétablir, disait notre Père. Les offenses au Cœur Immaculé de Marie, envers ses privilèges et ses saintes images ne doivent pas rester impunies, car elles outragent la majesté de Dieu et attirent le châtiment sur une société indifférente. La vie n’est pas neutre.

Enfin, précision importante, si l’autorité souveraine se tient éloignée de tout gallicanisme et entretient des relations de soumission et d’obéissance filiales avec le Pontife romain, en retour, le clergé est fidèle au Chef de l’État, soumis à la Constitution et aux lois du pays. Voilà l’idéal... On fera un concordat, si nécessaire, mais ce serait encore mieux sans celui-ci, pensait notre Père. Il expliquait que le concordat est « une invention moderne, qui revient à considérer qu’il y a deux pouvoirs face à face, comme un propriétaire et le paysan qui lui afferme ses terres. Ils sont à égalité. Ce sont deux hommes qui entrent en relation pour la location de cette ferme. D’égalité à égalité, ils vont signer un contrat où chacun formulera ses exigences ; il en résultera des droits des uns, compensés par des devoirs des autres. Si cela ne va pas, on disputera du moindre détail du contrat que l’on aura signé. » (sermon du 5 novembre 1995) Ce n’est certes pas l’idéal de l’augustinisme politique !

LA RÉFORME DE LA JUSTICE.

« Rendre la justice était la plus ancienne vocation du roi de France, vocation de souverain justicier que Saint Louis porta à son plus haut degré de perfection. » (91)

Le premier des pouvoirs régaliens, selon les anciens juristes, c’était le pouvoir législatif, celui de donner et casser la loy. À côté de ce pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, c’est-à-dire du devoir pour le Roi de gouverner effectivement la nation, le Roi recevait aussi la main de justice. La prétendue “ séparation des pouvoirs ” inventée par Montesquieu n’avait pas cours sous l’Ancien Régime, tout simplement parce que c’est une aberration. Le pouvoir souverain vient de Dieu, il est unique par définition. Il ne peut se diviser sans s’abolir. Le Roi a trois fonctions à remplir – législative, exécutive et judiciaire – qu’il exerce lui-même ou qu’il délègue. « Pour éviter d’éventuels abus, la solution est toute contenue dans nos 150 points : ce ne seront pas les mêmes personnes qui rempliront toutes les fonctions, mais tour à tour les ministres, le conseil royal, les magistrats. Le Roi aura toujours le dernier mot, sans pour autant intervenir directement dans toutes et chacune des affaires. » Pour une réfutation complète du principe de séparation des pouvoirs, lire la CRC no 349, septembre 1998, p. 29-30.

Depuis la Révolution, qui a asservi la Justice, le plus grand désordre règne dans la magistrature française. L’assassinat du Roi a supprimé en même temps la source du droit et de la justice. Désormais, « les plus flagrantes injustices peuvent se perpétrer sans recours » et la magistrature est épurée sans relâche. L’affaire Dreyfus et surtout la prétendue “ Libération ” de 1944, avec ses tribunaux d’exception, ont permis l’épuration et le renouvellement systématiques des cadres et du personnel de notre magistrature. Impossible de compter toutes les ignominies commises au nom de la Justice de la République. Mais de toutes, la pire est sans conteste la condamnation à mort du Maréchal. L’affaire Touvier dans les années 1990, et plus récemment l’affaire Fillon, nous ont elles aussi montré que l’indépendance prétendue de la justice en République est un leurre. Elle est asservie aux puissants qui nous gouvernent, c’est-à-dire aux puissances maçonniques.

Il faut remonter à la Révolution française pour trouver la cause de ce désordre. Les révolutionnaires de 1789 ont proclamé que la justice devait être rendue au nom du peuple souverain. C’est là le nœud du problème et la cause de l’incroyable laxisme actuel. Pour savoir quel ordre nous voulons retrouver, il faut comprendre ce que signifiait sous l’Ancien Régime l’expression désignant le Roi comme “ source de toute justice ”.

