Il est ressuscité !

N° 252 – Février 2024

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2023

L’Évangile de Jésus-Marie (5) 
L’annonce de la Croix

DE LA VISITE À NAZARETH (MI-JUILLET 29) 
À LA FÊTE DES TABERNACLES (OCTOBRE 29)

LES articles des deux mois précédents ont raconté   les premiers mois de la vie publique de Notre-Seigneur. Dès le commencement de sa prédication, sa renommée s’est rapidement répandue dans toute la Palestine, mais à Jérusalem, il se heurte à l’orgueil légaliste des pharisiens et des docteurs, dans une opposition mortelle, déjà ! En Galilée, les foules sont enthousiastes à la vue de ses miracles, mais c’est une admiration tout humaine, qui ne les conduit pas à la conversion, c’est-à-dire à croire vraiment en Jésus. Pour révéler ce qu’est le Royaume qu’il vient instaurer, et les déloger de leurs espoirs charnels et racistes, Jésus leur parle en paraboles.

Comprenant très bien le drame qui se noue, la Sainte Vierge peut désormais Le suivre partout, discrète et effacée au milieu des saintes Femmes. Elle ne quittait jamais son Fils des yeux, épousant sans cesse ses sentiments divins. Tâchons de nous loger dans son Cœur Immaculé pour suivre avec Elle ces événements.

À NAZARETH... HAINE FRATRICIDE (juillet 29).

Après avoir raconté la résurrection de la fille de Jaïre, où nous nous sommes arrêtés le mois dernier, saint Marc note : « Étant sorti de là, il se rend dans sa patrie [Nazareth], et ses disciples le suivent. » Nous sommes au mois de juillet de l’an 29. « Le sabbat venu, il se mit à enseigner dans la synagogue, et les nombreux auditeurs étaient frappés d’étonnement et disaient : D’où cela lui vient-il ? Et qu’est-ce que cette sagesse qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se font par ses mains ? Celui-là n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, – Jésus est bien le Fils, Unique quant à la chair, de Marie le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? Et ils étaient choqués à son sujet. » (Mc 6, 1-3)

Ce sont les mêmes qui, il y a quelque temps, voulaient arracher Jésus de son ministère et le ramener à Nazareth, considérant qu’il « avait perdu le sens » (Mc 3, 21).

Saint Luc a raconté comment Notre-Seigneur a ouvert son ministère dans cette même synagogue (4, 16-22), mais en regroupant à la suite le récit de ses passages successifs dans sa Patrie. La deuxième partie de ce récit (4,  22-30) a dû se dérouler lors de cette visite mentionnée par saint Matthieu et saint Marc :

« 23 Et il leur dit : À coup sûr, vous allez me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Tout ce qu’on nous a dit être arrivé à Capharnaüm, fais-le de même ici dans ta patrie. ” » (Lc 4, 23)

Motif de leur haine : il fait du bien aux autres. Et il délaisse son clan !

« 24 Et il dit : En vérité, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie. ” 25 Assurément, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé pour trois ans et six mois, quand survint une grande famine sur tout le pays ; 26 et ce n’est à aucune d’elles que fut envoyé Élie, mais bien à une veuve de Sarepta, au pays de Sidon. 27 Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée ; et aucun d’eux ne fut purifié, mais bien Naaman, le Syrien. ” » Annonce de l’ouverture du salut aux nations païennes, que saint Luc racontera dans ses Actes des Apôtres. Pour ces juifs, ingrats et endurcis dans l’orgueil de leur race, c’est insupportable :

« 28 Entendant cela, tous dans la synagogue furent remplis de fureur. 29 Et, se levant, ils le poussèrent hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville était bâtie, pour l’en précipiter. 30 Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin... » (Lc  4, 24-30)

Son heure n’est pas encore venue. Jésus doit encore poursuivre son enseignement, son “ évangélisation ”, et établir les fondements de son Église. Il est le Maître des événements : « Ma vie, personne ne me la prend. C’est moi qui la donne. » (cf. Jn 10, 17-18)

PREMIÈRE MISSION DES APÔTRES.

« 1 Ayant convoqué les Douze, il leur donna puissance et autorité sur tous les démons, et pouvoir de guérir les maladies. 2 Et il les envoya prêcher le Règne de Dieu et opérer des guérisons. » (Lc 9, 1-2)

Nous devons être au milieu du mois de juillet de l’an 29. C’est une première expérience pour les Apôtres, qui recevront plus tard la charge « d’aller par le monde entier prêcher l’Évangile à toute créature » (Mc 16, 15). Ils sont envoyés « deux à deux », et comme des pauvres : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni besace, ni pain, ni argent ». Seul saint Marc précise l’objet de leur prédication : « Étant partis, ils prêchèrent la pénitence. » Car il faut que la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu, qui est un appel à la conversion, et à la foi en Jésus, soit connue de tous, plutôt que la rumeur de ses miracles. « Et ils chassaient beaucoup de démons. Et ils oignaient d’huile beaucoup de malades et les guérissaient. » (Mc 6, 12-13)

On parle tellement de Lui qu’Hérode se pose des questions : « Il ne savait que penser, car quelques-uns disaient que Jean le Baptiste était ressuscité des morts, d’autres qu’Élie était apparu, d’autres qu’un des anciens prophètes était ressuscité. Mais Hérode dit : Jean ! moi je l’ai fait décapiter. Mais quel est-il donc, celui dont j’entends dire de telles choses ? Et il cherchait à le voir. » (Lc 9, 7-9). En un seul verset, saint Luc nous apprend ce que saint Matthieu et saint Marc relatent en détail : comment Hérode a fait décapiter Jean-Baptiste au cours d’un banquet, pour les beaux yeux de la fille de son épouse illégitime (Mc 6, 21-29 et Mt 14, 6-12). Il est à craindre qu’il ne s’en prenne maintenant à Jésus.

MULTIPLICATION DES PAINS.

Quand les Apôtres rentrent de mission, et « lui racontent tout ce qu’ils avaient fait », Notre-Seigneur les invite avec tendresse : « Venez vous-mêmes à l’écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu. » Car, commente saint Pierre, « nombreux étaient ceux qui venaient et s’en allaient, et on n’avait même pas le temps de manger ! »

« 32 Ils partirent donc dans la barque vers un lieu désert, à l’écart. 33 Les voyant s’éloigner, beaucoup comprirent, et de toutes les villes on accourut là-bas, à pied, et on les devança. » (Mc 6, 31-33)

On mesure l’enthousiasme de la foule : dès qu’ils ont compris où il allait, ils courent pour le rejoindre. Ils l’admirent, ils l’aiment, pour sa beauté, son rayonnement, la sagesse de ses paroles. Mais surtout, commente saint Jean, « parce qu’ils voyaient les miracles qu’il opérait sur ceux qui étaient malades » (Jn 6, 2). Cela reste un attachement humain, voire superficiel. En tout cas, il n’est plus question de se reposer

« 3 Jésus gravit la montagne et là, il s’assit avec ses disciples », pour les enseigner longuement. « Levant alors les yeux et voyant qu’une grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens ? 6 Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car lui-même savait ce qu’il allait faire. 7 Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau. ” 8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : 9 Il y a ici un enfant, qui a cinq pains d’orge et deux poissons ; mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? 10 Jésus leur dit : Faites s’étendre les gens. ” Il y avait beaucoup d’herbe en ce lieu. Ils s’étendirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. » (Jn 6, 1-10)

« 41 Prenant alors les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, il bénit et rompit les pains, et il les donnait à ses disciples pour les leur servir. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. 42 Tous mangèrent et furent rassasiés. » (Mc 6, 41-42)

Miracle éclatant ! Que Jésus fait par miséricorde pour ces foules affamées, et surtout pour annoncer son Eucharistie, le banquet quotidien dont il nourrira son Église, et le festin des noces éternelles, au Ciel ! C’est le grand désir de son Cœur Eucharistique, qui sera le fruit de son sacrifice sur la Croix.

« 12 Quand ils furent repus, il dit à ses disciples : Rassemblez les morceaux en surplus, afin que rien ne soit perdu. 13 Ils les rassemblèrent donc et remplirent douze couffins avec les morceaux qui, des cinq pains d’orge, se trouvaient en surplus à ceux qui avaient mangé. 14 À la vue du signe qu’il venait de faire, les gens disaient : C’est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde. ” » (Jn 6, 12-14)

Explosion d’enthousiasme ! Cette foule dont saint Marc écrit qu’elle est comme un troupeau sans Pasteur, a enfin trouvé son Chef, qui dépasse les prodiges de Moïse dans le désert ! « C’est lui le Messie, qu’il soit à notre tête pour un nouvel Exode, la libération est proche ! »

« 15 Alors Jésus, se rendant compte qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire roi, s’enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul. » (Jn 6, 15)

Il étouffe la “ manif  ” qui commençait. Saint Matthieu, témoin de l’événement, raconte :

« 22 Et aussitôt il obligea les disciples – qui devaient être aussi excités que la foule – à monter dans la barque et à le devancer sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. 23 Et quand il eut renvoyé les foules, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier. » (Mt 14, 22-23)

La foule attendait une libération temporelle et l’abondance de biens matériels : mais Jésus ne vient pas pour cela. Il vient conquérir tous les cœurs à son Amour, et la Croix sera nécessaire à cette conquête, pour que son Esprit-Saint purifie et élève ces cœurs charnels. Et parce qu’il pense à son Sacrifice, Jésus se réfugie dans la solitude avec son Père, en qui il trouve force et réconfort. La Vierge Marie, aussi, qui a tout vu et tout compris, sait bien que cette incompréhension des foules mènera son Fils à la Croix. Déjà, à cette pensée, le glaive de douleur lui transperce le Cœur.

JÉSUS MARCHE SUR LES EAUX... 
LA FOI DE PIERRE.

Les Apôtres quant à eux, traversent le lac avec peine, car le vent était contraire. La mer était aussi agitée que leurs cœurs, disait notre Père. Mais « à la quatrième veille de la nuit, – 6 heures du matin  – Jésus qui les voyait depuis la montagne, vint vers eux en marchant sur la mer. »

Preuve de la vérité de son Incarnation : Jésus marche, sur les vagues et les creux, avec tout le poids de son Corps, comme un paysan traverse son champ fraîchement labouré. Mais précisément, pour marcher ainsi sur les eaux, il faut être le Fils de Dieu !

« 26 Les disciples, le voyant marcher sur la mer, furent troublés : C’est un fantôme ”, disaient-ils, et pris de peur ils se mirent à crier. 27 Mais aussitôt Jésus leur parla en disant : Je Suis, cessez de craindre ! 28 Sur quoi, Pierre lui répondit : Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux 29 Viens ”, dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus. »

Il est le chef des Apôtres, c’est à lui que sont données l’inspiration et la grâce de faire cet acte de foi.

