Il est ressuscité !

N° 235 – Août 2022

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


La Croix est un mystère

À Fatima, le chemin de croix, dit des Hongrois, se termine au sommet de la colline par une chapelle surmontée d’un calvaire monumental.
À Fatima, le chemin de croix, dit des Hongrois, se termine au sommet de la colline par une chapelle surmontée d’un calvaire monumental. « Le Saint-Sacrifice de la Messe n’est rien d’autre que la répétition, la réitération du Saint-Sacrifice de la Croix. La Vierge Marie est là tout près, qui se tient au pied de ce crucifix comme elle se tenait au pied de la Croix de Jésus, le Vendredi saint, au Calvaire. »

EN lisant la Lettre apostolique du pape François  « sur la formation liturgique du Peuple de Dieu », je me remémore l’enseignement de l’abbé de Nantes, notre fondateur, sur le Saint-Sacrifice de la messe : « Je me rappelle dans mon enfance, nous disait-il, ce moment particulièrement émouvant de la liturgie du Vendredi saint, qui était une liturgie d’adoration de la Croix et de communion au Corps du Christ, dont l’introduction était la prostration du prêtre, prosterné de tout son long sur les marches de l’autel. Ce qui retenait mon attention avec étonnement, c’était qu’on lui mettait un coussin violet sur les marches pour qu’il ne se fasse pas mal. Ce n’était pas un “ symbole ”, mais seulement le signe évocateur pour les enfants, du désagrément encouru par le célébrant. Dans la liturgie, tout sert, tout édifie. Le prêtre plongeait, là, sur les marches de l’autel, la tête sur les bras croisés et ça durait un certain temps. On était en suspens. »

Le pape François raconte un souvenir de son enfance analogue. C’était aussi le Vendredi saint : « Quand arrivait le Christ gisant ”, ma grand-mère nous faisait agenouiller, nous les enfants, et nous disait : Regardez ! Il est mort, mais demain il ressuscitera ! ” » (18 mai 2013)

« La messe suppose dans toute sa partie principale, après le temps des prières et des lectures, l’agenouillement devant le mystère de Dieu lui-même », concluait notre Père. C’est en tout cas le premier geste de l’ange du Portugal, en 1916, dès sa première apparition à Lucie, François et Jacinthe.

L’ADORATION DE DIEU, PÈRE TOUT-PUISSANT

L’homme est un animal religieux. Il a, par grâce, l’instinct religieux. Dieu appelle par cette grâce toutes les âmes au salut, c’est-à-dire à échapper à l’enfer et courir vers le Ciel. Par quel moyen ? En « mangeant la Pâque, parce que, explique le Saint-Père, le contenu du Pain rompu est la Croix de Jésus, son sacrifice d’obéissance par amour pour le Père. Si nous n’avions pas eu la dernière Cène, c’est-à-dire si nous n’avions pas eu l’anticipation rituelle de sa mort, nous n’aurions jamais pu saisir comment l’exécution de sa condamnation à mort a pu être l’acte d’un culte parfait, agréable au Père, le seul véritable acte de culte. Quelques heures seulement après la Cène, les Apôtres auraient pu voir dans la croix de Jésus, s’ils avaient pu en supporter le poids, ce que signifiait pour Jésus de dire : corps offert ”, “ sang répandu ”. » ( no 7)

Pour comprendre le lien de continuité de ce sacrifice journellement réitéré avec la Croix, et son efficacité à d’innombrables exemplaires, avec l’unique Sacrifice définitif et parfait opéré par Jésus-Christ sur la Croix, notre Père disait : « J’ai fait un petit dessin qui me parle, me souvenant des grilles de Versailles où l’on voit des L majuscules tracés d’une main fine sur des blasons représentant Louis XIV. On est en classe enfantine, ici... Presque ! Prenez votre plume pour monter bien haut, parce que c’est un grand L majuscule, pour faire une boucle dans les hauteurs. Quand vous êtes au sommet de votre effort, votre plume descend et c’est un plein, elle descend jusqu’à la ligne sur laquelle vous tracez ce L majuscule, et là une petite boucle revient en arrière. Votre plume reprend son élan et elle s’en va à l’infini en avant. »

C’est un “ symbole ”, pour parler comme le Saint-Père : Jésus monte sur la Croix et, quand il est au sommet de la Croix, il attire toutes les grâces de Dieu en lui, comme l’écrit le Saint-Père, ce que saint Thomas appelle la « grâce capitale » du Christ. Tout le trésor de la Rédemption qu’il est allé chercher bien haut, comme le serpent d’airain (Nb 21, 4-9) sur le bois, lui, Jésus cloué sur la Croix, attire tout à lui, c’est-à-dire qu’il attire tous les mérites possibles, et toutes les grâces de Dieu. Il les attire en Lui par son Sacrifice.

De là, voici que la plume retombe sur la terre : c’est que Jésus descendant de la Croix distribue tout cela. À ce moment-là, chose étonnante, la plume revient en arrière, pour tracer cette boucle, à savoir que la Croix, au moment même où Jésus l’a embrassée, était déjà instituée : cette boucle en arrière, c’est la Cène, c’est l’Institution de l’Eucharistie la veille de sa Passion. Or, en traçant cette boucle, la plume a repris sa force pour foncer en avant et continuer d’écrire, et elle continuera d’écrire jusqu’à la fin du monde.

Cela signifie que Jésus est monté une fois sur la Croix et que là, ayant fait provision de tous les mérites nécessaires, heureusement qu’il y avait cette boucle, c’est-à-dire cette institution que, auparavant, il avait achevé de définir, parce que cela lui a donné la force de distribuer. C’est toujours Jésus qui monte sur la Croix et c’est Jésus qui continue son trajet humain, en répandant ses mérites.

Donc, l’élévation, c’est la Croix, mais elle a été précédée mystérieusement de cette Cène, auparavant. Pourquoi avant ? Pour que Jésus puisse instaurer lui-même ce qui se ferait après par lui-même.

Tout cela est peut-être une image un peu puérile, mais il me semble qu’elle est dans l’esprit du “ symbolisme ” pédagogique du Saint-Père pour exprimer tout le mystère de la Rédemption, sous le titre « La liturgie : l’Aujourd’hui  de l’histoire du salut. » Le pape François achève cette première section :

« Si nous étions arrivés d’une manière ou d’une autre à Jérusalem après la Pentecôte et si nous avions ressenti le désir non seulement d’avoir des informations sur Jésus de Nazareth, mais plutôt le désir de pouvoir encore le rencontrer, nous n’aurions eu d’autre possibilité que celle de rechercher ses disciples pour entendre ses paroles et voir ses gestes, plus vivants que jamais. Nous n’aurions pas d’autre possibilité de vraie rencontre avec Lui que celle de la communauté qui célèbre. C’est pourquoi l’Église a toujours protégé comme son trésor le plus précieux le commandement du Seigneur : Faites ceci en mémoire de moi. ” » ( no 8)

Que signifie ce « commandement » ?

