« Le problème de l’immigration est une affaire d’État »

ENTRETIEN AVEC LE PÈRE DE NANTES

Nous conservions dans nos dossiers un entretien avec l’abbé de Nantes en 1985 sur le problème de l'immigration. Trente ans ont passé et, comme il avait prédit, la vie politique française est restée bloquée dans une impasse puisque personne n’a tenu compte de ses avertissements ou des solutions pleines de sagesse qu’il proposait. Peut-être le temps serait-il venu de les prendre en considération ?

COMMUNION PHALANGISTE : – Mon Père, dans les rues de Paris fleurissent des petits auto-collants jaunes de la CRC sur lesquels on lit : “ Halte aux racismes ! Gare au bain de sang qu’appelle tout racisme éveillant un racisme contraire ! Refaisons la France chrétienne, à visage humain, fraternel ! ” Ou encore : “ L’important n’est pas la race, mais la religion. Le salut de la France, c’est la religion catholique. ” Ou encore : “ Halte au racisme ! Halte à la guerre civile ! La Communion phalangiste choisit l’ordre et la paix. ” Ou encore : “ Le problème de l’immigration est une affaire d’État, et non de passions homicides. Mais la France n’a pas d’État. Elle n’a que des partis, majorité contre mino­rité. Il faut pour la France périr ou restaurer l’État monarchique. ”

Donc, en cette année 85, nous vous voyons inquiet de la montée d’un certain racisme. Adhérez-vous alors à la position des évêques de France qui viennent de déclarer : « La France a toujours été une terre d’accueil, cela fait partie de sa vocation ; aujourd’hui les hommes et les femmes ne viennent pas seulement des pays frontaliers, mais aussi d’autres continents... C’est une chance pour notre pays. »

PÈRE DE NANTES : – Je suis étonné que les évêques commencent par parler d’autres continents au lieu de parler d’autres religions. Alors que c’est là que se situe la vraie difficulté : ce n’est pas une question de distance, c’est au vrai une question de distance spirituelle : il s’agit de savoir de quelle religion sont ces immigrés, de quelle civilisation aussi, alors on verra bien la question de leur nationalité ! Tenez, pour vous montrer ces nuances nécessaires, venir de Turquie, c’est venir vraiment de très loin, mais venir d’Algérie, qui fut française pendant cent trente ans, c’est venir de tout près. Religion, civilisation, influence française ou non, voilà le premier point dont il faut tenir compte et qui apparemment n’intéresse pas nos évêques. Deuxième point, vous l’avez très bien dit : pour moi, c’est une affaire d’État. Je suis contre les gens qui font de l’opposition à l’immigration un tremplin électoral ; ce n’est certainement pas le moyen de régler ce problème difficile, c’est le dramatiser avec simplisme, c’est donc en rendre la solution impossible. Je crie : casse-cou ! On en a déduit que j’étais favorable à l'immigration. Je ne suis pour l’instant ni favorable, ni défavorable, ou plus exactement je pense être l’un et l’autre. Cela dépend des points de vue.

COMMUNION PHALANGISTE : – Quels points de vue ? Vous savez ce que l’on dit : “ Actuellement, avec le développement des moyens de communication et des échanges internationaux, le cadre national traditionnel est devenu trop étroit et la société se dirige vers des communautés multinationales et multiraciales. ” Est-ce que vous acceptez ce mélange des nations et des races ?

PÈRE DE NANTES : – Dire que la nation devient un cadre trop étroit est une absurdité à une époque où au contraire tout devient dans le conflit des intérêts de plus en plus national, pour ne pas dire nationaliste... La moindre île du Pacifique ou des Caraïbes se prétend souveraine, est membre de l’ONU, protège jalousement ses intérêts ! Et ces mêmes utopistes qui vous disent que la nation est dépassée, n’y voient rien à redire, au contraire, ils poussent à la roue.

Je dis avec Maurras que la nation est plus que jamais le cercle le plus parfait de bonne entente et de bonne administration d’une société : sa propre autorité a les moyens, quand elle en est capable, d’appréhender ses problèmes avec clarté et donc de les résoudre. Au-delà, cela devient confus, diffi­cile, risqué, et extraordinairement dangereux : cela relève précisément des relations internationales. Pour répondre à votre question, la nation française existe ; elle a son histoire, sa civilisation, son équilibre écologique, ses frontières, bref, son identité. Ses frontières ne sont pas extensibles. Les flux migratoires ne sont pas une nouveauté... La France en a subi ou accueilli des quantités ! S’ils se présentent comme un danger contre son existence, il faut l’en protéger. Mais si au contraire c’est la France qui assimile et qui conquiert, si cet apport ou cette conquête sont un bien qui développe le prestige et la prospérité de la nation française dans sa tradition, son esprit, sa religion, sa souveraineté, si tous les membres de cette communauté complexe et unie en tirent un plus grand profit, chacun ayant part au patrimoine commun et collaborant à l’œuvre commune, pourquoi faudrait-il s’y opposer ? Nos pères étaient sages. Louis XIV avait prescrit pour la Nouvelle-France que tout indigène qui se convertirait à la religion catholique, serait réputé français, sujet du roi de France, traité comme tel. C’était chrétien, c’était humain. Le Père de Foucauld ne pensait pas autrement, quand il suppliait les Français d’évangéliser leur colonie. Pour lui, c’était en même temps, comme il le disait, les franciser.