« 30 Mais, voyant le vent, il prit peur et, commençant à couler, il s’écria : Seigneur, sauve-moi ! 31 Aussitôt Jésus tendit la main et le saisit, en lui disant : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? ” »

Événement historique, c’est aussi une parabole en action, qui nous parle de la conversion du Saint-Père, quand il criera vers le ciel pour être sauvé des eaux de ce monde.

« 32 Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. » (Mt 14, 25-32)

Saint Marc conclut : les Apôtres « étaient stupéfaits, car ils n’avaient rien compris au sujet des pains, mais leurs cœurs étaient fermés » (6, 51-52). On croirait entendre le récit plein de componction de saint Pierre. C’est ce passage qui a été retrouvé dans les grottes de Qumrân, sur le fragment 7 Q 5.

À CAPHARNAÜM, DISCOURS SUR LE PAIN DE VIE.

La barque accoste à Gennésareth, non loin de Capharnaüm, et aussitôt Notre-Seigneur est reconnu par ceux qui avaient assisté au miracle de l’autre côté de la mer, et qui le cherchaient partout : il n’était pas monté dans la barque avec ses disciples, et pourtant il n’était plus là ! L’ayant enfin trouvé, « ils lui dirent : Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?

« 26 Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes, – c’est-à-dire, “ non pas parce que vous avez compris la leçon de ce signe que je vous ai donné ” – mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés. 27 Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme , car c’est lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau. ” » (Jn  6, 26-27)

Notre Père admirait la sérénité de Jésus, son “ audace ” même, de tenir un langage si élevé, divin, presque inaccessible à cette foule travaillée par des ambitions terrestres et des désirs charnels, et qui vient à Lui dans l’espoir d’être rassasiée. Ici Notre-­Seigneur use encore de sa divine pédagogie : il utilise un signe sensible, tangible, le pain qu’il a multiplié, pour révéler la nourriture spirituelle qu’il veut donner aux âmes.

Et, tout de même, ces Galiléens le suivent, et sont prêts à faire ce qu’il dit :

« Ils lui dirent alors : Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? 29 Jésus leur répondit : L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. ” »

Donc ce n’est plus un précepte moral, la pratique de la Loi. C’est la Foi, la soumission, la confiance en Dieu, la communion à l’œuvre de Rédemption qu’il est en train d’accomplir.

« 30 Ils lui dirent alors : Quel signe fais-tu donc, pour qu’à sa vue nous te croyions ? Quelle œuvre accomplis-tu ? 31 Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger du pain venu du ciel. ” »

Ils sont en retrait : pour croire en Jésus, qui leur promet une nourriture céleste, ils demandent un signe plus grand que la simple multiplication du pain terrestre qu’il vient d’accomplir, puisque leurs pères dans le désert ont eu mieux !

« 32 Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, non, ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel ; – cette manne était la nourriture des corps, mais non pas le vrai aliment célestiel – mais c’est mon Père qui vous le donne, le Pain qui vient du ciel, le vrai ; 33 car le Pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde. » (Jn  6, 28-33)

Et les Galiléens, là encore, le suivent :

« 34 Ils lui dirent alors : Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là. ” 35 Jésus leur dit : Je suis le Pain de vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim ; qui croit en moi n’aura jamais soif. ” »

Révélation sublime, stupéfiante, mais qu’ils ne vont pas, qu’ils ne peuvent pas comprendre. Ils ne sont pourtant pas endurcis dans leur impiété, comme les juifs de Jérusalem, mais ils sont enfermés dans les réalités charnelles de l’ancienne Alliance. Jésus ne leur en veut pas, il va leur expliquer le mystère qui préside à cette élection divine :

« 36 Mais je vous l’ai dit : vous me voyez et vous ne croyez pas. 37 Tout ce que me donne le Père viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le jetterai pas dehors ; »

Celui qui vient à Jésus ne peut le faire que par une certaine grâce du Père Céleste qui l’attire vers son Fils. Et Jésus reçoit, aime et évangélise ceux qui viennent à lui, par amour de son Père qui les lui confie :

« 38 Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la Volonté de Celui qui m’a envoyé. 39 Or c’est la Volonté de Celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour. »

À évoquer ce mystère, Jésus paraît ravi, impressionné par la grandeur de sa mission :

« 40 Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. »

C’est la même vérité qu’il vient d’affirmer à Jérusalem devant les Juifs qui déjà veulent le tuer. Le Père et le Fils travaillent, à donner la vie, en vue de la résurrection des corps (Jn 5, 21-29).

« Les Juifs alors se mirent à murmurer à son sujet, parce qu’il avait dit : Je suis le pain descendu du ciel. ” 42 Ils disaient : Celui-là n’est-il pas Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire maintenant : Je suis descendu du ciel ? ” » (Jn 6, 34-42)

Leur incrédulité, paradoxalement, sert Notre-­Seigneur, qui va préciser encore sa révélation.

« 43 Jésus leur répondit : Ne murmurez pas entre vous. 44 Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. 45 Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés par Dieu. »

Jésus ne leur fait pas reproche, mais il leur explique de nouveau que, s’ils ne viennent pas à Lui, c’est qu’ils n’ont pas la grâce prévenante du Père en eux. Néanmoins, leur dit-il, ceux qui lisent fidèlement et docilement l’Écriture sainte sont conduits vers Lui :

« Quiconque s’est mis à l’écoute du Père et à son école vient à moi. 46 Non que personne ait vu le Père, sinon celui qui vient d’auprès de Dieu : celui-là a vu le Père. 47 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle. 48 Je suis le Pain de vie. 49 Vos pères, dans le désert, ont mangé la manne et sont morts ; 50 ce Pain est celui qui descend du ciel pour qu’on le mange et ne meure pas. 51 Je suis le Pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce Pain vivra à jamais. »

Jésus est la nourriture vivifiante, salutaire pour ceux qui croient en lui. Mais, bien plus, il achève la révélation de son Cœur Eucharistique : « Et même, le Pain que je donnerai, c’est ma Chair, pour la vie du monde » (Jn 6, 43-51)

C’est par la manducation de sa propre Chair que notre âme sera rassasiée. Notre-Seigneur a voulu élever ces juifs charnels au désir de la nourriture spirituelle que Dieu leur donne, qu’Il est lui-même. Et maintenant, avant même qu’ils ne réclament encore un signe sensible de ce don spirituel, il leur annonce la grâce meilleure (Jn 1, 16), l’offre indépassable : le don de sa propre Chair, offerte en sacrifice, devenue victime expiatrice, donnée en nourriture pour la vie du monde.

« 52 Les Juifs alors se mirent à discuter fort entre eux ; ils disaient :   Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ” »

Selon notre hypothèse, la suite du discours placée ici par saint Jean a été prononcée dans d’autres circonstances, plus tard, à la veille de la Pâque, celle du Sacrifice de Jésus (cf. Il est ressuscité n° 242, avril 2023, p. 8). Mais elle ne fera qu’aggraver la rupture déjà perceptible ici :

« Jésus leur dit : Cela vous scandalise ?  [...] 63 C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit, et elles sont vie [...]. 65 Voilà pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi si cela ne lui est donné par le Père. ” Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent, et ils n’allaient plus avec lui. »

Ces paroles sont Esprit, il faudra que ces âmes reçoivent l’Esprit-Saint pour pouvoir les comprendre, et elles sont Vie, Vie que Jésus pourra communiquer quand il sera ressuscité d’entre les morts. En attendant, on voit Jésus se heurter à un mur d’incompréhension, pour ainsi dire : parce que l’Esprit-Saint n’a pas encore été donné, les cœurs sont fermés. Il faudra passer par la Croix.

La Sainte Vierge assistait à tout cela, admirant immensément la Sagesse des paroles de Jésus, et son courage. Elle comprenait tout, elle qui depuis son tout jeune âge, se nourrissait de ce Pain de Dieu, sa Parole, son Verbe. Et c’est Elle, l’Immaculée Conception, qui a formé dans son corps non voué à la corruption, cette Chair qui donne la Vie et la résurrection à ceux qui la mangent. Elle était navrée de l’incompréhension des Juifs, de leur dureté de cœur et d’esprit, sachant bien qu’ils en viendront à le tuer. Mais aussi, comme son Fils, cela lui faisait désirer cette Passion, justement pour que ces âmes puissent se convertir, et que ce magnifique dessein eucharistique s’accomplisse.

DÉFECTION DES DISCIPLES, 
HYPOCRISIE PHARISIENNE (août 29).

Parmi les disciples, dans les semaines qui suivirent, beaucoup se retirèrent, au point que Jésus demande à ses Apôtres : « 67 Voulez-vous partir, vous aussi ? 68 Simon-Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. 69  Nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. ” »

Mais quelle soudaine pensée vient en cet instant troubler Jésus ? N’écoutant pas l’admirable profession de foi de Pierre, c’est à Judas qu’il pense : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, tous les douze ? Et l’un d’entre vous est un démon. ” 71 Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote ; c’est lui en effet qui devait le livrer, lui, l’un des Douze. » (Jn  6, 65-71)

Nous devons être vers la fin du mois de juillet et le début du mois d’août de l’an 29. Notre-Seigneur a repris la route et « en tout lieu où il pénétrait, villages, villes ou fermes, on mettait les malades sur les places et on le priait de les laisser toucher, ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés. » (Mc 6, 56)

La “ crise ” a lieu parmi les disciples, mais la foule, lointaine, continue d’avoir recours à ce Thaumaturge si puissant et si bon. Et, à proportion de la notoriété de Jésus, croît la haine de ses ennemis, qui maintenant descendent de Judée en Galilée, pour faire du mauvais esprit contre lui.

« 1 Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de lui, 2 et voyant quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées – 3 les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les bras jusqu’au coude, conformément à la tradition des anciens, 4 et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s’être aspergés d’eau, et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par tradition : lavages de coupes, de cruches et de plats d’airain, commente saint Marc pour les païens qui liront son évangile5 donc les Pharisiens et les scribes l’interrogent : Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures ? ” » (Mc 7, 1-5)

Trop, c’est trop ! Après tant de signes de Notre-­Seigneur, ils lui cherchent querelle parce que ses disciples ne se lavent pas les mains ! Cette fois, et parce qu’ils ne revendiquent pas la Loi de Moïse, mais la tradition des anciens, Jésus dénonce violemment leur hypocrisie :

« 6 Il leur dit : Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres ; mais leur cœur est loin de moi. 7 Vain est le culte qu’ils me rendent, les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes humains. 8 Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. ” »

Cette tradition était la somme des préceptes ajoutés à la Loi par les scribes, que les pharisiens se faisaient gloire de pratiquer dans le détail, ostensiblement, tandis que les pauvres gens n’en avaient ni le temps ni le loisir. Mais, plus grave encore, les pharisiens se servent de cette tradition pour se dispenser d’obéir à la Loi : ainsi, quand ils déclarent korbân, c’est-à-dire offrande sacrée, leurs richesses, ils prétendent ne plus pouvoir rendre service à leurs parents avec ce bien, alors même qu’ils en conservent l’usage ! Ils s’affranchissent ainsi du Commandement de servir son père et sa mère.

