Il est ressuscité !

N° 227 – Décembre 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


LA LIGUE

La Ligue

Marie, Reine du sacerdoce

OU frère Bruno puise-  t-il donc son alacrité, pour reprendre ainsi chaque mois l’analyse des actualités toujours plus accablantes et nous indiquer les voies du salut ? Il nous a livré son secret dans une phrase de sa Lettre à la Phalange de Noël : « Notre réconfort est de savoir que la Sainte Vierge est un substitut à l’Église défaillante. »

Déjà, à la fin de l’Ancien Testament, toute l’espérance d’Israël était personnifiée dans cette Vierge pleine de grâces ; toute la foi du peuple de Dieu s’était comme réfugiée dans son Cœur Immaculé. Aujourd’hui, l’apostasie conciliaire nous rappelle qu’au-dessus du Pape et des évêques, au-dessus des laïcs, même réunis en synode, l’Église, l’Épouse du Christ, c’est Elle d’abord, toujours fidèle.

En particulier, tandis que l’ensemble du clergé est flétri par des propagandes impies, frère Bruno aime répéter que la Vierge Marie, apparue à Tuy en Corédemptrice, est le modèle du sacerdoce. Ce titre, que lui refuse le pape François, n’est pas un ornement accessoire de notre piété, mais il définit sa vocation, inséparable de son Fils. Toutes les occasions sont bonnes pour méditer ce profond mystère.

LA VIERGE À L’ENFANT CORÉDEMPTRICE

Jusqu’au 24 janvier 2022, le musée Jacquemart-­André accueille une exposition consacrée au peintre florentin Sandro Botticelli (1445-1510).

Notre Père nous a appris que la Renaissance, le Quattrocento italien en particulier, illustra la parabole de l’Enfant prodigue : le génie des sculpteurs, des peintres, des poètes et des érudits de la Renaissance était profondément chrétien. Prétendirent-ils s’émanciper de la foi chrétienne et s’enivrer de paganisme ? Ce fut leur faute et le principe de leur chute. Mais l’Église confiante savait qu’ils reviendraient vite dans la maison paternelle. Loin de condamner l’humanisme, elle l’assuma pleinement ! (cf. CRC no 325, sept. 1996)

Ainsi, l’exposition sur Botticelli rassemble toute une collection d’œuvres religieuses et particulièrement de nombreuses Vierges à l’Enfant. Le fait est exceptionnel dans un musée parisien et notre frère François ne pouvait laisser passer cet événement sans y conduire la Permanence Charles de Foucauld. Le samedi 20 novembre, une centaine d’amis phalangistes, familles ou étudiants, s’y étaient donné rendez-vous.

Botticelli, Madone au livre.
Botticelli, Madone au livre.
La Vierge Marie médite les Saintes Écritures : on reconnaît un passage du livre d’Isaïe, qui annonce prophétiquement la naissance virginale du Messie : « Ecce Virgo concipiet » ( Is 7, 14 ).
L’Enfant, qui tient une couronne d’épines et les trois clous de la Passion, semble vouloir rassurer sa Mère dont le regard est voilé de tristesse.
Méditant sur de telles scènes notre Père notait : « Le regard de la Sainte Vierge à Jésus, tout tendre qu’il soit, est quand même chargé de bien des présupposés. Elle sait qu’Il vient pour le salut du monde, elle sait que cet Enfant va souffrir, elle sait qu’elle le prépare à une mission qui va être une mission terrible. Elle a dans le Cœur ce glaive de douleur qui lui a été annoncé. Ainsi est-elle déjà corédemptrice. »

Les Vierges de Botti­celli nous guident de l’esthétique mystique à l’esthétique dramatique.

