Il est ressuscité !

N° 234 – Juillet 2022

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


In memoriam 

Vice-amiral Antoine Lecoq

(17 janvier 1962 – 8 juillet 2022)

Témoignages prononcés à l’occasion des funérailles du vice-amiral Antoine Lecoq, en l’église Saint-Lubin de Rambouillet, le vendredi 15 juillet 2022.

EXHORTATION PRONONCÉE AU CIMETIÈRE DES EVEUSES.

Mon cher Papa,

Puisque le temps est venu des adieux, c’est le moment de nous rappeler la merveilleuse promesse que fit Notre-Dame aux trois petits voyants de Fatima.

Vice-amiral Antoine Lecoq
« Prendre tout en gré. » Sa devise.

« Jésus veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut. Ces âmes seront chéries de Dieu comme des fleurs placées par moi pour orner son trône. »

Certains d’entre nous ont pu veiller auprès de votre corps, si beau dans votre uniforme d’officier de marine, avec ce visage magnifique, grave et serein, empreint d’un léger sourire, que nous vous connaissions. Vous paraissiez dormir... En vérité, vous dormez, et nous savons que ce corps un jour se relèvera pour une vie éternelle où nous ne serons plus jamais séparés.

À l’heure où votre corps va être porté en terre, pensons à ce qui fonde notre Espérance... Ce qui fait notre Espérance, ce ne sont pas vos étoiles, ni aucun de vos états de service. Ce n’est point l’expérience hors-norme du commandement de sous- mariniers nucléaires pour le service de la Patrie.

Ce ne sont pas non plus vos mérites, ni l’exemple de vos vertus dont nous avons reçu depuis vendredi dernier d’innombrables témoignages. Qui pourrait être irré­prochable devant Dieu ?

Je reviens à l’image de ce corps étendu sur son lit funèbre, et nous regardons ces mains jointes, entre les doigts desquelles nous voyons un petit chapelet. C’est là qu’est notre Espérance.

La dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie, la « petite dévotion » du chapelet réclamée avec instance par Notre-Seigneur qui VEUT que tous honorent, aiment, et s’appliquent à con­soler sa Mère ; cette dévotion mon cher Papa vous l’aviez apprise à l’école de l’abbé de Nantes qui était devenu votre père spirituel. Elle s’inscrivit tout naturellement dans la ligne de la foi et de la dévotion familiale reçue de vos chers parents.

Cette dévotion, vous l’avez embrassée sans arrière-pensée, avec ardeur, avec amour. Ce chapelet que vous tiriez de votre poche à toute heure (vous en aviez toujours plusieurs sur vous afin de n’être jamais pris au dépourvu), ce chapelet que vous récitiez en voiture, sans vous lasser, ainsi que vous l’aviez appris de notre Père, qui lui-même l’avait appris de sa grand-mère... Ce chapelet que vous encouragiez vos proches à réciter souvent, et combien d’amis peut-être ici présents, dans l’épreuve, pour avoir suivi ce conseil, vous en sont aujourd’hui reconnaissants.

« Le chapelet, disait notre Père l’abbé de Nantes, c’est le cordon ombilical qui relie l’enfant à sa Mère. » Mais ce cordon, contrairement au cordon de chair, n’est pas rompu à la naissance et c’est pourquoi nous pouvons penser que vendredi dernier, lorsque vos yeux se sont fermés à cette vie mortelle, vous vous êtes réveillé dans les bras de la Sainte Vierge.

Mon cher Papa, qui avez certainement retrouvé Là-Haut Mamie, Grand-Père et Grand-Mère, notre Père et tous nos chéris, priez pour nous, bénissez-nous et conduisez-nous tous au Ciel, auprès de la Très Sainte Vierge Marie, dessus son Cœur Immaculé, pour redire à jamais, comme vous aimiez le dire inlassablement, à la suite de notre Père : « Je vous aime, ô Marie ! » Et je terminerai par ce qui était votre mot d’ordre à la fin de chaque discours : Sursum corda !

frère Marc de l’Immaculée Corédemptrice.

« SERVIR, SERVIR TOUJOURS. »

Servir, servir toujours, servir Dieu en premier, mais aussi servir la France en étant au service des hommes sous le regard de Dieu.

L’amiral Antoine Lecoq ne vivait que pour servir. Et il a servi les forces armées, la Marine, les forces sous-marines avec un désintéressement qui force à l’admiration.