« 13 Vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous vous êtes transmise. Et vous faites bien d’autres choses du même genre. » (Mc 7, 1-13)

Ils sont confondus, démasqués, et Notre-Seigneur veut que la foule comprenne la leçon de cette dispute :

« 14 Et ayant appelé de nouveau la foule près de lui, il leur disait : Écoutez-moi tous et comprenez ! 15 Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. 16 Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » (Mc 7, 14-16)

Mais, même ses disciples n’entendent pas :

« 12 Alors s’approchant les disciples lui disent : Sais-tu que les Pharisiens se sont choqués de t’entendre parler ainsi ? 13 Il répondit : Tout plant que n’a point planté mon Père céleste sera arraché. 14 Laissez-les : ce sont des aveugles qui guident des aveugles ! Or si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. ”

« 15 Pierre, prenant la parole, lui dit : Explique-nous la parabole. ” 16 Il dit : Vous aussi, maintenant encore, vous êtes sans intelligence ? 17 Ne comprenez-vous pas que tout ce qui pénètre dans la bouche passe dans le ventre, puis s’évacue aux lieux d’aisance, 18 tandis que ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui souille l’homme ? ” » (Mt 15, 12-18) « 21 Car c’est du dedans, du cœur des hommes, que sortent les desseins pervers : débauches, vols, meurtres, 22 adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison. 23 Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme. » (Mc 7, 21-23)

Notre-Seigneur ne connaît pas de “ dignité ” à la “ personne humaine ”. Le cœur humain est vicié, taré, depuis le péché originel... Mais Jésus est envoyé pour donner aux hommes un cœur et un esprit nouveau, selon l’oracle d’Ézéchiel : « J’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez  36,  26) Pour cela il devra mourir... pour ressusciter, et nous donner part à cette rédemption par le baptême.

DÉPLACEMENTS AU NORD DE LA PALESTINE.

Et « partant de là, il s’en alla dans le territoire de Tyr. – le Liban actuel – Étant entré dans une maison, il ne voulait pas que personne le sût, mais il ne put rester ignoré. » (Mc 7, 24)

Désormais, Notre-Seigneur se déplace sans cesse pour échapper aux complots de ses ennemis, Hérode et les Pharisiens, et pour garder ses disciples auprès de lui, afin de les former à son esprit.

Il n’est plus question de prêcher le Royaume de Dieu à la foule, Jésus cherche plutôt à lui échapper.

Mais là, une païenne, syrophénicienne, ayant entendu parler de lui, « criait en disant : Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David : ma fille est fort malmenée par un démon. ” 23 Mais il ne lui répondit pas un mot. Ses disciples, s’approchant, le priaient : Fais-lui grâce, car elle nous poursuit de ses cris. ” 24 À quoi il répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. ” 25 Mais la femme était arrivée et se tenait prosternée devant lui en disant : Seigneur, viens à mon secours ! ” » (Mt 15, 22-25) « 27 Et il lui disait : Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. ” » (Mc 7, 27)

Avec humilité et douceur, Jésus lui répond qu’il s’applique à la mission que son Père lui a donnée : il faut d’abord s’occuper d’Israël, le peuple qui, pour un temps, est privilégié, comme figure de l’Église à venir.

« 28 Mais elle de répliquer et de lui dire : Oui, Seigneur ! et les petits chiens sous la table mangent les miettes des enfants ! 29 Alors il lui dit : À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. ” 30 Elle retourna dans sa maison et trouva l’enfant étendue sur son lit et le démon parti. » (Mc 7, 27-30)

Notre-Seigneur “ cède ”, devant tant de foi et d’humilité. C’est bien une petite miette, qui annonce une immense révolution religieuse : le don de la grâce aux nations païennes, et la conversion du monde entier au Christ-Roi. Notre Père nous donnait cette syrophénicienne en exemple de persévérance dans la prière pour les pauvres pécheurs de notre monde vraiment possédé par Satan : tant qu’une âme prie, rien n’est perdu.

Jésus se rend ensuite dans le pays de Sidon (la Syrie actuelle), où il guérit un sourd bègue, en le prenant « à l’écart de la foule. 36 Et il leur défendit de le dire à personne, mais plus il leur défendait, plus ils le publiaient à l’excès. » (Mc 7, 31-37) Irrésistiblement, malgré tout, les foules sont attirées par Jésus, son rayonnement, sa bonté.

Un jour, nous devons être à la mi-août, tandis que Jésus est de retour en Galilée, au bord du lac de Tibériade, « Il gravit la montagne, et là, il s’assit. 30 Et des foules nombreuses s’approchèrent de lui, ayant avec elles des boiteux, des estropiés, des aveugles, des muets et bien d’autres encore, qu’ils déposèrent à ses pieds ; et il les guérit. » (Mt 15, 30)

Jésus, ayant appelé ses disciples leur dit : « 2  J’ai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours qu’ils restent auprès de moi et ils n’ont pas de quoi manger. 3 Si je les renvoie à jeun chez eux, ils vont défaillir en route, et il y en a parmi eux qui sont venus de loin. »

C’est pour de telles phrases que notre Père nous faisait dessiner un petit Sacré-Cœur dans la marge de notre Évangile. On voit la bonté, la compassion de Jésus à notre misère, qui le pousse à faire un miracle malgré tout.

« 4 Ses disciples lui répondirent : Où prendre de quoi rassasier de pains ces gens, ici, dans un désert ? ” » (Mc 8, 2-4)

Il ne leur vient pas à l’esprit que leur Maître a déjà résolu le même problème il y quelque temps, avec seulement cinq pains et deux poissons.

« 5 Et il leur demandait : Combien avez-vous de pains  ? – Ils dirent : Sept ”. 6 Et il ordonne à la foule de s’étendre à terre ; et, prenant les sept pains, il rendit grâces, les rompit et il les donnait à ses disciples pour les servir, et ils les servirent à la foule. 7 Ils avaient encore quelques petits poissons ; après les avoir bénis, il dit de les servir aussi. 8 Ils mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta les restes des morceaux : sept corbeilles ! 9 Or ils étaient environ quatre mille. »

Jésus réitère son miracle, pour manifester sa puissance infinie, et sa volonté de nourrir toutes les âmes de son Pain Célestiel, en tout temps et en tous lieux. Après quoi, Il renvoie la foule comme la première fois, et « aussitôt, montant dans la barque avec ses disciples, il vint dans la région de Dalmanoutha. » (Mc 8, 5-10)

“ JÉSUS EXASPÉRÉ ”.

C’est alors que « 11 les Pharisiens sortirent et se mirent à disputer avec lui ; ils demandaient de lui un signe venant du ciel, pour le mettre à l’épreuve. »

Deux multiplications des pains ne leur suffisent pas. Jésus, alors, « gémit en son esprit » (Mc 8, 11-12) : Il est exaspéré, expliquait notre Père. Il souffre de l’incrédulité, de la haine, de la perfidie de ces hommes, il en souffre comme Yahweh son Père ne tolérait pas l’impiété de son peuple. Tous ces crimes appellent le châtiment... Que Jésus devra prendre sur lui, pour l’expier, et leur obtenir le pardon. Fils de Dieu fait homme, pleinement homme, il souffre, dans sa “ sensibilité spirituelle ”, de supporter la contradiction de ces hommes impies, ingrats.

« Il leur répondit : Le visage du ciel, vous savez l’interpréter, – quand les nuages s’amoncellent, vous savez qu’il va pleuvoir – mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables ! –  les signes des temps messianiques, de l’avènement du Règne de Dieu – Génération mauvaise et adultère ! elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas. ” » (Mt 16, 1-4)

Le signe de Jonas, ce sera la mort de Jésus et sa résurrection le troisième jour, que figurait le séjour du prophète dans le ventre de la baleine (trois jours !). Mais ce sera aussi la conversion en masse des païens, comme celle des Ninivites auxquels Jonas était envoyé, et qui firent pénitence, ce que les juifs ne font pas ! Tel sera le signe absolu, donné à ceux qui croiront pour leur salut, et à ceux qui ne croiront pas pour leur damnation : l’exaltation de Jésus après son humiliation, et l’avènement de son Règne dans le monde entier.

« 13 Et les laissant là, il s’embarqua de nouveau et partit pour l’autre rive. » Mais les Apôtres semblent complètement dépassés par le drame. Dans le récit de saint Marc, on perçoit le témoignage de saint Pierre, qui insistait beaucoup sur l’incompréhension des disciples. Cette fois-ci, « 14 ils avaient oublié de prendre des pains et ils n’avaient qu’un pain avec eux dans la barque. » D’où soucis, recherche, reproches, grande discussion entre les Douze.

Jésus, voyant leur préoccupation, fait une remarque pleine de finesse pour tâcher de les élever un peu : « “ Voyez ! Gardez-vous du levain des pharisiens et du levain d’Hérode ! 16 Et eux de faire entre eux cette réflexion, qu’ils n’ont plus de pains. » Alors Jésus leur explique clairement : « “ Pourquoi faire cette réflexion que vous n’avez plus de pains ? Vous ne comprenez pas encore et vous ne saisissez pas ? Avez-vous donc l’esprit bouché, 18 des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ? Quand j’ai rompu les cinq pains pour les cinq mille hommes, combien de couffins pleins de morceaux avez-vous emportés ? Ils lui disent : Douze 20 Et lors des sept pour les quatre mille hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? Et ils disent : Sept. ” 21 Alors il leur dit : Ne comprenez-vous pas encore ? ” » (Mc 8, 13-21) « “ Méfiez-vous, dis-je, du levain des pharisiens et des sadducéens ! 12 Alors ils comprirent qu’il avait dit de se méfier, non du levain dont on fait le pain, mais de l’enseignement des pharisiens et des sadducéens. » (Mt 16 , 11-12)

On devine à cet avertissement que c’est l’enseignement, le mauvais esprit, les calomnies des ennemis de Jésus qui, peu à peu, entraînent la foule.

Notre-Seigneur est toujours en déplacement, et à Bethsaïde, « on lui amène un aveugle, et on le prie de le toucher. 23 Prenant l’aveugle par la main, il le fit sortir du village. »

Maintenant, Jésus ne veut plus se manifester aux foules. Seule sa commisération envers ce pauvre aveugle lui fait en prendre un tel soin : « Après lui avoir mis de la salive sur les yeux et lui avoir imposé les mains, il lui demandait : Aperçois-tu quelque chose ? 24 Et l’autre, qui commençait à voir, de répondre : J’aperçois les gens, c’est comme si c’était des arbres que je les vois marcher. ” 25 Après cela, il mit de nouveau ses mains sur les yeux de l’aveugle, et celui-ci vit clair et fut rétabli, et il voyait tout nettement, de loin. 26 Et Jésus le renvoya chez lui, en lui disant : N’entre même pas dans le village. ” » (Mc 8, 22-26)

LA FOI DE PIERRE (Césarée de Philippe, septembre 29).