Si le peintre s’applique à représenter la beauté parfaite de Marie, il im­prime sur son visage une expression douloureuse ; si l’échange de regards de la jeune mère et de son enfant est charmant, leur colloque nous introduit déjà dans le drame de notre salut. La Vierge Marie contemple dans son bébé le Rédempteur du monde au supplice duquel elle assistera, et incite le spectateur à faire de même. Notre Père revenait inlassablement à cette méditation et frère François parsema de citations de ses sermons le livret que des jeunes filles CRC étudiantes ou diplômées en histoire de l’art avaient préparé pour présenter l’exposition.

Bien plus qu’un divertissement culturel, cette sortie fut donc, un mois avant Noël, une merveilleuse méditation sur le mystère de l’Incarnation du Verbe.

Quel spectacle plus ravissant, par exemple, qu’une Vierge allaitante ? Mais sa contemplation nous introduit déjà dans le mystère de la Passion et de la Médiation de Marie : « Tout ce lait qu’Il lui prenait, nous expliquait notre Père, c’était pour le changer en son Sang et Jésus en était avide pour avoir beaucoup de Sang à répandre sur la Croix pour le salut des hommes. Entre cette Maman et cet Enfant, c’est un contrat rédempteur. La Vierge est corédemptrice déjà à ce moment-là.

« Ce lait est aussi un signe de la miséricorde que nous puisons sans mesure dans le Cœur de la Vierge Marie. » (2 janvier 1989)

À l’issue de la visite, frère François conduisit son monde à l’église Saint-Augustin, toute proche, pour y réciter le chapelet et y faire pèlerinage à notre bienheureux Père Charles de Foucauld qui s’y convertit en 1886. Le miracle éclatant qui a permis de conclure son procès de canonisation impose sa glorification comme une volonté du Ciel ! Certes, le pape François et l’Église conciliaire ne manqueront pas de défigurer sa sainteté. Mais son rayonnement est tel, qu’on peut espérer beaucoup de grâces de l’essor de son culte. Déjà, l’annonce de sa canonisation attise la ferveur pour le moine-missionnaire : à l’orée de la grande apostasie, il fut comme une nouvelle incarnation de Notre-Seigneur, touchant irrésistiblement les cœurs.

VŒUX PERPÉTUELS

Le 21 novembre, la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie au Temple de Jérusalem fut fêtée très solennellement en nos maisons. Nous accueillions en effet notre frère Claude de l’Enfant-Jésus, rentré de sa mission canadienne pour prononcer ses vœux perpétuels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

Détail touchant, c’est notre ami le Père Zambelli qui célébrait la messe : le même qui avait baptisé notre frère, il y a déjà quelques décennies ! Dans son sermon, après avoir rappelé que les vœux religieux sont une réponse d’amour à un choix d’amour de Notre-Seigneur, ce dévot de sainte Thérèse nous lut sa lettre du 19 août 1894 à sa sœur Céline, au moment où celle-ci s’apprêtait à la rejoindre au Carmel.

« Peu de temps après la mort de monsieur Martin, rappela-t-il, Céline fut invitée à passer quelques jours à Caen, chez sa cousine Jeanne La Néele et son mari Francis. À son grand étonnement, ils lui reprochèrent de précipiter sa décision et allèrent jusqu’à prétendre que si un beau parti s’était présenté, elle se serait mariée, car elle n’était pas faite pour la vie religieuse. Décontenancée, bouleversée, Céline s’empressa de confier à Thérèse non seulement son amertume, mais son désarroi, en ces termes : “ On est impitoyable pour les âmes qui se consacrent à Dieu. Il semble que tout leur est dû en mépris et en douleurs. ” On peut se demander en quelle année cela a été écrit !

« Thérèse répondit le jour même à sa sœur et c’est cette réponse admirable de justesse et de profondeur dont j’aimerais vous lire quelques extraits. Écoutez bien la réponse de Thérèse, déroutante, paradoxale :

« Je ne suis pas surprise de l’orage qui gronde à Caen. Francis et Jeanne ont choisi une route si différente de la nôtre qu’ils ne peuvent comprendre la sublimité de notre vocation. Après cette vie d’un jour, ils comprendront lesquels de nous ou d’eux ont été les plus privilégiés...