« Dès le début, l’Église était consciente qu’il ne s’agissait pas d’une représentation, aussi sacrée soit-elle, de la Cène du Seigneur. Cela n’aurait eu aucun sens. » En effet, « stupidité, donc, irréflexion ou hérésie formelle de faire de l’Eucharistie le mémorial de la Cène. Autant vaudrait dire que ma messe de ce matin était le mémorial de ma messe d’hier, ou de ma première messe ! » (Georges de Nantes, Au cœur de l’Église, le Saint-Sacrifice de la Messe, CRC no 82, juillet 1974, p. 6)

Tandis que « dès le début, l’Église avait compris, éclairée par l’Esprit-Saint, que ce qui était visible en Jésus, ce qui pouvait être vu avec les yeux et touché avec les mains, ses paroles et ses gestes, le caractère concret du Verbe incarné, tout de Lui était passé dans la célébration des sacrements ». C’est une citation de saint Léon le Grand : « Quod Redemptoris nostri conspicuum fuit, in sacramenta transivit. » ( no 9)

D’où le sous-titre suivant du Saint-Père :

« La liturgie : lieu de rencontre avec le Christ. »

Cependant, à notre surprise, le Pape parle aussitôt du sacrement de Baptême, et non pas des sacrements de l’Ordre et de l’Eucharistie institués par les commandements du Seigneur que « l’Église a toujours protégé comme son trésor le plus précieux » :

« Faites ceci en mémoire de moi. »

Bien plus : d’où vient à Jésus ce « grand désir » de manger la Pâque avec ses disciples ? La Lettre apostolique Desiderio desideravi laisse cette question sans réponse !

Il nous faut donc porter notre attention, avant d’examiner les suites de la mort de Jésus, sur ce que fit Jésus dans son dernier moment de liberté, la veille de sa Passion, comme disent saint Paul et saint Luc : « Avant de souffrir ».

LE MéMORIAL DE LA CROIX

« Hæc quotiescumque feceritis, in mei memoriam facietis. »

Ô JÉSUS, Souverain Prêtre et  Victime Sainte de ce seul sacrifice humain qui ait jamais plu à notre Père Céleste, comment n’aurais-je pas honte de me dire prêtre quand je suis si peu victime ? Et comment pourrais-je célébrer votre Mémorial sans être saisi d’une grande crainte, en remplissant cette fonction qui pour vous renouvelle le sacrifice de votre vie ? « Agnoscite quod agitis, imitamini quod tractatis. » J’ai été reçu, ordonné, envoyé au service de l’Église avec ces paroles qu’après vingt ans et plus je n’ai pas encore bien entendues : « Comprenez ce que vous faites, imitez ce que vous accomplissez. Puis donc que vous célébrez le mystère de la mort du Seigneur, ayez soin de faire mourir en vous les vices et toutes tendances mauvaises. » Muni de ce message mystérieux, j’avance dans ce sacerdoce où chaque jour est celui du renouvellement du Sacrifice, toujours et jamais le même. Je suis encore sur le seuil de ce Mystère de foi, terrifiant et merveilleux, que j’accomplis de mes mains, de ma voix, devenues vos mains et votre voix, ô Christ : Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang. Comprendre et réaliser la Messe en sa propre vie, quelle vocation !

Par la force de mes paroles qui sont les vôtres, le pain et le vin préalablement offerts à Dieu au nom du peuple fidèle deviennent votre Corps, ô mon Vivant Sauveur, et votre Sang vermeil, j’y crois ! Cette Présence vraie, réelle, substantielle, me bouleverse sans me troubler. Dans la loyauté, la clarté, la certitude de votre Parole, comment hésiter à croire que les choses sont comme vous dites ? Enfant j’ai reçu de l’Église maternelle cet héritage de la foi, homme je n’ai rien qui m’y fasse éprouver quelque doute. J’adore chaque jour votre Présence, m’étonnant à peine que le Dieu de majesté condescende à venir habiter dans notre maison. J’admire, ébloui, ce miracle de votre amour. Mais l’amour suffit à l’éclairer tout entier. Celui qui aime, croit. Partout où je vais je vous retrouve, prêt à m’accueillir. Je poursuis le voyage unique qui me mène sans retour à mon terme. De tous mes amis de jeunesse, je n’ai conservé, qui m’ait précédé et suivi partout où j’ai passé, que vous seul, hôte très aimant de nos sanctuaires. Là-bas où m’emportera la mort je m’attends à vous retrouver encore, ô mon Pain de chaque jour, ô Vin de ma joie, ô ma vie. J’irai me prosterner devant votre tabernacle, aux collines éternelles où j’aspire.

La Messe est cependant un bien autre mystère. Vous venez parmi nous, mais non pas seulement pour être contemplé et aimé par votre peuple saint, ni pour être adoré comme immobile sur un trône de gloire. Dès l’instant de la consécration, l’action liturgique m’emporte dans votre mouvement. À peine ai-je prononcé, non pas moi mais vous, les paroles sacrées, vous vous saisissez de ces signes du pain et du vin qui demeurent, pour en faire le langage et la forme de votre sacrifice. Le pain, vous l’avez fait votre Corps et le vin votre Sang. Mais c’est pour refaire de votre Corps livraison entière au Père en Hostie de louange et de votre Sang une libation expiatoire comme au jour du Calvaire, en sorte qu’ils méritent de paraître à nos yeux ce qu’ils sont devenus, notre Pain supersubstantiel et notre Vin mystique. Ce sacrifice que vous anticipiez le soir du Jeudi saint, vous le réitérez maintenant et nous le représentez. Votre Corps est là de nouveau livré pour nous et votre Sang répandu, signes très certains de notre rédemption.

Ainsi célébrons-nous votre Mémorial. C’est Vous et non pas nous qui faites revivre en toute vérité dans la transsubstantiation de la Messe la transmutation de votre Corps en nourriture et de votre Sang en breuvage de vie éternelle, opérée une fois pour toutes sur la Croix. Un voile opaque cache ce mystère à mes yeux tandis que je célèbre. À cette heure, ici, notre cher Médiateur de nouveau paie de sa personne, expie et intercède pour nous. L’Acte unique de la Croix se renouvelle et nous en sommes les fidèles stupéfaits. Ce serait le moment d’y participer par notre offrande personnelle et de nous unir à votre immolation. L’ordre de mon évêque me revient alors à l’esprit : « Comprenez ce que vous faites et donc imitez ce qui s’accomplit en vos mains, à votre parole. » Ô Jésus, je suis entré comme prêtre dans votre fonction de Prêtre, comment puis-je retarder de vous suivre aussi dans votre état de Victime ? Hélas, voyez ma faiblesse...

Mais tandis que je balbutie et m’écrase dans mon néant, la liturgie avance vers sa consommation dans l’amour. Je ne me suis pas assez offert et pourtant vous me tendez la patène sainte puis la coupe du salut. Ce que je n’ai pas su décider, vous venez en moi le faire. Vous infusez en mes membres cette volonté d’oblation, cette mortification nécessaire, cette élévation spirituelle que je n’aurais pas la force d’accomplir de moi-même. Telle est l’utilité de la communion dans ma vie. Ce n’est pas la joie bienheureuse de l’union parfaite que chantent les cantiques des saints. Pour le pécheur que je suis, le sacrement est encore et encore le viatique du pauvre, le remède pour le malade, le sacrifice en moi de mon Sauveur qui m’obtient toutes grâces. Ah ! Quand sera-ce, le temps béni où, depuis l’introït jusqu’au dernier Évangile, je serai en toute vérité et perfection Prêtre comme Vous, les yeux ouverts, les mains industrieuses, le cœur résolu, pour faire avec Vous, non pas du geste et de la voix seulement mais de tout mon être, cette Action de la Messe, notre commun Sacrifice ? Quand me ferai-je enfin Victime avec Vous, tout immolé en mon être naturel pour entrer en communion parfaite avec Vous, en oblation d’action de grâces au Père ? Alors notre Messe aura atteint sa forme éternelle, quand la fusion de nos cœurs fera de notre corps et de notre sang une seule Hostie, un seul Calice pour le salut de la multitude à la Gloire de Dieu le Père. Ainsi soit-il.