Du Casabianca aux SNLE, de l’escadrille des SNLE à l’État-Major des armées et enfin comme adjoint FOST, il a servi et accompagné de sa bienveillance toute une génération d’officiers et d’officiers-mariniers. Antoine était de ces officiers au dévouement total, qui disent « oui » sans hésitation puis qui s’organisent ensuite lorsqu’il s’agit de soutenir, de dépanner, ou d’aider un camarade en difficulté. Nous étions tous admiratifs. Moi le premier, dans des situations analogues, avais eu bien du mal à accepter et à partir.

Plus tard, j’ai retrouvé Antoine à la FOST et ensemble nous avons affronté bien des tempêtes, sous la protection de la Vierge Marie qui trônait toujours sur son bureau. Oui, Antoine vivait sa foi et savait en témoigner avec naturel et simplicité.

Antoine a été au cœur de tous les grands projets actuels : le Barracuda, la mission “ Marianne ” de déploiement d’un SNA en mer de Chine, ou les succès des forces sous-marines en pleine crise sanitaire. C’est ensemble que nous avons fait consacrer les équipages de nos sous-marins à la Vierge Marie. Ce projet l’avait enthousiasmé et il avait su obtenir l’adhésion de tous. Ces équipages, des sous-marins comme des stations de transmission de la FOST souvent un peu oubliés, étaient sa seconde famille. Il en prenait soin, les défendait, cherchait à les faire progresser, à améliorer leur quotidien et bien sûr il les soutenait et les encourageait dans leur recherche d’excellence. Combien de fois est-il venu me trouver dans mon bureau pour faire valoir tel ou tel argument en leur faveur et obtenir ainsi de bien meilleures décisions. En Antoine, chacun trouvait un avocat pugnace et efficace prêt à intercéder, une fois, deux fois, dix fois lorsqu’il était convaincu de la cause. Alors, Antoine, sois maintenant notre intercesseur au Ciel auprès de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de la Sainte Vierge et de saint Joseph.

Amiral Bernard-Antoine Morio de l’Isle.

« NOUS SERONS JUGÉS SUR L’AMOUR. »

Cher papa,

« Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. »

En regardant votre vie, et suite aux nombreux témoignages reçus, je crois pouvoir dire que le maître mot de votre vie, le fil directeur, ce fut l’amour.

L’amour de votre famille d’abord. En premier lieu, vos parents : Michelle Lecoq, partie rejoindre le Père il y a quelques semaines, et Gérard, ici présent. Vous nous avez toujours fait part de l’admiration émue que vous avez eue pour vos parents, qui vous faisaient irrésistiblement penser à Marie et Joseph dans leur vie de Nazareth, faite de prières, de joies simples, de labeur, d’honnêteté, de soucis et d’inquiétude du lendemain aussi.

Amour de vos frères et sœurs, Gaëtan, Christine, Dominique et Gildas avec qui vous avez toujours gardé le lien malgré les différents chemins de vie pris par chacun et pour qui vous avez éprouvé la plus grande tendresse et un vrai souci surnaturel, priant pour eux chaque jour.

L’amour de la France ensuite, vous orientant vers le métier des armes, entrant à l’École Navale puis choisissant les sous-marins. L’armée, ce n’était pas pour vous un métier ni une carrière, mais une vocation dans laquelle vous vous êtes engagé avec humilité, esprit de service et don de vous-même. Vous n’avez jamais hésité à répondre à l’appel du devoir et même un peu plus, par exemple ce jour où vous avez accepté au pied levé de remplacer un commandant ayant des soucis de santé.

Mais surtout, surtout, l’amour de Dieu et de l’Église. Foi que vous avez reçue de vos chers parents, fortifiée ensuite par le scoutisme.

Et ce fut enfin la rencontre avec l’abbé de Nantes, en qui vous avez trouvé un père spirituel ; un maître aussi, dont la doctrine lumineuse étancha votre soif de vérité et vint répondre à vos interrogations dans la tourmente que traversait l’Église. C’est ainsi que vous vous êtes engagé pleinement, et avec enthousiasme, dans la Contre-Réforme Catholique.

Cet engagement fut capital à plus d’un titre : vous y avez rencontré Maman, qui fit votre bon­heur au quotidien pendant trente-six années. Je ne peux bien sûr évoquer Papa sans parler de celle à qui Dieu l’a unie dans une si parfaite union d’esprit que leurs deux volontés tendaient vers le même but : Tout offrir, tout vivre, tout souffrir pour aller ensemble au Ciel, l’unique but de nos travaux. Vous nous avez souvent donné, les larmes aux yeux, l’exemple de François de Fatima disant : « Je veux être rien, je veux mourir et aller au Ciel. »

Dieu vous bénit en vous donnant cinq enfants et Il daigna en appeler deux à son service.