« Nous n’avons que les courts instants de nos vies pour donner au Bon Dieu. Quel bonheur de souffrir pour Celui qui nous aime à la folie et de passer pour folle aux yeux du monde. On juge les autres d’après soi-même. Et comme le monde est insensé, il pense naturellement que c’est nous qui sommes insensées !... Mais après tout, nous ne sommes pas les premières, le seul crime qui fut reproché à Jésus par Hérode fut celui d’être fou et je pense comme lui (...) ! Nous ne pourrons jamais faire pour Lui les folies qu’Il a faites pour nous et nos actions ne mériteront pas ce nom, car ce ne sont que des actes très raisonnables et bien en dessous de ce que notre amour voudrait accomplir.

« Nous ne sommes pas non plus des fainéantes, des prodigues. Jésus nous a défendues dans la personne de Madeleine (...). Les chrétiens les plus fervents, les prêtres, trouvent que nous sommes exagérées, que nous devrions servir avec Marthe, au lieu de consacrer à Jésus les vases de nos vies avec les parfums qui y sont renfermés... Et cependant, qu’importe que nos vases soient brisés, puisque Jésus est consolé et que malgré lui le monde est obligé de sentir les parfums qui s’en exhalent et qui servent à purifier l’air empoisonné qu’il ne cesse de respirer. »

Ces conseils prolongent admirablement la prédication de notre frère Bruno, le mois dernier, sur la grâce de la vie religieuse !

Sainte Marie-Madeleine brisa son vase de parfum sur les pieds de Jésus : geste “ excessif ” ! Or, depuis la révélation de Fatima, le Bon Dieu veut que notre dévotion se dirige d’abord vers sa Mère. Avant le salut du Saint-Sacrement de l’après-midi, notre frère prieur nous rappela les gestes d’amour exagérés, enfantins, risibles aux yeux du monde, par lesquels notre bien-aimé Père ne se lassa pas de manifester sa tendre affection pour sa Mère du Ciel. Consoler le Cœur Immaculé de Marie, glorifier toujours davantage ses privilèges, contempler sa préexistence auprès de Dieu avant tous les temps n’est pas fuir les grandes questions de l’actualité, les périls qui nous menacent, car ce que Dieu veut avant tout aujourd’hui, c’est que nous lui donnions notre cœur, ou plutôt à la Sainte Vierge. Il n’y a que cela qui compte, c’est une question de vie... éternelle !

Parvenu au but, notre Père convoque ses fils et ses filles au Ciel, à un “ chapitre général ” qui se tiendra aux pieds de l’Immaculée. Voilà un appel qui donne tout son sens aux vœux de notre nouveau profès perpétuel :

« Je veux en être, s’exclama frère Bruno ; être avec Elle dans la pauvreté, l’obéissance, la chasteté !

« L’aimer, nous consacrer à Elle, nous en faire l’instrument corédempteur, la faire aimer. Quelle merveilleuse vocation, mon bien cher frère ! »

PREMIER SAMEDI DU MOIS

Le samedi 4 décembre, la maison Saint-Joseph fut envahie par nos amis, venus célébrer l’Immaculée Conception et accomplir les exercices de la dévotion réparatrice du premier samedi du mois. Heureusement, les ermitages permettent de répartir cette foule et tous ces enfants, car notre maison-mère ne suffirait pas à accueillir tant de monde !

Nos ermitages eux-mêmes, d’ailleurs, sont sub­mergés, ou presque ! À Fons, nos frères travaillent d’arrache-pied à la construction d’une nouvelle et vaste hospitalité. Mais en attendant, leur capacité d’hébergement était complète, les mêmes pièces servant de réfectoire et de salle de conférence, à convertir plusieurs fois par jour. Mais ce léger désagrément est transitoire. Et puis ne sommes-nous pas en Avent ? Frère Michel recommanda de l’offrir comme une petite pénitence !