Notre-Seigneur remonta ensuite en terre païenne, vers Césarée de Philippe, au début du mois de septembre.

Nous arrivons à la charnière de l’Évangile.

« 18 Il advint, comme il était à prier, seul, n’ayant avec lui que ses disciples, qu’il les interrogea en disant :   Qui suis-je au dire des foules ? 19 Ils répondirent : Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des anciens prophètes ressuscité. ” » (Lc  9, 18-19)

On voit que les foules, la majorité des juifs ne croient pas vraiment en Jésus, ils ne l’ont pas compris.

« 15 Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? 16 Simon-Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. ” » (Mt 16, 15-16)

Simon-Pierre répond au nom des Douze, et il donne sa foi à Jésus. Ce témoignage est le cœur de l’Évangile, disait notre Père, c’est la clef qui permet à Notre-Seigneur de pousser plus loin sa révélation.

« En réponse, Jésus lui dit : Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. ” » (Mt 16, 16-17)

Ici se manifeste ce que Jésus enseignait à Capharnaüm : la foi de Pierre atteste qu’il est “ attiré ” par le Père vers son Fils. C’est la joie de Notre-Seigneur... et du Cœur Immaculé de Marie, qui n’en perd pas une miette !

« 18 Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne prévaudront pas contre elle. 19 Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié. » (Mt 16, 18-19)

Pour la première fois dans l’Évangile, Notre-Seigneur parle de son Église, qu’il annonce pour l’avenir. Église éternelle, que les forces de l’enfer assailliront, mais sans pouvoir la détruire, et dont saint Pierre sera le Chef, comme successeur de Jésus, qui lui donne ses propres pouvoirs. C’est donc qu’il va disparaître ?

“ NOUVELLE ÉVANGELISATION ” : SCANDALE DE PIERRE.

« 20 Alors il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. » (Mt 16, 20)

Car les foules ne comprennent pas ce que cela signifie, et ne se soumettent pas à Lui. Mais pour eux, les disciples, qui ont manifesté leur foi en la personne de Pierre, Notre-Seigneur commence un enseignement nouveau :

« 21 À dater de ce jour, Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter. »

Gravement, Notre-Seigneur leur annonce l’avenir en toute clarté, puisqu’ils lui ont donné leur foi. Cette perspective est absolument contraire à ce que les disciples attendaient de Notre-Seigneur. C’est la faillite de tous leurs espoirs de la restauration d’Israël, du retour du Roi ! Et l’annonce de la résurrection reste très obscure pour eux.

Seule la Vierge Marie est déjà prête à cette perspective, elle renouvelle son Fiat.

Mais alors « 22 Pierre, le tirant à lui, se mit à le morigéner en disant : Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera point ! 23 Mais lui, se retournant, dit à Pierre : Passe derrière moi, Satan ! – En français : dégage Satan !  – tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! ” » (Mt 16, 18-21)

Notre Père expliquait que Jésus est si véhément, parce qu’il est en agonie. Comme au désert, et comme ensuite à Géthsémani, le démon fait miroiter devant lui l’illusion d’un Règne qui adviendrait sans qu’il faille passer par la Croix ! Et c’est bien ce que pensaient tous ces juifs, Pierre le premier. Cette tentation l’atteint dans l’objet même de son plus cher désir, car il aspire au succès, à la Royauté sur le monde entier. Comme nous, nous voudrions le salut de l’Église là, maintenant, tout de suite, sans effort ! Mais Jésus, lui, sait que, pour que les âmes croient en lui et soient sauvées, il doit passer par cette ­effro­yable Passion, qu’il appréhende. Saint Pierre, qui, tout fier de sa primauté, le prend à part pour lui expliquer que ce n’est pas ainsi qu’il faut s’y prendre, est l’instrument de Satan ; lui qui était inspiré par le Père céleste quelques instants plus tôt ! Et Notre-Seigneur en est réellement ébranlé.

Toute la théologie du Souverain Pontife, successeur de Pierre et Vicaire de Jésus-Christ, est éclairée par cet événement : il est le Chef de l’Église, il reçoit la grâce pour la gouverner au nom du Christ, pour confesser la Foi, mais il reste un homme faible, accessible aux inspirations du démon.

« 34 Appelant à lui la foule en même temps que ses disciples, Jésus leur dit : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. 35 Qui veut en effet sauver sa vie perdra son âme, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. ” » (Mc  8, 34-35)

Jusqu’à maintenant, Jésus prêchait la “ Bonne Nouvelle du Royaume ”, il “ semait sa Parole ”, et désormais, tout à coup, Il en révèle le cœur, le contenu : c’est la Croix. Tous doivent comprendre que Jésus annonce pour Lui et pour ceux qui le suivent la persécution et la mort. Tel est désormais le point de fuite, la ligne d’horizon ; une Croix sur un horizon dévasté. Le disciple du Christ doit mourir, par fidélité à son Dieu et à l’Évangile, afin de vivre dans l’éternité. C’est cela l’Évangile. Porter sa Croix... tout le monde comprenait ce que cela voulait dire, parce que les Romains avaient déjà crucifié des milliers de juifs qui s’étaient rebellés en suivant de faux messies. La Vierge Marie notre Mère fut la première à suivre Jésus en portant sa Croix chaque jour, depuis que Syméon lui avait annoncé, trente ans plus tôt, que son Fils serait en butte à la contradiction.

« 36 Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre âme ? 37 Et que peut donner l’homme en échange de sa propre âme ? 38 Car celui qui aura rougi de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi rougira de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »

C’est dire : si, dans les persécutions qui viendront, vous me reniez parce que vous tremblez devant les menaces de nos ennemis, vous perdrez votre âme, vous serez châtié éternellement. C’est pourquoi, afin d’y préparer ses disciples, Notre-Seigneur commence à enseigner une nouvelle morale, plus exigeante, pour “ temps de persécution ”. Depuis, cela demeure la Loi de l’Église, sans cesse affrontée aux Portes de l’enfer.

« 1 Et il leur disait : En vérité je vous le dis, il en est d’ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance. ” » (Mc 8, 36  -  9, 1)

Ainsi, la mort et la souffrance qui viendront ne seront qu’un passage vers la Gloire, c’est ce que Notre-Seigneur va montrer à ses Apôtres.

LA TRANSFIGURATION.

« 28 Or il advint, environ huit jours après ces paroles, que, prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, il gravit la montagne pour prier. » (Lc 9, 28)

Dans ce moment charnière de son ministère, Jésus a besoin de se confier à son Père. Pleinement homme, il souffre, il appréhende de devoir marcher vers sa Croix, affronter ses ennemis qui le haïssent, sans que personne, pas même ses Apôtres, ne le comprennent. Il a besoin de la force de son Père, de qui il reçoit tout, pour pardonner, pour continuer ce dévouement total, cette cruelle abnégation pour le salut de nos âmes pécheresses.

« 29 Et il advint, comme il priait, que l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement, d’une blancheur fulgurante. »

Jésus s’offre à son Père pour affronter la Passion et la Croix comme il l’a fait lors de son Baptême, et comme il le fera à Gethsémani ; il en est récompensé par cette manifestation qui anticipe sur sa Résurrection. Sa piété filiale, son obéissance se manifestent par cette Gloire, par le rayonnement de son Visage, par cette puissance de Lumière intérieure qui illumine jusqu’à son vêtement.

« Et voici que deux hommes s’entretenaient avec Lui : c’étaient Moïse et Élie qui, apparus en Gloire, parlaient de sa mort qu’il avait à subir à Jérusalem. » (Lc  9, 29-31)

Moïse et Élie, comme lui, ont souffert de l’infidélité de leur peuple, et ont connu la consolation de Yahweh sur sa Sainte Montagne ; mais ce sont eux qui s’instruisent de ses leçons. L’un est le Héraut de la Loi, et l’autre le premier des Prophètes : c’est tout l’Ancien Testament qui sera accompli par la mort que Jésus doit subir à Jérusalem.

Les Apôtres, pendant ce temps, dormaient. « Ils étaient accablés de sommeil », écrit saint Luc, qui transmet le témoignage de saint Jean ; lui ne dormait pas puisqu’il témoigne de ce qui se passait.

Enfin, « s’étant bien réveillés, ils virent la Gloire de Jésus et les deux hommes qui se tenaient avec Lui. 33 Et il advint, comme ceux-ci se séparaient de Lui, que Pierre Lui dit : Maître, il est heureux que nous soyons ici ; faisons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie : il ne savait pas ce qu’il disait. » (Lc  9, 32-33)

Il a raté le début, et maintenant, ravi par cette Gloire, il voudrait que cela dure toujours.

« 5 Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les prit sous son ombre, et voici qu’une Voix disait de la nuée : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le. ” »

Dieu le Père se fait entendre, et son message adressé aux Apôtres, surtout à Pierre qui contredisait Jésus, est sans équivoque : « Celui-ci est mon Fils unique, il a toutes mes complaisances, il fait ma Volonté, quand il vous annonce sa Passion, c’est mon dessein, écoutez-le ! »

« 6 À cette voix, les disciples tombèrent sur leurs faces, tout effrayés. 7 Mais Jésus, s’approchant, les toucha et leur dit : Relevez-vous, et n’ayez pas peur. ” 8 Et eux, levant les yeux, ne virent plus personne que lui, Jésus, seul. »

Mais désormais les Apôtres doivent comprendre que Jésus, seul, a en lui la plénitude de la divinité, et qu’il faut l’écouter et lui obéir comme à Dieu son Père, et que toutes les tribulations qui vont advenir ne feront pas obstacle à sa victoire finale.

« 9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : Ne parlez à personne de cette vision, avant que le Fils de l’homme ne ressuscite d’entre les morts. ” » (Mt 17, 5-9)

Notre-Seigneur Jésus-Christ sait, de science divine, ce qui va advenir, et tout se déroulera comme il l’a annoncé. Quand il aura offert son Sacrifice, et remis ­l’Esprit-Saint à son Église, alors les trois Apôtres témoigneront de sa Gloire, de sa Divinité que manifeste cette théophanie (cf.  2 P 1, 16-18). C’est le fondement de la Foi de toute l’Église.

Mais pour l’instant, ni eux, ni les foules ne peuvent comprendre : « Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait ressusciter d’entre les morts. ” » (Mc  9, 10)

« Les disciples lui posèrent cette question : Que disent donc les scribes, qu’Élie doit venir d’abord ? ” – ils viennent de le voir avec Jésus, alors que la tradition enseignait qu’il devrait être le précurseur du Christ – 11 Il répondit : Oui, Élie doit venir et tout remettre en ordre ; 12 or, je vous le dis, Élie est déjà venu, et ils ne l’ont pas reconnu, mais l’ont traité à leur guise. De même le Fils de l’homme aura lui aussi à souffrir d’eux. ” 13 Alors les disciples comprirent que ses paroles visaient Jean-Baptiste. » (Mt 17, 10-13)

L’ÉPILEPTIQUE POSSÉDÉ, LA FOI EN JÉSUS.