Les premiers Capétiens déclaraient en termes précis que le Roi n’a de raison d’être que s’il rend la justice. Funck-Brentano écrit : « Le Roi était dans le royaume la source de la justice, toute justice émanant de lui. Il ne pouvait en être autrement. Car parmi les mille et mille groupes locaux, familles, seigneuries et villes, qui se partageaient le royaume, le Roi était le seul lien, la seule autorité capable de les faire s’accorder entre eux pour le bien commun. » (op. cit., p. 226) D’où cette leçon historique du point 91 : « Pour avoir le génie de la justice, il faut vivre soi-même au-delà des idéologies, des utopies, des ambitions de famille ou de classe, du maniement de l’argent et de la pression des grands intérêts. Le Chef d’État souverain seul respire la justice... Là résidait le secret de l’attachement des humbles à la Couronne. » Sur son lit de mort, Philippe Auguste disait au Dauphin : « Fais bonne justice au peuple et surtout protège les pauvres et les petits contre l’insolence des orgueilleux. » Il s’agit là d’une vocation surnaturelle et d’une prédilection héréditaire. Pour la réaliser en plénitude, il fallait au Roi l’onction du sacre. La religion royale seule explique son sens de la justice et de son autorité de souverain justicier s’imposant à tous. Car « la justice ne saurait être laïque, athée. Sans Dieu, plus de justice ; c’est le règne de l’iniquité. » Dans ce domaine plus que dans aucun autre, la restauration de l’ordre passe par la rupture avec le principe de laïcité. Notre Père peut alors formuler l’ordre à restaurer demain : « Le Chef de l’État devra revendiquer d’être le premier magistrat de France. Il sera de nouveau la source de toute justice : il s’y pliera lui-même, la rendra et la fera rendre dans toute la nation en son nom et sous le regard de Dieu au Nom de qui il tient la main de justice. »

Qu’en sera-t-il des institutions elles-mêmes ? Elles ont peu bougé depuis l’Ancien Régime et elles bougeront peu. Nous pourrions tout à fait conserver l’actuelle hiérarchie des normes et des institutions. En revanche, il faudra rompre avec le prétendu droit européen qui envahit, aliène et finalement paralyse notre justice nationale. C’est la première étape d’une justice vraiment indépendante.

Pour garantir cette indépendance, une autre modification importante consistera à rendre aux magistrats la propriété de leur charge. « Ils se verront ainsi garantir leur liberté personnelle, non plus par un statut qui les assimile en fait à des fonctionnaires, mais par leur organisation en Ordre indépendant du reste de la fonction publique. » (92) C’était le cas sous l’Ancien Régime, où les charges s’achetaient et pouvaient même se transmettre, et cela existe encore pour les avocats ou les notaires. Cette vénalité des offices avait certes des inconvénients, mais présentait l’avantage de rendre les magistrats très indépendants. À la tête de la magistrature, il y avait le Chancelier. C’était la première dignité du royaume, le personnage le plus important après le Roi. Une fois nommé par le Roi, il devenait inamovible et la règle était qu’il n’ait aucune intimité avec le Roi en dehors de ses fonctions. Même pas le droit d’aller dîner à la cour ! Cet Ordre de la magistrature indépendant, libre et jugeant par délégation du Roi, voilà ce que nous aspirons à retrouver.

Le maréchal Pétain confia en 1942 le ministère de la Justice à Joseph-Barthélemy, qui fut surnommé “ le sage du régime ”. Cet homme remarquable disait que la civilisation d’un grand pays se reconnaît à la considération dont les juges y sont entourés, et en particulier au niveau de la rétribution qui leur est accordée. Par la loi du 27 juillet 1940 instituant la nomination des magistrats par le secrétaire d’État à la Justice, Joseph-Barthélemy reconnaissait que « le régime Pétain avait affranchi la magistrature du fléau des interventions politiciennes. On sait que c’était un des fléaux de la Troisième République. Les postes judiciaires étaient réduits à la condition de menue monnaie électorale. »

LA RÉFORME DE L’ÉCONOMIE.

À bien des égards, c’est le point le plus important, ou du moins le premier du redressement national que nous appelons de nos vœux. Salazar, le Maréchal, Poutine aujourd’hui, tous ont dû d’abord passer par là. Comme disait Yves Bouthillier, à qui cette tâche fut confiée en son temps : « La réforme des finances n’est qu’un préambule à d’autres tâches plus nobles, plus exaltantes ; mais un préambule nécessaire. »

D’abord, il faudra retrouver un pouvoir monétaire souverain. Le droit de battre monnaie, c’est-à-dire de créer de la monnaie, n’appartenait qu’au Roi sous l’Ancien Régime. Il était normal que ce fût une prérogative royale, car des manipulations monétaires hasardeuses peuvent provoquer la ruine du pays et être le vecteur d’une intrusion de l’étranger. Sous la Régence, l’épisode de Law en fut une dramatique illustration.

Or, depuis le traité de Maastricht et la mise en place de l’Union économique et monétaire dans les années 1990, la France a perdu sa souveraineté sur la monnaie au profit de la Banque centrale européenne, des institutions communautaires et, en sous-main, au bénéfice de l’économie allemande.

Il faudra en finir avec cette absurde monnaie unique et recouvrer notre souveraineté monétaire, c’est-à-dire rendre à la Banque de France le pouvoir de « contrôler la création de la monnaie, de surveiller toutes les activités qui concourent à son volume et à sa valeur afin de garantir la stabilité de son cours et d’assurer l’ordre et l’honnêteté dans tous les échanges ». Bouthillier, une fois arrivé aux Finances, « a resserré le contrôle de l’État sur les banques et fait du monde bancaire une association professionnelle » (François-Georges Dreyfus, Histoire de Vichy, p. 531). « Le gouvernement assurera un contrôle des changes et défendra la monnaie contre toute entreprise de spéculation et contre les dangereux coulages de l’État lui-même. » (94) C’est-à-dire qu’il faudra régler l’énorme problème de notre dette publique. Mais notre démocratie, il faut le dire, en est incapable. C’est pour cette raison que nous avons fini par abdiquer aussi notre souveraineté budgétaire à Bruxelles. Désormais, la Banque centrale européenne nous impose de très stricts critères d’austérité budgétaire pour nous obliger à la prudence. Quelle humiliation !