La CRC vous a aussi apporté une compréhension du mystère de l’Église et de ses immenses richesses spirituelles, une tendre dévotion pour les Cœurs indissociablement liés de Jésus et Marie, une familiarité avec les saints du Ciel et un contact naturel et quotidien avec eux par la prière, le chapelet, des méditations...

Et enfin, cet amour de l’Église vous poussa à vous mettre au service des prêtres de paroisses et des aumôniers militaires rencontrés au cours de vos différentes affectations. Ce lien privilégié que vous avez maintenu avec l’Église et ses prêtres vous a permis d’avoir la grâce de pouvoir emporter le Saint-Sacrement à bord lors de vos différentes missions, puisque vous aviez fabriqué un petit tabernacle portatif que vous logiez dans votre cabine. Vous pouviez ainsi vous épancher aux pieds de Jésus-Hostie et reprendre courage et forces dans ce Cœur à Cœur.

À la retraite, vous ne vous êtes pas reposé. Sacristain à Rambouillet ici-même, vous avez été secrétaire général adjoint du Pèlerinage Militaire International de Lourdes, en plus des multiples activités CRC pour lesquelles vous ne manquiez pas de vous dévouer. Il y eut aussi l’équipe de l’EHPAD, que vous avez rejointe : bonheur de pouvoir se donner au service des plus faibles. Ce désir de rendre service vous fit accepter un nouvel emploi quand on vous appela en renfort.

C’est d’ailleurs en service que Dieu vous appela ce vendredi matin 8 juillet 2022, puisque vous aidiez à l’encadrement des camps d’été de la Contre-Réforme Catholique, quand les frères vous découvrirent inanimé au sol gardant dans la mort ce petit sourire bienveillant que tous ceux qui vous ont fréquenté connaissaient bien.

Vous avez maintenant atteint le Port, grâce à la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois. Alors Papa, je suis sûr que ce n’est pas pour vous reposer, mais au contraire pour travailler encore plus au service de Jésus et Marie, pour, comme vous l’écriviez dans une de vos dernières méditations, à la suite des saints que vous aimiez, « passer [votre] Ciel à faire du bien sur la terre ». Vous nous précédez sur le chemin et je n’ai qu’une demande : aidez-nous par vos prières et votre intercession à atteindre le seul but qui vaille, à l’heure qu’il plaira à Dieu, par sa Grâce et par la Grâce de l’Immaculée Conception, notre Mère à tous, à jamais.

Pierre-Marie Lecoq.

 

ADIEU AUX ARMES, DU VICE-AMIRAL LECOQ 
(27 AOÛT 2020)

Merci à vous tous qui êtes ici, merci, car ce que notre force sous-marine a fait, fait et fera demain, vient de vous, vient de nous. Cette cérémonie est aussi une manière de reconnaissance de vos mérites, de votre excellence, de vos résultats, car c’est peu dire que, malgré les difficultés de tous ordres – et cette année si singulière n’en aura pas été avare –, notre force sous-marine fait de belles choses.

Je ne reviendrai pas sur les trente-huit années de carrière – mon histoire a peu d’intérêt –, mais sur la joie profonde que produit un regard rétrospectif sur une vie embarquée, pratiquement toute dédiée aux forces sous-marines. Regard qui se tourne vers vous, les équipages, vers les bateaux aux noms familiers, vers tous ceux et celles qui œuvrent à terre pour que nous, les marins embarqués, puissions faire notre devoir.

Permettez-moi quelques réflexions que je souhaite partager avec vous.

Notre métier est un métier qui nécessite, pour le faire bien, d’un engagement de tout l’être : le cœur, le corps et l’âme. Ce n’est pas si courant. Cet engagement n’est pas qu’une passion, passagère par nature, une exaltation de la vie en équipage ou de la mission intense et pleine de rebondissements, le goût de la vie en mer ; tout cela, ce ne sont que des circonstances. Cet engagement est un don que nous faisons de tout nous-mêmes pour une cause, et cette cause c’est la France. N’ayons pas peur de ces mots graves et profonds.

Pourtant ce métier si exaltant par bien des aspects, qui est mystérieux pour ceux qui nous voient partir, peut nous inciter à un certain orgueil. Attention ! Restons humbles car, seuls, nous ne valons pas grand-chose. Notre force est, comme dans toute aventure collective, dans notre cohésion, notre bonne entente, la confiance mutuelle qui favorise l’obéissance des subordonnés à leurs chefs, sans état d’âme, et la sérénité des chefs qui savent qu’ils seront obéis. L’humilité nous permet de sentir que nous avons besoin les uns des autres. Cette vertu est indissociable de l’esprit d’équipage que, à juste titre, nous exaltons volontiers dans la Marine. Humilité donc, cette humilité, qui n’est finalement qu’un regard lucide sur nous-mêmes, n’est rien sans le souci constant de la vérité.