À Frébourg, où nos frères et nos sœurs avaient la grâce d’avoir la messe dominicale célébrée à domicile, la chapelle Sainte-Véronique était comble. De Magé, enfin, dont les maisons sont aménagées pour accueillir du monde, nos frères nous ont annoncé sereinement que seulement cent quarante amis s’étaient inscrits.

C’est l’effrayante consomption de l’Église qui attire si nombreuses les familles CRC dans nos maisons, pour s’y réfugier auprès de Notre-Dame, la consoler, et écouter l’analyse des actualités par frère Bruno. Puisque ses conférences et méditations sont retransmises “ en direct ” dans nos ermitages, tous communièrent dans une même dévotion au Cœur Immaculé de Marie et dans une commune angoisse pour le salut de l’Église et de la patrie.

DÉVOTION RÉPARATRICE.

À la maison Saint-Joseph, pour ce premier samedi du mois, nous n’avions malheureusement pas la messe. Le désert sacerdotal progresse, conséquence du dessèchement conciliaire.

Avant de distribuer la Sainte Communion, pour satisfaire aux petites demandes de Notre-Dame de Fatima, frère Bruno fit remarquer que nous allions mimer la troisième apparition de l’Ange précurseur de la Vierge Marie, à l’automne 1916, lorsqu’il apporta à Lucie, François et Jacinthe le Calice et l’Hostie.

Notre frère nous expliqua alors comment les trois apparitions de l’Ange du Portugal représentent le mystère du Saint-Sacrifice de la messe, en ses trois parties :

« Première apparition : ce sont les prières au bas de l’autel, le Confiteor : “ Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Et je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent pas, qui n’espèrent pas, qui ne vous aiment pas ! 

« Deuxième apparition : “ Offrez sans cesse au Très-­Haut des prières et des sacrifices ! ” C’est l’Offertoire.

« Troisième apparition : après la prière à la Très Sainte Trinité, que nous allons chanter, c’est la Communion, selon la parole de l’Ange : “ Mangez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ, horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes et consolez votre Dieu. 

Quelle meilleure préparation pour accomplir notre communion réparatrice ?

Cette scène est un ruissellement de vérités trinitaires, eucharistiques... et mariales lorsque cette révélation, cette manifestation se renouvellera à Tuy le 13 juin 1929. Notre frère nous fit donc le récit de cette théophanie, représentée à la cimaise de notre chapelle, au-dessus de l’autel où se célèbre le Saint-Sacrifice de la messe qui renouvelle le sacrifice de la Croix. Mais où il n’y a pas de prêtre, comme au Cabeço en 1916.

« Il n’y a pas de prêtre, commente frère Bruno, mais il y a Notre-Dame des Douleurs, debout au pied de la Croix, qui offre le saint et unique sacrifice de son Fils à son très chéri Père céleste, visible ! en corédemptrice. Le prêtre, c’est Jésus lui-même, grand prêtre à jamais. »

Le soir, à 18 h 30, en guise de méditation du premier samedi, frère Bruno nous commenta les Points no 32 à no 35 sur “ la vie phalangiste ” : le premier trait caractéristique du phalangiste, disciple de l’abbé de Nantes, c’est sa consécration à l’Immaculée Conception qui le transsubstantie – la comparaison est de sœur Lucie et du Père Kolbe – en un parfait instrument de l’Immaculée, docile à toutes ses volontés. Ce n’est plus lui qui vit, c’est Elle qui vit en lui !

Cette transformation du phalangiste se manifeste par sa dévotion au Cœur Immaculé de Marie, gage de sa prédestination. C’est le Bon Dieu qui veut l’instaurer dans le monde ; c’est Notre-Dame de Fatima elle-même qui nous l’a révélée ; c’est notre Père, enfin, qui nous l’a inculquée. Cette dévotion réparatrice, ses petites pratiques si aimables, si faciles, n’en sont pas moins impératives puisque Dieu veut en faire dépendre notre salut et le sort du monde entier !

