Il est ressuscité !

N° 201 – Septembre 2019

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Évangile du Cœur Immaculé de Marie (5)

DÈS l’aube du jeudi 13 septembre 1917, toutes les routes menant à Fatima étaient noires de monde. On dénombra ce jour-là entre vingt-cinq mille et trente mille pèlerins. La plupart récitaient pieusement leur chapelet.

SCÈNE D’ÉVANGILE

« Quand le moment fut venu, je m’en allai là-bas avec Jacinthe et François, au milieu des nombreuses personnes qui nous laissaient à peine avancer et qui, toutes, voulaient nous voir et nous parler. Il n’y avait aucun respect humain. Beaucoup de gens du peuple, et même des dames et des messieurs, fendant la foule qui se pressait autour de nous, venaient s’agenouiller devant nous, en nous priant de présenter à Notre-Dame leurs intentions. D’autres, qui ne parvenaient pas à s’approcher de nous, criaient de loin :

« Pour l’amour de Dieu, demandez à Notre-Dame qu’Elle me guérisse mon fils, qui est estropié !

 Qu’Elle guérisse le mien, qui est aveugle !

 Le mien, qui est sourd !

 Qu’Elle me ramène mon mari qui est à la guerre !

 Qu’Elle convertisse un pécheur ! Qu’Elle me rende la santé, à moi qui suis tuberculeux !...

« On voyait là toutes les misères de la pauvre humanité. Certains criaient même du haut des arbres ou des murs sur lesquels ils étaient montés pour nous voir passer.

« En répondant oui aux uns, en aidant les autres à se relever, nous avancions, grâce à quelques messieurs qui nous frayaient un passage à travers la foule.

« Quand je lis maintenant dans le Nouveau Testament les scènes touchantes du passage de Notre-Seigneur sur les routes de Palestine, je me rappelle ce que Notre-Seigneur m’a fait voir, quand j’étais encore une enfant, sur les pauvres chemins et sur les routes d’Aljustrel à Fatima, et à la Cova da Iria, et je rends grâces à Dieu, en lui offrant la foi de notre bon peuple portugais. Je me dis que si tous ces gens se prosternaient ainsi devant trois pauvres enfants, uniquement parce que ceux-ci avaient reçu, de la Miséricorde divine, la faveur de parler avec la Mère de Dieu, que n’auraient-ils pas fait, s’ils avaient eu devant eux Jésus-Christ lui-même ? »

Les trois petits arrivèrent enfin près du chêne-vert, et Lucie, comme de coutume, demanda que l’on récite le chapelet avec elle. Tous se mirent donc à genoux, riches et pauvres, et répondirent à haute voix aux Ave Maria.

SCÈNE D’APOCALYPSE

Ce 13 septembre, vers midi, certains pèlerins aperçurent un globe lumineux glissant majestueusement dans l’espace, céleste véhicule de la Vierge Marie qui se dirigeait vers le chêne-vert. Dès qu’Elle apparut, l’éclat du soleil diminua et l’atmosphère devint jaune d’or.

Lucie interrogea Notre-Dame : « Que veut de moi Votre Grâce ?

 Continuez à dire le chapelet afin d’obtenir la fin de la guerre. En octobre, Notre-Seigneur viendra ainsi que Notre-Dame des Douleurs et du Carmel, saint Joseph avec l’Enfant-Jésus afin de bénir le monde. Dieu est satisfait de vos sacrifices, mais il ne veut pas que vous dormiez avec la corde. Portez-la seulement pendant le jour.

 Il y a ici cette petite qui est sourde-muette, Votre Grâce ne voudrait-elle pas la guérir ?

 Au cours de l’année, elle éprouvera du mieux.

 J’ai bien d’autres demandes, les unes pour une conversion, les autres pour une guérison.

 Je guérirai les uns, mais les autres non, parce que Notre-Seigneur ne se fie pas à eux. »

Le but n’est pas de les rendre heureux sur la terre, mais de les conduire au Ciel. Le comprendront-ils ?

 Le peuple voudrait bien avoir ici une chapelle.

 Avec la moitié de l’argent reçu jusqu’à ce jour, que l’on fasse les brancards de procession et qu’on les porte à la fête de Notre-Dame du Rosaire ; que l’autre moitié soit pour aider à la chapelle. »

Présentant à Notre-Dame deux lettres et un petit flacon d’eau de senteur qui lui avaient été donnés par un homme de la paroisse d’Olival, Lucie lui dit :

« On m’a donné cela. Votre Grâce le veut-elle ?

 Cela ne convient pas pour le Ciel.

 Il y a beaucoup de gens qui disent que je suis une menteuse, que je mériterais d’être pendue ou brûlée. Faites un miracle pour que tous croient !

