L'Évangile de saint Marc

V. Les ministères laborieux de la prédication évangélique :
L'annonce de la Croix

NOUS atteignons le noyau central de l’Évangile de Marc. Notre Seigneur a suscité un grand intérêt pour la parole divine, la Bonne Nouvelle de Dieu, et les cœurs se sont ouverts à ce désir du règne de Dieu sur la terre. Seulement, Jésus parle en paraboles parce qu’il doit arracher ce peuple à cette glue des satisfactions terrestres, puis, peu à peu lui donner le sentiment des réalités spirituelles. La parabole se médite, elle est comme une semence qui va germer dans le cœur et, à travers les mois et les années, sous l’influence de l’Esprit Saint, les hommes s’ouvriront à la plénitude de la vérité.

Notre-Seigneur s’est mis par la suite en avant, en pleine lumière. Il veut que l’on fixe sur lui le regard pour enfin avoir la foi en lui. Au moment où cette foi en lui peut-être conçue par les Apôtres, il va les prendre à part pour leur poser la question de confiance. Nous entrons donc dans une nouvelle période de l’Évangile. Jésus a quitté la Galilée et l’a quittée avec cette opposition, ce complot des Pharisiens et des Hérodiens qui trament déjà sa mort. [...]

Jésus et la femme syro-phénicienne

Christ prêchant24 Partant de là, il s’en alla dans le territoire de Tyr. Etant entré dans une maison, il ne voulait pas que personne le sût, mais il ne put rester ignoré. 25 Car aussitôt une femme, dont la petite fille avait un esprit impur, entendit parler de lui et vint se jeter à ses pieds. 26 Cette femme était grecque, syro phénicienne de naissance, et elle le priait d’expulser le démon hors de sa fille. 27 Et il lui disait : “ Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. ” Jésus est le Fils de l’homme prédit par Daniel qui doit instaurer le règne de Dieu dans le peuple élu. Il est le Fils de David, fidèle à l’alliance de Moïse, fidèle en ce sens que c’est aux juifs qu’il s’adresse d’abord. Mais parmi la tradition prophétique, il s’inscrit dans la tradition universaliste qui annonce qu’un temps viendra et ce sera le temps du Messie, où cette alliance sera offerte à tous les peuples. Jésus n’est pas raciste. Il est pour le privilège qu’on reconnaît au peuple juif et le dit de manière aimable à cette femme. Comme les juifs traitaient les païens de chiens, Jésus fait alors un mot d’esprit, qui cache une chose sublime. Cette païenne avec son intuition de femme de grande foi et son cœur pur a très bien compris.

28 Mais elle de répliquer et de lui dire : “ Oui, Seigneur ! et les petits chiens sous la table mangent les miettes des enfants ! ” Elle veut dire qu’entre ces deux peuples, les grecs et les juifs, il n’y a pas d’antagonisme, mais il y a subordination.

29 Alors il lui dit : “ À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. ” 30 Elle retourna dans sa maison et trouva l’enfant étendue sur son lit et le démon parti. Par ce miracle qu’une femme lui a arraché à force de foi, Notre Seigneur a fait le plus simplement du monde cette énorme révolution religieuse de réconcilier les Grecs avec les juifs. Une page se tourne.

EN DÉCAPOLE - GUÉRISON D’UN SOURD-BÈGUE

31 S’en retournant du territoire de Tyr, il vint par Sidon vers la mer de Galilée, à travers le territoire de la Décapole. 32 Et on lui amène un sourd, qui de plus, parlait difficilement, et on le prie de lui imposer la main. 33 Le prenant hors de la foule, à part, il lui mit ses doigts dans les oreilles et avec sa salive lui toucha la langue. 34 Puis, levant les yeux au ciel, il poussa un gémissement et lui dit : “ Ephphatha ”, c’est-à-dire : “ Ouvre-toi ! ” 35 Et ses oreilles s’ouvrirent et aussitôt le lien de sa langue se dénoua et il parlait correctement. [...] Jésus montre comment son corps est un instrument nécessaire de la puissance de son Esprit. On voit le geste et on médite. C’est une parabole en action. Jésus prend quelque chose dans le ciel, fait cet effort à l’aide de ses mains, puis dit cette parole : « ouvre-toi ».