« UNE GRANDE VILLE À MOITIÉ EN RUINE ».

Les deux conférences d’actualités prononcées par frère Bruno donnèrent d’amples motifs de consoler notre Mère chérie. Samedi après-midi, il consacra une heure entière à l’étude du “ Synode sur la synodalité ”. Quelle pitié de voir le Pape demander le Saint-Esprit au “ peuple de dieux ” démocratiquement consulté, alors qu’Il demeure en plénitude dans le Cœur Immaculé de Marie !

Autre cause de chagrin pour Notre-Dame : le scandale irréparable causé dans l’âme des enfants, dès l’âge le plus tendre, par l’enseignement à l’école des pires dépravations morales. Dimanche après-midi, frère Bruno ouvrit cependant ses Actualités en nous faisant part d’une bonne nouvelle : en octobre, en défendant devant le club Valdaï le « conservatisme sain » qui guide sa politique, Vladimir Poutine en vint à attaquer très précisément la corruption morale des nations occidentales :

« Certains Occidentaux croient que l’élimination agressive de pages entières de leur propre histoire, la “ discrimination inversée ” à l’encontre de la majorité dans l’intérêt d’une minorité, et l’exigence d’abandonner les notions traditionnelles de mère, de père, de famille et même de genre, ils croient que tout cela constitue les bornes kilométriques sur le chemin du renouveau social (...). Leurs prescriptions ne sont pas du tout nouvelles. Cela peut surprendre certaines personnes, mais la Russie est déjà passée par là. »

Devançant la conversion de la Russie, Poutine abjure déjà certaines de ses erreurs, explique frère Bruno ! Mais elles sont répandues dans le monde, selon la prophétie de Notre-Dame. Parce que, disait Jésus à Lucie, ses ministres ont fait comme les rois de France.

« Après la révolution de 1917, poursuit Poutine, les bolcheviques, s’appuyant sur les dogmes de Marx et d’Engels, ont également déclaré qu’ils changeraient les us et coutumes existants, et pas seulement sur le plan politique et économique, mais sur la notion même de moralité humaine et les fondements d’une société saine. La destruction des valeurs séculaires, de la religion et des relations entre les personnes, jusqu’au rejet total de la famille – nous avions cela aussi –, l’encouragement à dénoncer ses proches : tout cela était proclamé progrès et, soit dit en passant, était largement soutenu dans le monde entier à l’époque et était tout à fait à la mode, tout comme aujourd’hui (...).

« Dans un certain nombre de pays occidentaux, le débat sur les droits des hommes et des femmes s’est transformé en une parfaite fantasmagorie. Attention à ne pas aller là où les bolcheviques avaient prévu d’aller : non seulement communautariser les poulets, mais aussi les femmes. Un pas de plus et vous y serez.

« Les zélateurs de ces nouvelles approches vont même jusqu’à vouloir abolir complètement ces con­cepts. Quiconque ose mentionner que les hommes et les femmes existent réellement, ce qui est un fait biologique, risque d’être ostracisé. On parle de “ parent numéro un ” et de “ parent numéro deux ”, de “ parent accoucheur ” au lieu de “ mère ”, de “ lait humain ” au lieu de “ lait maternel ”, parce que cela pourrait déranger les personnes qui ne sont pas sûres de leur propre genre. Je le répète, ce n’est pas nouveau ; dans les années 1920, les soi-disant kulturträgers soviétiques ont également inventé un certain newspeak en croyant créer une nouvelle conscience et changer les valeurs de cette manière. Et, comme je l’ai déjà dit, ils ont fait un tel gâchis qu’on en frémit encore parfois.

