Il est ressuscité !

N° 227 – Décembre 2021

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Le rapport Sauvé :
nos évêques accusateurs de nos prêtres !

CONFÉRENCE D’ACTUALITÉS DE DÉCEMBRE 2021

par frère Bruno de Jésus-Marie

«QUAND l’un de vous a un différend avec un autre, ose-t-il bien aller en justice devant les injustes, et non devant les saints ? » écrivait saint Paul aux Corinthiens avec indignation (1 Co 6, 1).

Un seul évêque s’est conformé à la parole de l’Apôtre, celui de Bayonne, Mgr Marc Aillet. Il a refusé de prendre part à la consultation. Il a sauvé l’honneur de la Sainte Église dont il est le ministre, en « homme sage qui puisse servir d’arbitre entre ses frères », au lieu d’aller en justice « frère contre frère, et cela devant les infidèles ! » (ibid., versets 5 et 6)

Au lieu de faire le ménage en famille, puisque l’Église peut avoir sa propre police, Mgr de Moulins­Beaufort se met à genoux ! pour demander pardon au Monde !

Il s’en remet à un « rapport » établi sans aucun contrôle, et se refuse à le contester dans ses dénombrements les plus invraisemblables, et propose une indemnisation, d’abord forfaitaire puis, sur injonction de Sauvé, au cas par cas, se livrant pieds et poings liés au monde qui livrera l’Église aux tribunaux pour des litiges sans fin. Jésus, qui ne fait qu’un corps avec son Église, est crucifié une seconde fois par ses propres ministres !

Il est d’ailleurs mis en cause lui-même par Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille : « Les écrits de Matthieu se terminent par  celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ”. » « Parole (malheureuse) du Seigneur » ! parce qu’  « on peut aussi se cacher derrière cette position pour se rendre indispensable et acquérir du pouvoir ».

Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Ce n’est plus Gambetta, mais c’est Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg : « Il y a des facteurs profonds qui tiennent au système. Un colloque organisé à l’université de Strasbourg a récemment porté sur le cléricalisme. Il est certain que l’Évangile ne va pas dans le sens des abus sexuels. » Ah bon ! Autant pour Ulrich ! Mais « il faudrait se débarrasser des scories, des masques (sic !) qui ont affublé notamment le sacerdoce ». Quoi donc, par exemple ? Eh bien !

« Un des facteurs propres à l’Église catholique est la place sociale prééminente qu’a occupée le clergé en Occident depuis plusieurs siècles. Là où le clergé a été moins puissant (depuis la Révolution française...), moins encadrant (depuis la séparation de l’Église et de l’État), moins nombreux (depuis le concile Vatican II...), il y a moins d’abus. » Menteur !

Conclusion : « Il faut renoncer à certaines visions de l’Église qui ne sont plus adaptées aujourd’hui, et risquent d’être dévoyées : en particulier l’idée de l’Église comme société parfaite. » De fait ! Le spectacle de notre Conférence épiscopale de France (cef) offre une “ vision ” qui nous en dissuade à tout jamais !

Non pas que Mgr Ravel soit anticlérical, non ! « Il faut, selon lui, distinguer le cléricalisme dénoncé par le pape François, qui est interne à l’Église et le cléricalisme dénoncé par les anticléricaux, qui concerne le pouvoir extérieur de l’Église. » Vous saisissez la différence ? Non ? Voici : « Le cléricalisme interne est une des racines des abus sexuels ; ce n’est pas le sacerdoce, le problème, mais le cléricalisme qui s’est mêlé au sacerdoce. »

Mgr Pontier, président émérite de la cef, aujourd’hui administrateur apostolique de Paris : « La France me semble moins touchée que d’autres pays européens par ce phénomène (sic !). » Vous savez pourquoi ? Je vous le donne en mille ! Non, vous ne devinerez jamais, du moins, nous, bons et attentifs lecteurs du frère Pascal, qui nous a fait connaître Mgr Freppel :

« Je crois que cela s’explique en partie par la laïcité qui a conduit, dès le début du vingtième siècle, au départ de plusieurs congrégations et à la fermeture de grandes institutions pour enfants qui perdurent dans d’autres pays. La laïcité nous a installés dans plus d’humilité et de réalisme. » L’humilité de Mgr Pontier est en effet confondante : « Nous sommes sans doute descendus du piédestal un peu plus tôt qu’ailleurs, le statut du prêtre et de l’évêque français me semble assez différent de celui des pays voisins (p. 8). » Au moment où il monte sur le piédestal de Paris !

Il avait daigné m’écrire pour me poser des questions. Je lui ai répondu (Il est ressuscité no 200, juillet-août 2019). Je n’ai reçu aucune réponse. Pas même un accusé de réception. Quelle humilité ! En effet, c’était reconnaître que l’abbé de Nantes avait tellement raison qu’il n’avait rien à répondre à ses critiques du concile Vatican II et de la “ Réforme de l’Église ”.

Mgr Gérard Defois, archevêque émérite de Lille remporte la palme pour donner raison à l’abbé de Nantes : « Je pense qu’il y a aussi eu, dans le clergé d’après-guerre (dont l’abbé de Nantes est un échantillon emblématique), une crise de vocations certes, mais aussi une crise d’insertion dans la société. Dans le monde rural, le curé était avec le maire et l’instituteur une personnalité qui avait du prestige. Puis il y a eu les Trente Glorieuses, et une prise de conscience du fait que le monde allait se constituer sans eux, qu’être prêtre était une voie sans avenir. » Vous savez pourquoi ? Écoutez :

« On est passé d’une religion d’appartenance – comme chez les Romains – à une religion d’adhésion et de choix. La Chrétienté est une légende du dix-neuvième siècle, elle n’a jamais existé. Ce qui a existé, c’est un modèle de société, avec les monastères qui remplissaient la fonction de Pôle emploi ! Dans le diocèse de Sens, 20 % des terres étaient exploitées par des moines ; les clercs étaient employés par des moines ; les clercs étaient engagés par le seigneur du lieu. À Fontevraud, c’étaient souvent les fils des fermiers qui approvisionnaient l’abbaye qui étaient recrutés pour dire la messe à ces dames [les religieuses !], dont on dit qu’elles tenaient le monastère... c’était pour eux un moyen de recevoir une éducation. Le sacerdoce était recherché. » (p. 1-2)

Cette déclaration archiépiscopale témoigne d’une méconnaissance abyssale de la nature même de l’Église et de son histoire bimillénaire... ! Mais ce n’est pas encore le pire. ­Monsieur Olivier Bobineau, ancien séminariste, et le Père Joseph Merlet en ont fait un livre en 2017 : Le sacré incestueux. Les prêtres pédophiles. Bobineau explique : Un facteur « que nous avons repéré est l’autonomie judiciaire de Rome. Lorsque nous avons eu l’idée de notre recherche, cette autonomie était encore absolue. Or tout système clos, idéalisé, sacralisé, est un danger. Les dérives sexuelles et financières deviennent possibles, comme le dit Mgr Rouet, archevêque émérite de Poitiers. » Et référence peu recommandable, je vous assure !