Mais si nous renversions cette République incapable, nous n’aurions pas à être traités comme des irresponsables par Bruxelles ! Quand la Sainte Vierge nous rendra un Roi, il saura se charger de redresser les comptes de la nation. Nos Rois de France, qui savaient raison garder, avaient été des pionniers en matière budgétaire : dès 1318, par l’ordonnance de Viviers en Brie, ils ont organisé la Cour des comptes. Quant à la comptabilité publique moderne, tous ses grands principes ont été fixés sous la Restauration...

Quand le Parlement aura été fermé, la Cour des comptes pourrait remplir un rôle central dans le contrôle du budget de l’État et non plus seulement un contrôle a posteriori comme actuellement. Elle pourrait tout à fait remplacer le contrôle a priori des commissions parlementaires. Sous le Maréchal, une fois le Parlement suspendu, Bouthillier avait eu ce projet. Quel malheur d’avoir épuré tous ces hommes compétents ! L’œuvre accomplie par ce haut fonctionnaire en deux ans seulement est admirable. Dans le désastre économique et financier consécutif à la défaite – mais préparé pendant tout l’entre-deux-guerres –, c’est lui qui a sauvé la France de la ruine. Réaliste, il avait compris qu’en régime démocratique, personne n’est en mesure de prendre en main cet immense problème de l’assainissement des finances de la nation. Ainsi le pays va à vau-l’eau, jusqu’à la faillite, car il ne faut pas croire que tout s’arrange toujours. Au contraire, tout se paye un jour ou l’autre. La démocratie, c’est le mal ; la démocratie, c’est la ruine de la France ! Mais nous savons aussi que la pauvreté sauvera le monde.

Enfin, le point 94 définit le rôle d’intervention de l’État dans la vie économique de la nation par une troisième voie à mi-chemin entre libéralisme et dirigisme. Il faut garder comme principe tutélaire que l’intervention de l’État dans la vie économique est nécessaire, mais qu’elle n’est pas sans fâcheuses contreparties. Le socialisme dirigiste, stérilisant, tout autant que la divinisation du marché par le libéralisme, doivent nous servir de repoussoir.

L’État doit ainsi jouer un rôle directeur « dans l’aménagement du territoire, dans la gestion des ressources naturelles qu’il ne saurait laisser à la libre disposition des intérêts particuliers, dans la politique énergétique dont l’importance implique une rude concurrence entre pays et suppose donc une aide diplomatique, voire militaire ».

L’État ne peut pas abandonner ces secteurs vitaux à l’appétit désordonné du grand capitalisme apatride. L’œuvre accomplie par Poutine avec les oligarques qui, à la faveur de la débâcle de l’État soviétique, s’étaient emparés de tous les grands secteurs de l’activité du pays, est un modèle de fermeté et d’intelligence.

« L’État peut aussi initier ou faciliter des stratégies de développement économique en accord avec les entrepreneurs du pays, mettre à leur disposition des instruments, des études de marché, une aide à l’exportation et une politique fiscale. » C’est dans la politique fiscale que réside son principal outil d’intervention. Néanmoins, son action doit être complémentaire de l’initiative privée, et non pas s’y substituer. Il faudra que cette action soit le plus possible décentra­lisée, confiée aux gouverneurs qui sont au plus proche des réalités territoriales. Bouthillier avait eu le temps de créer auprès de chaque préfet régional un poste d’intendant des affaires économiques.

Nous pouvons là encore nous inspirer sans fausse honte du capitalisme dirigé ou “ libéralisme organisé ” défini par le Maréchal non seulement comme une pratique nécessaire en temps de guerre, mais comme la seule doctrine économique viable pour la France de l’après-guerre. François-Guillaume Dreyfus, dans son chapitre “ Économie et Société ” (ibid., p. 529-555), réhabilite sans ambages l’œuvre de l’État français. « C’est à Vichy que se préparent concrètement ce que Jean Fourastié a appelé très justement “ les trente glorieuses ”. » (p. 552) Après avoir lancé le grand chantier de l’organisation des professions avec la Charte du Travail et les Comités d’organisation, le Maréchal avait entrepris un chantier à long terme de réorganisation de l’appareil économique national. Dreyfus montre que le Plan d’équipement national ou “ Plan de dix ans ” publié en 1942 était tellement nécessaire qu’il sera repris après-guerre par le commissariat au Plan dirigé par Jean Monnet, hélas ! dans un esprit différent. « Le problème fondamental qui se posait aux auteurs du plan était le retard économique, démographique et technologique de la nation. » (p. 535) Et là, Dreyfus n’hésite pas à incriminer la Troisième République dont l’État français devait réparer les dégâts.