36 Et Jésus leur recommanda de ne dire la chose à personne ; mais plus il le leur recommandait, de plus belle ils la proclamaient.[…] Jésus ne veut pas que ses miracles soient célébrés partout avant que l’on ait écouté sa Parole, mais qu’ils ne soient connus que par les gens qui, en même temps, écoutent la parole et l’interprètent. Sans cela, Jésus va paraître un thaumaturge.

37 Ils étaient frappés au-delà de toute mesure et disaient : “ Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. ” Cette magnifique parole résonne encore à nos oreilles lors de l’ancien rite du baptême. Le prêtre prend de sa propre salive pour mettre sur les oreilles, les narines et la bouche de l’enfant en disant : « Ephphata, ouvre-toi ». La liturgie d’aujourd’hui est la continuation de ce rite comme sacramental, dont Jésus nous a donné le premier l’exemple.

Seconde multiplication des pains

8 En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une foule nombreuse et qu’ils n’avaient pas de quoi manger, il appela à lui ses disciples et leur dit : “ J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas de quoi manger. [...] Les deux multiplications des pains ont eu lieu dans des conditions à peu près semblables. Saint Marc a tenu à les raconter l’une après l’autre parce que Jésus attribue à ce redoublement de ce même miracle, une grande valeur. Il annonce de manière figurative le sacrement de l’Eucharistie. Cette fois-ci, Jésus s’inquiète,

Si je les renvoie à jeun chez eux, ils vont défaillir en route, et il y en a parmi eux qui sont venus de loin. ” 4 Ses disciples lui répondirent : “ Où prendre de quoi rassasier de pains ces gens, ici, dans un désert ? ” 5 Et il leur demandait : “ Combien avez-vous de pains ” – “ Sept”, dirent-ils. 6 Et il ordonne à la foule de s’étendre à terre et, prenant les sept pains, il rendit grâces, les rompit et il les donnait à ses disciples pour les servir, et ils les servirent à la foule. – Les disciples arrivent, tendent leur robe devant Jésus qui rompt les pains, et plus il rompt, plus les pains se créent entre ses mains ; ils partent alors avec leur tablier rempli de pains qu’ils distribuent puis ils reviennent et cela n’en finit plus. Ainsi le jeune romain qui écoutait saint Pierre pouvait comprendre l’Eucharistie selon laquelle Jésus distribue son Corps à des milliers et des milliers d’individus. Et il le fera jusqu’à la fin des temps.

7 Ils avaient encore quelques petits poissons ; après les avoir bénis, il dit de les servir aussi. Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta les restes des morceaux : sept corbeilles !

9 Or ils étaient environ quatre mille. Et il les renvoya ; Ce deuxième miracle de la multiplication des pains doit tout de même enfoncer dans le crâne des apôtres cette idée que Jésus est capable de multiplier indéfiniment le pain pour rassasier tout une foule. Ce n’est pas pour faire la révolution mais cela a un sens spirituel.

VERS DALMANOUTHA - LES PHARISIENS DEMANDENT UN SIGNE

[...] Notre Seigneur ne va pas produire ce grand signe qui lui est demandé parce qu’il a une autre intention qui va bientôt se dévoiler.

LE LEVAIN DES PHARISIENS ET CELUI D’HÉRODE

14 Ils avaient oublié de prendre des pains et ils n’avaient qu’un pain avec eux dans la barque. 15Or il leur faisait cette recommandation : “ Ouvrez l’œil ­ (cette traduction est ridicule)­ et gardez-vous du levain des Pharisiens et du levain d’Hérode ” 16Et eux de faire entre eux cette réflexion : qu’ils n’ont pas de pains. [...] Jésus les met en garde contre le complot des pharisiens qui agite la Galilée. Le levain, c’est l’aigreur, la perfidie. Jésus a pris ce mot là en forme de parabole afin de les tirer de leurs préoccupations matérielles et de les amener à davantage. Sachant où allaient leurs réflexions, il s’amuse.