Un autre facteur « est la sacralité du corps du prêtre, séparé de la société, qui dispose d’un pouvoir sur les autres organismes humains, corps profanes. Cela accentue l’asymétrie de pouvoir entre le prêtre et sa victime [sic !]. Nous avons consacré un chapitre de notre ouvrage au corps sacré du prêtre. Depuis le quatrième siècle, l’Église s’est organisée avec un corps ecclésial fonctionnant comme une tribu. Le concile de Trente a développé une stratégie pour recruter et contrôler les prêtres, devant prendre soin de leur corps et de leur âme. De là vient l’expression officielle de corps ecclésial. » Sic ! Vous comprenez ? « La séparation d’avec les profanes passe aussi par un logement, un vêtement, des attitudes, des manières de se déplacer... on comprend que le corps social du prêtre devient un référentiel pour juger de ce qui est licite ou non dans la société, car il participe à l’ordonnancement du divin dans l’humain. Sa fonction est d’imposer un système social à une expérience désordonnée. »

Cet ancien séminariste est un docteur de l’Église : « L’originalité du christianisme, c’est l’incarnation : le corps symbolise le pouvoir d’en haut. Le concile de Chalcédoine, en 451, est resté dans l’histoire comme celui qui a définitivement établi cette dimension de l’incarnation, le Christ étant pleinement homme et pleinement Dieu, ce dont découle l’existence du corps sacré du prêtre et d’un corps en voie de sacralisation : celui du séminariste. » Il nous faut comprendre qu’Olivier Bobineau, ancien ­séminariste, parle d’expérience. Et voici pour achever son témoignage de fils de l’Église, fils dénaturé et apostat :

« Pour en revenir à l’ascendant qu’exerce le prêtre, deux éléments nous paraissent particulièrement significatifs. En premier lieu, on ne peut qu’être frappé par l’étendue du champ lexical catholique de la paternité. Ce n’est pas un hasard si l’Église catholique se réfère sans cesse au pater familias. À commencer par le Pape [et le Bon Dieu ! Père, Fils et Saint-Esprit !], mais aussi les Pères du désert, les Pères conciliaires, l’abbé renvoie à abba – c’est-à-dire le père – monseigneur, etc. Il s’agit d’une paternité conçue juridiquement, comme dans la conception sociale de la famille [...]. D’où le développement de tout ce champ lexical à compter du quatrième siècle, avec même des redondances telles que  père – abbé ”, jusqu’au titre de  vicaire du Christ  adopté en 985 [et aboli par le pape François].

« Entre-temps, Vatican II a réhabilité le terme de père pour les évêques... »

J’interromps ce délire freudien, blasphématoire, qui, sous l’influence évidente de Freud, fait injure à notre Père Céleste, à son Fils Jésus-Christ, deuxième Personne de la Sainte Trinité, Fils de Dieu fait homme. Et je dois rappeler que notre Père, l’abbé de Nantes, qui nous a délivrés de Freud, et se voulait « l’anti-Freud », avait prévu « qu’un nouveau type de prêtre selon Vatican II », annonçait, préparait, et causerait irrémédiablement la disparition du clergé et l’apparition de scandales d’une ampleur sans précédent qui le souillerait.

« Deux préoccupations obsédèrent le Concile, expliquait l’abbé de Nantes, en matière de situations et de pouvoirs ecclésiastiques. La promotion de l’épiscopat, considéré comme l’Ordre suprême sacerdotal, directement hérité des Apôtres et constituant de ce fait un Collège souverain (avec le Pape !). Et la promotion du laïcat, considéré lui-même comme antérieur à tout, “ Peuple de Dieu ” doué d’un triple charisme prophétique, sacerdotal et royal, en vertu de son baptême, et exerçant dans le monde son Sacerdoce par un véritable culte et une mission irremplaçables.

« Des prêtres, il ne devait être question qu’en passant, et pour en faire les sous-ordres des évêques (lg, 28). Mais un beau jour s’imposa l’évidence quon ne pourrait aboutir à rien sans eux. “ Sachant bien que le renouveau tant désiré de toute l’Église dépend pour une grande part d’un ministère sacerdotal animé par l’Esprit du Christ ”, le Concile décida de porter intérêt aussi au “ pres­by­térat ” [c’est le mot grec. Pour l’amour du grec]. Il importait de rendre les prêtres “ partie prenante ”, et enthousiaste ! dans ce “ renouveau ” dont ils devraient être les indispensables tâ­cherons. Alors, d’urgence, en octobre 1964, on s’acharna à inventer quel­que mutation prometteuse de ce lambeau de sacerdoce qui restait aux “ prêtres du second rang ”. “ Vatican II a déjà suffisamment abordé le sacrement de l’Ordre avec l’épiscopat ; et il a déjà touché au sacerdoce à propos du sacerdoce des fidèles ”, aveu candide (Unam Sanctam, t. 68, p. 198) ; il a aussi réinventé le diaconat. Alors, que trouver de reste pour le presbytérat ?

« Deux décrets conciliaires l’auront pour objet. Pres­byterorum Ordinis traite du Magistère et de la Vie des Prêtres (d’où le sigle mvp). Optatam totius, de la Formation des Prêtres (fp). On lira avec une ironie attristée les commentaires lyriques de ces textes par NN. SS. Marty et Guyot, hélas ! démentis par les faits, aux éditions du Centurion. Quant au volume 68 d’Unam Sanc­tam (us), il est absolument remarquable. On s’explique mal comment tant de science et d’intelligence peuvent s’allier à un si complet égarement dont la sanction se trouve imprimée dans le fait d’une faillite complète de toutes ces vues chimériques. Du moins la bonne foi de ces experts y paraît entière. C’en est touchant, mais quel malheur !

« L’Église du concile de Trente, après la secousse de la Réforme luthérienne, l’Église dite de la Contre-Réforme brilla de tous les feux de la sainteté et lança ses missionnaires à la conquête de l’univers parce qu’elle fut l’Église de l’Eucharistie. Contre les négations protestantes, elle exalta comme son centre et sa source spirituelle le Saint-Sacrifice de la Messe. Elle honora en conséquence le prêtre, qui est l’homme de la Messe. La prédication et la rémission des péchés, toutes les œuvres pastorales et l’apostolat conduisaient ou ramenaient aux pieds des autels pour le salut des âmes et pour la louange de Dieu. C’était le tout de la religion, sans que rien ne soit oublié par ailleurs, comme a l’honnêteté de le reconnaître Congar (237).