« Sans parler de choses vraiment monstrueuses, lorsqu’on apprend aux enfants, dès leur plus jeune âge, qu’un garçon peut facilement devenir une fille et vice versa. C’est-à-dire que les enseignants leur imposent réellement un choix que nous sommes tous censés avoir. Ils le font en excluant les parents du processus et en forçant l’enfant à prendre des décisions qui peuvent bouleverser toute sa vie. Ils ne prennent même pas la peine de consulter des psychologues pour enfants – un enfant de cet âge est-il capable de prendre une telle décision ? Appelons un chat un chat, cela frise le crime contre l’humanité, et cela se fait au nom et sous la bannière du progrès. »

Bien plus qu’un « crime contre l’humanité », cet abus d’enfant que dénonce Poutine est un crime contre Dieu lui-même. Mais chez nous, le Rapport Sauvé est silencieux. Alors même que ces « crimes contre l’humanité » ne sont pas propres aux États-Unis. Ils sévissent en France, dans les écoles de la République ! Et les évêques ne bronchent pas.

Et pour cause : ils sont plutôt occupés à se faire les accusateurs de leurs prêtres. Notre frère prieur s’appliqua pendant tout le reste de sa conférence à étudier non pas tant le Rapport Sauvé que l’apostasie de notre hiérarchie, avant de prendre la défense des prêtres sur lesquels pèse désormais une chape de honte et de suspicion. Tâche pénible, mais ô combien nécessaire ! Et qui débouche sur la perspective d’une restauration du sacerdoce catholique, grâce aux travaux de l’abbé de Nantes. Trois jours plus tard, notre frère reçut ce mot de remerciement :

« Un grand merci au frère Bruno pour sa défense des prêtres, dans les Actualités. C’est la première fois que j’entends une réaction à ce rapport, faite d’un aussi bon sens, et nourrie par l’amour du sacerdoce, à l’école de votre Père, sacerdoce que tant de laïcs et de clercs malmènent.

« Beaucoup de prêtres trouveraient sur le site de la VOD de quoi répondre à toutes ces attaques et ces conceptions erronées du sacerdoce développées par des théologiens néfastes.

« Je retiens de votre retraite d’automne le lien intime qu’un prêtre doit avoir avec la Sainte Vierge.

       « Un prêtre de France. »

NOTRE PÈRE, ENFANT DE MARIE.

Précisément, pour compléter leurs méditations du premier samedi, nos amis écoutèrent les premières conférences de notre retraite de communauté : Notre Père et la Sainte Vierge (publiée sur la VOD sous le sigle : S 171). Elles livrent l’antidote aux propagandes immondes qui souillent le clergé. Cela tient en une phrase, si souvent répétée par les professeurs de séminaire de notre Père : « Messieurs, la dévotion à la Très Sainte Vierge est le gage de la fidélité du prêtre ! »

Né le 3 avril 1924, baptisé le surlendemain, le petit Georges de Nantes est un enfant chéri de l’Immaculée. Le fil d’or de son éducation, c’est la chaîne du chapelet, omniprésent dans son enfance : récité en famille, ou en voiture avec grand-mère, en paroisse, après les vêpres dominicales, ou bien simplement dans la solitude avec l’oncle Jacques, le simple d’esprit, à la piété tendre et naïve. Il ressemble au Folgoët, le “ Fou du bois ” breton qui ne savait dire qu’Ave Maria. Georges retrouve le chapelet dans la poche d’uniforme de son père, le commandant de Nantes, entre les doigts du curé de Chônas dans son jardin, ou égrené silencieusement par les surveillants du “ pensio ” des frères des Écoles chrétiennes, au Puy. Et ainsi, goutte à goutte, d’Ave en dizaines et de chapelets en rosaires, l’amour de la Sainte Vierge transfuse du cœur de ses parents, de ses maîtres, dans celui de l’enfant de Marie.