17Le sachant, il leur dit : “ Pourquoi faire cette réflexion, que vous n’avez pas de pains ? Vous ne comprenez pas encore et vous ne saisissez pas ? Avez-vous donc l’esprit bouché, 18des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ? Jésus a la bonté de secouer ses apôtres ! Il leur dit : « Vous n’êtes quand même pas comme les autres, là ! » Puis il les adoucit, leur ouvre l’esprit et leur explique : Et ne vous rappelez-vous pas,19quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de couffins pleins de morceaux vous avez emportés ? ” Ils lui disent : “ Douze ” 20“ Et lors des sept pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? ” Et ils disent : “ Sept. ” Tout de suite, ils ont la réponse : 21Alors il leur dit : “ Ne comprenez-vous pas encore ? ” Non, ils sont à ras de terre. Alors Jésus leur dit : « Est-ce que vous comprenez qui je suis ! Ouvrez les yeux, ouvrez votre cœur !» Et il les amène ainsi à ce qui va venir quelques jours après ! […]

LA PROFESSION DE FOI DE PIERRE À CÉSARÉE

27Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages de Césarée de Philippe, et en chemin il posait à ses disciples cette question : “ Qui suis-je, au dire des gens ? ” 28Ils lui dirent : “ Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes ” 29“ Mais pour vous, leur demandait-il, qui suis-je ? ” Voilà le sommet de l’Évangile, il tient dans les quelques versets qui suivent. Enfin Jésus pose la question dramatique, la question de confiance et – Pierre lui répond : “ Tu es le Christ. ” – [...] Il répond au nom de tous les autres, non sans une lumière spéciale. Il mourra à cause de cette affirmation, il versera son sang après une vie d’apostolat laborieuse parce qu’il croyait que Jésus-Christ était le Christ.

30Alors il leur enjoignit de ne parler de lui à personne. Il ne dit pas que c’est faux, mais il leur dit très sévèrement: « Taisez-vous sur cela ». C’est le secret messianique. Jésus ne veut pas voir imposer aux âmes cette affirmation sans preuve et sans réflexion. Il faut qu’elles aient le temps de faire un cheminement pour le comprendre du dedans. Mais c’est fait, il est reconnu par les Apôtres et maintenant, c’est à la vie à la mort, un seul trahira.

PREMIÈRE ANNONCE DE LA PASSION - PIERRE REPOUSSÉ

31 Et il commença de leur enseigner. Tout de suite, Jésus les enseigne; à peine savent-ils qu’il est le Christ, à peine ont-ils fait le pas de la foi, il leur répond : “ Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter. Dépassés, les apôtres sont donc emportés à donner leur adhésion d’esprit. Dès qu’ils l’ont fait, Jésus leur découvre le dessein de Dieu sur lui, le dessein de son Père, leur ouvre la porte de l’avenir effrayant qui est en contradiction absolue avec tous les rêves des Juifs de ce temps concernant le messie ! Jésus ne pouvait le dire devant les foules de Galilée qui l’auraient abandonné. Là, il le dit en réponse à leur foi.

32 et c’est ouvertement qu’il disait ces choses. Pierre, le tirant à lui, , se mit à le morigéner. 33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, admonesta Pierre – tança Pierre, et non pas “admonesta” – et dit : “ Passe derrière moi, Satan ! Dégage ! Satan ! Car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! “