Seulement, à la différence du plan Monnet et de tout l’aménagement du territoire d’après-guerre, « les objectifs du plan ne se limitaient pas à la rénovation économique ; la planification vichyssoise était imprégnée de vastes desseins sociaux, culturels et même moraux, où s’exprimait le traditionalisme du régime ». Ainsi, le Plan donnait consistance au « retour à la terre » prôné par le Maréchal en accordant « la première place à l’équipement agricole, sous forme de mécanisation, d’engrais, d’électrification, d’adduction d’eau » (p. 537-538). La reconstruction industrielle, l’amélioration de la vie urbaine et la modernisation des moyens de transport n’étaient pas oubliées pour autant.

Enfin, voici l’exposé de leur doctrine que nous faisons nôtre : « Le plan vichyste de 1942 réservait une large place au marché libre et à l’initiative privée. À l’encontre des modèles proposés par les planistes syndicalistes ou socialistes d’avant-guerre, il ne prévoyait pas la nationalisation de larges secteurs capitalistes. L’image que ses auteurs se faisaient d’eux-mêmes était celle de néo-libéraux qui désiraient éviter à la fois le dirigisme extrême et le libéralisme du type Troisième République. Le rôle de l’État, pour eux, consistait seulement à stimuler l’entreprise privée et à lui apporter un complément ; dans une économie prospère, le marché gardait sa supériorité, tandis que le dirigisme convenait à des périodes de crise aiguë – à la guerre par exemple. Dans le même esprit, les planificateurs voulaient abaisser les barrières douanières, mettre fin à la protection des situations acquises, ouvrir l’économie française à la concurrence. Pourtant la part d’intervention étatique qu’ils admettaient avait valeur non seulement de réponse aux nécessités immédiates, mais aussi d’élément structurel nouveau. C’est ainsi que le projet vichyssois voulait donner à l’État les moyens d’une action contracyclique sur l’ensemble de l’activité économique ; il devait régulariser les cycles tantôt en élargissant, tantôt en restreignant les programmes. Ce plan, espérait-on, élèverait l’intervention de l’État du niveau d’improvisation où elle se tenait avant-guerre jusqu’à la hauteur d’une coordination et d’une supervision économiques cohérentes, réfléchies et clairvoyantes. » (p. 537)

Dreyfus continue longtemps la liste de tous les bienfaits que nous ont valus ces deux années 1940-1942, qui à elles seules ont jeté les fondements d’une France moderne qui aurait pu être catholique, royale et communière...

LES RELATIONS INTERNATIONALES.

Autrefois, le Roi était chef de sa diplomatie. Une bonne diplomatie est infiniment précieuse pour une nation, car elle permet de conserver la paix, de la sauver parfois, en évitant la guerre déclarée. Une vraie diplomatie exige de la fidélité et de l’intelligence ; c’est une tradition de relations personnelles avec les autres pays, cela ne se crée pas de toutes pièces. C’est une œuvre qui requiert secret absolu et continuité, deux conditions absolument introuvables en régime démocratique. D’où un immense désordre dans notre diplomatie française depuis deux cents ans.

Pour nous faire comprendre l’importance de la diplomatie, notre Père prenait l’exemple de Talleyrand, cet homme sans principes, qui demeure un de nos grands diplomates. Par ses négociations avec Metternich, son homologue autrichien en 1814 et en 1815, il a sauvé la France acculée à la défaite par les folies du “ petit caporal corse ”.

Dans cette lignée de nos grands diplomates, nous retrouvons encore le maréchal Pétain, ambassadeur de France en Espagne au moment de la déclaration de guerre en 1939. Il a réussi alors, par son prestige et ses négociations avec Franco, à éviter la création d’un troisième front espagnol, que nous avions pourtant bien mérité, en armant les brigades communistes pendant la Guerre civile... Et pendant la Seconde Guerre mondiale, le Maréchal a réuni autour de lui une équipe de diplomates qui l’ont aidé à sauver la France et à préparer son relèvement. Mais, en 1944, ce monde ancien a disparu. Aujourd’hui, nous n’avons plus de diplomatie cohérente ni de grands diplomates. De nos jours, la diplomatie est devenue le fait des hommes politiques et non plus la chasse gardée d’un Corps spécialisé et compétent ; ce que notre Père considérait comme une chose néfaste... et dangereuse. Dominique de Villepin nous a évité la guerre en Irak en 2003, certes, mais nous nous sommes engagés dans d’autres guerres prétendues humanitaires où nous n’avions rien à faire, comme en Afghanistan, et plus récemment en Libye et en Syrie. Pire encore, nous avons systématiquement pris le mauvais parti en nous alignant servilement sur la politique des États-Unis.