(Georges de Nantes, Page mystique no 23, mai 1970).

Que fit-il avant de souffrir ? Il établit ce qu’il faudrait qu’Il fasse, Lui, après ; et, quand Il ne serait plus là, ce qu’il faudrait qu’Il fasse faire à ses disciples. Tout cela était admirablement réglé d’En-Haut ! par la Sagesse divine comme l’écrit notre Saint-Père le pape François, au début de sa Lettre apostolique :

« Pierre et Jean avaient été envoyés pour faire les préparatifs nécessaires pour manger la Pâque, mais, à y regarder de plus près, toute la création, toute l’histoire – qui allait finalement se révéler comme l’histoire du salut – est une grande préparation à ce repas. » ( no 3)

Jésus, en mangeant la Pâque juive avec ses disciples, mettait fin aux figures : le véritable Agneau pascal allait être immolé par Jésus pour ses disciples, et Jésus voulait dès ce soir-là montrer aux Apôtres que la grâce qui était en Lui, il leur faudrait la distribuer au monde entier jusqu’à la fin des temps.

Le Pape écrit admirablement : « Pierre et les autres se tiennent à cette table, inconscients et pourtant nécessaires : tout don, pour être tel, doit avoir quelqu’un disposé à le recevoir. Dans ce cas, la disproportion entre l’immensité du don et la petitesse du destinataire est infinie et ne peut manquer de nous surprendre. Néanmoins, par la miséricorde du Seigneur, le don est confié aux Apôtres afin qu’il soit apporté à tout homme et à toute femme » jusqu’à la fin des temps.

Tellement « inconscients », en effet, les Apôtres n’ont participé en rien à la Croix, indignes, incapables et lâches. Mais pour la Cène, Jésus est avec eux tous. Il a besoin que deux d’entre eux aillent et disposent les lieux.

L’heure venue, Il leur parle assez longuement pour leur expliquer, non pas tellement ce qui allait suivre immédiatement, mais, plus tard, après avoir traversé de terribles épreuves, ce qu’ils devront faire quand il serait remonté vers son Père et qu’ils auraient reçu le Saint-Esprit pour accomplir leur mission d’Apôtres jusqu’aux extrémités de la terre et jusqu’à la fin du monde.

C’est tout de même curieux, nous disait notre Père, d’attendre la veille de sa mort pour expliquer à ses Apôtres qu’ils vont faire des choses merveilleuses ! Mais il y a un lien – c’est la boucle de mon L –, c’est parce que sa mort va être une source de puissance nouvelle ; ce qu’ils sont incapables de faire ce soir-là, ils seront capables de le faire après sa mort, avec Son aide. Parce qu’il reviendra. Il ne les laissera pas orphelins et sans doute l’  “ autre Paraclet ” – ils seront deux ! – continuera de leur communiquer ses inspirations et sa force. Lui-même, Jésus demeurera leur Chef et leur nourricier.

Dans le discours de Capharnaüm, il leur avait bien dit qu’il se ferait leur nourriture et que ceux qui le mangeraient et boiraient auraient la vie éternelle et qu’il les ressusciterait au dernier jour. Qui ? Tous ! comme le Pape ne cesse de le répéter sur tous les tons : « Tous, tous, tous ! » Toute l’humanité ! Déjà, après la multiplication des pains, il leur a ouvert les yeux sur ce grand travail qui allait être le leur, avec son aide : distribuer ce Pain miraculeux et ce Vin non moins miraculeux, pour le salut du monde.

« MYSTÈRE PASCAL »

Sous le titre : « La liturgie : lieu de rencontre avec le Christ », chose surprenante, au moment où on attend l’institution des sacrements de l’Eucharistie et de l’Ordre par Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Pape en vient sans transition à « notre première rencontre avec sa Pâque », « l’événement qui marque la vie de nous tous, croyants dans le Christ : notre baptême » ( no 12).

L’expression : « nous tous, croyants dans le Christ » explique l’omission des sacrements de pénitence et d’ordination sacerdotale qui efface les limites de l’Église catholique apostolique et romaine... Et pourtant, cette Lettre apostolique traite du Saint-Sacrifice de la messe ! Elle nous est adressée par le Successeur de saint Pierre à nous aussi, disciples de l’abbé de Nantes, qui nous sommes laissés convaincre par la foi de l’Église, écartant toutes objections possibles, que Jésus est vraiment présent dans la sainte Eucharistie. Il est cette Hostie qui s’offre à nos regards, qui s’offrira à notre bouche pour être mangé par nous en nourriture. Il est ce Sang que nous voyons dans le calice comme un vin enivrant, fécond ; c’est la communion en perspective, « rencontre avec le Christ » s’il en est ! C’est la présence réelle du divin Crucifié.

C’est la Croix qui domine toute l’existence de Notre-Seigneur et toute sa mission sur la terre, selon notre Credo que l’Église nous enseigne, afin que nous nous amendions et corrigions de nos péchés, et que, suppliants, nous obtenions par l’assistance à la sainte Messe participation à son sacrifice de la Croix par quoi cette communion sera salvatrice.

C’est d’ailleurs ce qu’écrit le pape François : « La foi chrétienne est soit une rencontre avec Lui vivant, soit elle n’existe pas. » ( no 10) Mais qu’est-ce que « Lui vivant » ? « Un vague souvenir de la Dernière Cène ne nous servirait à rien. » Certes ! Mais aussitôt François renverse les rôles : « Nous avons besoin d’être présents à ce repas, de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang. Nous avons besoin de Lui. Dans l’Eucharistie et dans tous les Sacrements, nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal. » ( no 11)

Qu’est-ce que son « Mystère Pascal » ?

Au début du repas, Jésus a livré son Corps à ses disciples, partageant entre eux ce pain transsubstantié, devenu sa “ chair ”. C’est bien lui, vivant, bien vivant, qui se donne à manger en nourriture, transférant par sa chair sa vie spirituelle, son amour, son énergie, ses vertus, en eux. Et c’est ainsi, ­mystérieusement unis, qu’ils poursuivent leur repas et leur conversation.

« C’est ainsi, nous expliquait notre Père, que Jésus instituera la dévotion perpétuelle à son Corps eucharistique, plus tard, leur offrant une participation à sa vie au tabernacle, dans l’ostensoir, lui-même ne cessant de verser en eux la vie et l’amour miséricordieux dont ils auront faim. »

Mais le pape François renverse les rôles. Selon lui, ce n’est pas Jésus qui est réellement, physiquement présent lui-même dans son Corps, c’est « nous » qui nous « rendons présents à ce repas ». Et pour quel résultat ? Une « rencontre avec sa Pâque », c’est-à-dire que la Messe n’est pas une réitération du sacrifice de la Croix, mais seulement une représentation évocatrice de l’événement passé, comme était la Pâque juive évoquant le “ passage ” – c’est le sens du mot “ Pâque ” – miraculeux de la mer des Roseaux par le peuple hébreu libéré de l’esclavage d’Égypte.

Qu’est-ce que le mémorial du Seigneur ?

Selon notre foi catholique, « inchangée, inchangeable pour cause de perfection divine », disait notre Père, c’est le mémorial anticipé à la Cène, du sacrifice accompli sur la Croix, et renouvelé à la Messe.