Et, le jour suivant, « rejoignant les disciples, ils virent une foule nombreuse qui les entourait et des scribes qui discutaient avec eux. 15 Et aussitôt qu’elle l’aperçut, toute la foule fut très surprise et ils accoururent pour le saluer. » (Mc 9, 14-15)

Visiblement, ils ne l’attendaient pas, et ses disciples n’avaient peut-être même pas dit aux gens que Jésus était proche.

« 16 Et il leur demanda : De quoi disputez-vous avec eux ? 17 Quelqu’un de la foule lui dit : Maître, je t’ai apporté mon fils qui a un esprit muet. 18 Quand il le saisit, il le jette à terre, et il écume, grince des dents et devient raide. Et j’ai dit à tes disciples de l’expulser et ils n’en ont pas été capables ”.19  Engeance incrédule, leur répond-il, jusques à quand serai-je auprès de vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? Apportez-le-moi. ” »

Cet homme menait son fils possédé à Jésus, pour qu’il le délivre, et il a rencontré ses disciples qui ont dû lui dire : “ Oui, oui, ne vous inquiétez pas, on s’en occupe. ” Mais ils n’ont pas réussi, au grand contentement des scribes, qui ne manquent pas cette occasion de critiquer Jésus. Et le père de l’enfant, déçu, semble hésiter dans sa foi.

Notre-Seigneur, de nouveau, est exaspéré par l’incrédulité de ces hommes, et la présomption de ses disciples ! Les imprécations de son Père contre cette engeance perfide et tortueuse viennent sur ses lèvres (Dt 32, 5). Il lui coûte de supporter les hommes pécheurs, de leur pardonner. Et finalement, il prendra sur lui nos péchés, pour les expier. Ô Miséricorde et douceur du Cœur de Jésus !

« 20 Et ils le lui apportèrent. Sitôt qu’il vit Jésus, l’esprit secoua violemment l’enfant qui tomba à terre et il s’y roulait en écumant. 21 Et Jésus demanda au père : Combien de temps y a-t-il que cela lui arrive ? Depuis son enfance, dit-il ; 22 et souvent il l’a jeté soit dans le feu soit dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre aide, par pitié pour nous. ” »

Les Apôtres n’ont pas réussi... Mais peut-être Jésus est-il un guérisseur plus puissant ?

« 23 Si tu peux !... reprit Jésus ; tout est possible à celui qui croit. ” »

On attendrait que Jésus dise : “ Tout m’est possible, à moi ! ” Précisément, ce n’est pas sa puissance qui manque, mais la foi de ceux qui ont recours à Lui. Il n’est pas un thaumaturge plus ou moins capable, il est le Fils de Dieu, et tout est possible à celui qui croit en Lui. Il veut le faire comprendre à cet homme qu’il aime, dont il a pitié, qui souffre tant à cause de son fils.

« 24 Aussitôt le père de l’enfant de s’écrier : Je crois ! Viens en aide à mon peu de foi ! ” »

C’est une réponse inspirée, parfaite, qui touche le Cœur de Jésus :

« 25 Jésus, voyant qu’une foule affluait, menaça l’esprit impur en lui disant : Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de lui et n’y rentre plus. ” 26 Après avoir crié et l’avoir violemment secoué, il sortit, et l’enfant devint comme mort, si bien que la plupart disaient : Il a trépassé ! 27 Mais Jésus, le prenant par la main, le releva et il se tint debout.

« 28 Quand il fut rentré à la maison, ses disciples lui demandaient dans le privé : Pourquoi nous autres, n’avons-nous pu l’expulser ? 29 Il leur dit : Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière. ” » (Mc 9, 16-29)

FORMATION DES DISCIPLES, EN GALILÉE (septembre 29).

« 30 Étant partis de là, ils faisaient route à travers la Galilée et il ne voulait pas qu’on le sût. 31 Car il instruisait ses disciples et il leur disait : Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront, et quand il aura été tué, après trois jours il ressuscitera. ” » (Mc  9, 30-31)

En saint Luc, Notre-Seigneur insiste, pour ses disciples, à cause de l’admiration aveugle des foules : « “ Pour vous, mettez-vous bien dans les oreilles les paroles que voici : le Fils de l’homme doit être abandonné aux mains des hommes. 45 Mais eux ne comprenaient pas cette parole ; et elle était voilée pour eux de sorte qu’ils ne la comprissent pas. Et ils craignaient de l’interroger sur cette parole. » (Lc 9, 44-45)

Il n’est plus question de se manifester aux foules comme le Messie, ce que Notre-Seigneur a fait au commencement de sa prédication. Désormais, il enseigne ses disciples, ceux qui croient en Lui, en vue de son Église. Pour l’instant, sa parole est voilée pour eux, c’est-à-dire qu’ils ne la comprennent pas, mais ils la retiennent, et pourront témoigner, après la Pentecôte, que Jésus savait parfaitement ce qui allait lui arriver, qu’il le désirait, et que tout s’est accompli comme il l’avait annoncé, selon les Écritures.

Le Père de Foucauld, en méditant ces paroles, admirait le courage de Notre-Seigneur, sa Force : il marche seul vers son supplice, puisque ses disciples ne le comprennent pas. Seule la Vierge Marie est tout unie à Lui, dans son désir de cette Passion comme dans son appréhension.

Un certain jour, « 33 ils vinrent à Capharnaüm. Et, une fois à la maison, il leur demandait : De quoi discutiez-vous en chemin ? 34 Eux se taisaient, car en chemin ils avaient discuté entre eux qui était le plus grand. »

Notre-Seigneur leur répète qu’il marche vers la persécution et la mort, et eux se disputent pour savoir qui sera le Premier ministre du Royaume ! Il va devoir beaucoup insister pour leur faire comprendre ce qu’est sa vocation, et la leur.

« 35 Alors, s’étant assis, il appela les Douze et leur dit : Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. ” 36 Puis, prenant un petit enfant, il le plaça au milieu d’eux et, l’ayant embrassé, – seul saint Marc a transmis ce fait charmant, remarqué par saint Pierre – il leur dit : 37 Quiconque accueille un des petits enfants tels que lui à cause de mon Nom, c’est moi qu’il accueille ; et quiconque m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. ” » (Mc 9, 36-37)

JÉSUS, MON BIEN-AIMÉ, RAPPELLE-TOI

Rappelle-toi des divines tendresses
Dont tu comblas les plus petits enfants
Je veux aussi recevoir tes caresses
Ah ! donne-moi tes baisers ravissants
Pour jouir dans les Cieux de ta douce présence
Je saurai pratiquer les vertus de l’enfance
N’as-tu pas dit souvent :
« Le Ciel est pour l’enfant ?... »
Rappelle-toi.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face.

(Poésie n° 24).

Parole très profonde, qu’on ne s’étonnerait pas de trouver dans l’Évangile selon saint Jean, mais fidèlement transmise par saint Marc, en plein dans son récit de l’incompréhension des Apôtres. Preuve que les évangélistes n’inventent rien, mais que la seule source de telles paroles est Notre-Seigneur lui-même. Le plus petit des disciples de Jésus, dans la charité fraternelle, est identifié à Lui, et même au Père, avec qui il ne fait qu’un.

Saint Matthieu témoigne d’un autre événement, qui éclaire ce passage : « Les disciples s’approchèrent de Jésus et dirent : Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? 2 Il appela à lui un petit enfant, le plaça au milieu d’eux 3 et dit : En vérité je vous le dis, si vous ne devenez semblables à de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. 4 Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux. ” » (Mt 18, 1-4)

C’est d’abord un avertissement aux disciples : pour demeurer fidèle dans l’épreuve qui vient, il faut être humble et abandonné entre les Mains de Dieu. Et c’est une leçon pour toute l’Église, sur laquelle sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face fondera sa “ petite voie ”.

À Capharnaüm, un autre jour, « les collecteurs du didrachme – l’impôt pour subvenir aux besoins du Temple – s’approchèrent de Pierre et lui dirent : Est-ce que votre maître ne paie pas le didrachme ? 25 Mais si ”, dit-il. Quand il fut arrivé à la maison, Jésus devança ses paroles en lui disant : Qu’en penses-tu, Simon ? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils taxes ou impôts ? De leurs fils ou des étrangers ? 26 Et comme il répondait : Des étrangers ”, Jésus lui dit : Par conséquent, les fils sont exempts. 27 Cependant, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, saisis le premier poisson qui montera, et ouvre-lui la bouche : tu y trouveras un statère ; prends-le et donne-le leur, pour moi et pour toi. ” » (Mt 17, 24-27)

Intimité charmante entre Jésus et saint Pierre. Autre petit événement :

« 38 Jean lui dit : Maître, nous avons vu quelqu’un expulser des démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne nous suivait pas. ” – pour les Apôtres, le grand crime est de n’être pas avec eux, de ne pas faire partie de leur groupe – 39 Mais Jésus dit : Ne l’en empêchez pas, car il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler mal de moi. 40 Qui n’est pas contre nous est pour nous. ” » (Mc  9, 38-40)

Ce qui étend très loin la marge des fidèles du Christ : on peut faire partie, d’une manière inconnue, de l’Église visible. Toutes les foules qui ne savent rien de l’Évangile, qui sont tenues dans les ténèbres par des mauvais pasteurs, sont regardées par Notre-Seigneur avec Amour.