« Survint la Nouvelle Réforme, impatiente de changement et désireuse de renouer avec l’autre, par œcumé­nisme. Elle ambitionna d’inventer un “ nouveau type de prêtre ”. Les théologiens se mirent au travail, tandis que maints agitateurs créaient dans le clergé une psychose d’insatisfaction. On entendra dire au Concile que les prêtres en ont assez d’une spiritualité de moines, toute centrée sur l’Autel et le confessionnal, d’un ministère renfermé dans l’église et absorbé par les fonctions du culte. Chèvre de Monsieur Seguin dans son enclos, le prêtre entend bien des voix qui l’appellent à rompre son attache et à tenter l’aventure, libre, dans la montagne sauvage !

« Ce que les théologiens ont inventé, une fois qu’il l’eut bien compris, le cardinal Marty le considéra comme génial. Et divin. “ Sous la conduite de l’Esprit, la route de l’avenir a été tracée : les principaux repères sont en place. ” (12) Eh ! quoi, qu’est-ce donc ? Du nouveau, du tout nouveau, une doctrine qui “ répond aux aspirations les plus fondamentales des prêtres d’aujourd’hui ”.

« “ Cette doctrine a mûri lentement et, dans sa frappe définitive, elle est prégnante du grand tournant que Vatican II a réalisé pour l’Église de notre temps. ” Voici : “ Le Décret sur le ministère et la vie des prêtres nous apprend le contenu véritable du pastorat, son orientation essentiellement missionnaire, sa double dimension théocentrique et anthropocentrique, l’exigence de présence aux hommes qu’il comporte, la manière dont il doit nourrir et unifier toute la vie du prêtre. ” (11)

« Sous ces termes sibyllins, c’est une révolution qui s’annonce dans le ministère et la vie des prêtres, c’est une mutation de l’essence même du sacerdoce.

« Imprudemment, le futur cardinal ajoute : “ Si, en réponse aux signes des temps, l’Église est appelée partout à se renouveler, il est normal que les prêtres s’interrogent, qu’ils éprouvent parfois un réel malaise et que bon nombre d’habitudes (sic) soient mises en cause par la situation actuelle. ” Délibérément donc, le Concile ouvre une crise. Mais, confiance ! le Saint-­Esprit est là pour tout arranger : “ La conclusion de ­Presbytero­rum Ordinis le reconnaît expressément : des adaptations s’imposent pour le ministère sacerdotal. Mais l’Esprit-Saint ne peut pas ne pas les suggérer et les encourager, s’il est vrai que ce monde tel qu’il est aujourd’hui est celui que Dieu confie à l’amour et au ministère des pasteurs de l’Église. ” Mais c’est faux !

« Qu’est ce nouveau type de prêtre ? L’opposé du prêtre selon le Cœur de Dieu défini au concile de Trente et illustré par tant de saints ! “ Ce que l’on n’ose pas appeler une opposition ”, avoue Congar (242), en est une ! Ce “ Pastorat ”, inventé par Luther avant d’être redécouvert par Vatican II, est l’antithèse du Sacerdoce catholique ! “ Devant l’ampleur et l’urgence de la tâche missionnaire, le risque était grand de faire croire que l’on passait d’un type de sacerdoce à un autre, et l’on comprend que bien des Pères de Vatican II aient pris peur devant une conception trop apostolique ou plutôt trop activiste du ministère sacerdotal. ” » (219)

« De fait ! Du culte, on passe à la mission, du théo­centrisme à l’anthropocentrisme, du service de Dieu à celui du monde ! Il faut lire là-dessus us 217-218...

« Mais c’est dans la ligne générale de Vatican II : “ La nécessité d’un schéma sur les prêtres s’imposa... (tardivement)... dans la mesure où progressa la prise de conscience de l’objectif pastoral de Vatican II. Elle prit corps dans la décision de consacrer un schéma aux rapports entre l’Église et le monde de ce temps. Mais elle se manifesta également dans une autre décision, celle d’inverser l’ordre des matières du De Ecclesia et de faire précéder le chapitre consacré à la hiérarchie d’un chapitre consacré au Peuple de Dieu. ” (129)

« Nous avons vu la gravité de cette inversion (supra, p. 72-73). Nous verrons bientôt le péril de cette ouverture au monde. Déjà nous en savons assez pour comprendre les mauvaises con­ditions dans lesquelles le Concile aborda la Réforme du presbytérat : on soumettrait les prêtres aux laïcs, et on tournerait leur zèle, non plus vers Dieu mais vers le monde... Les scandales qui submergent aujourd’hui l’Église sont le fruit pourri de cette inversion. » (Préparer Vatican III, p. 111-113)

C’était écrit en 1972 (CRC no 54). Le désastre actuel, qui submerge toute l’Église, du haut en bas de la hiérarchie, confirme le bien-fondé de cette analyse ; cinquante ans après, les fruits mortels de ce « funeste Concile » jugent la cause en faveur de la Contre-Réforme catholique. Devant l’ampleur de la faillite, les réformateurs reconnaîtront-ils leur crime ?

ERRARE HUMANUM EST, PERSEVERARE DIABOLICUM

À la lecture de ces auditions de la Commission indépendante ( ?) sur les abus sexuels dans l’Église (ciase), on observe que les quarante-cinq recommandations de la ciase sont, pour une grande part, inspirées de ces auditions. L’esprit anticlérical du rapport Sauvé vient en grande partie des hommes d’Église eux-mêmes !

Leurs analyses sont assez homogènes : cléricalisme, problème systémique, le célibat n’est pas un problème, l’ordination des femmes n’est pas une solution ; ce qu’il faut, c’est développer la synodalité, donner plus de pouvoir aux conférences épiscopales... C’est le langage du pape François. La source de toutes ces réponses coule évidemment de ses discours.

Le rapport Sauvé et les autres “ rapports ” dressés dans les autres pays ont pour objectif évident d’établir « scientifiquement », « statistiquement », que les principes de l’Église ­d’autrefois produisent de façon systématique des pervers. Tous les évêques et experts sont d’accord ! La priorité absolue est donc d’en terminer avec ces principes et d’imposer de façon irrévocable les principes du concile Vatican II, pour réparer les dégâts du concile de Trente ! Synodalité, déclergification, abolition des vœux religieux, de la direction de conscience, promotion des laïcs dans la paroisse, etc. Précisément toute la “ réforme ” que le pape François veut imprimer à l’Église avec son synode sur la synodalité.... les rapports d’enquêtes ne peuvent que le confirmer dans son orientation.

Il est pourtant visible, il est aveuglant qu’au seul point de vue “ scientifique ”, “ sociologique ”, ce rapport a tout faux. Si la cléricalisation est si dangereuse, et si la promotion du laïcat est la solution, comment expliquer les 114 000 abus sur mineurs, 30 % du total, commis par des laïcs « en mission d’Église » ?