Il faut remonter à la fin de la Première Guerre mondiale pour retrouver les causes de ce désordre. En effet, depuis la création de la Société des Nations, nous ne traitons plus seulement de pays à pays, mais nous nous agglomérons à de grandes institutions internationales inspirées par l’idéologie mondialiste, c’est-à-dire par la volonté d’une direction mondiale des affaires politiques et économiques assurée par des institutions transnationales. Celles-ci sont bien connues : pour la politique et les relations internationales, c’est l’ONU ; pour la défense, c’est l’OTAN et pour l’économie, c’est l’OMC et le FMI.

Cet échelon mondial se double pour nous des instances européennes qui se sont beaucoup trop introduites dans les domaines, pourtant souverains, des relations internationales, de la Défense, mais surtout du commerce, de la vie économique de notre pays : ce sont là les liens les plus contraignants et les plus dommageables au redressement national. Rien d’étonnant, puisque le mondialisme est avant tout une idéologie de capitalistes visant à unifier le marché mondial, sans aucun souci des communautés nationales. Notre Père a souvent dénoncé ces clubs de capitalistes internationaux comme la Trilatérale, Bilderberg, Davos aujourd’hui, qui doublent dans l’ombre, indépendamment des gouvernements, l’institution diplomatique qui devrait être la première à définir les relations entre les pays. Les alliances occultes entre grands capitalistes, politiciens démocratiquement élus et intérêts énergétiques, aboutissent à des guerres sauvages dans le monde entier, spécialement au Moyen-Orient. C’est ce que frère Jean Duns a démontré dans ses articles sur les causes réelles du “ Printemps arabe ”.

Voilà pour l’aperçu du désordre actuel... Nous comprenons donc que la reconquête de la souveraineté sur le plan international sera difficile et qu’elle devra remplir certaines conditions détaillées dans le point 95.

« Les liens tissés sont tels qu’on ne peut plus les briser d’un jour à l’autre sans entraîner le pays dans une situation aventureuse où son économie, ses intérêts, ses ressortissants seraient gravement menacés. »

Par exemple la Politique agricole commune (PAC) est une politique néfaste qui a fait beaucoup de mal à notre agriculture. C’est vrai, mais si on la supprime demain d’un trait de plume, ce sera la ruine définitive de l’agriculture française. Prudence et patience toujours ! L’exemple des pays ayant tenté de résister au mondialisme doit nous servir de leçon. Certes, la Russie s’en sort bien parce qu’elle est gouvernée d’une main de maître et confiée au Cœur Immaculé de Marie. Mais le Venezuela ne s’est pas remis de la perte de son chef charismatique anti-yankee Hugo Chávez, et Washington ne cessera pas son blocus avant d’avoir repris le contrôle de ce pays caribéen, doctrine Monroe oblige ! La résistance au mondialisme a aussi coûté la vie à Kadhafi et à l’État libyen, provoqué la ruine de la Syrie, etc. « Il faudra donc agir en fonction des rapports de force réels et de notre capacité d’affirmation de notre souveraineté. » (95)

Néanmoins, le Chef de l’État restauré rompra un jour les liens néfastes qui nous tiennent attachés aux institutions internationales. Il devra alors les remplacer par des traités bilatéraux, c’est-à-dire de nation à nation, sans intermédiaire. Et par là nous retrouverons une diplomatie fidèle et secrète, sur le modèle de celle de Poutine et de son fidèle Sergueï Lavrov.

Enfin, nous n’oublions pas que nous retrouverons un jour un concert des nations catholiques dont l’Église sera l’âme et la garante. Pour l’instant, elle vit encore sur les chimères du MASDU de Paul VI, mais dès qu’elle aura retrouvé la raison, la papauté retrouvera aussi son rôle pacificateur et d’arbitre entre les nations.

LA RÉFORME DES MÉDIAS.

Le nœud du problème médiatique, c’est le principe de « liberté de la presse », revendiqué en 1789 et 1830, que Grégoire XVI avait condamné comme un délire. En effet, laisser se propager avec les mêmes droits l’erreur et la vérité revient à promouvoir l’erreur. Là où la liberté sans frein est la seule règle, c’est la loi du plus fort qui règne. Et les plus forts ici-bas, écrit notre Père dans l’Autodafé, ce sont « Satan, le prince de ce monde, et ses innombrables suppôts, politiciens retors, financiers crapuleux, artistes perdus de débauche, circuits commerciaux clandestins, tous conspirant à réduire le peuple des fidèles du Christ en esclavage, sans compter les deux tiers de l’humanité qui leur sont livrés sans défense. » Les deux cents ans qui nous séparent de Grégoire XVI lui donnent absolument raison.