 Oui, en octobre, Je ferai le miracle pour que tous croient. »

Elle commença à s’élever doucement, en direction du levant jusqu’à disparaître dans l’immensité du ciel. »

Lucie s’écria alors :

« Si vous voulez La voir, regardez par là ! »

Et elle montra du doigt la direction du levant. Alors, de nouveau, l’on vit le globe lumineux, de forme ovale, prendre son essor et s’éloigner de la Cova da Iria en direction de l’orient.

« La lumière qui environnait Notre-Dame semblait lui ouvrir un chemin entre les astres, ce qui nous a fait dire quelquefois que nous avions vu s’ouvrir le ciel. » (Quatrième Mémoire, p. 182)

ENCENSEMENT LITURGIQUE

Pendant le temps de l’apparition, la plupart des pèlerins avaient vu tomber du ciel comme une pluie de pétales blancs, ou de flocons de neige ronds et brillants qui descendaient lentement et disparaissaient en arrivant à terre.

La Sainte Vierge donna un autre signe de sa gracieuse présence : une nuée, agréable à voir, se forma autour de l’arc rustique qui dominait le petit tronc d’arbre déchiqueté. Montant du sol, elle s’amplifia et s’éleva dans les airs jusqu’à atteindre une hauteur de cinq ou six mètres, puis elle s’évanouit comme une fumée qui se dissipe au vent. Peu après, des volutes semblables se formèrent et se dissipèrent de la même manière. Et encore une troisième fois. Tout se passa comme si des thuriféraires invisibles encensaient liturgiquement la Vision. Les trois “ encensements ” durèrent ensemble tout le temps de l’Apparition, c’est-à-dire dix à quinze minutes.

Cette visite de Notre-Dame renouvelle les manifestations de Dieu au Paradis terrestre, lorsque « Yahweh Dieu se promenait dans le jardin » (Gn 3, 8). Mais depuis le péché originel, « Notre-Seigneur ne se fie pas à eux ». Cependant, l’affrontement avec le Ferblantier a marqué la défaite de Satan. La foule en colère lui aurait fait un mauvais parti si la Sainte Vierge n’était intervenue en Reine, maîtresse des éléments de la Création.

C’est le mystère ultime du Rosaire : le couronnement de Notre-Dame tant de fois imaginé par les artistes à travers les âges, mais qui s’accomplit en toute vérité en nos temps qui sont les derniers.

Notre-Dame a révélé à Fatima la volonté de Dieu qui est d’établir dans le monde la dévotion à son Cœur Immaculé, par la dévotion réparatrice des premiers samedis, et par la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé.

Dévotion “ réparatrice ” de quoi ?

Des outrages que notre actualité la plus brûlante nous révèle tous les jours. Mais qui remontent aux origines, à Sodome et Gomorrhe (Gn 18, 16 ; 19, 1-29)

Pourquoi la consécration de la Russie ? Pour que cette nation sainte soit l’instrument du règne effectif du Cœur Immaculé de Marie sur toute l’humanité.

Comment cela se fera-t-il ?

Saint Jean l’a vu par avance :

« Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! » (Ap 12, 1)

C’est l’Immaculée Conception saluée par l’ange Gabriel du nom de « pleine de grâce ».

Son apparition succède à une autre : « Alors s’ouvrit le Temple de Dieu dans le Ciel, et son arche d’alliance apparut, dans le Temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et la grêle tombait dru. » (Ap 11, 19)

Ces signes cosmiques de la colère de Dieu sont remplacés à Fatima par les signes de sa miséricorde apportés par Marie : non pas la « grêle » mais une pluie de « flocons » brillants de « cette lumière qui est Dieu ».

Fatima, c’est le Paradis, car le Paradis est à Fatima. Lucie, François et Jacinthe sont les innocentes créatures qui entrent dans le mystère de Dieu par la lumière jaillie des mains de Marie, nouvelle Ève. Satan aussi est là, mais Elle lui écrase la tête, et donne aux enfants une connaissance intime de la sainteté infinie de Dieu dont Elle est l’universelle Médiatrice. Elle ouvre les mains, et la lumière jaillit, comme dans la vision d’Habaquq : « Son éclat est pareil au jour, des rayons jaillissent de ses mains, c’est là que se cache sa force. » (Ha 3, 4) Ici, c’est l’Immaculée qui rayonne la lumière et la force de Dieu, comme la Vierge aux rayons de la rue du Bac, dans le même geste qu’à Lourdes et à Pontmain. Toutes ces apparitions nous révèlent le rôle, non pas « subordonné » (Vatican II, Lumen gentium 62), mais médiateur de toutes grâces que la Vierge Marie reçoit de Dieu en nos temps qui sont les derniers.

Les pages qui suivent racontent comment Notre-Dame prit la “ régence ” à Moscou, au jour même de l’abdication du tsar Nicolas II, en 1917, comme elle la prit à Paris, en 1830, quelques jours avant l’abdication de Charles X. Il ne manque plus que la restauration de sa royauté à Rome, lorsque « l’Évêque vêtu de blanc » coiffera de nouveau la tiare.

frère Bruno de Jésus-Marie.