Sœur Véronique Margron et le Père Joulain reconnaissent que les communautés où l’on trouve le plus de coupables sont les communautés nouvelles et non pas les traditionnelles. Il y a donc dans les communautés traditionnelles des principes qui agissent contre le vice.

La Ciase a pu interroger elle-même dix prêtres et un diacre coupables, et elle note : « À l’exception d’un prêtre relevant d’un catholicisme plus traditionnel, tous défendent une vision plutôt horizontale de leur rôle, dans une mouvance assez caractéristique de l’après-Concile en France. »

À vrai dire, on voit bien que l’erreur du rapport Sauvé vient de sa méconnaissance de la nature de l’Église, de son caractère surnaturel. Il est évident, depuis que l’homme est homme, qu’une personne jouissant d’un pouvoir, et encore plus quand celui-ci est spirituel, est tentée de tomber dans l’abus de pouvoir et le crime. On n’avait pas besoin d’auditionner des évêques pour le savoir. Et c’est bien à cause de cela que les hommes ont instauré dans toute institution humaine des contre-pouvoirs, des inspecteurs, des contrôleurs, etc.

La Ciase ici, et les experts avec elle, et le Pape, analysent l’Église comme si elle était une institution humaine ordinaire et ils en ont ignoré tout le ressort surnaturel. Le rôle du Saint-Esprit, la fidélité à la foi, l’enseignement de la vérité, de la pureté, de l’humilité, la dévotion à la Sainte Vierge, la grâce des sacrements, la correction des mœurs, le rôle des autorités constituées pour engager les fidèles, « le peuple de Dieu », sur un chemin de pénitence, rien de tout cela n’est pris en considération, surtout pas par nos évêques. Et cela est effrayant ! Pas une fois il n’est question du Bon Dieu, de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge.

C’est signé. Ce péché contre le Saint-Esprit est la marque de la haine diabolique qui les anime. Cette haine n’a rien à envier à celle des ennemis de l’Église. Le concile de Trente, le prêtre image du Christ, Pie IX, les institutions du passé, ils ont tout cela en horreur.

Le modèle qu’ils proposent est celui du concile Vatican II, rien de plus. Or, ce sont précisément les principes hérétiques, progressistes de ce modèle, qui sont la cause de ces scandales, car c’est cela qui a tari les sources de la grâce.

Comment restaurer le sacerdoce dans une Église représentée en confidence à Lucie, François et Jacinthe par Notre-Dame de Fatima comme « une grande ville à moitié en ruine » ? Pour répondre à cette question vitale, il faut relire l’abbé de Nantes élaborant les « schémas préparatoires » d’un concile Vatican III réparateur :

1. LA PLÉNITUDE DU SACERDOCE.

D’abord, en rappelant que la plénitude du Sacerdoce, source et modèle de tout sacerdoce, se trouve en Jésus-Christ Souverain Prêtre et Pontife Suprême de la Nouvelle Alliance. Ce Sacerdoce plénier persiste, dans la Personne du Souverain Pontife, Successeur de Pierre et Vicaire de Jésus-Christ. Comme il est écrit au bandeau de la coupole de Saint-Pierre de Rome : Inde oritur unitas sacerdotii, c’est d’ici que s’élève l’unité du Sacerdoce. Dans le Pape se trouvent en plénitude l’Ordre et la Juridiction, la Consécration et la Mission apostolique universelle. Il serait bon de commencer par Lui, le Pape, plutôt que par le “ Collège ” épiscopal, et moins encore par le “ Peuple de dieux ”... au pluriel.

2. MINISTÈRE SACERDOTAL.

Le Sacerdoce est une consécration à Dieu pour le Culte et l’Apostolat, selon laquelle le ministre de Dieu agit  in persona Christi ”, en lieu et place du Christ et avec sa vertu, revêtu de sa puissance sacerdotale. Il est alors “ un autre Christ ”. Mais ce qui est précisément vrai dans l’Action sacramentelle, l’est-il en toutes actions apostoliques et dans quelle mesure ? à quelles conditions ? Vatican II a étendu cette présence efficace du Christ à toute l’action apostolique du prêtre – et de l’évêque plus encore. C’est là une amplification dangereuse. Les faits l’ont trop démontré. Vatican III devra préciser le mode exact de cette Présence efficace du Christ à l’action sacerdotale.

3. HIÉRARCHIE SACERDOTALE.

L’Ordre épiscopal se perpétue par la consécration épiscopale qui est, si l’on en croit l’enseignement de Vatican II, la plénitude du sacrement de l’Ordre. Ainsi chaque évêque recevrait ses Pouvoirs directement de Dieu. Il me semble que les évêques de Vatican II ont trop souligné ce caractère autonome de leur Ordre, au détriment de sa subordination au Souverain Pontificat pour la détermination de leur mission ou juridiction.

L’Ordre presbytéral, longtemps considéré comme le type même et la perfection du Sacerdoce, doit être certes établi en dépendance, pour le ministère même, de l’Ordre épiscopal. Là aussi le concile Vatican II a bien fait. N’a-t-il pas exagéré la subordination des prêtres, même religieux, à leur évêque ? A-t-il bien agi en refusant formellement de con­cé­der que les prêtres puissent, par le Sacrement, tenir leur dignité directement et immédiatement du Christ (215, note 26) ? À l’expérience, c’est trop les livrer à l’arbitraire des évêques dont l’histoire prouve ce qu’il peut avoir d’abusif ou d’insensé. Ils s’en croient trop.

Vatican III aura un équilibre à retrouver et à bien définir. Entre la dignité de l’évêque et sa fidélité au Saint-Siège, les évêques de Vatican II sont trop indépendants, avec leur “ Collège ” ! Entre la dignité du prêtre et sa fidélité jurée à son évêque : Vatican II a exagéré la dépendance. Entre la dignité baptismale du chrétien et sa soumission à la hiérarchie : comme nous verrons, Vatican II a faussement émancipé le laïcat, en bloc, de la soumission due...

4. SPIRITUALITÉ SACERDOTALE.

Le ministère diaconal et les autres offices dans l’Église ne sont pas en eux-mêmes sacerdotaux. Moins encore le culte que le peuple fidèle rend par ses dévotions ou ses actions méritoires quotidiennes. Vatican III définira les modes par lesquels ministres inférieurs et laïcs peuvent unir leurs offrandes et leurs cœurs à la divine Victime offerte par le divin Prêtre présent en ses ministres ordonnés.

Dépouillé de cette qualité “ sacerdotale ” qui lui a été faussement attribuée, le peuple fidèle retrouvera avec satisfaction sa juste place, hors du chœur, dans la nef de l’église, mais uni par le prêtre au Christ mystique, au Christ total qui est, lui, vraiment Prophète, Prêtre et Roi.

