VIII. Le mariage

Le mariage est une institution naturelle, la seconde dans l’ordre de la création originelle. L’avait précédée l’institution de la religion, du culte que tout être raisonnable créé « à l’image de Dieu et à sa ressemblance »(Gen. 1, 26) doit à son Souverain Maître et Seigneur très bon, très bienfaisant. Religion qui, en suite de la Révélation primitive, se maintint parmi tous les peuples, quoique corrompue par toutes sortes de déviations impies, gardant cependant certains éléments de foi, de sacrifices, de mœurs en attente de la Révélation du Christ et de sa Rédemption du genre humain. Mais, des préparations lointaines du paganisme ou plus proches, du judaïsme, à la plénitude du salut en Jésus-Christ, quelle distance à franchir !

L’INSTITUTION NATURELLE DU MARIAGE

Comme la religion, le mariage fut institué dans sa pleine et parfaite forme naturelle par le Créateur dès le commencement. Le Livre de la Genèse nous en a gardé le souvenir, en tout cas nous en donne la révélation certaine, divinement inspirée :

« Dieu créa l’homme à son image,

À l’image de Dieu il le créa,

Homme et femme il les créa. »(v. 27)

Ce verset associe de très près le mariage à la religion, comme on le voit, jusqu’à établir une ressemblance entre la distinction des sexes et Dieu. Qu’est-ce à dire ? Le texte poursuit : « Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. »(v. 28) Le mariage enchaîne donc sur la famille et le travail.

«Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait et c’était très bon, »(v. 31) Ne passons pas trop vite sur le contentement de Dieu, il a une immense portée. Ainsi, concernant le mariage, cette parole suffirait à nous garantir qu’il était dès l’origine monogamique, indissoluble et ordonné à la procréation. Jésus lui-même nous l’a révélé lorsqu’il a répondu aux juifs, à propos des licences autorisées dans ce domaine des mœurs matrimo­niales par la Loi de Moïse : « Ab initio non fuit sic. Au commencement, il n’en fut pas ainsi. »(Mtt. 19, 8)

L’anthropomorphisme du rédacteur yahviste, et plus encore dans le récit de la création d’Ève tirée du côté d’Adam (Gen. 2, 18-25), ne doit pas nous orienter vers l’imagination de dieux et déesses divisés, accouplés selon les sexes comme toutes les religions idolâtriques en ont inventés, ni même vers l’irruption intempestive de la sexualité, cultes de fécondité, hiérogamie, « paradis d’Allah » dans la religion. Non, le Dieu de la Révélation est « Saint » ; il n’est pas « chair » à l’image de l’homme, et son Ciel est parfaitement exempt d’érotisme. C’est l’homme qui a été créé « à son image et à sa ressemblance ». Qu’est-ce à dire ? Qu’il a été créé « esprit » serait insuffisant. Les Pères ont remarqué le mystérieux pluriel de cette création : « Faisons l’homme... » (v. 26). Dieu parlait-il à ses anges ? Consultait-il sa divine assistante, la Sagesse ouvrière de toutes choses ? Ce pluriel est impressionnant.

Il doit nous révéler un rapport, mais pur, mais spirituel et, dans la première Création, juste et saint, entre la distinction de l’homme et de la femme tirée de lui, leur compagnonnage, leur union bénie par Dieu, et cette mystérieuse pluralité des Personnes créatrices ! Nous le concevons parfaitement à la lumière de la Révélation chrétienne. Dans la vie de la chair, sa multitude de personnes tirées, enfantées les unes des autres, existe un vestige de la Trinité des Personnes divines, procédant l’une de l’autre dans l’unité, et non plus seulement l’union, d’une même et unique Nature, d’un même Être et Amour : JE-SUIS.

Dieu n’est pas divisé en substances individuelles qu’un besoin et un désir, une passion attireraient l’une vers l’autre, toutes imperfections qui caractérisent la matière et ses énergies, dont la sexualité animale et l’amour humain sont les formes supérieures. Dieu qui est Esprit n’en est pas moins Vie, Vie féconde qui « engendre », qui « spire », qui « procède », vie trinitaire du Père et du Fils et, d’eux « comme d’un même principe », du Saint-Esprit. Au-delà même de ce Cercle, Dieu est créateur dans la surabondance de son amour généreux.