L’entrée au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, si elle l’éloigne des rites de l’enfance, épanouit cependant sa ferveur mariale. Les mystères du Christ y étaient historiquement attestés, théologiquement énoncés, garantis par la foi de l’Église, portant à l’incandescence les mâles vertus de foi, d’espérance et de charité. Son premier Noël, célébration sublime du mystère de l’Incarnation, fut un éblouissement du cœur et de l’intelligence. Or, depuis le concile d’Éphèse, en 431, la clef de ce mystère, la garantie contre toute hérésie, c’est le dogme de la Maternité divine de Marie, fruit du mysticisme de saint Cyrille d’Alexandrie qui enthousiasma notre Père pour la vie.

Et la Maternité de Marie donne aussi un accès facile au mystère de la Rédemption. En 1946, Georges de Nantes obtint le troisième prix dans un concours national de théologie mariale. Éclairé, déjà, par son intuition de la définition de la personne par ses relations, il l’appliquait au mystère de la Corédemption de Marie. On admire la sagesse théologique de ce séminariste de vingt-deux ans !

« La place qu’occupe Marie dans la Rédemption opérée au Calvaire est infinie par les exigences et les droits de sa maternité. Pure relation au Fils de Dieu, cette Maternité a pris en Marie une telle place que la personne de la Vierge se résume toute en cette relation à Jésus (...).

« Si Marie a mérité d’être Médiatrice universelle, comme l’Église le définira demain, ce ne fut que dans son rôle de Mère, spécialement au Calvaire ; rôle de Mère, instrument de salut et Corédemptrice, rôle qu’elle ne mérita pas plus que son Immaculée Conception, mais qu’elle accepta avec celui de Mère de Dieu et des hommes au jour de l’Annonciation.

« La Rédemption est le fait de Jésus, elle aurait pu être le fait de Jésus seul. Mais le  ad melius esse  des théologiens que la piété populaire traduit : la miséricorde de Dieu ”, était que Marie soit intimement associée à Jésus. Marie qui avait livré sa chair et son esprit à Dieu doit consommer cette donation au calvaire en offrant à la mort son Fils unique, en épousant la volonté du Père. Ainsi associée à l’holocauste, elle reçoit de Dieu le pouvoir d’en répandre les bienfaits et de demeurer Mère de tous les hommes comme son Fils en a voulu être à jamais le frère. »

Cette contemplation de la Vierge corédemptrice, modèle du prêtre, prêtre elle-même, du sacerdoce même de son Fils, introduit notre Père dans son Cœur pour vivre en Elle :

« Lorsque la cohorte des ordinands pénètre dans le sanctuaire, en leurs aubes blanches, le cierge à la main, c’est vers leur Mère qu’une fois encore, monte leur cantique joyeux et confiant : La Vierge-Prêtre est notre guide, où elle se hâte, allons à sa suite ”... Ils se donnent à Dieu, comme elle dès sa Présentation. Comme elle aussi, c’est vers l’autel de la Croix qu’au fil des jours ils se rapprochent. Mais formés à sa ressemblance, c’est dans les plis de sa robe et comme poussés par elle qu’ils s’approcheront de l’autel. Il leur suffira de scruter le Cœur de Marie avec leurs yeux d’enfants et de s’unir à sa prière. »

Finalement, après des épreuves qui faillirent compromettre sa vocation, notre Père reçut le sous-­diaconat en plaçant son engagement dans les mains de la Sainte Vierge, selon le conseil de son directeur.

NOTRE PÈRE, AMI DE L’ÉPOUX.

La deuxième conférence, écoutée le dimanche matin, retraçait les premières années de sacerdoce de notre Père. Pendant dix ans, il se dévoua au service de l’Église et de la Patrie partout où l’on voulut bien de lui, saisissant toutes les occasions pour mieux faire connaître et aimer Jésus et Marie, pour leur conduire les âmes. De persécutions en renvois, il fut finalement poussé par la Providence sur les traces du Père de Foucauld, jusqu’à fonder le 15 septembre 1958, au centenaire de sa naissance, l’ordre des Petits frères du Sacré-Cœur, blotti auprès de la Sainte Famille de Nazareth.