JÉSUS MARCHE VERS SA CROIX, 
EN AFFRONTANT SES ENNEMIS (octobre 29)

Saint Jean résume en un verset la période que nous venons de voir : « 1 Jésus parcourait la Galilée ; il ne voulait pas circuler en Judée parce que les Juifs – habitants de la Judée – cherchaient à le tuer. »

« 2 Or la fête juive des Tabernacles était proche. – nous avons ici une date précise : cette fête avait lieu au début du mois d’octobre. – 3 Ses frères lui dirent donc : Passe d’ici en Judée, que tes disciples aussi voient les œuvres que tu fais : 4 on n’agit pas en secret, quand on veut être en vue. Puisque tu fais ces choses-là, manifeste-toi au monde. ” 5 Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui. » (Jn 7, 1-5)

Cette fête était propice à un triomphe messianique. Ces frères sont les juifs de tendance essénienne : ils attendent l’instauration de son Royaume par le Messie. Dans ce but, ils proposent à Jésus une manœuvre politique : « Montez, Seigneur, pour la fête, puisque la situation stagne en Galilée. Faites là-bas des miracles, vous y avez des disciples, ils vous acclameront, nous vous accompagnons, nous ferons le coup de force ! »

« 6 Jésus leur dit alors : Mon temps n’est pas encore venu, tandis que le vôtre est toujours prêt. 7 Le monde ne peut pas vous haïr ; mais moi, il me hait, parce que je témoigne que ses œuvres sont mauvaises. 8 Vous, montez à la fête ; moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps n’est pas encore accompli. ” 9 Cela dit, il resta en Galilée. 10 Mais quand ses frères furent montés à la fête, alors il monta lui aussi, pas au grand jour, mais en secret. » (Jn 7, 6-10)

Notre-Seigneur veut monter à Jérusalem, non pas pour être acclamé, mais pour témoigner au grand jour que les œuvres du monde sont mauvaises, ainsi provoquer ses ennemis, afin de souffrir mort et passion de leurs mains, pour sauver les âmes que son Père attire à Lui. C’est une nouvelle bataille qui commence, une nouvelle étape du ministère de Notre-Seigneur, solennellement annoncée par saint Luc :

« 51 Or il advint, comme s’accomplissait le temps où il devait être enlevé, qu’il prit résolument le chemin de Jérusalem. » (Lc  9, 51) Saint Marc, comme saint Matthieu, note surtout que Jésus quitte la Galilée : « 1 Partant de là, il vient dans le territoire de la Judée et au-delà du Jourdain. » (Mc 10, 1)

Le temps où Jésus se cachait pour former ses disciples est terminé. L’action reprend, dramatique, mais dirigée par Lui qui est le Maître des événements. Il marche vers Jérusalem parce que l’Heure fixée par le Père pour son enlèvement, son Assomption, comme l’écrivent saint Jean et saint Luc, c’est-à-dire sa glorification par sa mort sur la Croix, sa Résurrection et son Ascension, cette Heure approche. La tension est croissante dans ces récits.

Cette nouvelle période de la vie de Notre-Seigneur nous est connue principalement grâce à saint Luc, et saint Jean, pour ce qui est du ministère à Jérusalem.

Jésus, alors, « envoya des messagers en avant de lui. S’étant mis en route, ils entrèrent dans un village samaritain pour tout lui préparer. 53 Mais on ne le reçut pas, parce qu’il faisait route vers Jérusalem. 54 Ce que voyant, les disciples Jacques et Jean dirent : Seigneur, veux-tu que nous ordonnions au feu de descendre du ciel et de les consumer ? 55 Mais, se retournant, il les réprimanda. 56 Et ils se mirent en route pour un autre village. »

JÉSUS, MON BIEN-AIMÉ, RAPPELLE-TOI

Rappelle-toi qu’étranger sur la terre,
Tu fus errant, toi Le Verbe Éternel,
Tu n’avais rien... non, pas même une pierre
Pas un abri, comme l’oiseau du ciel...
Ô Jésus ! viens en moi, viens reposer ta Tête,
Viens, à te recevoir mon âme est toute prête
Mon Bien-Aimé Sauveur
Repose dans mon cœur
Il est à Toi...

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face

(Poésie n° 24).

« Et tandis qu’ils faisaient route, quelqu’un lui dit en chemin : Je te suivrai où que tu ailles. ” 58 Jésus lui dit : Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête. ” »

« 59 Il dit à un autre : Suis-moi. ” Celui-ci dit : Permets-moi de m’en aller d’abord enterrer mon père. ” 60 Mais il lui dit : Laisse les morts enterrer leurs morts ; pour toi, va-t-en annoncer le Royaume de Dieu. ” 61 Un autre encore dit : Je te suivrai, Seigneur, mais d’abord permets-moi de prendre congé des miens. ” 62 Mais Jésus lui dit : Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu. ” » (Lc  9, 52-62)

Maintenant, c’est très clair : suivre Jésus signifie marcher au supplice, à la Croix. Notre-Seigneur exige de ceux qui le suivent un détachement total.

« 1 Après cela, le Seigneur désigna soixante-douze autres et les envoya deux par deux en avant de lui dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller. 2 Et il leur disait : La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. 3 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. 4 N’emportez pas de bourses, pas de besaces, pas de sandales, et ne saluez personne en chemin. »

Ces disciples doivent annoncer que le Royaume de Dieu est proche et guérir les malades dans les cités où ils seraient reçus comme des envoyés de Dieu. Mais ceux qui ne les recevront pas seront jugés avec plus de rigueur encore que Sodome au dernier jour. Saint Luc rapporte ici les terribles malédictions adressées aux villes de Galilée que Notre-Seigneur a dû prononcer peu de temps auparavant :

« 13 Malheur à toi, Chorazeïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont eu lieu chez vous avaient eu lieu à Tyr et à Sidon, – villes païennes – il y a longtemps que, sous le sac et assises dans la cendre, elles se seraient repenties. – Tandis que  les Galiléens ne se sont pas convertis, ils n’ont pas vraiment cru en Jésus, ou l’ont abandonné. Ils étaient tenus par leurs vices. – 14 Aussi bien, pour Tyr et Sidon, il y aura moins de rigueur, lors du Jugement, que pour vous. 15 Et toi Capharnaüm, crois-tu que tu seras élevée jusqu’au Ciel ? Jusqu’à l’Hadès tu descendras ! » (Lc 10, 1-16)

LA FÊTE DES TABERNACLES À JÉRUSALEM.

Pendant ce temps, à Jérusalem, les esprits s’échauffent : la fête est commencée, « les Juifs le cherchaient et disaient : Où est-il ? 12 On chuchotait beaucoup sur son compte dans les foules. 13 Pourtant personne ne s’exprimait ouvertement à son sujet par peur des Juifs –  les chefs du peuple –.  On était déjà au milieu de la fête, lorsque Jésus monta au Temple et se mit à enseigner. » (Jn 7, 11-14).

Il a refusé l’entrée triomphale que désiraient ses frères, car son heure n’était pas encore venue. Pour l’instant, il doit témoigner de sa Vérité, c’est pourquoi il s’impose, au Temple, en Maître de Sagesse, en Didascale. Ses disciples, ceux qui n’ont pas été envoyés en mission, l’accompagnent, avec les saintes Femmes, et surtout la Sainte Vierge. Tous les regards sont tournés vers Jésus qui parle avec une autorité souveraine. Qu’enseigne-t-il ?

Saint Luc raconte : « 25 Et voici qu’un légiste se leva, et lui dit pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ” » (Lc 10, 25)

La question est piégée : ce légiste attend que Jésus ajoute quelque chose à la Loi, qu’il dise que la Foi en Lui est nécessaire pour avoir la vie, afin de l’accuser.

 « 26 Il lui dit : Dans la Loi, qu’y-a-t-il d’écrit ? Qu’y lis-tu ? 27 Celui-ci répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même .28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras. ” »

« 29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? ” » Les ennemis de Jésus ne manquent pas de critiquer ses “ mauvaises fréquentations ”, les publicains, les prostituées, et même les Samaritains. Là encore, la question est piégée : une réponse contrevenant aux préceptes de pureté rituelle, ou à l’orgueil racial juif serait mortelle.

« 30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l’avoir dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à demi mort. 31 Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. 32 Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. 33 Mais un Samaritain, – race ennemie : il pourrait très bien passer, en se disant : “ ça fera un juif de moins, tant mieux ! ” – qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. 34 Il s’approcha, banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l’hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l’hôtelier, en disant : Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour.

« 36 Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? 37 Il dit : Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. ” Et Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même. ” » (Lc 10, 26-37)

Fais de même, c’est-à-dire imite ce Samaritain, mais aussi, comprends, par cette parabole, qui se montre ton prochain... Mais ce scribe n’a pas du tout le sentiment de croupir, ensanglanté, au fond d’un ravin, personne n’exerce la miséricorde envers lui ! Pense-t-il... Tel est précisément le sens de cette parabole : ces Juifs doivent comprendre qu’ils ont besoin d’un Sauveur, qu’ils doivent croire en Lui, le Christ, Lui qui se fait leur plus proche prochain par son dévouement envers eux.

Après cette parabole, on aurait attendu que Notre-Seigneur demande : “ Lequel de ces trois a considéré l’homme tombé aux mains des brigands comme son prochain ? ” Et cela aurait alors été simplement une leçon morale, accompagnée d’une dénonciation de l’hypocrisie du “ clergé ” du Temple, un éloge des Samaritains. Et tous les progressistes, depuis Paul  VI, qui parlait de “ la vieille histoire du Samaritain ”, jusqu’à notre pape François, prêcheraient à juste titre l’engagement temporel au service des plus pauvres, quels qu’ils soient, tous, tous ! Mais... la question est tout autre, pour nous faire aimer et imiter Celui qui nous sauve des profondeurs de l’abîme.

LE CŒUR DE DIEU

TU demandes qui est ton prochain, ô homme ? Celui-là que tu dois aimer autant que tu  t’aimes toi-même, et du même amour plein de révérence et de reconnaissance éblouie dont tu aimes Dieu ? C’est Jésus ! C’est Jésus ! C’est Lui qui t’a fait le plus grand bien, que nul autre jamais ne pourra égaler, et toi, semblable au Juif de la parabole, tu n’y pensais pas, tu ne t’y attendais pas ! Baptisé cependant, tu as peut-être attendu vingt ans, quarante ans, pour tendre les bras vers Lui... ou bien encore, purifié par Lui, nourri de Lui, éclairé sur toutes choses par Lui, peut-être n’as-tu jamais fait réflexion sur le mystère insondable de ce Cœur, ce Cœur de Dieu qui a tant aimé les hommes, ces hommes qui n’étaient pas de sa race, croyaient-ils, et n’avaient pour Lui qu’indifférence et mépris, froideur et oubli !

Ainsi Jésus fait irruption dans ma vie, comme ce passant de Samarie a fait irruption dans la vie d’un Juif qui ne l’attendait pas et auquel il n’aurait pas songé à tendre les bras ni à donner son cœur... Et puis, maintenant, il y a le souvenir de ce tournant du chemin de Jérusalem à Jéricho et de ce certain soir d’été lourd d’orage où un visage inconnu, broussailleux, de Samaritain s’est penché sur ma misère, mes plaies, ma bouche blanche d’écume, desséchée de soif, mes yeux déjà perdus dans la déréliction de la mort... « Du fond de l’abîme, alors, j’ai crié vers Toi, Seigneur », et maintenant, à cause de l’eau vive descendue sur mes lèvres, à cause de l’huile sainte épandue sur mes plaies, à cause de cette main très douce qui me caressait la joue, à cause de cette bonne voix et de ce bras fort qui me hissait sur cette monture, à cause de ce Cœur... Jésus, plus qu’un frère... vrai bon Samaritain !

(Lettre à mes amis n° 91, août 1961).

L’AUTORITÉ DE JÉSUS.