L’union et la fécondité de l’homme et de la femme dans le mariage naturel sont donc une haute ressemblance de la Vie divine, selon une analogie très pure (dite de proportionnalité), tandis que subsiste la différence absolue de l’œuvre de chair, de la sexualité, inconnue en Dieu, aggravée encore jusqu’à la « dissemblance », pour parler comme saint Bernard, par le péché originel (Gen. 3, 10)et ses suites impies, nauséabondes, corrompues.

LE SYMBOLE DE L’ALLIANCE DIVINE

Tout naturellement et saintement, le mariage est devenu, dans la Révélation biblique, le symbole de l’Alliance instituée par Dieu avec son peuple. Le mariage devint le symbole naturel de la religion devenue surnaturelle, la nature commença à évoquer la grâce... Tandis que l’adultère, pire que la prostitution, devint le symbole majeur de l’impiété juive, de l’infidélité du “Peuple de l’Alliance ” à son Dieu devenu son mari ! À la lumière et dans la force de cette analogie sacrée, l’institution juive du mariage a connu une élévation si remarquable et une pratique si vertueuse qu’on peut la considérer comme une figure prophétique du Sacrement chrétien, et donc une source de grâces pour ceux qui le vécurent dans la foi au Messie qui allait venir. De même que les sacrifices de l’Ancienne Loi, figures du sacrifice du Christ, obtenaient pardon et bénédictions à ceux qui les offraient avec foi, soumission à Dieu, dans l’espérance de la Rédemption future.

Aussi trouvons-nous dans la Bible juive d’admirables exemples d’amour conjugal, tels celui de Booz et de Ruth, ceux des Patriarches et ceux que chantent si bien les Livres sapientiaux. En revanche, beaucoup accusent la « dissemblance » introduite par le péché entre Dieu et l’humanité, en même temps qu’ils sont un appel à une Nouvelle et Éternelle Alliance, seule capable de relever les deux institutions naturelles, ensemble blessées dès l’origine et partout corrompues dans le monde, de la religion et du mariage. Tel l’immortel et tragique couple adultère et assassin de David et Bethsabée ! Quant au prophète Osée, sommé par Yahweh de prendre pour épouse une prostituée, il devient l’image parlante de Dieu se faisant, par un inconcevable Amour, le “ Go’el ”, le rédempteur de son peuple dévoyé, exerçant sa magnificence comme Jésus le fera plus tard vis-à-vis de Marie-Madeleine, pénitente mystique, dont il fera la privilégiée de son Cœur adorable, elle, la prostituée, figure de l’humanité pécheresse dans sa masse et cependant aimée et épousée !

Le mariage manquait comme la religion juive et sa Loi austère, d’un exemple de vertu parfaite, et d’une source de grâces qui en communique la force. Pour rendre le mariage viable et saint, il fallait sans doute que le Fils de Dieu prît chair dans le sein de l’Immaculée Vierge Marie et, donnant sa vie pour l’humanité pécheresse sur la Croix, la reçoive renée de son sein, comme une nouvelle Ève, épouse par grâce de ce Nouvel Adam.

LE SIGNE DE NOTRE RÉDEMPTION

Jésus, fils de Dieu fait homme, parfaitement saint, donc parfaitement chaste, n’avait pas besoin d’une épouse charnelle, et de fait il n’en eut pas. Sa sainte Mère, confidente de ses desseins, coopératrice immaculée de toutes ses œuvres, était déjà la Compagne parfaite qu’il « était très bon » que Dieu donne à ce Nouvel Adam, et d’ailleurs n’avait-elle pas, par son « fiat » lors de l’Annonciation, précédé Jésus sur la voie de la Rédemption, comme Ève avait précédé Adam dans la voie de la perdition ? remarque saint Bernard.

Cependant que chaste, le Fils de Dieu venait en la chair pour restaurer cette Alliance ancienne de la Religion symbolisée par le mariage de JE-SUIS avec Israël. Bien plus, il rachèterait et sauverait toute la famille humaine par son Corps immolé sur la croix, son Sang répandu, donnant sa vie par amour, non dans la jouissance mais dans la souffrance comme aucun époux si chérissant qu’il soit n’a jamais fait et ne fera jamais pour son épouse coupable. Dans le sommeil qui alors tombe sur Lui, de son flanc transpercé d’où jaillit soudain un flot de sang et d’eau, Jésus se voit donner par son Père cette Épouse désirée, payée d’un tel prix ! l’Église sans tache ni défaut aucun, mais sainte, immaculée, vierge appelée à une inégalable fécondité.