Une fois encore, notre Père fait de 1944 l’année charnière : « Nous sommes entrés en 1944 dans un monde faux où non seulement les idéologies des partis étaient trompeuses, mais encore, mais surtout l’analyse des événements, la description des faits étaient mensongères. »

Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes plongés dans cet universel mensonge, toujours acceptable, quand il s’agit de défendre la “ bonne cause ”... Qui oserait encore douter que Bachar el-Assad soit le bourreau de son peuple, que Poutine soit un “ tueur ” mégalomane et que Fillon soit un voleur ? Mais le grand drame, selon notre Père, c’est que l’Église a renoncé à combattre pour la vérité, qui est « impliquée dans tout débat humain, si minime soit-il ». La responsabilité du concile Vatican II en ce domaine est impardonnable. Dans le texte qu’il consacre aux “ moyens modernes de communications sociales ” (les MOCOSO !), Vatican II a reconnu la libre communication des pensées et des opinions comme “ une évidence ”. Après de grandes et candides déclarations, le Concile s’en désintéressait rapidement. Quelle irresponsabilité ! Notre Père considérait la place démesurée des médias dans notre vie quotidienne comme l’un des faits majeurs de notre monde moderne. Les MOCOSO, notre Père préférait les qualifier sous leur véritable appellation de « moyens massifs de domination intégrale ». Ceux qui contrôlent les chaînes de télévision, les émissions de radio, les réseaux sociaux, les grands sites d’information et encore les grands titres de la presse écrite, contrôlent pour ainsi dire les esprits et les corps de populations entières. Il est donc normal, primordial, obligatoire, pour le Chef de l’État, de regarder ce qui s’y passe. Or, depuis que la Révolution française a supprimé la censure royale et établi la liberté d’expression comme un droit fondamental, la production des médias et leur utilisation par le public ne devraient être contrôlées par personne. Quelle folie ! Et d’ailleurs, c’est évidemment faux. Tous les gouvernements interviennent et contrôlent les médias, plus ou moins officiellement. Et c’est heureux. Aussi, lorsque les gouvernements semblent souvent dépassés par l’évolution de la production d’information, instantanée, via internet, ce n’est pas tant par incompétence, que par manque de volonté de s’opposer à ce droit inaliénable de la personne humaine. D’autant qu’il est dans l’intérêt des gouvernements démocratiques de disposer d’une population abêtie et asservie à tous les vices librement exposés et encouragés sur tous les écrans.

Pour en finir avec cette société de corruption, il faudra que l’Église et l’État agissent en concertation : « Au lendemain de la condamnation du droit social à la liberté religieuse par un concile réparateur, le Chef de l’État fera en sorte que les médias comme les moyens modernes de communication sociale ne véhiculent plus n’importe quel mensonge et ne fassent plus la promotion de l’erreur. »

Ratione peccati, il faudra prendre certaines mesures dont notre point 97 donne une idée. Il faudra garantir une formation sérieuse aux journalistes, au sein d’une profession organisée hiérarchiquement, et dotée d’organismes de contrôle plus rapides et plus sûrs que l’actuel Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Une profession ainsi constituée sera plus forte pour résister aux puissances d’argent et aux lobbies en tous genres.

« Il ne s’agit pas d’établir une censure, il s’agit de veiller à ce que la profession ne soit ouverte qu’à des personnes honnêtes, comprenant l’importance de leur métier, ayant le souci de la vérité. Il ne s’agit pas d’imposer un contenu aux médias, mais la transmission volontaire d’informations erronées ne restera pas impunie. » (97)

En attendant, faisons nôtre ce conseil du Père Emmanuel, curé du Mesnil-Saint-Loup, à ses paroissiens : « Quand je vois sur une affiche : “ Interdit aux moins de quinze ans ”, je pense : alors à combien plus forte raison aux plus de quinze ans ! »

LA RESTAURATION DE L’ESPRIT NATIONAL.

Il ne suffit pas de remettre de l’ordre dans toutes nos institutions politiques, il s’agit de réussir à restaurer la communion nationale. « La réforme matérielle ne me satisfait pas. Je veux, par surcroît, la réforme morale [...]. La première condition du redressement, celle qui servira de support à toutes les autres, est de reforger aux Français une âme nationale unie. Cette unité française, nous la voulons territoriale, sociale, historique et spirituelle. » Cette quadruple unité répond à la quadruple fracture française entre Paris et la province délaissée, entre les patrons et les ouvriers, entre les révolutionnaires et les réactionnaires, enfin entre les anticléricaux et les catholiques.

