2 JUILLET 2023

Souhaiter la croix à son prochain

JÉSUS disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. »

La parole du Seigneur, dure à entendre hier comme aujourd’hui, nous rappelle que c’est par la Croix que l’on arrive à la gloire.  Per Crucem ad lucem ”, la Croix et les renoncements ici-bas sont les chemins qui nous doivent conduire à la lumière de la gloire et du bonheur éternel du Ciel... Chacun d’entre nous en passera par là et c’est un peu bouleversant.

Je remarque ceci, qui est bien connu : nous avons encore un peu de courage pour accepter les renoncements quand il s’agit de nous-mêmes. Mais pour les autres, pour ceux que nous aimons, cela nous est beaucoup plus difficile.

Notre Seigneur a énormément souffert durant sa Passion, mais pour la Vierge Marie au pied de la Croix, voir souffrir son Fils unique lui a été, disent tous les Pères de l’Église, un martyre de compassion qui a été presque égal au martyre du Christ.

Prolongeons cette méditation, car cet exemple de Jésus et Marie nous met sur la voie du pur amour. Car si nous aimions vraiment notre plus proche prochain, nous devrions avoir des sentiments assez religieux et purs qui nous feraient désirer pour lui la croix.

Puisque c’est notre bien, puisque Notre Seigneur a choisi cette voie et qu’il a dit : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie », puisqu’il faut passer par la mort pour aller à la vie, dans la mesure même où nous aimons quelqu’un, même l’être qui nous est le plus proche et le plus cher, notre sagesse doit sans craindre nous faire désirer pour lui, la croix.

Pour ce qui est des épreuves, il nous semble que nous, si cela nous arrivait, nous saurions les porter. Mais lui, cet enfant que nous aimons, que nous avons suivi attentivement pendant toute sa vie en essayant de le protéger du mal, nous éprouvons une sorte de vertige à penser qu’il puisse à son tour souffrir, et pourtant ! La réponse est que cet enfant a aussi le Saint-Esprit. Chacun de ceux que nous aimons a en lui cette force de Dieu que le Christ en partant nous a laissée, et qui s’appelle le Paraclet, l’Exhortateur, le Consolateur, celui qui donne à chacun des forces afin de vaincre les difficultés, afin de porter sa croix vaillamment, pour aller jusqu’au Ciel. Donc, ceux que nous aimons, nous savons qu’ils ont l’Esprit-Saint et nous avons confiance en eux, non pas dans leur vanité, mais dans leur vocation divine et dans ce don qui leur est fait.

C’est pourquoi je pense que nous devons garder la paix du cœur, soit pour nous, soit pour les autres, à l’évocation de ce mot de “ croix ” et de ce qu’il renferme. La croix, au contraire, doit devenir une réalité, certainement austère, sévère, pénible dans notre vie, mais une réalité que nous ne fuyons pas, parce que nous savons que c’est la meilleure des choses.

Nous voyons bien la vérité de ce que Jésus disait à propos de lui-même aux disciples d’Emmaüs : « Ne saviez-vous pas qu’il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire ? »

Donc, ne savez-vous pas, ô parents, ô frères, ô sœurs, que tous nos chers prochains doivent passer par ce creuset de l’épreuve ? Mais n’ayez pas peur, c’est la voie par laquelle ils vont vers la gloire du Ciel et souhaitez-leur, si l’on peut dire, l’épreuve, avec la grâce de la bien porter, afin qu’ils soient grands dans le Ciel, qu’ils soient féconds dans leur maternité ou paternité spirituelles sur la terre.

Voilà de quoi dire avec saint André : Ô Sainte, Ô Bonne Croix ! Notre unique espérance ! Ainsi, lorsqu’elle se présentera à nous, ou sur nos proches, loin de la rejeter, nous l’accepterons, nous l’embrasserons comme Jésus et sa Mère, et nous ferons de cette croix le point de départ de notre sanctification et du salut des autres.

La Sainte Croix est le signe du chrétien, il est éminemment celui de l’épouse du Christ, puisque le Christ lui-même, son divin Époux, l’a portée, et qu’il nous en a donné l’exemple...

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon du 28 avril 1979