Désormais entre le Christ et l’Église, créée de son Sang, il y a un rapport conjugal indubitable et précis. Ils sont deux d’une seule chair, la Sienne. Elle est un Corps né de Lui dont il demeure le Chef, la Tête. La Vierge Marie, elle-même préservée de toute faute par son Sacrifice à Lui et sa coopération à Elle, est la personnification de l’Église-Épouse du Verbe, et Marie-Madeleine, la privilégiée du nouveau Paradis, au jardin de la Résurrection, en est l’illustration singulière... Jusqu’à son Retour en gloire, le Christ ne cessera plus de laver, de nourrir, de soigner et assister son Église, ce sont les termes mêmes de saint Paul dans le texte majeur des Éphésiens (chap. V), bien plus, de l’aimer, de s’unir à elle par la chair et le sang eucharistiques, afin de la féconder et sanctifier immensément.

LE MARIAGE, SACREMENT DE LA RÉDEMPTION

Dès lors, il est inutile de chercher quel événement ou quelle parole de l’Évangile pourrait être la preuve de l’institution du sacrement de mariage par Jésus. C’est par sa propre restauration de l’Alliance entre Dieu et Israël, mais « d’une manière plus admirable encore »que n’avait été la première grâce, non plus charnelle et raciale, mais spirituelle et universelle, que le Fils de Dieu, Dieu lui-même, célèbre son propre mariage sacramentel avec l’humanité rachetée sur le sommet du Calvaire, et le consomme par le don de l’Esprit-Saint au jour de la Pentecôte. Ainsi donne-t-il l’exemple de ce que doit être tout mariage, ainsi surtout donne-t-il à tous les chrétiens, membres de son Corps, les énergies nécessaires à l’accomplissement de cette vocation particulière pour la conser­vation et l’accroissement de son Église, participant ainsi à ses propres œuvres divines !

C’est de ce moment que commence pour l’humanité le nouveau régime, divin, de sa vie naturelle.

JÉSUS, EN FAISANT DE LA RELIGION UN MARIAGE, A FAIT DU MARIAGE UNE RELIGION. IL A INSTITUÉ LE MARIAGE RELIGIEUX.

Dès lors, chaque chrétien, chaque chrétienne appelés au mariage, ont vocation d’être l’un à l’autre comme le Christ et l’Église, participant l’un à l’amour du Christ et l’autre à celui de l’Église dans leur union sainte et féconde.

Ce symbolisme, si insistant qu’il soit, ne suffirait pas à faire du mariage naturel un sacrement, pas plus que le lavement des pieds par exemple n’a suffi à instituer un rite sacramentel de ce genre dans l’Église, si l’apôtre Paul n’en avait révélé la doctrine dans ce merveilleux, cet inépuisable chapitre V de l’Épître aux Éphésiens, et si la tradition orale de l’Église ne l’avait tenu pour tel.

Dès lors que deux chrétiens ont le projet de s’unir en mariage, ils ne peuvent le faire sans que plane sur eux l’exemple du Christ et de l’Église, auxquels ils appartiennent ! dont ils sont membres ! sans qu’ils veuillent s’identifier à eux par leur alliance humaine elle-même, elle aussi ! sans que leur mariage ne participe aux fins et à la sainteté de l’union majeure du Christ et de l’Église, tous leurs amours ainsi réunis ! Il n’y a plus qu’une forme de mariage possible pour les chrétiens, c’est la forme sacramentelle ; hors de laquelle l’union conjugale serait charnelle, ou terrestre, païenne, criminelle aux yeux de l’Église du Christ et donc nulle.

NATURE ET FINS DU SACREMENT

Si nous nous arrêtions à la scène des Noces de Cana, touchante il est vrai et d’un riche symbolisme, pour en conclure que le Christ bénit le mariage, nous n’aurions qu’une vue très insuffisante du sacrement. Le mariage resterait un acte naturel, et de surcroît obéré par l’instinct charnel et la concupiscence ; ce ne serait pas un « sacrement ». C’est la bénédiction du prêtre, avec l’eau bénite, qui lui serait un secours surnaturel, un « sacramental ». Pour avoir compris ainsi les choses, Luther osa, de sa propre autorité ! rayer le mariage de la liste des sacrements.