Je vais vous faire une révélation : C’est là l’agonie de Notre Seigneur, parce que s’il avait été en pleine possession de sa force morale, il aurait dit à Pierre qu’il se trompait. Mais ce « dégage Satan » veut dire que Jésus, au même moment où il est reconnu comme le Christ, dans toute sa force humaine, son désir de sauver les âmes, son désir de régner sur le monde, de glorifier son Père, Jésus dans sa nature humaine aspire au succès. Il est comme les Apôtres, les disciples, les saintes Femmes, le peuple de Galilée et de Judée, il attend la libération d’Israël, il attend la réalisation de l’ère messianique telle que les Prophètes l’ont annoncée, et il voudrait que ce soit tout de suite, aussi bien que nous aujourd’hui nous voudrions le succès de notre doctrine, la résurrection de l’Église ! [...] Satan, c’est l’Adversaire, le tentateur, celui qui pendant 40 jours a essayé de faire tomber Jésus au début de sa mission. Il revient là dans la personne de Pierre. Pierre est possédé par Satan, lui qui tente Jésus. Alors Jésus, réellement ébranlé, a cette parole terrible : « Dégage, cesse de me tenter ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celle des hommes. ».

Lors de la multiplication des pains, Notre Seigneur, voyant les cinq mille hommes près à l’acclamer, à lui donner tout leur cœur, ne pouvait rester insensible à cette ovation. Il a dû les calmer en faisant effort sur lui-même. Il savait ce qui devait arriver mais il n’en disait rien à personne. Maintenant que les Apôtres lui ont donné leur foi, il n’y a pas une minute à perdre. Dans quelques mois, tout sera achevé. Alors il leur ouvre les yeux, il essaye du moins. Et l’autre imbécile se met en travers ! Ce n’est pas seulement un imbécile, c’est le diable qui est là. A lieu, alors, la véritable agonie, la véritable hésitation de Jésus. En chassant Pierre devant lui et en le reprenant vigoureusement, Jésus décide de consentir à la volonté de son Père. Ce qu’il a prophétisé, il le veut. Nous allons de choses capitales en choses capitales.

CONDITIONS POUR SUIVRE JÉSUS

Jésus envoie un apôtre en mission34 Appelant à lui la foule en même temps que ses disciples, il leur dit : “ Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. [...] Jusqu’à maintenant, l’Évangile était une parole, le règne de Dieu, on ne savait pas très bien ! Et voilà que tout d’un coup, l’écorce éclate, on voit le noyau, le fruit : c’est la croix ! Le mot de Croix y est. Jésus l’a certainement dit, Pierre ne l’a pas inventé. Chaque fois qu’il y avait eu des rébellions, les romains avaient crucifié tous les rebelles, et les gens en frémissaient encore. Jésus n’est pas de ces menteurs qui disent : « Je vais libérer mon peuple et nous irons de victoire en victoire ». Non. Il leur dit : « Je vous préviens, ça échouera. Si vous êtes mon disciple, il faut déjà porter sa croix. » Vous voyez le spectacle de celui qui porte sa croix. Cela ne veut pas dire que tous les jours ils vont porter leur croix. Mais qu’ils sachent que cela se terminera ainsi, et, que chaque jour, ils pensent: je suis un condamné à la Croix comme Jésus. 35 Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. L’Évangile est contenu dans ce chapitre 8. La grande révélation a été déclenchée par la confession de Pierre en la messianité de Jésus. Elle nous apprend que la vocation du chrétien est de mourir pour vivre, mourir en martyr, en disciple du Christ. Celui-là sauvera sa vie. Ceux qui sont fidèles à Jésus, vont aller vers la mort. Et le point de fuite, la ligne d’horizon maintenant c’est une croix sur un horizon dévasté. C’est ça l’Évangile.

36 Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ?

37 Et que peut donner l’homme en échange de sa propre vie ? Il aurait fallu traduire « de sa propre âme ». Il y a une opposition totale entre les vues des hommes qui étaient celles de saint Pierre, et la vue de Dieu, à savoir que nous sommes ici bas pour mourir. Mais attention, maintenant le Christ nous dit : “Je vous apporte un sens à votre mort, il faudra que vous mourriez par fidélité à moi et à mon Évangile. Et c’est ainsi que vous entrerez dans la vie éternelle.” C’est une Révélation sans précédant.