Hélas ! le maréchal Pétain qui parlait ainsi en 1940 n’a pas reçu le ferme appui de l’Église ni de beaucoup de Français qui, attentistes ou opportunistes, tourneront bientôt leurs regards vers le rebelle de Londres. De Gaulle revenu au pouvoir a fait condamner le Chef légitime à mort, et toute la droite nationaliste catholique avec lui, pour mieux replonger la France dans la guerre civile et la lutte des classes. Après soixante-dix ans de Quatrième et Cinquième Républiques démoralisatrices et diviseuses, aujourd’hui, qui est encore fier d’être Français ? Qui serait prêt à donner sa vie pour la patrie ? Nous ? Nous, si nous avons la grâce de nous inscrire dans la lignée des Croisés et des missionnaires de jadis, comme disent nos 150 points, c’est à l’œuvre et à l’exemple d’un seul homme que nous la devons. Cet homme, c’est notre Père. Et il faudra bien que demain son œuvre soit largement diffusée pour rendre aux jeunes générations l’amour de l’ordre catholique et de la civilisation française. Notre Père a eu très tôt conscience de cette vocation singulière. En 1955, il écrivait dans les Amitiés françaises universitaires ce passage admirable :

« Les idéalistes trouvent la France charnelle, plate, ennuyeuse, et se plaisent à rêver de brillants systèmes, de générosité politique. Fumée que tout cela. La France avec ses campagnes et ses usines, ses berceaux et ses hospices de vieillards, ses écoles et ses églises, pour peu qu’on la contemple, enseigne à nos esprits ses vérités. Ce sont des siècles de labeur commencé par les ancêtres et qui attendent de nous un surcroît de soins et d’efforts. Ce sont des êtres inachevés qui sollicitent notre dévouement pour réussir et se perpétuer à leur tour, sans que la trame de leur histoire soit jamais tranchée. Ce sont, dormant dans les bibliothèques et les musées, des vérités éternelles, des myriades d’œuvres à jamais révolues dont le parfum peut encore réjouir cent générations. Cette France est pour mon âme chrétienne une Présence divine incarnée, qui demeure paisible et sûre chez nous, par grâce et élection, en attente d’une humanité gisant encore dans l’ombre de la mort, dans nos frontières et au-delà. Quelle garde doit être menée auprès de tant de biens incomparables ! »

Tout est dit ! Dans cette restauration de l’esprit national, l’armée et l’école joueront un rôle, ainsi que l’Église. Et il faudra aussi « une politique culturelle nationale » (98). L’État français, là encore, a été pionnier en matière de politique culturelle. Les comités d’entreprise datent de la Révolution nationale, de même que la construction d’infrastructures locales dédiées à la pratique sportive, au théâtre, aux bibliothèques, etc. Sa politique culturelle n’a pas été totalitaire, comme le reconnaît François-Guillaume Dreyfus (p. 555), au contraire de ce qui se faisait partout en Europe, tant du côté fasciste que communiste, et comme cela se fera après la Libération... Les seuls thèmes idéologiques, c’étaient la famille et les traditions. Le prix Goncourt fut ainsi accordé à Henri Pourrat, régionaliste auvergnat !

Ce n’est pas du tout le privilège de la gauche de se mêler de la diffusion de la culture parmi la population, surtout chez les plus déshérités. Nous, catholiques sociaux de droite, cette culture, nous l’appelons le patrimoine, le trésor que nous ont laissé nos pères. Et nous voulons que la législation et les institutions éducatives le protègent et le promeuvent. Actuellement, des établissements institutionnels coexistent avec un éventail varié d’associations, de sociétés, d’Académies, etc. Il faudra conserver cette riche vie culturelle, sans trop l’organiser, mais en y ajoutant toutefois les monastères qui ont toujours été à l’origine de la « vie culturelle » de la nation. Demain, ils répandront le nationalisme intégral que notre Père nous a enseigné, seul capable de réconcilier les Français entre eux et avec leur histoire. De ces monastères sortira aussi le renouveau de la pensée et de l’art chrétien et français. Il y a dans les œuvres de notre Père une source d’inspiration très féconde, tant pour la sculpture, la musique, la littérature, la poésie, les sciences sociales, la science politique, entre autres... Comme le Maréchal avait rétabli les Chartreux dans leur Grande Chartreuse et favorisé les ordres religieux, l’autorité souveraine fera de même. Ce sera alors un étonnant renouveau, auquel nous nous préparons déjà avec enthousiasme, les tomes de la CRC dans la main ! nous, phalangistes de l’Immaculée, pour faire connaître autour de nous cette œuvre afin que déjà quelques âmes droites puissent en profiter. « Alors la France redeviendra la mère des arts » (98), seconde patrie de tout homme civilisé.

LA CHARITÉ SOCIALE RESTAURÉE.