Quant aux prêtres, parce qu’ils assument les fonctions très hautes de médiateurs entre Dieu et les hommes, leur vie et leur spiritualité seront marquées d’un caractère hautement religieux. Vatican III restituera aux “ clercs ” leur dignité de “ séparés ” et leur rappellera impérativement les exigences de leurs fonctions sacrées, en toute leur vie.

Homme de prière, de doctrine et de dévouement, l’ecclésiastique de demain comme celui d’hier recevra une formation longue et soignée au cours de laquelle se produira une sélection prudente et large.

Nous avons là-dessus aussi des propositions à soumettre au Concile. Mais l’essentiel doit être d’abord restauré.

Le Sacerdoce, c’est quelque chose ! Le Prêtre, c’est quelqu’un ! Le concile Vatican II a prétendu en élargir les limites, en enrichir la notion. Tous seraient prêtres, et le sacerdoce de tous consis­terait tout dans la mission d’annoncer l’Évangile au monde. Le résultat ne s’est pas fait attendre... Plus personne ne veut être prêtre, être prêtre n’est plus rien, ne signifie plus rien pour les prêtres eux-mêmes, rien de plus que prêcher l’Évangile par toute sa vie mais n’importe qui peut ambitionner de le faire n’importe où, n’importe comment ! En voulant tout embrasser, la définition nouvelle du Sacerdoce s’est vidée de tout son mystère essentiel.

Vatican III reprendra l’enseignement de la Tradition, en partie fixé dans les éternelles définitions du concile de Trente. Le prêtre est l’élu de Dieu, ordonné pour le service sacerdotal du Christ. Médiateur en son Nom, il remet les péchés et célèbre les Saints Mystères. Pasteur et Chef de son peuple, il assure son salut éternel et souvent son bien temporel. Le Sacerdoce catholique est ce qu’il y a de plus grand dans le monde, lui qui donne le Christ à son Église ! Par la médiation du Cœur Immaculé de Marie, puisque Dieu le veut !

« Com­bien de fois l’ai-je entendu répéter par mes directeurs de conscience, par nos prédicateurs de retraite, par nos professeurs et nos supérieurs de séminaire, nous confiait notre Père : “ Messieurs, la dévotion à la très Sainte Vierge est le gage de la fidélité du prêtre. ” » Parce qu’elle est médiatrice de toutes les grâces nécessaires à ce médiateur qu’est le prêtre lui-même.

L’IMMACULÉE MÉDIATRICE

Après avoir révisé les cinquante Points de notre religion catholique pour les mettre sur “ l’axe ” du mystère de l’Immaculée Conception, il nous faut poser en corollaire de ce mystère sa relation avec tous les autres Points politiques (Points 51-100) et écologiques (Points 101-150), celle d’une médiation universelle qui établit l’Immaculée à la source de toutes les grâces nécessaires à une vie chrétienne. Ce privilège n’a pas encore fait l’objet d’une définition infaillible de l’Église, mais il fut considéré très tôt, dans l’Église primitive, comme le “ secret ” de Marie.

Ce “ secret ” est d’abord celui de Dieu pensant à la Vierge Marie et, du même mouvement, voulant la créer en la revêtant de toute la beauté « concevable ». En vue de quoi ?

« D’abord, en vue de sa gloire. Dieu n’a besoin d’aucune créature et, cependant, sortant de lui-même, il s’est donné pour joie supplémentaire une “ conception ” merveilleuse, douée de toutes les perfections “ concevables ” pour en revêtir une créature sortie de ses mains, afin qu’elle soit féconde et répande sa grâce sur d’autres êtres qui l’aimeront.

« Le Cœur de Marie, tout tourné vers Dieu, reçoit dans son amour de Dieu le désir de servir les créatures qui vont lui être accordées comme ses enfants. Elle est donc Médiatrice des biens divins pour les anges, puis pour les hommes et femmes survenants. Elle est pour nous ! » (Il est ressuscité no 204, décembre 2019, p. 31)

LA MÉDIATION FONTALE.

Si elle n’avait pas dit oui à l’ange Gabriel, le jour de l’Annonciation il n’y aurait pas eu d’Incarnation. C’est librement qu’elle a dit oui, sous l’empire de la grâce dont elle était remplie ; ce consentement l’a faite coopératrice du Sauveur pour être sa Mère et vouloir le salut de l’humanité avec son Fils descendu dans son sein virginal pour cela.

« Médiation parfaite, médiation totale, médiation unique de l’Éternel dans l’universalité du temps », explique le Père Javelet (Marie, la Femme médiatrice, œil, 1984).

« Le Ciel frappe au Cœur de Marie, le volet s’ouvre et le pardon de Dieu éclaire et régénère le monde. » L’acceptation de Marie ouvre toute l’humanité à la grâce de Dieu. Aussitôt, la Vierge devient la Maison de Dieu, elle porte l’Emmanuel, « Dieu avec nous », en son sein, et lorsqu’elle va visiter sa cousine Élisabeth, à peine entrée dans sa maison d’Aïn-Karim, l’Enfant Jésus qu’elle porte opère par la voix de sa Mère frappant les oreilles ­d’Élisabeth : l’enfant qu’elle porte elle-même, le futur saint Jean-Baptiste, bondit de joie. C’est la grâce apportée par Jésus qui passe par le ministère de Marie. Première médiation, qui concerne Jean. Celui-ci est, avec sa mère, le premier à bénéficier de cet amour dont il sera le précurseur. « La médiation de Marie n’est-elle pas évidente ? Marie ne répond même pas à une sollicitation. Elle va au-devant de la prière. Toute détresse, l’universelle misère du monde, c’est l’appel que, dans l’Esprit de Dieu, elle discerne, avant même qu’il soit formulé. Le malheur est là ; elle est là. Ils se rencontrent et le Christ qu’elle porte, agit. Élisabeth, en péché originel, était une “ maison vide de Dieu ”, Jean n’y pouvait rien ; lui-même en elle, vide de Dieu, Marie est là – les sentiments sont humains mais c’est l’émotion d’une Mère de Dieu – et Dieu est présent. La maison d’Élisabeth est habitée d’une joie dont Marie est médiatrice... non pas la joie du monde, mais celle que Dieu donne (Jn 16, 20-24). » (ibid., p. 18-19)

Non seulement « partout où Marie est présente, la grâce de son fils agit », mais encore « glorifiée, Marie est présente en Jésus à l’univers entier. La médiation de la Visitation est significative d’une médiation étendue à l’humanité entière. » (ibid., p. 22)

ÉPIPHANIE.

Annonciation à Nazareth et Visitation à Aïn- Karim ont eu lieu dans le secret ou dans un cercle familial. La visite des bergers et des mages inaugure la manifestation, épiphanie, du royaume de Dieu aux juifs et aux païens.

« Sans Marie, Jésus ne nous aurait pas été montré. Elle nous le tend dans ses mains et, le livrant aux hommes, se livre à eux du même Cœur. N’est-elle pas médiatrice ? Toute mère n’est-elle pas médiatrice ?