38Car celui qui aura rougi de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi rougira de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. ” Jésus affirme sa filiation divine, et, par ce nom de fils de l’homme rappelle son humanité, sa faiblesse. Il doit souffrir beaucoup. Quand il reviendra, il sera revêtu de sa divinité. À ce moment là, il rougira de celui qui aura rougi de lui, il glorifiera celui qui lui aura été fidèle. C’est dire que toute la vie maintenant prend un sens par rapport à Jésus, mais par rapport à Jésus crucifié.

LA PROXIMITÉ DU ROYAUME DE DIEU

9 Et il leur disait : “ En vérité je vous le dis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance. ” [...] Après avoir dressé la croix comme seul point de fuite sur l’horizon, Jésus montre bien qu’elle est le véritable passage pour lui et pour ceux qui lui sont fidèles, mais elle les conduira dans la gloire du royaume de Dieu éternel.

LA TRANSFIGURATION

Six jours après,­ par rapport à cette annonce de l’humiliation du Christ, une nouvelle création va se dérouler : toute l’histoire du monde. Le septième jour ce sera le grand repos, ce sera l’apparition du royaume de Dieu en puissance.

TransfigurationJésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls, à l’écart, sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux et ses vêtements devinrent resplendissants, d’une telle blancheur qu’aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte. Élie leur apparut avec Moïse et ils s’entretenaient avec Jésus. Alors Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : “ Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. ” [...]

C’est qu’il ne savait que répondre, car ils étaient saisis de frayeur. Ils étaient en présence de cette gloire de Dieu, comme Moïse sur le mont Sinaï. Et Jésus se manifeste à eux comme source de lumière ; la gloire divine rayonne de lui-même, traverse ses vêtements et les illuminent eux-mêmes. Il est la source de la lumière.

Et une nuée survint qui les prit sous son ombre [...] Jésus, Élie et Moïse sont sur le Tabor, les Apôtres sont à leurs pieds, écrasés, ils n’osent pas regarder et une nuée descend sur eux, les prend sous son ombre, comme la Vierge Marie a été prise sous l’ombre du Saint Esprit lors de sa conception virginale. Le Saint Esprit est là. Cette nuée lumineuse est un autre symbole analogue à la colombe dans le baptême de Jésus. Une voix partit de la nuée : – là c’est la voix du Père – “ Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le. ” Par rapport à celle du baptême, la parole est changée et elle nous fait deviner ce dont Jésus parlait avec Moïse et Élie, à savoir de sa mission, de sa passion, de la grande chose qui est le scandale de Pierre et des Apôtres. Alors Dieu le Père dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » Le « écoutez-le » est une réponse directe à saint Pierre, qui ne voulait pas entendre parler Jésus d’échec et de mort. Donc la voix de Dieu doublée de la voix des prophètes de l’Ancien Testament contraint les trois colonnes futures de l’Église à admettre que Jésus doit passer par la prison et la mort pour ressusciter. Le grand mystère de l’Évangile est révélé là en quelques mots.

Soudain, regardant autour d’eux, ils ne virent plus personne, que Jésus seul avec eux. Jésus est seul avec eux. Après avoir entendu l’ordre de Dieu « écoutez-le ! », les apôtres n’ont qu’une chose à faire : le suivre. Jésus s’est manifesté dans cette gloire qui lui est propre, dans cette gloire de la nuée divine que personne ne peut lui ravir et est assisté de la voix de son Père. Cela leur donne du courage et ils savent maintenant que, quel que soit les événements, les échecs jusqu’à la mort, Jésus ressuscitera, rebondira, se relèvera et ira dans la gloire. Leur appétit de gloire et de triomphe sera rassasié en son temps.

Comme ils descendaient de la montagne, il leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, si ce n’est quand le Fils de l’homme serait ressuscité d’entre les morts. Maintenant le programme va se dérouler comme Jésus l’a enseigné en toute clarté.