« L’indispensable charité sociale jadis assurée par l’Église, puis durement reléguée aux confins de la société par la bourgeoisie montante, enfin collectivisée par l’État républicain, est elle aussi tombée dans un discrédit et une impotence scandaleuse partout dans le monde. » (99)

Il n’est que de citer le nom de Monsieur Vincent et des Filles de la Charité pour avoir aussitôt une image de ce que fut la vraie charité sociale sous l’Ancien Régime, sous la protection du Roi très Chrétien. La Révolution, destructrice de la famille et de la religion, a laissé le pauvre sans secours. Le grand mouvement d’enfermement des miséreux et des vagabonds dans les sociétés industrielles nouvelles, dès le dix-huitième siècle en Angleterre, est proprement inhumain et porte condamnation de cette bourgeoisie voltairienne qui s’est emparée du pouvoir en France en 1789. C’est le triomphe de la société protestante, capitaliste. Au dix-neuvième siècle, les hommes d’affaires anglais obtiennent la suppression des anciennes « poor laws » qui confiaient aux paroisses le secours des indigents, et ils construisent des ateliers pour regrouper tous les pauvres. Il vaudrait mieux parler de prisons que d’ateliers... Ils sont organisés selon le principe de “ less eligibility ”, c’est-à-dire en faisant en sorte que les conditions de vie des miséreux qui y sont parqués soient inférieures à celles des pauvres travailleurs. Quant à la charité chrétienne, qui risquerait d’encourager “ l’oisiveté ”, elle n’y a pas sa place. Aussi le taux de suicide dans ces inhumaines “ workhouses ” est très élevé. Ces conditions de vie désespérantes font le lit de tous les groupuscules révolutionnaires qui se multiplient à partir des années 1830. La haine de la “ bourgeoisie ” et la lutte des classes attisées dans le prolétariat par les doctrinaires communistes sont d’abord une réaction à la violence de cette société industrielle impie envers les pauvres. Si cet affrontement a semblé s’atténuer avec les années, c’est parce que l’État démocratique, comme nous le rappelle le point 99, a pris à sa charge de “ redistribuer ” la richesse. Pour que le capitalisme puisse durer, la République a instauré l’État-Providence. C’est la ruineuse et inefficace Sécurité sociale, fondée en 1946 par le Conseil National de la Résistance, parodie de ce qu’avait voulu le Maréchal.

Pour remédier à cet énorme problème de l’État-Providence et de la Sécurité sociale, il faudra créer un « ordre de la charité sociale ». Ce sera autre chose que les mutuelles, les caisses d’allocations ou les assurances. La protection sociale est du ressort des communautés et associations : les corporations, les entreprises, les comités de familles et les communes. Ce qui est du rôle de l’État, c’est de se charger des miséreux, des abandonnés, c’est-à-dire de ceux qui n’ont ni ordre ni métier, de tous les ratés de la vie. Et il y en a beaucoup, il y en aura toujours beaucoup parmi nous, car Dieu le permet, le veut même ainsi, pour que nous puissions avoir l’occasion d’exercer la charité chrétienne à leur égard.

Ce que propose notre Père, c’est d’organiser toutes les associations charitables vouées à atténuer le malheur, la misère, l’infirmité des laissés-pour-compte de la nation, dans un grand Ordre en lien étroit avec l’Église, chargé de veiller à l’honnêteté financière, aux bonnes mœurs de tant d’associations diverses. Cet Ordre inculquera en même temps un esprit commun à toutes ces associations, l’esprit de l’Évangile, celui du bon sens naturel et du sens chrétien surnaturel. Les congrégations religieuses retrouveront évidemment leur rôle de premier plan. Ne serait-ce que du point de vue de l’efficacité, du rapport qualité-prix, toute la nation y gagnerait !

« Le Chef de l’État et sa famille seront les premiers membres et dirigeants de ce noble corps. » Autrefois, les Rois avaient leurs aumôniers, c’est-à-dire des clercs chargés de distribuer les aumônes du Roi et de la Reine. Bernadette Chirac, par exemple, était tout à fait dans son rôle lorsqu’elle animait les « Pièces jaunes ». C’est vraiment le rôle d’une Reine de s’occuper des plus pauvres. Et lorsqu’une Reine le fera officiellement au nom de Jésus-Christ, en s’appuyant sur les institutions de l’Église, cela entraînera toute la nation, et ce sera le retour en Chrétienté.

Voilà qui rejoint ce que nous avons dit précédemment de nos Rois et de notre Ancien Régime chrétien. La “ charité sociale ” retrouvée, bien ordonnée, contribuera beaucoup à l’unité de la nation, à cette communion nationale que nous désirons tant. Car la charité unit, là où la méchanceté et l’envie de nos sociétés modernes divisent sans retour. Nous n’avons pas oublié l’avertissement de notre Père au point 51 : « Seuls comptent Jésus et Marie, les aimer et les servir pour leur plaire en toutes choses. » Sans cela, la politique n’est que vaine fureur. Et cette fureur, très peu pour nous. Congregavit nos in unum Christi amor, C’est l’amour du Christ qui nous rassemble, comme nous chantons le Jeudi saint. Exultons et réjouissons-nous en Lui ! Exultemus et in ipso jucundemur. Car nous aurons renoué avec notre tradition royale et catholique, avec l’âme de notre nation très chrétienne, fille aînée de l’Église. Et notre joie sera parfaite.

frère Louis-Gonzague de la Bambina.