L’ÉGLISE en ce 11e dimanche du temps ordinaire nous donne à méditer deux petites paraboles de Notre Seigneur. Les paraboles sont un enseignement d’une richesse prodigieuse. Pour bien comprendre cet enseignement de Jésus, il faut revenir au début de ce chapitre 4 où saint Marc nous présente la scène : 1 « Jésus se mit de nouveau à enseigner au bord de la mer et une foule très nombreuse s’assemble auprès de lui, si bien qu’il monte dans une barque et s’y assied, en mer. »

Nous sommes toujours dans les mystères joyeux de la Galilée et pourtant pharisiens et hérodiens se donnent rendez-vous pour discuter de Jésus, s’entretenir de la manière dont ils pourront le supprimer. Ils se réunissent contre lui en vue de le perdre. Cela suppose que déjà les âmes avaient choisi leur chemin, que déjà les impies étaient contre le Dieu de l’Ancien Testament, infidèles à la loi ancienne, dressés contre la loi de Moïse et que Notre-Seigneur arrivant n’est que le signe de contradiction qui révèle le fond des cœurs.

C’est ce qui explique pourquoi Notre-Seigneur se trouve de plus en plus mal à l’aise dans les synagogues. Et particulièrement le jour du sabbat où on s’y assemble et où tous ses ennemis sont là au grand complet. Notre-Seigneur se sent épié, les questions qu’on lui pose sont des pièges. Alors Notre-Seigneur se trouve bien mieux quand il est au bord de la mer ou dans la montagne. Ici, il est au bord de la mer et il y a une multitude qui lui fait oublier les espions disséminés dans cette multitude. C’est le peuple de Galilée pour lequel il est venu prêcher l’Évangile. Il explique le règne de Dieu en paraboles apparemment très simples, mais dans lesquelles il y a toujours quelque chose d’énigmatique, de très sublime qui est caché, comme celle que nous allons méditer aujourd’hui :

26 « Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre : qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse, sans qu’il s’en aperçoive. »

Donc, un homme jette du grain en terre et, qu’il lui arrive de dormir et qu’il lui arrive de se relever de sa couche, « de nuit et de jour, la semence germe et pousse sans qu’il s’en aperçoive. »

28 D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, puis plein de blé dans l’épi. 29 Et quand le fruit s’y prête, aussitôt il y met la faucille, parce que la moisson est à point. »

C’est charmant, mais aussi d’une extrême profondeur. Qui est cet homme ? C’est Jésus. Il vient, il sème la Parole en Galilée. Puis, il va dormir du sommeil de la mort. Enfin, il se redressera, ressuscité. De jour et de nuit, c’est-à-dire que pendant la nuit de son sommeil ou dans son tombeau, la Parole est là dans la terre. Et le règne de Dieu va continuer que Jésus soit là ou qu’il ne soit pas là. Ainsi, il y aura des siècles où l’Église triomphera et des siècles où Jésus semblera mourir avec son Église et disparaître, cela ne fait rien. De la même manière à travers les siècles, on croira que Jésus dort, mais il est toujours présent ; et il sait très bien que la semence ainsi semée dans les cœurs va grandir jusqu’au moment de la moisson où il pourra récolter son bon grain. Vous voyez comment une petite parabole bien interprétée parle à notre imagination. Cette parabole est l’annonce de ce que sera le règne de Dieu, du temps du Christ, du temps de sa mort et de sa résurrection, et enfin de notre temps encore aujourd’hui, c’est plein d’optimisme ! Et c’est dire que tant que nos cœurs seront pleins de la Parole de Dieu, le règne de Dieu subsistera jusqu’au moment de la moisson.

La Parabole du grain de sénevé est aussi bien connue parce qu’elle est très claire. Et c’est toujours la même idée de la croissance mystérieuse d’une toute petite chose.

30 Jésus disait : « Comment allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Ou par quelle parabole allons-nous le figurer ? »

Vous voulez encore une histoire ? Que vais-je inventer ? Eh bien ! nous dirons que le règne de Dieu est comme un grain de sénevé, un grain de figuier si nous en croyons le père de Marie Noël qui avait fait du grec et qui pensait qu’avec un petit changement de lettre, on passait de sénevé à figuier. De fait, les graines de figuiers sont extraordinairement petites et elles donnent de grands arbres.

31 C’est comme un grain de sénevé qui, lorsqu’on le sème sur la terre, est la plus petite de toutes les graines qui sont sur la terre ; 32 mais une fois semé, il monte et devient la plus grande de toutes les plantes potagères, et il pousse de grandes branches, au point que les oiseaux du ciel peuvent s’abriter sous son ombre. »

Jésus à ce moment-là, après une année de ministère, explique que ce qu’il est en train de faire est une toute petite chose. La Parole qu’il annonce là dans un coin de la terre est une toute petite élaboration d’un règne. Ce règne va pourtant grandir, remplir la terre et tous les oiseaux du ciel qui le voudront viendront s’y nicher, c’est-à-dire toutes les races, tous les peuples, toutes les âmes pourront venir là s’abriter sous son ombre.

33 C’est par un grand nombre de paraboles de ce genre qu’il leur annonçait la Parole selon qu’ils pouvaient l’entendre ; 34 et il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples.

Nous avons vu à quel point ces petites paraboles sont extrêmement évocatrices du règne spirituel que Jésus inaugure et du mystère de l’Église à venir. Le règne de Dieu n’est pas une institution, ni une armée ou un état. Ce n’est pas le peuple juif en tant que tel qui va retrouver son indépendance, qui aura ses chefs religieux, son roi politique et son armée.

Alors en quoi consiste-t-il ? Eh bien ! c’est dans une chose impalpable : c’est la parole que Jésus profère. Elle sort de sa bouche et est accueillie par les oreilles de ceux qui l’écoutent. Quand il sème la parole, il se fait une inhabitation de quelque chose de divin dans chaque âme qui le reçoit ou le rejette selon la grâce et les dispositions de chacun.

Abbé Georges de Nantes S 90  : L’Évangile selon saint Marc, retraite automne 1986
IIIe instruction : Le règne de Dieu en paraboles