« La Présentation par Marie de Jésus au Temple fait partie de ce mystère marial de l’Épiphanie. Épiphanie pour Syméon et Anne, Syméon qui lui prophétise les douleurs de la Rédemption pour elle comme pour son Fils, Anne qui “ se met à parler de l’Enfant à tous ceux qui attendent la délivrance de Jérusalem ” (Lc 2, 30-32). Ici, nous voyons nettement que l’Incarnation est liée à la Rédemption, que l’Annonciation et la Nativité préludent au suprême sacrifice... et toujours Marie est là, Marie coopère et partage : “ Et vous-même, un glaive vous transpercera l’âme ! ” Marie présente, Marie active, Marie corédemptrice ! » (ibid., p. 19-20)

LA VIE CACHÉE.

Saint Joseph a été chargé par Dieu de tenir lieu de Père à Jésus puisque c’est lui qui a donné son nom à l’Enfant de la Vierge, son Épouse. En lui révélant le mystère par son ange, Dieu a versé dans le cœur de saint Joseph de ses propres sentiments paternels. Lucie, François et Jacinthe ont contemplé saint Joseph dans le ciel de Fatima, « à sa place dans la Sainte Famille, la première. La Vierge Marie se met très volontiers à la seconde place, ne s’étant jamais insurgée contre cette subordination à ce saint que Dieu lui donnait et qu’elle admirait profondément. Jésus, le Dieu de Dieu, Lumière de la Lumière, Verbe créateur, et cependant soumis à eux, les aimant et les admirant plus que tout. » (Georges de Nantes, 10 décembre 1989)

« Marie est Mère de Dieu ; elle ne l’oublie pas. Elle n’oublie pas plus que son Fils sera en butte à la contradiction, et qu’il souffrira. En filant, en lavant, en puisant l’eau du puits, elle y songe... elle ne cesse d’être la servante du Seigneur et de prier pour cette humanité qu’il vient racheter.

« Lorsque le Fils quitte la maison, après la mort de saint Joseph, sa mission commence et la séparation physique fut plus douloureuse que la douleur de l’accouchement que Marie n’avait pas éprouvée. »

MYSTÈRES DOULOUREUX

« Déjà la disparition de Jésus au temple la fit souffrir. Marie est telle que Dieu a voulu toutes les mamans, frémissantes, sacrifiées à leur mission, ne vivant que pour la chair de leur chair... » (Javelet, p. 21)

Ainsi, à chacun des quinze mystères du Rosaire, la volonté d’une humble femme va de l’avant, et comme elle a été Médiatrice d’abord par son enfantement surnaturel, elle l’est maintenant par l’intercession de sa maternelle protection. C’est par les quinze mystères de Notre-Dame du Rosaire que nous allons à Jésus.

Elle le met au monde à Bethléem, puis elle le porte au Temple. Ce sont ses jambes qui marchent, et ses bras qui présentent l’Enfant, et l’Enfant, entrant dans le Temple accomplit la prophétie de Malachie :

« Et soudain il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ! » (3, 1)

Pour y faire quoi ?

« Il purifiera les fils de Lévi et les affinera comme or et argent, et ils deviendront pour Yahweh ceux qui présentent l’offrande comme il se doit. » (3, 3)

Marie Immaculée est donc la Médiatrice de notre purification. Et ce même jour, elle reçoit l’annonce qu’un glaive de douleur percera son Cœur Immaculé. Cet avertissement s’est renouvelé dans les trois jours de recherche de Jésus au Temple, qui furent une agonie pour Elle. Elle avait perdu son Jésus, elle le recherchait tandis qu’il s’offrait en sacrifice dès ce jour-là dans la Maison de son Père pour le salut du monde.

Quand elle le laissera partir pour entrer dans sa vie publique, elle le suivra des yeux et du Cœur, et se trouvera, au moment suprême, debout au pied de la Croix, offrant merveilleusement son Fils. Il lui a demandé la permission d’accomplir sa vocation, qui était de se “ livrer ” aux hommes, dans la souffrance comme dans la joie.

L’Épiphanie mariale et eucharistique de Tuy, le 13 juin 1929, a montré que cette Vierge Immaculée au Cœur transpercé et enflammé d’amour tenait la place du prêtre médiateur pour offrir son Fils en victime, pour le salut du monde, au Saint-Sacrifice de la messe, représenté par le Précieux Sang qui coule des blessures de Jésus sur l’Hostie et de là dans le Calice.

Corédemptrice et médiatrice. Il n’est donc pas étonnant qu’au moment de la Résurrection de Jésus, elle soit là, au milieu de l’Église. Et elle va rester. L’office de sa Maternité divine continue auprès des Apôtres et de toute l’Église. Elle est la Mère de toute créature.

Il s’agit pour chacun de nous de communier à la vie trinitaire, de s’unir au Fils de Dieu pour devenir enfant du Père céleste. L’Époux, c’est le Christ, et le Christ crucifié. Et l’Épouse, c’est Marie dont la médiation vaut au pécheur de rentrer dans le sein de Dieu, comme disait Jésus à Nicodème qui ne comprenait pas comment c’était possible, imaginant les choses de manière charnelle, comme un juif.

Il faut dire que c’était avant les événements qui vont lui permettre de comprendre, et de s’y purifier, s’y régénérer par la pureté de “ Celui qui est pur, ouvrant en toute pureté un sein virginal, ce sein qui régénère les hommes en Dieu ”, comme disait saint Irénée. Il parlait du sein de Marie où brûle un feu qui embrase son Cœur Immaculé, nous le savons depuis les révélations de Fatima.

Il s’agit pour chacun de nous d’accueillir les révélations de notre Divine Mère descendue du Ciel pour exercer sa Maternité universelle ! selon la disposition fondamentale de son Cœur Immaculé. Elle est l’âme même de la médiation de l’Église, de génération en génération, jusqu’à nos jours. Médiation eschatologique glorieuse, révélée dès le commencement dans l’Apocalypse, à l’œuvre aujourd’hui depuis Fatima, en nos temps qui sont les derniers. La Vierge Marie, dans son désir de sauver toutes les âmes, se fait l’Avocate d’Ève pour qu’elle soit graciée, et de tous ses descendants. Elle nous prend tous en charge. Aux temps apocalyptiques de la grande Apostasie, elle intervient encore pour que son Fils ait pitié de nous et nous sauve.

Tel est le premier “ dogme ” marial, appelé “ Médiation ” par saint André de Crète, au huitième siècle († 720). Le mot, apparemment abstrait comme « Immaculée Conception » au lieu de « conçue sans péché », comme Jésus se nommant « la Vérité, la Vie » et non pas le véridique, le vivant.