Combien de catholiques en restent à cette vue naturaliste, humaniste, où la matière du sacrement est l’anneau de la mariée, la forme en est la bénédiction rituelle, et le ministre en est le prêtre ? Le Concile de Trente ayant fait de la présence du curé de la paroisse ou d’un prêtre personnellement délégué par lui une condition de validité du mariage, la confusion s’est accrue en beaucoup d’esprits.

Non ! L’Église enseigne que le sacrement est constitué par l’union des époux eux-mêmes et par eux-mêmes, qu’eux seuls en sont donc la matière, de leurs corps, la forme, en la déclaration de leurs deux volontés consentantes, les ministres par le fait que pareille déclaration ne peut émaner que de leurs propres per­sonnes. Mais Dieu “ qui sonde les reins et les cœurs ” exige que cet acte soit saint et formellement chrétien. Qu’il ne se borne pas au désir charnel et n’ait pas pour seule fin la satisfaction de la concupiscence, même si la fidélité conjugale et la procréation en sont acceptées de surcroît. Qu’il ne soit pas non plus un contrat d’association de deux intérêts, de deux sacs d’argent, de deux familles, auxquels cas le sacrement demeurerait accessoire par rapport à l’acte principal et ne le sanc­tifierait que par accident.

De tels mariages effectués selon le rite et le droit sont valides. Toutefois ils ne procurent la grâce que sous une forme inefficace, liée comme c’est le cas pour la grâce du baptême reçue dans le schisme ou l’hérésie formels selon saint Augustin. Elle attend dans le cœur des époux qu’ils en viennent à un digne amour chrétien pour se réveiller et produire ses fruits de sainteté.

Le seul mariage non seulement valide mais saint et sancti­fiant, est celui où l’essentiel est dans la volonté des époux de se donner l’un à l’autre selon la plénitude de leur être-chrétien, pour accomplir ainsi l’un avec l’autre leur vocation surnaturelle : cette union, pleine et entière, entraîne dans son acte certes l’amour, le désir (et le plaisir) physiques, et la procréation qui en résulte, mais aussi le désir des âmes d’une pleine conformité de religion et d’une parfaite coopération dans leur culte de Dieu en Jésus-Christ. Ainsi l’amour du prochain est indisso­ciable dans ce sacrement qui l’incarne, de l’amour de Dieu. Et selon la maxime « Qui aime aide », les époux seront conduits par la grâce même du mariage à vouloir en eux tout ce que Dieu veut, disposés à souffrir ensemble, à se dévouer ensemble, à se pardonner mutuellement, à se sacrifier l’un pour l’autre, tout comme le Christ et l’Église leur donnent de l’accomplir.

Conclusion capitale, admirablement rappelée par le pape Léon XIII contre le naturalisme et l’individualisme de l’époque, le sacrement de mariage est indissociable du contrat comme de l’amour charnel et spirituel des conjoints, il leur est intérieur, il en est l’intention la plus profonde et l’essentielle perfection. Quand un vrai chrétien se marie, c’est dans cet engagement charnel et spirituel, dans ce contrat, cette alliance, qu’il agit « in persona Christi », ministre du sacrement, qu’il est le Christ aimant son élue et lui donnant dans le sacrement la grâce divine. Il est en cela même ministre de la divinisation de son épouse, comme le Christ l’est pour l’Église. Et elle, accueillant son amour, recevant cet engagement, promesse de semence de vie, le voulant, elle procure à son mari la grâce de sanctification du ministère qu’il exerce auprès d’elle et de ce fait, elle est cause de grâce pour lui.

Ils sont en ce sacrement, lui, le Christ se donnant sur l’autel eucharistique à son Église pour son bien, sa fécondité, sa joie, sa gloire éternelle, elle, l’Église accueillant et conser­vant dans son cœur et dans son sein toutes les volontés et les œuvres de son Époux, lui rendant service pour service, amour pour amour et, osons le dire, grâce pour grâce !

LE RITE DU SACREMENT...

Quel que soit le rite, qui a beaucoup varié à travers les siècles et selon les régions, l’important est que les époux se donnent le sacrement publiquement, dans un acte de religion, en toute vérité et liberté. C’est-à-dire qu’ils se donnent l’un à l’autre selon ce qu’ordonne la nature, dans la fidélité et l’indissolubilité du lien conjugal, en vue de la procréation et de l’éducation des enfants que Dieu leur donnera ou, à défaut, en vue d’un service commun du Christ dans le prochain.