La consécration du pain est le don du Corps vivant de Jésus aux Apôtres : « Prenez et mangez, ceci est mon Corps. » Par cette parole, Jésus rend sa Présence tout à fait corporelle et intime aux Apôtres. Saint Paul et saint Luc précisent : « Vous le ferez en mémoire de moi », c’est-à-dire en vous souvenant que c’est le Corps de Jésus qui a souffert et qui est mort pour nous. Don du Corps ! Don de Jésus lui-même, don de sa Personne à nos personnes.

Tandis que la consécration du calice est le sacrifice de la Croix par le Sang versé réitéré. Le sacrifice de la Messe, par ces paroles, est entièrement rapporté au sacrifice de la Croix : « Faites ceci en mémoire de moi. » C’est un ordre ! « Chaque fois que vous ferez ces choses, vous les ferez en mémoire de moi. » Donc, c’est un pouvoir donné aux Apôtres, au même moment, de faire ce qu’ils voyaient Jésus accomplir. La raison de cette Cène, qui anticipait sur ce qui suivrait la mort et la résurrection de Jésus était précisément d’inculquer aux Apôtres la nouveauté de ces pouvoirs, à eux conférés, d’imiter ce qu’ils auraient vu faire par Jésus lui-même. Jésus a fait cette boucle dans ce grand L pour, dès avant le grand sacrifice de la Croix qui allait survenir, prévenir les Apôtres qu’ils auraient à le refaire, qu’ils auraient à faire ce qu’ils Lui voyaient faire à la Cène, mais en souvenir de ce que Jésus allait faire le lendemain, ou le surlendemain, peu importe, du haut de la Croix. Cela lie Jésus à l’Église, le drame de Jésus sur la Croix à la liturgie de la Messe.

Le lien est assuré par les Apôtres qui sont spectateurs de la Cène, et malheureusement ne seront pas spectateurs de la Croix, mais qui reçoivent la charge d’en transmettre les fruits par les gestes qu’ils ont vu faire par Jésus lui-même et jusqu’à la fin du monde.

Notre Père pensait que Jésus avait célébré la Messe au moment de quitter les Apôtres, en leur réitérant l’ordre de faire ce qu’ils lui voyaient faire, non pas comme un acte purement humain, un repas de commémoraison, dit “ souvenir ” : « Vous le ferez en pensant que je suis là et que j’ai mémoire, moi aussi, de ma Croix pour en appliquer les mérites au peuple. »

Ainsi, la Messe trouve son origine dans la Cène. Le concile de Trente l’a dit à l’encontre des protestants : « Cependant, comme sa mort ne devait pas mettre fin à son sacerdoce, à la dernière Cène, la nuit où il fut livré, le Christ voulut laisser à l’Église, son épouse bien-aimée, un Sacrifice visible, comme le réclame la nature humaine... »

Le pape François se garde bien de citer le concile de Trente, dans son souci d’abattre les frontières et d’englober tous les “ croyants ” dans son “ Église de la Pentecôte ”.

Notre Père disait : « Imaginez que, depuis la Croix, il n’y ait plus de sacrifice, comme le voulait Luther, nulle part ; plus de liturgie, plus de culte, plus de rapport vivant entre Dieu et l’homme, entre Jésus même et son Église !

« Grâce à Dieu, la Messe a été instituée au moment où Jésus, ayant accompli son Sacrifice, remontait au Ciel. »

Mais à partir de l’Ascension du Seigneur, la différence était grande entre l’action de Jésus se donnant sur terre, au soir de la Cène, et accompagnant ce don visible des grâces invisibles dont il est établi le dispensateur... et l’usage qu’en feraient ses Apôtres comme médiateurs après qu’il fut remonté au Ciel, eux qui d’eux-mêmes ne pouvaient rien et ne se trouvaient à la source d’aucun mérite. Mesurez la différence ! « la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur », comme dirait saint Paul (Ep 3, 18) !

« Quelquefois, nous confiait notre Père, je frémis en pensant à certains prêtres qui ont reçu le sacerdoce malgré l’interdiction du Pape qui le leur défendait. Je sais bien que ce sacerdoce est valide et que, donc, ils sont véritablement ordonnés prêtres. Mais je me vois, montant à l’autel, alors que le Pape me l’interdit, pour dire la Messe ! Cela me pénètre d’une espèce d’angoisse. »

C’est cette angoisse qui nous a gardés, nous ses fils, de répondre aux instances de Mgr Lefebvre... Preuve de notre allégeance au Chef de l’Église catholique, apostolique et romaine, que nous aimons et défendons contre toute hérésie et tout schisme. « Comment oserais-je monter les marches de l’autel pour jouer mon rôle de représentant du Christ, d’instrument du Christ, malgré l’interdiction du Pape ? »

Les ministres anglicans de la High Church, qui se prétendent prêtres et qui disent la messe selon le rite romain, il n’y a pas une rubrique qui manque, pas un ornement sacerdotal... L’Église a beau leur dire : « Votre ordination est nulle, vous n’êtes pas prêtres ! » Ils continuent à dire : « Ceci est mon Corps » ? Et ensuite, ils s’agenouillent devant ce pain ? Ils distribuent ce pain en disant : « Corpus Christi. » Impensable ! Nous n’avons d’efficacité que par le Christ, dans le Christ, disait notre Père. C’est ainsi que le prêtre, non pas lui, mais par sa parole, le Christ agissant grâce à lui, en lui, par son moyen, présent à la Messe sur l’autel distribue des mérites qu’il s’est acquis, lui, le Christ, sur la Croix.

Il faut dire qu’une formidable offensive désoriente l’Église, sous couvert d’œcuménisme depuis le concile Vatican II. Le curé d’Ars, le Père de Foucauld savaient que chaque messe était d’un prix inestimable, parce que c’était un Sacrifice. Et le peuple le savait chaque fois qu’il demandait une messe pour ses défunts.

J’ai entendu M. Tollu, notre supérieur au séminaire des Carmes, nous dire que le Père de Foucauld et le curé d’Ars avaient une conception erronée de la Messe. Notre Père, lui, observait que tous ces théologiens qui dissertent de la Messe ont un point commun qu’on ne remarque pas, jamais signalé dans aucun livre : « Ceux-là mêmes qui croient en la présence de Jésus sur l’autel, de son Corps sur la patène, de son Sang dans le calice, les traitent comme des objets inertes. Jésus est corporellement présent, pour certains prêtres ou théologiens, et il est spirituellement absent. »

C’est rare qu’on s’adresse à Jésus-Christ présent sur l’autel en le regardant ! Sauf pour s’adresser au Père ! Lorsque nous lui demandons d’agréer cette prière que nous osons lui adresser selon le commandement du Christ : « Notre Père », la rubrique prescrit de baisser les yeux, de regarder les oblats, de regarder le Christ qui est sur l’autel. On s’adresse à Lui à ce moment-là seulement. Le reste du temps, on parle de Jésus-Christ, on demande à Dieu le Père de donner des grâces par Jésus-Christ, sans faire mention de sa présence.

LA VÉRITÉ DU SACRIFICE DE LA MESSE

« Revenons à la simplicité de la première Cène. Jésus est au milieu de ses Apôtres auxquels il a fait tout à l’heure le don de son Corps à manger, les établissant dans une singulière union avec lui. À la fin du repas, avant d’aller à la mort, anticipant sur le sacrifice sanglant du Calvaire, il l’annonce et déjà le réalise sacramentellement, c’est-à-dire en intention, en paroles et en figures réelles et efficaces.

« Il prononce sur la coupe de vin ces paroles : “ Ceci est mon Sang, répandu pour vous et pour la multitude. ” Que se passe-t-il ? Dans cette volonté de l’Homme-Dieu se réalise la transsubstantiation. C’est-à-dire : que l’Âme du Christ se saisit de cette substance concrète du vin, et en fait par sa puissance divine, illimitée, son propre sang, là, comme versé ou plutôt jailli de Lui-même, de son corps dans cette coupe qui symbolise l’épreuve cruciale, le don décisif de sa vie. C’est la préfiguration physique de sa mort. Qui nierait qu’elle soit pour Lui un acte distinct de celui du lendemain, quand il mettra à exécution le projet qu’il annonce là ?

« De la même manière, en chacune de nos messes, quand les prêtres prononcent les mêmes paroles en son Nom... Ceux-ci, ses ministres, qui ne sont pas des magiciens ! donnent au Christ d’agir selon les paroles qu’ils prononcent sur son ordre, conformément à leur mission ; ils entraînent Jésus Lui-même, vivant, ressuscité et présent à son Église, à faire ce qu’ils disent et ce qu’il veut : il se rend présent physiquement sur l’autel. Puis, dans un acte nouveau, localisé, daté, minuté, à cette messe-ci, distincte et nouvelle, sa puissance spirituelle se saisit de l’être du vin pour le changer en son sang : il verse de nouveau sa Vie dans cette coupe qui signifie son épreuve...

« Ce sang est vivant, bien sûr, ce sang reste animé par l’âme indivise de Jésus et son effusion, que Jésus effectue lui-même et non un prêtre magicien, est toute de l’ordre du signe – non ­sanglant – elle n’est pas épuisante, mortelle, comme une nouvelle crucifixion. C’est Jésus qui accomplit de nouveau ce qu’il a fait une fois pour toutes et pleinement, le sacrifice de sa vie en rémission des péchés.

« Comme on le voit, ce Sacrement ne voit re­connue sa pleine vérité qu’à ce point où, plus que les autres sacrements qui se font aussi en mémoire du Sacrifice rédempteur, il est l’Acte même du Christ corporellement présent, présent en son prêtre comme sacrificateur, présent comme victime ou hostie sous la double matière de son Corps livré et de son Sang répandu. Saint Thomas avait bien signalé ce signe de mort qu’était “ la séparation des espèces ” tout au long de la question 78. Il avait bien vu en quoi le Christ sur l’autel était victime. Mais pour que le sacrifice de la messe soit véritable, il fallait encore que le Christ soit prêtre et agisse dans ce sacrement Lui-même une nouvelle fois.

« Telle est l’ACTION sacramentelle de Jésus vivant parmi nous, mais pour quelle fin ? Quels sont les fruits particuliers, à coup sûr extraordinaires, sublimes, de ce sacrifice sacramentel ? » (CRC no 116, avril 1977, p. 13)

LA CROIX EST POUR LA MESSE

Au début de la Lettre Desiderio desideravi, le pape François écrit : « Pierre et Jean avaient été envoyés pour faire les préparatifs nécessaires pour manger la Pâque, mais, à y regarder de plus près, toute la création, toute l’histoire – qui allait finalement se révéler comme l’histoire du salut – est une grande préparation à ce repas. » C’est vrai ! Mais à condition de passer par la Croix.

Notre Père le disait en parabole : Jésus a voulu souffrir sa Passion et sa mort sur la Croix pour être en droit d’en réitérer l’action spirituelle dans l’espace et dans le temps, de génération en génération, à l’infini, “ jusqu’à la fin du monde ”, tous les jours dans des milliers de milliers d’églises célébrer lui-même, Jésus vivant et vrai, son Sacrifice et en distribuer le pain et le vin qui réjouiront le cœur de l’homme et qui féconderont les vierges, c’est-à-dire sa propre Chair et son propre Sang : « Ce serait comme un homme passionnément amoureux, qui doit faire, selon les règles de l’amour courtois un exploit terrifiant pour mériter d’épouser la femme qu’il aime. Jésus, sur sa Croix pensait... à quoi, à qui ? Il pensait à toutes les messes, y compris celle que nous avons dite ce matin, qui lui permettraient de se donner en communion à chacun d’entre nous, c’est-à-dire de nous prendre pour enfant, pour époux, épouse, dites ce que vous voulez ! afin de n’être plus qu’un avec nous. »

Notez le peu de développement dans le temps et dans l’espace, de la souffrance rédemptrice du Seigneur, se livrant trois jours avant la grande Pâque de Jérusalem, et mourant à la Parascève : du mardi soir, selon Annie Jaubert, au vendredi à 3 heures, pour ressusciter du tombeau le troisième jour, après y avoir séjourné trente ou trente-six heures.

« Qu’est-ce que le martyre de Jésus dans le temps ? Ce n’est rien ! » disait notre Père.

« Qu’est-ce que le martyre de Jésus dans l’espace ? C’est un point dans l’immensité.

« Même si nous chantons : “ O Crux, ave, Spes unica, il faut reconnaître que, dans l’histoire, elle occupe une toute petite place. C’est un point très lumineux, mais ce n’est qu’un point ! »

La liturgie observe la même retenue dans sa Semaine sainte et jusque dans l’exercice du chemin de Croix. La dévotion affective s’appliquant aux souffrances de Jésus n’est pas le centre de notre religion. À peine parvenus au Jeudi saint au soir, on entre pour un moment dans un tourbillon pour vingt-quatre heures. Dès le lendemain soir, on attend la Résurrection. Deux jours après, c’est Pâques ! L’année se passe à se réjouir de la Résurrection. Mais Jésus, lui, Jésus ressuscité nous engage à prendre part à l’expiation du péché et à son amour de son Père, « trop offensé », a dit Notre-Dame de Fatima avec un accent d’indicible tristesse.

Jésus ne dit pas : « Vous viendrez au pied de ma Croix », mais : « Vous porterez votre Croix parce que le disciple n’est pas plus grand que son maître ». Et saint Paul, à la suite de Jésus : « Il nous faut passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu. » C’est dire que la douleur, même la plus vive et la mort, ne sont rien, qu’un passage vers le seul but de tous nos travaux : « Ne saviez-vous pas que le Christ devait souffrir pour entrer dans sa gloire ? » Souffrance rédemptrice dont le fruit est communiqué par la Messe, instituée comme similitude indéfiniment renouvelable de la Cène par des ministres désignés pour prêcher à la terre entière et partout célébrer le mystère qui fait comprendre ce que Jésus met au-dessus de tout dans l’ordre des fins, dont l’immolation de la Croix n’est qu’un moyen.

Jésus a voulu la Croix pour la Messe, pour les Messes, pour une infinité de Messes ! Son Sang a coulé sur la Croix, ce qui est très émouvant, mais Jésus le verse en vue de la Messe où, son Sang ayant coulé sur la Croix, il suffira d’évoquer ces plaies par lesquelles il a versé son Sang, pour en faire valoir le mérite auprès de son Père, sur les autels de toutes les paroisses, par la force des paroles du prêtre consacrant le calice : « Ceci est mon Sang, répandu pour vous et pour la multitude. »

La consécration du pain opère la Présence réelle de Jésus en son Corps, en premier lieu. Quand le prêtre consacre le calice, Jésus-Christ est là, présent. Voyant ce Sang dans le calice, il reprend son oblation, sa prière de la Croix et indéfiniment répétée depuis, pour faire jouir les fidèles de la rémission des péchés qu’il a ainsi gagnée.

LA MESSE EST POUR LA COMMUNION

« Le monde périt dans la luxure par l’abandon de l’Eucharistie », affirmait notre Père à la fin du siècle dernier. Que dirait-il aujourd’hui, trente ans après ! Il ajoutait : « Voilà une preuve a contrario de la réalité corporelle, physique de l’Eucharistie, nourrissant nos âmes et purifiant nos êtres tout entiers. » Nourriture vitale !

Et il précisait : « L’épouvantable décadence de la religion chrétienne vient de la tiédeur répandue dans les âmes par toutes les prédications fausses, froides, paralysantes qui leur ont dénigré les réalités fortes, suaves, aimées tant du peuple fidèle que des mystiques à travers les âges, d’un amour que j’appellerais presque charnel. »

C’est précisément ce que lui reprochent nos évêques dans leur “ Avertissement ” du 25 juin 2020, en particulier contre une « conception sensualiste de l’eucharistie » qui pourrait « éventuellement » troubler les fidèles. Peu de temps après, Jean-Marie Guénois publiait avec effarement dans les colonnes du Figaro du 23 novembre la déclaration d’un évêque « douloureusement étonné de constater une foi catholique eucharistique théologiquement divergente  jusque chez les évêques. Un état de fait qui reflète un débat tabou dans l’Église catholique : une partie des théologiens, prêtres, évêques et certains cardinaux, a épousé les thèses du protestantisme qui considèrent la présence ” eucharistique du Christ comme symbolique ” [c’est le mot clef de la Lettre apostolique de François !] et non réelle ”. Donc non absolument sacré  au point de se battre pour elle. La grande surprise dans ce registre est venue de Rome cette semaine. Et d’un futur cardinal choisi par le pape François pour piloter l’important synode des évêques. Mi-novembre, il a traité ceux qui se plaignaient de ne pouvoir accéder à la messe d’analphabétisme spirituel  dans la revue jésuite de référence mondiale, La Civilta cattolica. Il a demandé à l’Église de profiter de cette crise pour rompre avec une pastorale visant à conduire au sacrement  pour passer, “ par les sacrements, à la vie chrétienne ”. » Et Jean-Marie Guénois de poursuivre : « Un cardinal très proche du Pape, relativisant l’importance de la messe... Ces propos ont choqué beaucoup d’évêques, mais pas tous. Une partie de l’Église catholique doute sur la foi eucharistique, qui est pourtant l’un de ses fondements. »

Si nos tabernacles ne renferment pas Jésus-Christ, mais seulement les “ espèces ” ou “ apparences ”, les “ accidents ” du pain et du vin qui n’est plus... et en lien avec ces choses ( !), les accidents, les apparences qui ne sont rien en fait, l’essence, l’idée, le signal du Corps et du Sang de Jésus qui sont au Ciel, alors, la communion n’est rien de concret. Puisque Jésus, dans cette représentation, ne bouge pas, il est au Ciel, il ne se déclare pas, il ne fait rien, il ne donne rien !

La réponse du pape François est sans détour. Il incrimine « le fait d’avoir perdu la capacité de saisir la valeur symbolique du corps et de toute créature », et donc de rendre « le langage de la liturgie presque inaccessible à la mentalité moderne ».

« Ainsi, la question que je veux poser, ajoutait le Pape, est la suivante : comment pouvons-nous redevenir capables de symboles ? Comment pouvons-nous à nouveau savoir les lire et être capables de les vivre ? » ( no 45)

Ces lignes me rappellent comment le Catéchisme hollandais a tourné le dogme eucharistique à l’explication la plus  raisonnable ”, au sens moderne du mot : la plus rationnelle. Que dit-il ? Il nomme la sainte Eucharistie transsignification  ou transfinalisation ”. C’est très intelligent ! Notre Père fut le seul à le dire, surtout à “ droite ”. Il ajoutait ceci :

« Ainsi le pain, selon eux, reste pain. C’est du pain dans leurs réunions, leurs agapes eucharistiques, mais pour ceux qui ont la foi et aiment le Christ, ils considèrent ce pain comme signe et moyen de vivre dans le Christ : le manger dans cette pensée, c’est progresser dans la connaissance du pain, on médite, on couve des yeux ce pain, on se rend compte de ce qu’est ce pain ! On va plus loin et on dit : ce pain, c’est noble, c’est nourrissant, ça nous signifie le Christ. Trans-signification du pain : ce n’est plus du pain pour manger à midi et le soir, c’est formidable, ce pain nous parle de Jésus comme de notre nourriture fondamentale et rassasiante ; puis, remarquant la transfinalisation  opérée par les paroles liturgiques, ce pain qui devient un Corps, ce vin qui devient un Sang et un Sang répandu, ce pain leur donne à penser que la vie spirituelle de l’homme est promise, par la communion, à une meilleure santé et croissance dans le Christ.

« Donc, c’est la réflexion sur le pain et le vin qui charge le pain et le vin d’une mission, d’un message, d’un appel, et qui éveille dans l’homme le désir de communier avec le Christ au Ciel. Le pain et le vin ont changé apparemment de signification dans la tête de l’intellectuel qui médite, et Jésus est hors de cause ! »

Le réalisme des prières de la Messe nous dit tout autre chose. Après avoir communié, le prêtre dit, en faisant ses ablutions : « Ce que notre bouche a reçu, Seigneur, que notre âme l’accueille avec pureté et que le don fait dans cette vie nous soit un remède pour la vie éternelle. » Puis, quand il verse de l’eau et du vin pour purifier le calice : « Corpus tuum Domine, quod sumpsi, et Sanguis quem potavi », « Votre Corps que j’ai mangé et votre Sang que j’ai bu, Seigneur, qu’ils adhèrent à mes entrailles. » Ce ne sont pas des “ espèces ” qui adhèrent aux entrailles !

Ce “ pain ”, nous le demandons dans le Notre Père, selon saint Matthieu comme selon saint Luc, qualifié epiousion, en grec, un mot qui a exercé l’imagination des exégètes, mais que nous font comprendre les paroles mêmes de Jésus dans le Discours sur le pain de vie qu’il prononça à Capharnaüm, après la multiplication des pains : « C’est mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du Ciel, le vrai ; car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du Ciel et qui donne la vie au monde. » C’est-à-dire Jésus lui-même qui se donne à nous dans la sainte Eucharistie, Pain véritable, Vin du salut hors desquels il n’y a point de salut ni de résurrection de la chair.

Pour une âme qui aime Jésus, une seule chose compte, c’est de recevoir en elle la Chair et le Sang du Christ, le Pain qui donne la vie éternelle et le Sang qui féconde les âmes. Dans ce même discours, Jésus en vient à dire aux juifs scandalisés de l’entendre vouloir nous faire manger sa Chair et boire son Sang, cela vous scandalise ? « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit, et elles sont vie. » (Jn 6, 63) Ce n’est donc pas pour un contact de chair à chair, comme si je mangeais de la viande, que je veux recevoir en moi le Corps et le Sang de Jésus-Christ, mais pour les bienfaits spirituels qu’ils m’apportent. C’est l’esprit qui donne à ce sacrement sa réalité, sa réalité divine.

La communion que Notre-Dame institue comme “ réparatrice ”, dans la dévotion des cinq premiers samedis est plus qu’une distribution de grâces et de dons, répondant à nos demandes d’assistance « maintenant et à l’heure de notre mort », mais une union physique.

La preuve en est que le monde n’est plus pur depuis qu’il n’a plus l’Eucharistie. L’Eucharistie est le pain « super-substantiel » (epiousion), le pain du salut, parce que c’est le Corps et le Sang de Jésus en toute vérité qui vient en notre corps, se mêle à notre sang dans une union physique exprimée dans toute sa vérité... physique ! par sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dans une parole immortelle : « Ah ! qu’il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme ! Ce fut un baiser d’amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : Je vous aime, je me donne à vous pour toujours.  Il n’y eut pas de demande, pas de lutte, de sacrifice ; depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s’étaient regardés et s’étaient compris... Ce jour-là ce n’était plus un regard, mais une fusion... ils n’étaient plus deux, Thérèse avait disparu, comme la goutte d’eau qui se perd dans l’océan. Jésus restait seul, il était le Maître, le Roi »... de Thérèse qui existe donc toujours... C’est une fusion, de deux êtres en « une seule chair », en un seul Cœur eucharistique.

« Thérèse ne lui avait-elle pas demandé de lui ôter sa liberté, car sa liberté lui faisait peur, elle se sentait si faible, si fragile que pour jamais elle voulait s’unir à la Force divine ! »

Mais pour être unie moralement à la Force divine, il fallait qu’elle soit unie physiquement à Jésus par le mystère de la Communion. Notre Père cite Lucie-Christine dont toute la vie fut une effusion eucharistique :

« 9 août 1885. Sainte communion. J’ai contemplé l’être adorable de Jésus se révélant à ma pauvre âme. Il m’instruisit ensuite sur l’un des ineffables mystères qui se passait dans la communion, à savoir par quel mode il repose et refait notre âme. » Comme l’a promis Notre-Seigneur : « Et ego reficiam vos. » (Mt 11, 28)

« Je vis que pour nous refaire, Notre-Seigneur Jésus-Christ s’applique lui-même tout entier à nous. » Comme le prophète Élie s’appliquait à cet enfant qui était mort, bouche contre bouche, cœur contre cœur, main contre main, pied contre pied, et l’enfant ressuscitait. C’était une figure de ce que Jésus voudra faire pour nous.

« Il nous applique son humanité sainte dans laquelle la divinité est infuse, son Cœur à notre cœur, son esprit à notre esprit, sa volonté à notre volonté, sa mémoire à notre mémoire, la faculté qu’il a eue de souffrir à notre nature souffrante, sa chair très pure et son sang divinisé à notre chair maligne et à notre sang pervers ou troublé.

« Ainsi, son Amour l’étendant à tout nous-mêmes, il nous refait, il nous réforme et nous régénère par le mode le plus simple et le plus sublime, par l’application, par le don de tout ce qu’il est, à tout ce que nous sommes. »

Ce ne sont pas des mots. C’est la description d’une œuvre corporelle de pénétration, d’interpénétration, de communication intime de deux êtres, organe contre organe, action pour action, compréhension. « Qu’implique donc toute la révélation biblique, disait notre Père, sinon ce nourrissement de l’âme par le Corps vivant et personnel de Jésus-Christ, et sa purification et son ivresse spirituelle par la communication de son Sang transfusé dans le nôtre ? »

« Je dirai que c’est une transfusion, disait encore notre Père, comme on transfuse le sang d’un homme dans un malheureux qui va mourir, afin de le ramener à la vie, ou de le purifier de sa maladie. »

Dans la même pensée, le pape François invitait des prêtres qui fêtaient un jubilé à « sentir comment bat le cœur de notre Père. Nous pouvons imaginer que la miséricorde en jaillit comme du sang. Qu’il sort nous chercher, nous pécheurs, qu’il nous attire à lui, nous purifie et nous relance, renouvelés vers toutes les périphéries, pour faire miséricorde à tous. Son Sang est le Sang du Christ, sang de la Nouvelle et Éternelle Alliance de miséricorde, versé pour nous et pour tous, en rémission des péchés. Ce Sang, nous le contemplons, tandis qu’il entre et sort de son Cœur comme du Cœur du Père. C’est notre unique trésor, l’unique chose que nous ayons à offrir au monde : le Sang qui purifie et purifie tout ainsi que tous. Le Sang du Seigneur qui pardonne les péchés. Le Sang qui est vraie boisson, qui ressuscite et donne la vie à ce qui est mort à cause du péché. » (2 juin 2016)

« “ La chair ne sert de rien ”, répétait notre Père, mais vous voyez quand même qu’elle a une efficacité pour transmettre les volontés de l’âme à l’âme à laquelle elle s’unit corporellement : “ La chair ne sert de rien, c’est l’esprit qui vivifie ! Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie ”. » Or, que disent ces paroles ? Qu’il faudra manger ce Corps et boire ce Sang si vous voulez avoir la vie éternelle en vous. Pourquoi ce détour du Corps et du Sang ? Parce qu’ils sont le fruit béni des entrailles virginales de Marie et de son Cœur Immaculé. Et que Dieu a créé le froment et la vigne pour en nourrir ses créatures jusqu’à la fin des temps.

CŒUR EUCHARISTIQUE DE JÉSUS-MARIE

La Vierge est source de vie, mère de ce Poisson (icthus) merveilleux qu’est Jésus-Christ, Fils de Dieu Sauveur (Iesus Christos Théou Uios Sôter), qui contient tous les poissons que nous sommes, c’est-à-dire les sauvés des eaux du monde mauvais.

Dieu est vivant, il est un vivant, et ce vivant est trois Personnes. Essayons de suivre le Saint-Père dans ce qu’il appelle « la fissure par laquelle nous est donnée la surprenante possibilité de percevoir la profondeur de l’amour des Personnes de la Sainte Trinité pour nous » ( no 2). On voit bien le Père se tourner vers le Fils et le Saint-Esprit, et parler des hommes avec pitié. Comment les trois Personnes de toute pureté, de toute sainteté, de toute louange de gloire, peuvent-elles sortir de leur Paradis, ouvrir la fenêtre du Ciel et regarder cette masse humaine qui marche à l’Enfer, après le péché affreux d’Adam et Ève, et court à sa perte comme les anges révoltés ?

C’est que quelqu’un apparaît là. Elle paraît en une place éminente, non par rapport à Dieu, mais éminente par rapport à cette humanité qui se perd. C’est comme une petite lumière vue d’avion, isolée dans la masse sombre d’un pays encore endormi. La Vierge Marie, que Dieu a conçue de toute éternité, est d’une telle splendeur qu’en elle il trouve toutes ses complaisances. Le Père la regarde comme sa fille, le Fils sait qu’elle lui est promise comme Épouse, et le Saint-Esprit comme temple, sanctuaire, intime amie... Ce mystère de « la Femme » (Gn 3, 15) apparaît dans les premières pages de la Genèse et reparaît aux dernières pages de l’Apocalypse. Elle émeut le Cœur de Dieu, les trois Cœurs des trois Personnes divines qui n’en font qu’un. C’est elle la Médiatrice qui assure le passage de cet abîme qui sépare l’infinie sainteté de Dieu et l’ignoble déchéance de l’humanité à laquelle nous appartenons tous.

C’est elle l’Auxiliatrice de nos prières et la Médiatrice de la grâce de Dieu. En regardant Celle qui est tout pour Eux, le Père, le Fils et le Saint-Esprit passent de la colère à la pitié, disant : « Faisons le salut du genre humain. »

Notre Père nous disait : « Deux êtres bien mystérieux ne nous quitteront plus jamais, j’espère : la Sainte Vierge, notre Médiatrice et Jésus Eucharistie. » Ils nous sont apparus inséparables dans une épiphanie mariale et eucharistique dont Lucie fut favorisée à Tuy le 13 juin 1929. Que vit Lucie ? Le Père dans les Cieux, l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe, et le Christ crucifié sur une grande Croix de lumière ; comme la nôtre, dans notre chapelle, elle fait corps avec l’autel, pour montrer qu’elle ne fait qu’un avec lui. Du sang coule des plaies de Notre-Seigneur. Le sang des mains tombe jusqu’à terre, mais c’est comme un fleuve qui a pour nom « Grâce et Miséricorde ». De l’autre côté, tombant de la tête couronnée d’épines et de la plaie du côté transpercé, le Sang tombe dans le calice au-dessus duquel l’Hostie apparaît immobile. C’est dire que le Saint-Sacrifice de la Messe n’est rien d’autre que la répétition, la réitération du Saint-Sacrifice de la Croix. La Vierge Marie est là tout près, qui se tient au pied de ce crucifix comme elle se tenait au pied de la Croix de Jésus, le Vendredi saint, au Calvaire. Elle tient dans sa main le chapelet qu’elle nous tend, et de l’autre main elle tient son Cœur Immaculé afin que nous sachions que c’est par elle, notre Médiatrice, que nous obtenons toutes grâces et, pour parler comme le pape François qu’elle est l’Auxiliatrice de tous les êtres humains, oui : tous, tous, tous, afin que, s’il est possible, tous aillent au Ciel ! Elle, plus encore que les anges, monte les degrés de l’échelle de Jacob pour porter, par son Fils, au Père nos prières et sacrifices. C’est elle qui nous distribue les grâces obtenues par le Christ sur la Croix.

Telle est la messe, tel est le saint Sacrifice où la Vierge nous enfante après nous avoir enfantés dans la douleur au pied de la Croix. À chaque messe, elle revit cet enfantement et intercède, comme jadis à Cana, comme le Pape le rappelle dans la Consécration au Cœur Immaculé de Marie qu’il a prononcée le 25 mars :

« Nous mettons notre confiance en toi. Nous sommes certains que tu ne méprises pas nos supplications et que tu viens à notre aide, en particulier au moment de l’épreuve. C’est ce que tu as fait à ceux de Galilée, quand tu as hâté l’heure de l’intervention de Jésus et as introduit son premier signe dans le monde. Quand la fête est devenue triste, tu lui as dit :  Ils n’ont plus de vin.  Répète-le encore à Dieu, ô Mère, car aujourd’hui nous avons épuisé le vin de l’espérance, la joie s’est dissipée, la fraternité s’est édulcorée. »

Le pape François met en œuvre son « symbolisme ». Notre Père était plus concret, réaliste, mais il faisait aussi appel au « symbolisme » : « Dans l’Évangile de Jean, aux noces de Cana, la Femme qui est puissante sur le Cœur de Dieu, c’est cette humble servante de Dieu qui s’appelle Marie, qui est inconnue de tous, qui est l’amie de jeunes épousés au jour de leurs noces, et qui demande à Dieu de faire le plus grand miracle. Ce miracle est déjà le symbole du vrai miracle : celui de l’Eucharistie, où le Sang du Christ deviendra boisson pour le monde entier. »

Le « symbole » annonce avec puissance la Nou­velle et Éternelle Alliance que va sceller ce Sang Précieux. Saint Jean le fait comprendre en rapportant le propos de l’intendant du festin disant à l’époux : « Quel est ce vin que tu nous as donné là ? C’est le meilleur, on aurait dû le donner les premiers jours. Tu fais le contraire de ce qu’on a toujours fait. » Jésus apporte maintenant la perfection de la religion après les siècles de l’Ancienne Alliance.

Mais notre Père y voyait autre chose que nous pouvons apporter en commentaire au numéro 12 de la Lettre apostolique de François : « Notre première rencontre avec sa Pâque est l’événement qui marque la vie de nous tous, croyants dans le Christ : notre baptême. » La pensée du Pape suit exactement le mouvement de celle de notre Père, qui nous disait, il y a trente ans, dans une homélie du 14 janvier 1990 : la Sainte Vierge avait demandé à Jésus de donner du vin à tous ces gens-là. Lui a pris de l’eau, il l’a changée en vin. Mais l’eau, pour les chrétiens, est déjà, comme pour la Sainte Vierge maîtresse de sagesse, le moyen de purifier les vases mais aussi les corps, et seulement les corps. Elle ne purifie pas l’âme. Or, l’eau changée en vin, c’est le signe de l’eau du baptême changée dans le Sang du Christ. Il faudra que le Christ donne son Sang pour que la religion parfaite soit instaurée.

En pensant au baptême, le pape François s’émeut : « La prière pour la bénédiction de l’eau baptismale nous révèle que Dieu a créé l’eau précisément en pensant au baptême. » ( no 13) Mais notre Père va plus loin : « Quand tous ces gens-là buvaient ce vin en disant qu’il était exquis, la Vierge Marie avait un poignard dans le Cœur, se disant que c’était elle qui était cause de cela, que c’était elle qui lui avait demandé ce miracle, ce signe, et c’est elle qui est cause qu’un jour, il versera tout son Sang pour que les hommes puissent s’en enivrer. Elle a vu la Passion comme saint Jean la voit en racontant la chose. »

La Nouvelle Alliance sera précisément un repas de noces et, dans ce repas de noces, Jésus donnera son Sang à ces malheureux époux humains. Ainsi, le mariage est devenu un très grand sacrement. Il leur donnera, pour vivre heureux, et tous ceux qui les entourent, un vin mystique qui sera son propre Sang dans la sainte communion.

Ces deux grands mystères de notre religion sont ainsi associés à la demande de la Vierge Marie. C’est par la Vierge Marie que Jésus a été enfanté et nourri. Elle lui a donné son lait et, par cela même, il est devenu le Rédempteur du genre humain, versant son Sang pour l’humanité.

Notre Père trouvait merveilleuse cette journée de noces : « Quelle bonté Notre-Seigneur a eue de faire un tel miracle, de cette manière-là, dans ce milieu-là, c’est-à-dire dans des noces ! Ce paysan de Cana et cette petite paysanne, pour Jésus et Marie, étaient l’image de qui ? De Lui et d’Elle ! Ce garçon, là, avec son épouse, étaient maintenant unis pour la vie. Comme vous et moi, ma Mère, nous sommes unis indissolublement. Je suis le nouvel Adam, Vous êtes la nouvelle Ève et nous nous aimons. Eux, ils ont droit à prendre part à notre amour. »

Regardons la porte de notre tabernacle où se trouvent sculptés les deux Cœurs, le Cœur Sacré de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie. Elle est tout pour Lui comme il est tout pour Elle. « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »

Voilà ce qui fonde notre confiance, éperdue, totale en la Vierge Marie. Elle sait nos besoins, elle ne demande qu’à les satisfaire, elle n’a qu’à les dire à Jésus et sans même demander, elle est sûre de recevoir et de nous donner la grâce dont nous avons besoin.

frère Bruno de Jésus-Marie