C’est ainsi que par Marie médiatrice fut reconnu et mis en lumière le Christ médiateur ! Avocate contre Satan, “ l’Accusateur ”, victorieuse en raison de sa maternité divine et universelle de Vierge Immaculée, c’est elle qui a donné son lait à boire à son Enfant, et Jésus en a fait son Précieux Sang. C’est par ce lait de la Vierge qu’est venu le Précieux Sang de Jésus versé pour notre salut. Elle est donc « corédemptrice », n’en déplaise au pape François qui s’est emporté, dans son homélie du 12 décembre 2020, jusqu’à le nier.

Saint Irénée la considère comme « Advocata nostra », l’avocate d’Ève, mais aussi l’Auxiliatrice, le Perpétuel Secours. Ces mots datent du deuxième siècle après Jésus-Christ ! Pour marquer que sa Médiation ne s’arrête pas à l’Incarnation, parce qu’on n’a jamais vu une mère mettre au monde des enfants et ne plus s’en occuper. La Vierge Marie ayant été Mère du Christ dans l’Incarnation, ne cesse de pousser le Christ en avant, de l’accompagner et ainsi nous enfantant nous-mêmes, elle continue à s’occuper de nous. Médiatrice en toutes choses, en toutes difficultés et de tous les êtres humains. Resplendissante de beauté dans sa virginité sans tache, son Cœur Immaculé bondit vers nous pour nous donner la vie, avec une puissance telle que l’Église est comme toute contenue en ce Cœur à Cœur avec celui de son Fils qui est en même temps son Époux.

« L’IMMACULÉE SEULE VA NOUS APPRENDRE
COMMENT AIMER LE SEIGNEUR JESUS. »

(Saint Maximilien-Marie Kolbe)

Avocate des pécheurs, elle pourvoit à la rémission de leurs péchés, à la réparation, au salut ; son intercession ne s’arrête pas là : Marie est le diacre par excellence de toutes les grâces et bienfaits de Dieu ; elle ne cesse, en effet, d’habiter spirituellement parmi nous comme elle habite en Dieu ; elle veille sur nous comme un évêque sur l’Église ; elle n’est étrangère à aucune de nos affaires humaines, toujours présente à notre vie quotidienne.

N’est-elle pas mère, n’est-elle pas femme, n’a-t-elle pas tenu sa maison, n’a-t-elle pas connu tous les soucis de l’être humain ?

Et si elle nous aide à comprendre les Écritures et donc à connaître Dieu, si elle nous permet d’échapper à l’emprise du démon, rien ne lui échappe de nos besoins les plus humbles. En tout, elle exerce sa puissance bienveillante avec l’autorité que lui confère sa maternité divine.

À Cana : « Ils n’ont plus de vin », dit-elle à Jésus. « Mon heure n’est pas encore venue ! » Fixée par le Père, elle ne saurait être avancée. Cependant, Marie semble vouloir l’anticiper et chose extraordinaire, le Père se rallie à son heure à elle. Le Père obéit à Marie !

Marie Médiatrice de toutes grâces. Les grâces les plus hautes, ce don divin de la vie mystique, dont le Vin est le symbole, Dieu le refusera toujours à l’homme, s’il ne passe pas par le Cœur de Marie.

LE CŒUR IMMACULÉ MÉDIATEUR DE TOUTES GRÂCES

« Là se manifeste l’amour du Cœur divin, l’amour de Jésus qui nous donne sa propre Mère (“ Fils, voici ta Mère ”) pour que nous puissions l’aimer, lui, Jésus, avec son Cœur à elle, Marie. Là, nous nous trouvons au féminin, tout naturellement, nous aussi, les frères, parce que c’est notre amour d’homme qui nous transporte dans le Cœur de la Vierge Marie, pour avoir une dévotion transformante. Pas transformante d’elle, mais transformante de nous ! « ... l’amour de l’Immaculée est le plus parfait amour avec lequel une créature puisse aimer son Dieu ».

« Elle seule va nous apprendre comment aimer le Seigneur Jésus, bien mieux que tous les livres. »

Communions dans le Cœur Immaculé de la Vierge Marie, c’est-à-dire demandons à la Vierge Marie de venir en nous pour accueillir Jésus. « Ce n’est pas venir à nous, c’est nous rendre participants de ses sentiments, c’est-à-dire de nous donner à elle, afin qu’elle nous assimile à elle, et de le recevoir, lui, avec tous les sentiments de la Vierge Marie, de l’épouse parfaite, de la Mère de tous les hommes. Je suis votre enfant, je viens en votre sein, je m’abîme en votre Cœur et là, je brûle de tous vos sentiments, je consume tous mes sentiments, mes désordres et mes vices personnels, pour être semblable à vous et ainsi, recevoir Jésus-Christ, avec votre Cœur, dans votre Cœur, uni à votre Cœur. »

C’était toute la pensée de l’abbé Poppe.

L’universelle dévotion de l’Épouse corporelle du Christ qui est l’Église, au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie qui en est l’Épouse première et dernière, seule peut obtenir de la Vierge Marie, que nous ayons tous, hommes ou femmes, jeunes vierges ou jeunes gens, par la médiation de son Cœur, un accès à Jésus qui soit vraiment mystique et qui ne peut être conçu que sous la forme du baiser de l’Époux à son épouse, de la réponse pleine d’amour ou offrande, offertoire d’elle-même, comme d’une épouse à son époux. Jésus, Fils de Dieu fait homme, ainsi, sera l’Époux de notre être, mais cela dans un mariage mystique dont la Vierge Marie sera la Médiatrice. C’est d’une profondeur abyssale !

Tous enfants de Marie, les filles pour demeurer vierges et se garder dans la vie mystique de toute illusion, imagination ou regrets charnels.

Hommes, pour renoncer au mariage et à toutes ses séductions, pour renoncer à notre orgueil, pour servir Notre-Seigneur Jésus-Christ en loyaux disciples et sujets, comme leur Roi, mais pour recevoir de la Vierge Marie, de son Cœur Immaculé, de surcroît, un amour inépuisable, ayant forme d’amour d’épouse pour l’Époux (Georges de Nantes, Esquisse d’une mystique trinitaire, octobre 1989).

Rentrer dans le Cœur Immaculé, nous y “ coller ”, pour rencontrer le Fils de Dieu.

Mais Jésus intime, Jésus mystique, c’est celui qui germe dans les chastes entrailles de la Vierge Marie. Elle le conçut, elle l’allaita, elle le baisa et le caressa, comme une chair sienne, comme un cœur tout amoureux du sien.

On en ferait un livre : « Jésus intime ». Le Jésus public, on le connaît. Il n’y a qu’à lire les Évangiles. Le Jésus intime est révélé aux cœurs purs ou à ceux que Dieu a choisis. En tout cas, Il purifie leurs cœurs. Jésus, joie intime du Cœur Immaculé de Marie, avant de devenir un événement mondial par la médiation universelle de Marie.