Mais d’où notre Père tirait-il son zèle infatigable ? Une Lettre à mes amis nous le révèle : c’est un secret !

« Ce qu’il ne faut jamais oublier, c’est l’empreinte profonde, le Caractère que le sacerdoce imprime dans l’âme du prêtre. Jusqu’au fond de l’être, il est devenu par son ordination l’ouvrier du Seigneur. Il apprend à connaître, au long de son ministère, dans les mille démarches que son Maître lui fait entreprendre auprès des âmes, la sagesse magnifique de Dieu mais aussi la spontanéité, la vivacité toujours surprenantes, toujours inattendues et merveilleuses de sa grâce. Le prêtre en reste ravi et chaque jour renouvelle son ravissement.

« Ainsi se trouve-t-il habitué à être – qu’on excuse ce terme, mais il est si parlant ! – le commissionnaire de l’Amour divin. Sa pauvre vie mystique à lui, ouvrier manuel du Domaine divin, ne va souvent pas loin dans l’expérience des effusions et des communications divines. Mais son service le fait confident de toutes les pensées et les démarches de l’Amour infini auprès des âmes qu’Il a créées. Alors, de là, sa pensée se trouve ramenée bien souvent au grand secret royal de l’Époux et de l’Épouse. S’il en est ainsi des rapports de Dieu avec ces pauvres âmes qu’il approche, qu’est-ce dans le Ciel, de ceux qu’Il entretient avec la Reine des Anges ? Ainsi, le prêtre que son ministère rend témoin des attentions délicates et tendres, des sollicitations ardentes de Dieu pour les plus modestes de ses créatures, pressent ce que doivent être, dans leur chambre nuptiale, au centre éblouissant du Ciel, les effusions incomparables du Seigneur et de la Vierge Immaculée qu’Il s’est choisie pour Épouse entre toutes (...).

« C’est là une des merveilles du sacerdoce, d’être rendu témoin, indirect, mais bien véritable, de l’Amour de Dieu pour son Épouse, notre Souveraine. Que dire alors de l’autre mouvement qui descend d’Elle jusqu’au pauvre petit serviteur de ce Roi ? Tout l’amour qu’Elle éprouve pour Lui et l’intérêt qu’Elle prend à ses affaires s’étend irrésistiblement et avec quelle ferveur ! à ceux qui se dévouent à son service. C’est comme un pacte entre la Vierge Marie et les prêtres de son Fils, qu’elle récompense de son côté, pour Elle personnellement, du mal qu’ils prennent à ce service... » (Lettre à mes amis no 69, mai 1960)

De telles pages ont de quoi rendre à toute une génération de prêtres désorientés et mis au pilori, le zèle pour leur vocation avec l’amour de Marie !

Et pour nous purifier l’esprit des réquisitoires contre le sacerdoce amassés par nos évêques, frère Bruno nous lut dimanche, à l’oraison, au sermon de la messe et avant le salut du Saint-Sacrement le témoignage de l’abbé de Nantes sur la sainteté de l’Église en ses prêtres. C’était avant la Réforme conciliaire...

Pour son vingtième anniversaire de sacerdoce, il retraçait l’histoire de sa vocation et toutes les figures de prêtres qui l’avaient formé, spécialement dans les collèges catholiques et au séminaire.

« Tous, je pourrais l’affirmer avec serment, tous sans aucune exception, me donnèrent l’impression et l’attrait de la vertu. Les milliers de petits faits ou de paroles, remarqués par l’enfant mais ruminés par l’homme que je suis devenu, me précipitent à genoux devant ces maîtres oubliés qui furent, au regard de Dieu et à nos yeux si peu attentifs mais aimants, des saints.

« Ô Sainte Église, qui a consacré à notre enfance tant et de tels hommes, Vous êtes la grande éducatrice et la Mère admirable du genre humain, Vous êtes la plus grande des merveilles qui puisse exister... » (CRC no 6, Supplément, mars 1968)

frère Guy de la Miséricorde.