10 Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait “ ressusciter d’entre les morts. ”

LE RETOUR D’ÉLIE

11 Et ils lui posaient cette question : “ Pourquoi les scribes disent-ils qu’Élie doit venir d’abord ? ” Selon les apocryphes, Élie devait revenir sur terre pour préparer le règne de Dieu.

12 Il leur dit : “ Oui, Élie doit venir d’abord et tout remettre en ordre. Mais comment est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit beaucoup souffrir et être méprisé ? 13 Mais je vous le dis : Élie est bien déjà venu et ils l’ont traité à leur guise, comme il est écrit de lui.[...] Élie est la figure de celui qui doit venir : Jean-Baptiste. Et Jean-Baptiste revivant le mystère d’Élie, anticipe et annonce la vie du Serviteur souffrant.

Guérison d’un homme ayant un esprit muet

14 En rejoignant les disciples, ils virent une foule nombreuse qui les entourait et des scribes qui discutaient avec eux. 15 Et aussitôt qu’elle l’aperçut, toute la foule fut très surprise et ils accoururent pour le saluer. 16 Et il leur demanda : “ De quoi disputez-vous avec eux ? ” 17 Quelqu’un de la foule lui dit : “ Maître, je t’ai apporté mon fils qui a un esprit muet. 18 Quand il le saisit, il le jette à terre, et il écume, grince des dents et devient raide. Et j’ai dit à tes disciples de l’expulser et ils n’en ont pas été capables ” 19 “ Engeance incrédule, leur répond-il, jusques à quand serai-je auprès de vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? [...] Jésus était parfaitement homme, il s’est mis en colère et saint Marc le dit sans souci des conséquences. Nous l’acceptons comme tel.

Apportez-le-moi. ” 20 Et ils le lui apportèrent. Sitôt qu’il vit Jésus, l’esprit secoua violemment l’enfant qui tomba à terre et il s’y roulait en écumant. 21 Et Jésus demanda au père : “ Combien de temps y a-t-il que cela lui arrive – Depuis son enfance, dit-il ; 22 et souvent il l’a jeté soit dans le feu soit dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre aide, par pitié pour nous ”

23 “ Si tu peux ! ... reprit Jésus ; tout est possible à celui qui croit. ” Dans sa Sagesse, Jésus est prêt à faire n’importe quoi mais à condition qu’on croie en lui, qu’on y croit totalement d’une foi surnaturelle et non pas un petit peu. Il a de l’amour pour cet homme, ce qui est encore un trait de son Cœur. Le père a alors cette formule absolument géniale, inspirée par le Saint Esprit. 24 Aussitôt le père de l’enfant de s’écrier : “ Je crois ! Viens en aide à mon peu de foi ! ” C’est merveilleux et Jésus est touché. 25 Jésus, voyant qu’une foule affluait, menaça l’esprit impur en lui disant : “ Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de lui et n’y rentre plus. ” 26 Après avoir crié et l’avoir violemment secoué, il sortit, et l’enfant devint comme mort comme à la fin d’une crise d’épilepsie, si bien que la plupart disaient : “ Il a trépassé ! ”

27 Mais Jésus, le prenant par la main, le releva et il se tint debout. L’enfant est là, comme mort, au moment où Jésus vient le délivrer du démon ; pour le père, c’est un choc et la dernière épreuve de la foi. [...]

28 Quand il fut rentré à la maison, ses disciples lui demandaient dans le privé : “ Pourquoi nous autres, n’avons-nous pu l’expulser ? ” 29 Il leur dit : “ Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière. ” Les apôtres avaient oublié une chose : il fallait un esprit de prière, il fallait prier. Alors, nous concluons ce chapitre qui est le plus important de notre retraite par cette parole : il faut prier. Prions pendant cette retraite pour que Jésus nous donne de comprendre le grand dessein qui est celui de Dieu son Père qui le mène à la mort et qui nous entraîne nous aussi vers une telle perspective. Il faut l’accepter sans nous révolter si nous voulons être disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ Fils de Dieu.

Abbé Georges de Nantes
S 90 : L'Évangile selon saint Marc, retraite automne 1986