Jésus est là, enfant dans les bras de sa Mère, tout amoureux de sa Mère, et elle, toute amoureuse de lui, une âme toute collée à la sienne. J’ose dire : Il en fut déjà l’Époux, parce que c’était l’homme unique de l’unique Vierge Marie. C’était le total de l’amour et toutes les formes de l’amour, toutes les formes permises, légitimes, renversant toutes les barrières, accumulant tous les privilèges, toutes les perfections, pour un jour être distribué à tout le monde ; tout le monde tourne maintenant autour de cet Enfant dans les bras de sa Mère. Il fut un Époux, en vertu de la loi d’amour conjugal, qu’Il avait lui-même établie à l’origine du monde, avant même la création. Il recommence tout avec sa Mère, la loi de cette différence des sexes, afin que l’un soit la moitié de l’autre, qu’elle lui soit une compagne semblable à lui et la Vierge Marie est bien la compagne semblable à Jésus. Semblables, ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Il est vraiment son héritier ; et quant à l’esprit et la divinité, elle est remplie de l’Esprit-Saint, elle est remplie de la Sagesse de Dieu, don de l’Esprit-Saint qui résume tous les autres, et donc ils sont faits l’un pour l’autre, comme jamais aucune femme n’a été faite pour un homme ni aucun homme pour une femme.

Toutes les femmes sont invitées à suivre la Vierge Marie, et tout naturellement aimer Jésus d’un amour tout à fait semblable, d’épouse pour leur Époux. Il est bien de passer par la Vierge pour courir sur les traces du Christ.

C’est pourquoi des milliers d’âmes féminines se sont lancées sur les traces de la Vierge. Cela leur était des plus simples ! Imitation de leur Mère, non sans grâce et amour particulier de Jésus qui les y appelle et leur donne toutes sortes de grâces, non sans médiation de la Bienheureuse Vierge Marie, continuellement.

Notre-Seigneur ne tolère pas d’être approché, au moins par nous les hommes, sans qu’on passe par sa Mère, par le Cœur Immaculé de sa Mère. C’est saint Jean Eudes qui en est le révélateur, et le Père Maximilien Kolbe qui en est indéfiniment le commentateur.

Jésus les conduit donc à rentrer dans le sein de leur divine Mère, qui est aussi la sienne. Jésus disait à Nicodème : « Il faut que l’homme renaisse », Nicodème répondait : « Alors, il faut que je rentre dans le sein de ma mère ? » Jésus aurait pu lui répondre : « Dans le sein de ma Mère, à moi ! » Mais l’heure n’était pas encore venue de révéler cela ! Deux mille ans après, l’heure est venue quand même de le comprendre et d’en faire notre salut dans le naufrage universel. Il s’agit de renaître d’une autre Mère, qui est une Mère selon la chair et selon l’esprit : c’est le Cœur Immaculé de la Vierge Marie.

Il s’agit donc d’entrer dans ce sein, où bat le Cœur Immaculé de Marie, et si bien s’y unir, pénétrer tous ses états, ses vertus, ses sentiments, à force de méditation, que dans son obéissance, humilité, pureté, en elle et par elle, nous connaissions cette plénitude dès ici-bas, de l’amour parfait du Fils de Dieu, Notre- Seigneur Jésus-Christ, dans ses tendresses incarnées.

Tout le symbolisme de ce mystère de l’Incarnation ne se réduit pas au symbolisme, mais atteint véritablement les échanges, les tendresses, les dialogues intimes, qui sont d’époux à épouse, c’est-à-dire où lui est l’Époux qui commande et qui domine, et l’âme, même masculine, est l’épouse qui subit, qui pâtit les choses divines, les touchers divins, et qui en a une grande jouissance, qui en tire une grande perfection.

Apparition de la Sainte Famille à Fatima, 13 octobre 1917.
C’est ainsi que les enfants de Fatima ont vu, le 13  octobre 1917, saint Joseph et l’Enfant-Jésus ensemble bénissant le monde « avec des gestes qu’ils faisaient de la main en forme de croix », que notre Père comparaît au geste d’un curé de paroisse : « Admirable conciliation, admirable ressemblance et imitation de saint Joseph et de l’Enfant-Jésus ! Nous pouvons les voir, à ce moment-là, peut-être comme le roi du monde et le patron de l’Église, mais nous pou­vons aussi les voir tous les deux comme deux enfants. J’aime beaucoup les voir comme deux enfants ! Saint Joseph, avec sa simplicité, c’est un grand enfant ! Et l’Enfant-Jésus, c’est l’Enfant de Dieu, c’est le Fils unique de Dieu, qui s’est fait petit enfant pour nous approcher. Ce grand enfant et ce petit enfant qui se ressemblent tellement, ce sont les trésors les plus précieux de la Vierge Marie et de l’Église. Ils font un signe de croix comme un curé de campagne ou comme un saint petit enfant. Ils nous bénissent ! »

Le Cœur Immaculé de Marie est à tous et à toutes plus qu’un modèle : il faut que nous en fassions notre demeure, que nous y habitions, que nous collions notre cœur au Cœur Immaculé de la Vierge Marie. C’est un sanctuaire vivant et vivifiant où se rencontre le Fils de Dieu, notre frère en Marie devenu notre Époux en toute vérité.

N’est-ce pas exactement l’exemple que saint Joseph nous donne dans sa première annonciation ? Il s’apprête à s’éloigner, mais l’ange le retient : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme ! » (Mt 1, 20) Ne s’est-il pas jeté dans le Cœur de Marie pour aller à Dieu, son Père, et découvrir déjà le Fils dans le Père ? À la crèche, n’avait-il pas les yeux fixés sur la Vierge Marie, pour scruter tous les sentiments de son Cœur sur son visage et dans tous ses gestes envers l’Enfant Jésus, copier son attitude sur la sienne, lui, Joseph ?

L’extraordinaire “ mariage ” de saint Jean Eudes avec la Vierge Marie n’est pas du tout un mariage entendu à la mode ordinaire, d’une domination de l’homme sur la femme et de soumission de la femme à l’homme. La Vierge Marie en rien ne s’est soumise à saint Jean Eudes, mais “ mariage ” voulait dire leur union si intime qu’ils ne faisaient plus qu’un, son cœur était tout dans le Cœur de la Vierge Marie, mais lui, pour épouser ses sentiments à elle. Ce n’est pas elle qui s’aligne sur lui, c’est lui qui devient conforme à la Vierge Marie et qui, dans ses sentiments tout à fait féminins, aborde au Cœur de Jésus. C’est le but, et il dit bien que le centre du Cœur de la Vierge, c’est le Cœur de Jésus, c’est Jésus qui est là, écrit en lettres d’or au fin fond du Cœur de la Vierge, c’est Jésus qu’il trouve et qu’il embrasse en s’unissant à la Vierge Marie (Georges de Nantes, ibidem. 27 octobre 1989).