« 15 Les Juifs, étonnés, disaient : Comment connaît-il les lettres sans avoir étudié ? ” – ce charpentier de Nazareth... !  – 16 Jésus leur répondit : Ma doctrine n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé. ” » (Jn 7, 15-16)

Il serait temps que les juifs reconnaissent qu’il est l’Envoyé de Dieu ! Cette affirmation va revenir sans cesse, c’est ce dont Jésus témoigne, à la face de ses ennemis, qui refusent absolument de le reconnaître, et d’en tirer les conséquences.

Par ces mots, Notre-Seigneur donne tort aux exégètes qui, deux mille ans après, inventeront qu’il était un bon élève des pharisiens. Jésus n’a même pas besoin de cette référence à Moïse et aux prophètes que Jean-Baptiste invoquait encore ; il dit : “ Ma doctrine ” ; elle est donc bien sienne, jaillie de l’abondance du Cœur.

Et pourtant il ajoute aussitôt qu’elle n’est pas de Lui. “ Si non tua, quomodo tua ? si tua, quomodo non tua ? ” s’écrie saint Augustin...  Est-elle sienne, oui ou non ? La solution se trouve dans le Prologue, où Jean a montré Jésus tourné vers le Père, de toute éternité. Saint Augustin le dit admirablement : « Quelle est la doctrine du Père, sinon le Verbe du Père ? Le Christ lui-même est donc la doctrine du Père, puisqu’il est le Verbe du Père. » L’apparente contradiction se résout dans le mystère.

« Ma doctrine n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé. 17 Si quelqu’un veut faire sa Volonté, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de moi-même. » (Jn 7, 15-17).

Ceux qui refusent de faire la Volonté de Dieu sont aveuglés par leur péché, et leur prétention de juger Notre-Seigneur est une abomination. C’est pourquoi Il va confondre leur hypocrisie devant la foule.

Un jour qu’il enseignait dans le Temple, « les grands prêtres, les scribes et les anciens viennent à lui, 28 et ils lui disaient : Par quelle autorité fais-tu cela ? Ou qui t’a donné autorité pour le faire ? 29 Jésus leur dit : Je vous poserai une seule question. Répondez-moi et je vous dirai par quelle autorité je fais cela. 30 Le Baptême de Jean, était-il du Ciel ou des hommes ? Répondez-moi. ” 31 Or ils se faisaient par-devers eux ce raisonnement : Si nous disons du Ciel ”, il dira : Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui ? ” »

C’est leur péché originel. Ils ont refusé l’appel à la pénitence de Jean-Baptiste et son témoignage en faveur de Jésus, alors qu’il était de toute évidence un envoyé de Dieu.

« 32 Mais allons-nous dire : Des hommes ? Ils craignaient la foule car tous tenaient que Jean avait été réellement un prophète. 33 Et ils font à Jésus cette réponse : Nous ne savons pas. ” Et Jésus leur dit : Moi non plus, – non pas, “ je ne sais pas ”, mais  –  Moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. » (Mc 11, 27-33)

Puisqu’ils ne se sont pas soumis à l’autorité du Prophète de Yahweh, il est vain de leur donner de nouveaux signes : ils sont impies, révoltés contre leur Dieu.

Ces controverses sont racontées par saint Matthieu, saint Marc et saint Luc à la fin de leur évangile, parce qu’ils ont voulu raconter avant la Passion le ministère de Notre-Seigneur à Jérusalem. Mais ces récits correspondent très bien à ce que saint Jean raconte de cette fête des Tabernacles (cf. Il est ressuscité n° 243, mai 2023 p. 31).

Les chefs du peuple et les pharisiens, confondus par Notre-Seigneur, ne l’en haïssent que davantage, et cherchent comment le perdre, c’est pourquoi il prend les devants, en témoignant que leurs œuvres sont mauvaises :

« 19 Moïse ne vous a-t-il pas donné la Loi ? Et aucun de vous ne la pratique, la Loi ! Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? » La foule ne sachant pas les desseins homicides de ses chefs, s’étonne : « Tu as un démon, qui cherche à te tuer ? » Jésus répond à ses ennemis, par-dessus la foule, en dénonçant leur hypocrisie au sujet de l’histoire du paralytique guéri le jour du sabbat. Il conclut : « Cessez de juger sur les apparences ; jugez selon la justice. » (Jn 7, 19-24)

Ses ennemis restent sans voix. Au point que les gens de Jérusalem les croient convaincus du bon droit de Jésus :

« 25 Alors quelques habitants de Jérusalem dirent : N’est-ce pas celui qu’ils cherchent à faire mourir ? 26 Et le voilà qui parle publiquement sans qu’on lui dise rien. Est-ce que vraiment les chefs du peuple auraient reconnu qu’il est le Christ ? 27 Celui-ci, néanmoins, nous savons d’où il est ; mais quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est. ” »

Ce sera perpétuellement l’objection des raisonneurs de la foule : les prophètes annonçaient que le Messie viendrait avec les nuées du ciel (Dn 7, 13). Ils croient connaître les origines de Jésus, “ charpentier de Nazareth ”, et en prennent prétexte pour ne pas croire en Lui. Mais ce mystère des origines de Notre-Seigneur va sans cesse hanter ses ennemis.

« 28 Jésus, enseignant dans le Temple, dit donc à haute voix : Vous me connaissez et vous savez d’où je suis, et pourtant ce n’est pas de moi-même que je suis venu, mais Il m’envoie vraiment, celui qui m’a envoyé. – Jésus n’a pas à donner d’explications sur ce point. – Vous, vous ne le connaissez pas. 29 Moi, je le connais, parce que je viens d’auprès de lui, et c’est lui qui m’a envoyé. ” »

Les Juifs ont bien compris cette affirmation : de nouveau, il se fait l’égal de Dieu. Le nœud de la contradiction est là, qui la rend inexpiable, mortelle : « 30 Ils cherchèrent donc à le saisir ; et personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue. »

« 31 Dans la foule, beaucoup crurent en lui et disaient : le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de signes que n’en fait celui-ci ? 32 Ces rumeurs de la foule parvinrent aux oreilles des Pharisiens. Ils envoyèrent des gardes pour le saisir. – toujours, les Pharisiens devront prendre des mesures pour, de force, empêcher que les foules viennent à Jésus – 33 Il dit alors : Pour un peu de temps encore je suis avec vous, et je m’en vais vers Celui qui m’a envoyé. Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas, et Je Suis, vous ne pouvez pas venir. » (Jn 7, 25-34)

Pour la première fois, Notre-Seigneur annonce qu’il va retourner auprès de son Père, d’où Il vient, où Il Est. Ce présent de l’indicatif est tout à fait extraordinaire : Il affirme qu’il est déjà là où il s’en retourne ! “ Egô eimi ”, Je Suis, c’est le Nom même de Dieu révélé à Moïse dans le Buisson Ardent : “ Yahweh ”. Mystérieusement, Jésus est constamment auprès du Père, il ne le quitte jamais.

La Vierge Marie assiste à tout cela, elle pénètre la profondeur des paroles de Jésus et l’admire immensément. Elle sait bien, Elle, que son Fils est « aux affaires de son Père » (Lc  2, 49). Mais elle voit tous ces regards de haine, de mépris, de jalousie tournés contre lui... Quelle peine, quelle angoisse pour son Cœur Immaculé ! Elle en pleurait sous son voile, sachant bien quel serait le dénouement de cette lutte.

Car les Juifs refusent d’entrer dans le mystère : « Ils se dirent entre eux : Où va-t-il aller, que nous ne le trouverons pas ? Va-t-il rejoindre ceux qui sont dispersés chez les Grecs et enseigner les Grecs ? ” » (Jn 7, 35)

L’incompréhension se fait suspicion. Ils inventent : Jésus va-t-il rejoindre la diaspora ? Et pire, dépouiller le peuple juif de son privilège et enseigner les Grecs ? Accusation gravissime : l’ouverture du salut à toutes les nations de la terre a beau être l’achèvement des promesses faites à Abraham, les pharisiens n’en veulent à aucun prix. Cette seule idée les met déjà en fureur, l’affrontement en arrive à un paroxysme de contradiction.

LE DERNIER JOUR DE LA FÊTE.

Mais au-delà de ce cercle de grands docteurs qui l’assiègent avec haine, Notre-Seigneur pense à la foule des âmes simples, tous ces gens qui viennent au Temple pour entendre parler de religion, qui sont prêts à l’écouter et à le croire.

Pour eux, « le dernier jour de la Fête, le grand jour, debout, Jésus s’écria : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. ” »

JÉSUS, MON BIEN-AIMÉ, RAPPELLE-TOI

Venez à moi, pauvres âmes chargées,
« Vos lourds fardeaux bientôt s’allégeront
« Et pour jamais étant désaltérée
« De votre sein des sources jailliront. »
J’ai soif, ô mon Jésus ! cette Eau je la réclame
De ses torrents divins daigne inonder mon âme
Pour fixer mon séjour
En l’Océan d’Amour
Je viens à toi.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face.

( Poésie n° 24 ).

Notre-Seigneur tient en réserve, dans son Cœur, cette eau vive qui, bientôt jaillira pour la vie éternelle, par la médiation de sa Sainte Mère, comme Il l’a révélé à sœur Lucie : « Le Cœur Immaculé de Marie est l’aimant qui attire les âmes à moi, et la source intarissable qui fait jaillir sur la terre l’eau vive de ma miséricorde. » Il appelle à Lui les âmes assoiffées, celles que le Père attire vers Lui, pour leur dispenser ce Don incréé qui jaillira de son Cœur transpercé :

« Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en Lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jn 7, 37-39)

Tant que Jésus n’a pas encore été glorifié, élevé (sur la Croix), l’Esprit de Vérité, qui fait les vrais adorateurs du Père... et donc du Fils, n’a pas encore été donné.

« 40 Dans la foule, plusieurs, qui avaient entendu ces paroles, disaient : C’est vraiment lui le Prophète ! 41 D’autres disaient : C’est le Christ ! ” »

Mais d’autres doutent : « Est-ce de la Galilée que le Christ doit venir ? »

« 43 Une scission se produisit dans la foule, à cause de lui. Certains d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne porta la main sur lui. » On voit à quel degré d’ébullition Jérusalem est parvenue. Même les gardes envoyés pour arrêter Jésus sont subjugués, et ne savent comment se justifier devant les grands prêtres et les pharisiens :

« Ceux-ci leur dirent : Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? 46 Les gardes répondirent : Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! ” » Admirable réponse, qui manifeste bien la sympathie qui s’établissait d’instinct entre Jésus et ce peuple bien disposé, séduit, qui viendrait à Lui si les autorités n’y faisaient obstacle : « 47 Les pharisiens répliquèrent : Vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ? 48 Est-il un des notables qui ait cru en lui ? Ou l’un des pharisiens ? Mais cette foule, qui ne connaît pas la Loi, ce sont des maudits !