Vérité... Permettez-moi de partager une idée qui m’est chère. Nous, militaires, sommes par nature des hommes et des femmes de vérité. Oh ! nous ne sommes pas meilleurs que les autres, mais la réalité de notre environnement, l’état de la mer, la force du vent, la pluie, l’état du bateau, la fatigue des hommes, tout nous oblige. À la mer, on ne triche pas ! Nous sommes contraints à être et demeurer dans la vérité, et il faut s’en souvenir ! Cette exigence nous configure, nous constitue même, et ce souci jaloux du vrai dépasse la seule prise en compte des éléments. Elle doit nous habiter dans tout ce que nous faisons : les relations quotidiennes, mais aussi la conduite d’une réunion de travaux, le compte rendu d’une avarie, d’une erreur de manœuvre, la rédaction d’un rapport sur le moral, la préparation d’une inspection, la conduite d’une C.P.U., la réception d’une autorité, la notation des subordonnés. Vérité ! Et souvenons-nous que seule la vérité rend vraiment libre.

Devoir, maintenant. Nous avons un métier qui repose sur un engagement à servir. Cela signifie précisément que nous avons tous pris un engagement envers la patrie, de la servir ici ou là, volontairement. Nous le savions alors ou nous ne le savions pas encore, mais cet engagement serait exigeant, teinté de sacrifices, pour nous et pour ceux que nous aimons. C’est devenu notre devoir et il ne peut être question d’y déroger. Dans ces conditions, accomplir ce devoir, c’est un honneur ! « Faites votre devoir, et tout ira bien », disait le pape saint Pie X. Ces quelques mots n’ont d’autre but que de nous rappeler que notre mission nous conduit nécessairement à un dépassement de soi quand il faut combattre la peur, la fatigue, le découragement, la lâcheté. Il faut donc des convictions fortes pour tenir dans l’adversité que nous connaissons tous un jour ou l’autre. « La vie consiste à prendre parti hardiment », disait un maréchal de France. Prenons donc le parti de la vérité !

C’est ce que j’ai connu aux forces sous-­marines et je veux vous dire ici ma fierté d’avoir appartenu à cette belle famille. Gardez ces trésors ! Vous gagnerez l’estime de vous-mêmes et une satisfaction intime d’être dans le Vrai et d’œuvrer pour le Bien.

Avant de conclure, je tiens aussi à demander pardon à tous ceux que j’ai pu malencontreusement blesser au cours de ces trente-huit années sous l’uniforme.

Enfin, je conclus ce mot trop long par trois remerciements particuliers : à mes parents de qui j’ai tout reçu ; à mon épouse et à ma famille qui m’ont soutenu avec une patience et une bienveillance que je souhaite à tous et qui fut et qui reste mon bonheur de tous les jours ; enfin, à Dieu et tout spécialement à sa Sainte Mère, la Vierge Marie qui sait le poids des faiblesses humaines et qui m’a toujours accompagné. Sursum corda !

TÉMOIGNAGE APRÈS LE DÉCÈS DE L’AMIRAL LECOQ

« La marine compte quelques hommes exceptionnels, mais très peu de saints.

« L’amiral Lecoq est un saint.

« Connu et reconnu pour son humilité, son dévouement, son attention aux petits, sa foi, la vie de l’amiral s’est construite loin d’un référentiel de “ réussite ”, mais elle était axée plutôt sur le service.

« Service de Dieu avant toute chose, service de la patrie en conséquence, service des forces sous-marines auxquelles il a consacré trente-sept ans de sa vie.

« Ses différents commandements Casabianca, trois SNLE, ESNLE, CEM ALFOST, COCA, adj FOST ont toujours été accomplis avec humanité, charisme et passion.

« Amoureux de la vérité, il ne faisait pas mystère de sa religion catholique : il entendait la messe tous les jours quelque soit sa charge de travail, récitait son chapelet quotidien, pratiquait l’adoration nocturne et a donné à l’Église deux de ses enfants. Il témoignait par ses œuvres son amour du Christ.

« “ Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie ”, nous aurait-il dit.

« Amiral, les Forces sous-marines sont heureuses d’avoir enfin un saint patron. »

Un sous-marinier.