COMMUNION PHALANGISTE : – Mon Père, vous pensez à l’Église, à la France. N’y a-t-il pas lieu aussi de tenir compte de la situation économique des peuples ? Des millions d’hommes vivent entassés dans les pays pauvres, mourant de faim, en Asie, en Afrique. Les systèmes écologiques traditionnels ont été bouleversés, pour ne pas dire ravagés par les pays industriels. Ne pensez-vous pas que c’est un devoir de justice et un devoir de solidarité d’accueillir ces hommes chez nous ?

PÈRE DE NANTES : – La réponse, je la trouve dans Maurras et dans le Père de Foucauld : Réalisme empirique et mystique, l’un et l’autre allant de pair. On ne peut être ni juste ni charitable envers cinq cents millions d’Hindous si nous nous mettons nous-mêmes à dépérir, si notre France est menacée dans son existence, son identité même. Et donc la règle non pas mystique, mais politique qui s’impose d’abord, c’est de préserver notre existence, notre force, notre équilibre national, notre prospérité. Dans la mesure où notre pays sera puissant d’une économie riche, vigoureuse, productive, alors nous ne pouvons pas nous désintéresser de ces pays im­menses et principalement de ceux dont nous avons eu, comme disait le Père de Foucauld, la charge de colonisation. Si nous l’avons mal remplie, nous avons des devoirs d’autant plus impérieux, J’ajoute que ce devoir est d’un intérêt bien compris, d’ailleurs mutuel, quand ce n’est pas même d’une nécessité vitale pour des raisons de politique, d’économie et de défense : c’est évident. Notre devoir ne consiste donc pas à nous laisser envahir par n’importe qui, n’importe comment, surtout pas par une pègre de crève-la-faim qui ne seront que poids mort ici et ruineront notre économie, en la surchargeant de dépenses sociales sans contrepartie, mais de transporter et de transposer chez eux notre secours, non pas sous forme de quantités d’aliments qui achèvent la destruction des équilibres économiques de ces pays, mais en y allant, en administrant, en éduquant – ce qui était le terme même du Père de Foucauld – c’est-à-dire, qu’on le veuille ou non, en colonisant.

Puisque l’on parle tellement de pays défavorisés par rapport aux pays riches, de Sud et de Nord, de pays du tiers monde et du quart monde et que le langage commun des organismes internationaux, des Églises et, hélas, des autorités catholiques est d’en faire toute une dialectique, pourquoi, nous, pays de vieille civilisation et de haute technologie ne ferions-nous pas des accords, mais des accords humains avec ces pays miséreux, accords incluant la religion, l'administra­tion politique, la défense et l’aide militaire, de telle manière que chacun soit partie prenante dans un accord favorable aux deux. C’est là encore que se trouve l’avenir et non pas dans cette idée lancée par Jean XXIII avec autorité – qui me paraît absolument stupide – selon laquelle les pays forts, puissants et riches devraient apporter une contribution purement généreuse à ces pays du tiers monde sans aucune contrepartie, sans même une vérification. C’est absolument contraire à toute éducation, toute justice et donc toute prospérité, toute santé économique et écologique. La décolonisation, c’est maintenant une évidence, aboutit à un immense échec pour le malheur des pauvres peuples abandonnés, pour le contentement des rapaces. Jamais un pays comme le Cambodge par exemple ne fut plus heureux ni mieux protégé que sous la tutelle française. Et que dire de l’Afrique sur laquelle tombent tous les maux : massacres, pillages, rivalités tribales, instabilité politique, bolchevisation, islamisation, ruine écologique et économique, exploitation capitaliste, maladies (Sida, ndlr), etc. Et l’aide humanitaire, où va-t-elle là-dedans ? Tout le monde le sait : dans un trou sans fond, quand ce n’est pas les brigands qui en profitent. Voilà le beau gâchis de ces trente dernières années ! Alors où est le réalisme et la mystique ? Je crois qu’ils sont chez nous, dans nos solutions catholiques et françaises.

COMMUNION PHALANGISTE : – Mon Père, pensez-vous qu’il puisse y avoir un danger de racisme en France ? Est-ce compatible avec l’esprit français ?

PÈRE DE NANTES : – La réponse est très claire. D'abord au plan politique : il y aura toujours un danger de racisme tant que nous serons dans une république, dans une société démocratique, parce que les partis ne vivent que de l’exaspération des passions et que c’est une passion très forte que le racisme, la xénophobie. Surtout dans le cadre d’une république laxiste où toutes les immigrations sont tolérées, voire encouragées. Et donc l’un se préoccupera avec excès, comme le parti socialiste, comme l’Église actuelle, de défendre l’étranger parce qu’il est l’étranger et l’autre en profitera pour faire un parti contraire qui pourra d’ailleurs parfaitement être subventionné, soutenu par la gauche, parce que ce sera le jeu de tennis : on se renvoie la balle et plus nous aurons de racistes blancs, plus cela excitera le racisme noir, qui lui-même, etc. Et nous serons en belle démocratie, cela fera de merveilleuses élections avec des scores retentissants ! (Nous rappelons que l’entretien est de 1985 ! ndlr). Vous comprenez bien qu’ils sont tous complices dans pareil jeu. Mais ôtez la démocratie d’un pays comme le nôtre, il est évident que la France, c’est prouvé par l’histoire, est un de ces pays civilisés qui ont su le mieux aborder, rencontrer les autres cultures, civilisations, religions et races, souvent avec un grand bonheur, beaucoup d’équité, une belle fécondité. Qu’on veuille bien se souvenir seulement des Croisades et du Royaume franc de Jérusalem qui dura deux siècles ! