Il est ressuscité !

N° 199 – Juin 2019

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Évangile du Cœur Immaculé de Marie (2)

« Le 13 juin 1917, après avoir récité le chapelet avec Jacinthe, François et une cinquantaine d’autres personnes qui étaient présentes, nous vîmes de nouveau le reflet de la lumière qui s’approchait (ce que nous appelions l’éclair) et, ensuite, Notre-Dame, sur le chêne-vert, tout comme au mois de mai. » Un témoin dira que « les branches de l’arbuste ployèrent en rond de tous les côtés, comme si le poids de Notre-Dame avait réellement porté sur elles ».

« Que veut de moi Votre Grâce ? demandai-je.

 Je veux que vous veniez ici le 13 du mois prochain, que vous disiez le chapelet tous les jours et que vous appreniez à lire. Ensuite, je vous dirai ce que je veux. »

« Je demandai la guérison d’un malade.

 S’il se convertit, il sera guéri durant l’année.

 Je voudrais vous demander de nous emmener au Ciel.

 Oui, Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt mais toi, Lucie, tu resteras ici pendant un certain temps. Jésus veut se servir de toi afin de me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. À qui embrassera cette dévotion, je promets le salut, ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par Moi pour orner son trône.

 Je vais rester ici toute seule ? demandai-je avec peine.

 Non, ma fille. Tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu.

« Ce fut au moment où Elle prononça ces dernières paroles qu’Elle ouvrit les mains et nous communiqua, pour la deuxième fois, le reflet de cette lumière immense. En Elle, nous nous vîmes comme submergés en Dieu. Jacinthe et François paraissaient être dans la partie de cette lumière qui s’élevait vers le Ciel, et moi dans celle qui se répandait sur la terre.

« Devant la paume de la main droite de Notre-Dame se trouvait un Cœur, entouré d’épines qui semblaient s’y enfoncer. Nous avons compris que c’était le Cœur Immaculé de Marie, outragé par les péchés de l’humanité, qui demandait réparation. »

« Il me semble que ce jour-là, écrit Lucie, ce reflet avait pour but principal de mettre en nous une connaissance et un amour spécial envers le Cœur Immaculé de Marie ; de même que les deux autres fois, il avait eu ce même but, mais par rapport à Dieu et au mystère de la très Sainte Trinité. Depuis ce jour, nous sentîmes au cœur un amour plus ardent envers le Cœur Immaculé de Marie. »

COURONNÉ D’ÉPINES

Selon l’empreinte laissée sur le Saint Suaire, il est manifeste que Jésus a été coiffé par une sorte de bonnet d’épines. Ce traitement, unique dans tous les témoignages que nous pouvons avoir sur la crucifixion dans l’Antiquité, est l’écho direct du dialogue de Pilate avec Jésus revendiquant hautement sa royauté messianique. Les soldats chargés de le flageller l’avaient entendu répondre : « Tu le dis : Je suis Roi. » (Jn 18, 37) Ils en témoignent de cette cruelle façon.

Au Cœur, c’est le coup de lance qui a laissé une plaie béante par où le Corps s’est vidé de son Sang.

Cette couronne d’épines qui s’enfoncent dans le Cœur Immaculé de Marie est, elle aussi, un écho de la royauté revendiquée par Marie en 1830. Elle commence à l’exercer le 18 juillet, dans la chapelle de la rue du Bac, au milieu de la nuit : la Sainte Vierge prévient sœur Catherine Labouré, toute jeune novice des Sœurs de la Charité, que les malheurs s’apprêtent à fondre sur la France.

« Mais venez au pied de cet autel, là les grâces seront répandues sur toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur ; elles seront répandues sur les grands et sur les petits...

« Le moment viendra où le danger sera grand, on croira tout perdu, là, je serai avec vous, ayez confiance. »

Mais c’est lors de la grande révélation du 27 novembre de cette même année 1830 qu’elle va montrer qui elle est et ce qu’elle veut : elle tient dans ses mains une boule d’or surmontée d’une petite croix d’or. Sœur Catherine entend alors une voix intérieure lui dire : « Cette boule que vous voyez représente le monde entier, particulièrement la France et chaque personne en particulier. »

Faire connaître et aimer cette « Vierge au globe, Reine de l’univers », sera le tourment de la vie de sainte Catherine Labouré, elle dira même un jour son « martyre ». Ce n’est qu’en 1876, l’année même de sa mort, qu’elle obtiendra de ses supérieurs qu’une statue soit sculptée selon ses indications !

Après le refus des rois de France, nous allons voir l’incompréhension, l’opposition, voire le refus des autorités ecclésiastiques d’obéir aux volontés du Ciel lors de chacune des cinq grandes apparitions du siècle. La Sainte Vierge en avait prévenu sa confidente : « Mon enfant, le Bon Dieu veut vous charger d’une mission. Vous serez contredite mais vous aurez la grâce. »

Le premier “ souci ” de la Sainte Vierge est le relâchement de la communauté des sœurs : « Il y a de grands abus, la Règle n’est pas observée, la régularité laisse à désirer. Il y a un grand relâchement dans les deux communautés. Dites-le à celui qui est chargé de vous... »

Ainsi le mal ronge non seulement la société civile, mais la Sainte Église elle-même, et jusque dans les congrégations religieuses. Terrible révélation des cœurs !

Mais à ceux qui se réfugient auprès d’elle, implorant son secours, l’Immaculée voulait donner un moyen sûr et infaillible, accessible à tous, pour traverser ces temps difficiles où « on croirait tout perdu » : la Médaille miraculeuse.

« Faites, faites frapper une médaille sur ce modèle ; les personnes qui la porteront avec piété recevront de grandes grâces, surtout en la portant au cou. » C’est-à-dire ostensiblement, comme une reconnaissance publique de la royauté de Marie et de sa souveraineté sur chaque personne de la société.

« Les grâces seront abondantes pour les personnes qui auront confiance. »

Ce don fait à son peuple orphelin de son Roi Jésus depuis la chute de son lieutenant Charles X, était une source de grâces, de guérisons, de persévérance dans la foi et une promesse de salut. Par ce « signe », la Vierge Immaculée publiait sa volonté de reconquérir son royaume.

En effet, dit sœur Catherine, « le tableau parut se retourner ». Alors, elle vit au revers la lettre M surmontée d’une croix, ayant à sa base une barre, qui représente l’autel du Saint-Sacrifice de la messe. Au-dessous du monogramme de Marie, les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, le premier entouré d’une couronne d’épines et le second transpercé d’un glaive.

Plutôt que le rappel des outrages passés de la Passion du Seigneur et de la compassion de sa Divine Mère, que nous lisons dans l’Évangile, c’est la représentation des indifférences qui ont répondu aux révélations de Paray-le-Monial, et des sacrilèges de la Révolution. Bien plus : malgré les innombrables prodiges accomplis par la “ Médaille miraculeuse ”, et l’immense mouvement de conversions, le réveil de la prière et de la dévotion qu’elle suscita dans son peuple catholique et français toujours, notre Reine se voit méprisée par les supérieurs qui persisteront dans leur refus... jusqu’aujourd’hui !

Pourtant, la Reine de France, Notre-Dame, ne cesse depuis de manifester sa puissance, malgré les mépris des autorités constituées, comme pour nous signifier : « Puisque vous ne voulez pas de mes grâces ici, j’irai plus loin, mais quoi que vous fassiez, je ne vous abandonnerai jamais ! »

Sa stratégie est celle d’une guerre de mouvement. De la rue du Bac, elle se retranche au sanctuaire parisien de Notre-Dame des Victoires dont le curé se montre docile à la voix entendue pendant qu’il célébrait la messe : « Consacre ta paroisse au très Saint et Immaculé Cœur de Marie. » C’était le samedi 3 décembre 1836. Le dimanche 11 décembre, il obéit. La conversion fut immédiate et spectaculaire.

L’archiconfrérie qu’il fonda eut un rôle considérable dans l’essor des missions du dix-neuvième siècle, étendant sa victoire sur Satan dans le monde entier par des ordres religieux qui lui doivent leur fondation ou leur essor, en premier lieu les Pères du Saint-Esprit et du Cœur Immaculé de Marie pour les peuples noirs, les Oblats de Marie Immaculée au Canada, dans le Grand-Nord, aux Indes. On lui doit aussi la conversion d’Alphonse Ratisbonne en 1842, à qui Elle apparut à Rome, « telle que sur ma médaille », s’écria-t-il. Sans oublier Hermann Cohen, en 1847, instituant aussitôt l’Adoration nocturne de la basilique de Notre-Dame des Victoires.

Cependant, après tant de grâces, la France ne s’est toujours pas convertie à l’appel de sa Reine. Ses nouvelles élites demeurent libérales et jouisseuses. Et le peuple lui-même est en passe de perdre son âme par ses blasphèmes et ses transgressions de la loi de Dieu. La couronne d’épines déchire le Cœur Immaculé de sa Reine. Le 19 septembre 1846, elle apparaît dans les Alpes à deux petits bergers, Mélanie et Maximin, appelant son peuple de France à la conversion :

« Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si lourd et si pesant que je ne puis plus le retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous ; et vous autres, vous n’en faites pas cas ! Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous ! »

Soudain, elle s’identifie à la Sagesse préexistante, assistant Yahweh dans l’œuvre de la Création avant le péché originel : « Je vous ai donné six jours pour travailler. Je me suis réservé le septième et on ne veut pas me l’accorder. C’est ça qui appesantit tant le bras de mon Fils. » Elle fonde ainsi par avance le dogme de l’Immaculée Conception que le saint pape Pie IX définit le 8 décembre 1854. Et Elle le confirme à Lourdes, le 25 mars 1858.

Pourquoi Lourdes ? Parce que la chapelle de la rue du Bac, à Paris, n’est toujours pas ouverte aux volontés de la “ Vierge au globe ”. Sainte ­Catherine Labouré s’en désolait. On a retrouvé, après sa mort, une note de sa main, datée de janvier 1858 :

« Ma bonne Mère, jusqu’ici on ne veut pas faire ce que vous voulez, ­manifestez-vous ailleurs. »

Le mois suivant, l’Immaculée apparaissait à la grotte de ­Massabielle.

La Reine de France délaisse donc le cœur de sa capitale où l’on ne veut pas d’Elle et s’exile dans les montagnes de son royaume. Du 11 février au 16 juillet 1858, elle exhorte Bernadette à la prière et à la pénitence, « pour les pécheurs ». Au petit matin du 25 mars, en la fête de l’Annonciation, « la Dame se tenait debout au-dessus de l’églantier, et se montrait comme elle se montre dans la Médaille miraculeuse ». Bernadette lui demande son nom : « À ma troisième demande, elle prit un air grave et parut s’humilier. Elle joignit ensuite ses mains et les porta sur le haut de sa poitrine, comme pour réprimer les battements de son cœur :

 “ Que soy er’immaculado counceptiou. »
« Je suis l’Immaculée Conception. »

C’est la révélation de son Nom qui emporta ­l’adhésion de l’abbé Peyramale. À partir de ce jour, il se fera son parfait instrument, défendant vigoureusement Bernadette contre les menées odieuses de certains fonctionnaires, que l’on croit généralement anticléricaux, mais qui sont en réalité de ces « mauvais catholiques » que Bernadette craignait davantage que les Prussiens : les catholiques libéraux.

Les épines qui s’enfoncent dans le Cœur Im­­maculé de Marie, ce sont eux. Ils sont la revanche du diable sur l’intervention victorieuse de la Vierge Marie, Reine de France, en Personne, pour reconquérir son Royaume par des miracles éclatants.

En 1866, l’abbé Peyramale demande des auxiliaires à son évêque. Celui-ci lui envoie les Missionnaires de Garaison, conduits par le Père Sempé, prêtre libéral qui modifie l’esprit du pèlerinage, en écarte Peyramale et le Père Marie-Antoine, le capucin de Toulouse qui disait aux pèlerins :

« C’est l’Immaculée Conception de Pie IX et de la Grotte de Lourdes qui doit tuer la Révolution et sauver le monde. »

En 1878, le nouvel évêque de Lourdes, avec l’approbation de Léon XIII, entreprend de faire écrire une nouvelle histoire des événements destinée à supplanter l’ouvrage du légitimiste Henri Lasserre, lui-même miraculé de l’eau de la Grotte, qui avait contribué jusque-là au rayonnement mondial des apparitions avec l’approbation enthousiaste de Pie IX.

L’Immaculée ayant été dépossédée de son sanctuaire avant d’avoir achevé son œuvre et livré son secret, la France ne se convertit toujours pas, et c’est l’Église tout entière qui en pâtit. Comme l’avait prophétisé saint Benoît-Joseph Labre, après saint Louis-Marie Grignion de Montfort.

AU FEU ! AU FEU DANS LA MAISON DE DIEU !

Le mardi 16 avril 2019, en la fête de saint Benoît-Joseph Labre, la nouvelle de l’incendie de la cathédrale de Paris nous rappelle ce qu’annonçait ce saint quelque temps avant sa mort :

C’était surtout au sujet de la France qu’il était inquiet. Souvent, rapporte l’abbé Marconi, « il m’a dit qu’il voyait le feu parcourir d’un lieu à un autre les divers endroits où il avait logé durant ses voyages en France. “ Je vois le monde tout en feu, disait-il, des désordres considérables, de grands carnages et des massacres. La religion et les personnes consacrées à Dieu sont surtout en butte à la fureur des méchants. ” D’autres fois, il voyait le Saint-Sacrement comme cou­vert d’immondices ; les larmes lui coulaient des yeux à cette pensée. Il me répéta cette confidence dans sa dernière confession, ajoutant que la pénitence seule pouvait désarmer la colère de Dieu. »

Cette prophétie date de 1783. Dix ans plus tard, la fureur des révolutionnaires ravageait la France, comme un feu dévorant... Par ses prières et ses pénitences, Benoît-Joseph avait été de ces âmes victimes qui s’of­frent à Dieu pour le salut du peuple. “ Le pèlerin français ” mourut à Rome, le Mercredi saint 16 avril 1783. À l’heure précise où il expirait, les cloches de la Ville éternelle s’ébranlèrent, donnant le signal de la triple récitation du Salve Regina, prescrite par le Pape pour écarter les fléaux de l’Église ! C’étaient les cloches de la Résurrection qui sonnaient pour l’entrée au Ciel de l’enfant du pays d’Amettes en Artois. La nouvelle de sa mort se répandit comme une traînée de poudre : Le saint est mort ! Le saint est mort ! Des dizaines de miracles se produisirent sur son tombeau.

Nous attendons celui de la Résurrection de l’Église dont la reconstruction de Notre-Dame de Paris donnera le signal.

frère Bruno de Jésus-Marie.