Et il faut canoniquement que cet échange des consentements ait un rapport explicite avec le mystère du Christ et de l’Église, ce qui est, à l’ordinaire, assuré par la présence et la bénédiction du prêtre, présence active de Dieu le Père engendrant son Fils en l’époux, répandant leur commun Esprit-Saint en l’épouse.

À titre d’opinion théologique – et qu’on ne m’objecte pas ici le féminisme, cette immonde invention des francs-maçons, hélas ! répandue partout dans le monde et obsédante –, j’imagine une interprétation possible de la réalité de ce sacrement. La matière en serait le corps de l’épouse, élevée par sa donation volontaire, son Oui, semblable au fiat de la Vierge de l’Annonciation, à la valeur d’oblation sainte au Christ comme hostie de son sacrifice, le Christ entrevu dans ce mari, ce“ chef” auquel elle se fie et se livre entièrement, sous le regard et selon la volonté de leur Père céleste. Ainsi le bon vouloir de l’épouse est la matière du sacrement, l’hostie...

Et la forme ou action décisive en est le « pouvoir viril » et l’acte qui opère l’œuvre de chair, mais élevés par la décision surnaturelle du chrétien, pleins de sagesse et d’un dessein mûrement réfléchi, à la hauteur d’une décision divine, analogue à l’« Ecce venio », au « Me voici ! » du Verbe divin venant en notre humanité pour y réaliser son œuvre de salut. Et ainsi l’époux est-il conscient de ne pas agir en tyran, en maître absolu, en violeur, mais en chef, en... prêtre, participant à la grâce capitale du Christ et à sa mission de la répandre en ses membres.

C’est pourquoi je voudrais que l’époux au jour de ses noces, entrant dans le sanctuaire pour y accueillir sa fiancée, revête en signe de son pouvoir quasi sacerdotal, au moins diaconal, sur son épouse, des ornements sacrés tels que l’aube et l’étole que revêtent les clercs, comme celui qui va donner la grâce. Et que l’épouse avance sous son voile, couronnée, en sa main le cierge allumé, pour paraître par tous ces ornements comme la première communiante qu’elle a été, celle qui va recevoir la grâce. C’est ainsi habillés, transfigurés, que les époux auraient pleine conscience de l’acte chrétien, l’acte divin, qu’ils sont appelés à célébrer, pour plus tard le com­mémorer, non pas comme on l’a trop dit, dans tout acte conjugal naturel, mais dans tout acte religieux de communion entre eux dans le Christ, discernant et aimant l’un en l’autre la figure du Christ et de l’Église.

... ET SES FRUITS

Mariage de la ViergeLes fruits du mariage sont la continuation du Mystère de l’amour du Christ et de l’Église, ce qui justifie déjà, de soi, le mariage virginal dont celui de saint Joseph et de la sainte Vierge est le garant et le sublime exemple, et aussi la pro­création de nombreux enfants destinés à devenir les membres de l’Église et les élus du Ciel. Ainsi les familles, dans leur condition séculière mais transfigurées par la grâce, sont appelées à devenir, selon le dessein de Dieu « dès le commencement » « à l’image de Dieu et à sa ressemblance », image de la Sainte Trinité par l’union intime et stable des personnes qui la composent selon les relations mêmes du Fils et de l’Esprit-Saint auxquels s’identifient l’époux et l’épouse, ressemblance du Dieu créateur, collaborant avec Lui à la diffusion de la vie en vue de la plénitude, accomplissant le Christ total pour l’éternité.

Que ce mystère d’identification au Christ s’accomplisse pour les époux dans le sacrifice n’étonnera aucun chrétien. C’est une autre maxime de mon invention : Le Christ, quand il épouse, éprouve. L’épreuve est normale dans les noces sacra­mentelles comme dans leur modèle majeur : l’union du Christ et de son Église. Tout y est dévouement, renoncement, sacrifice, pardon et miséricorde jusqu’au don suprême.

On comprend le mot de saint Paul, achevant sa révélation sur le mariage chrétien, mot si obscur dans sa fulgurance : « Ce sacrement est grand, je le dis du Christ et de l’Église. »(Éph. 5, 32) On s’est demandé si cette grandeur était celle des noces mystiques du Christ et de l’Église, ou celle des noces sacramentelles d’un chrétien et d’une chrétienne. C’est pourtant bien simple ! La grandeur de ce“ sacrement ”est dans l’identi­fication par grâce de celles-ci, les noces humaines, à celles-là, les noces divines du Christ et de son Église.