« 50 Nicodème, l’un d’eux, celui qui était venu de nuit à Jésus, leur dit : 51 Notre loi condamne-t-elle un homme sans d’abord l’entendre et savoir ce qu’il fait ? ” – les prêtres, le Sanhédrin, devraient l’entendre, et faire un juste discernement pour déterminer s’il est un Envoyé de Dieu. Mais, pour ces perfides, c’est d’ores et déjà tout jugé – 52 Ils lui répondirent : Es-tu de la Galilée, toi aussi ? Étudie ! Et tu verras que ce n’est pas de la Galilée que surgit le Prophète. ” » (Jn  7, 40-52)

« 53 Et, conclut saint Jean, ils s’en allèrent chacun chez soi. » C’est la fin de la fête. Les foules partent, leur opinion sur Notre-Seigneur est flottante : quand ils reviendront pour la Pâque suivante, ils seront toujours prêts à l’acclamer comme le Messie, puis à lui préférer Barabbas, par crainte des chefs du peuple. Il est fort possible que le groupe des disciples parte aussi, pour aller à Béthanie. Dans les controverses qui vont suivre, Notre-Seigneur paraît vraiment seul.

LE JUGEMENT

Notre-Seigneur reste à Jérusalem, seul face à ses ennemis acharnés, dans une opposition inexpiable. On ne peut lire les controverses qui vont suivre sans porter un jugement : pour Jésus, reconnaître la Vérité de ses paroles, son affirmation d’être le Fils de Dieu, Dieu Lui-même. Ou contre Lui, pour les Juifs, qui jugent qu’il faut le mettre à mort comme un blasphémateur. Ce Jugement engage notre salut éternel.

Un premier événement, que saint Jean tient certainement de saint Luc, impose de nouveau la question de l’origine de Jésus.

« 1 Quant à Jésus, il alla au mont des Oliviers. 2 Mais dès l’aurore, de nouveau il fut là dans le Temple, et tout le peuple venait à lui, et s’étant assis, il les enseignait. 3 Or les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, et la plaçant au milieu, 4 ils disent à Jésus : Maître, –  les hypocrites !  – cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. 5 Or dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi donc que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin d’avoir matière à l’accuser. » (Jn  8, 1-6)

Le piège est bien tendu ! Si Jésus dit qu’il faut se soumettre à la Loi ancienne, comme s’il était un juif ordinaire, Il est alors coupable en ayant guéri le paralytique le jour du sabbat. Mais s’il se montre plus clément que la Loi, il se décrédibilise en se faisant complice de l’adultère. Que va-t-il faire ?

« Jésus, se baissant, se mit à écrire avec son doigt sur le sol. » Sur le dallage du parvis du Temple. Il imite le geste de Yahweh son Père, écrivant jadis de son “ doigt ” la Loi donnée à Moïse sur deux Tables de pierre (Ex 31, 18 ; Dt  9, 10). Jésus n’est pas un Hébreu parmi les autres, soumis aux préceptes de l’Ancienne Alliance : il a l’autorité de Yahweh-Dieu pour écrire sa nouvelle Loi, de réprobation du péché, mais de miséricorde pour la pauvre pécheresse.

« 7 Comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 Et se baissant de nouveau, il écrivait sur le sol. 9 Mais eux, entendant cela, s’en allèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus vieux. Et Jésus fut laissé seul, avec la femme toujours là au milieu. » Comme dit admirablement saint Augustin : “ Ils ne restèrent que deux : la misère et la Miséricorde. ”

« 10 Alors, se redressant, Il lui dit : Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? 11 Elle dit : Personne, Seigneur. ” Alors Jésus lui dit : Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus. ” » (Jn  8, 1-11)

Seul Notre-Seigneur est le Saint, l’Agneau sans tache et le Souverain Juge : Lui seul a autorité pour faire grâce ou condamner. Et s’il sauve cette pécheresse de son châtiment mérité, c’est en sachant qu’il devra le souffrir Lui-même.

Alors que tous ces juifs qui croyaient confondre Jésus se sont reconnus pécheurs en n’osant pas jeter la première pierre. Il est important de le souligner avant la terrible controverse qui va suivre.

“ LES TÉNÈBRES N’ONT PU L’ÉTOUFFER ” (Jn 1, 5).

« 12 De nouveau, Jésus leur adressa la parole et dit : Je Suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jn 8, 12)

En Jésus est la Vie, et la Vie est la Lumière des hommes (Jn 1, 4). Sa propre clarté témoigne d’où il vient : son enseignement est une lumière qui donne la vie ; ses paroles sont d’une Sagesse telle qu’aucun homme n’aurait pu les inventer. Il suffit, pour croire en Lui, de le voir et de l’entendre : il est lumineux comme le soleil en plein midi. Ceux qui font la vérité le reconnaissent et viennent à la lumière, tandis que celui qui commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière (Jn  3, 20-21).

« 13 Les Pharisiens lui dirent alors : Tu te rends témoignage à toi-même ; ton témoignage n’est pas vrai. ” 14 Jésus leur répondit : Bien que je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est vrai parce que je sais d’où je suis venu et où je vais ; mais vous, vous ne savez pas d’où je suis ni où je vais. – Jésus ne s’abaisse plus à controverser avec eux : il affirme, comme Fils de Dieu, qu’il sait tout. Tandis qu’eux ne savent rien et le jugent : – 15 Vous, vous jugez selon la chair ; moi, je ne juge personne. 16 Et s’il m’arrive de juger, moi, mon jugement est selon la Vérité, parce que je ne suis pas seul ; mais il y a moi et Celui qui m’a envoyé ; 17 et il est écrit dans votre Loi que le témoignage de deux personnes est vrai. 18 Je suis à moi-même mon propre témoin, et pour moi témoigne le Père qui m’a envoyé. » (Jn 8, 13-18)

Jésus ne dit pas “ notre Loi ” mais “ votre Loi ”, non sans une nuance de dérision, parce que les pharisiens affectent d’en faire leur bastion, et c’est donc, de leur part, transgression et blasphème de ne la point pratiquer... en lui substituant leurs “ traditions ” de pure invention. Il est Lui, plus grand que Moïse et au-dessus de sa Loi. Les Pharisiens ne comprennent que trop cette affirmation et le cernent :

« 19  Où est ton Père ? Jésus répond : Vous ne connaissez ni moi ni mon Père ; si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. »

Jésus ne répond pas à leur question, il leur reproche de ne pas connaître son Père, alors même qu’ils se prétendent Maîtres en Israël, “ élite religieuse ”, comme dit le prétendu Catéchisme de l’Église Catholique. Leur haine envers Lui est la preuve de leur méconnaissance de Yahweh, le Dieu de leurs Pères, car voir Jésus c’est voir le Père.

« 20 Il prononça ces paroles au Trésor, alors qu’il enseignait dans le Temple. Personne ne se saisit de lui, parce que son Heure n’était pas encore venue. »

Son Heure n’est pas encore venue, parce qu’il doit encore accomplir sa mission de témoigner en toute clarté qu’il est le Fils de Dieu, Dieu Lui-même, que ses ennemis le mettent à mort pour ce motif, mais qu’il ressuscite pour prouver la Vérité de ses paroles. C’est pourquoi, au plus dur de la lutte, il révèle les facettes du plus beau mystère : sa relation à son Père.

« 21 Jésus leur dit encore : Je m’en vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché. Où je vais, vous ne pouvez venir. ” » (Jn  8, 19-21)

Notre-Seigneur retourne vers son Père, attirant à sa suite toutes les âmes qui croient en Lui. Ces Juifs impies ne peuvent le suivre, ils mourront dans leur péché, exclus de cette rédemption.

« 22 Les Juifs disaient donc : Va-t-il se donner la mort, qu’il dise : Où je vais, vous ne pouvez pas venir ? ” »

Ils inventent les pires insinuations, les plus méprisantes. Le suicidé est voué à la perdition, à la malédiction divine : pour eux, ce Jésus est un maudit, mais eux sont les bénis de Yahweh ! Jésus riposte :

« 23 Moi, je suis d’en-haut – c’est là que je retourne –. Vous, vous êtes de ce monde, – ce monde de perdition, aux œuvres mauvaises – moi, je ne suis pas de ce monde. Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Car si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés. »

Pour être sauvé de la mort du péché, il faut croire que Jésus est Dieu : Je Suis est le Nom de Dieu révélé à Moïse. Mais les Juifs font comme si, en disant Je Suis, Jésus n’avait pas fini sa phrase. Ils le brusquent, voulant que Jésus confesse plus clairement encore sa Divinité : « Qui es-tu ? »

« Jésus leur dit : Faut-il même seulement que je vous parle ? 26 J’ai sur vous beaucoup à dire et à juger – ce qui signifie condamner, en langage biblique – mais Celui qui m’a envoyé est véridique et je dis au monde ce que j’ai entendu de Lui. »

« 27 Ils ne comprirent pas qu’il leur parlait du Père. 28 Jésus leur dit donc : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m’a enseigné, 29 et Celui qui m’a envoyé est avec moi ; il ne m’a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui plaît. ” »

Ils ne veulent pas croire ni comprendre : leur dernière chance de salut, de conversion, sera de voir Jésus sur sa Croix, élevé. Certains se convertiront, comme Nicodème. D’autres s’endurciront encore davantage, mais avec une lucidité de démons, sachant bien que leur Victime est le Fils de Dieu, qu’il a obéi à son Père jusqu’au bout, accomplissant les prophéties, et qu’en retour son Père est avec lui. « 30 Comme Il disait cela, beaucoup crurent en lui. » (Jn 8, 22-30)

Ils le reconnaissent au moins comme un Envoyé de Dieu.

CONCLUSION.

Le prochain article continuera le récit de ces terribles controverses. Mais gardons toujours en mémoire cette Croix plantée dans le Cœur de Jésus, sa Passion vers laquelle il marche résolument, entraînant ceux qui le suivent, les exhortant aux sacrifices nécessaires pour persévérer sur cette Voie de la Croix.

Cela nous interpelle d’autant plus que Notre-Dame de Fatima, dans la troisième Partie de son grand Secret, a montré aux voyants une grande Croix de troncs bruts, vers laquelle marchait le Saint-Père, suivi de plusieurs Évêques, prêtres, religieux et religieuses, et divers laïcs, des messieurs et des dames de rangs et de conditions différentes, qui tous furent tués au pied de cette Croix.

Ainsi, la Croix est la seule perspective, le seul avenir que notre Divine Mère promette à ses enfants, avec la persécution, la souffrance, seuls moyens de nous conduire à la conversion, et de nous faire mériter qu’advienne enfin le triomphe de son Cœur Immaculé.

Alors, suivons notre Modèle Unique, dans sa course vers sa Croix, afin de l’imiter, et écoutons ses avertissements, afin de demeurer fidèles à ses côtés, sans céder à la grande apostasie qui ravage l’Église.

frère Bruno de Jésus-Marie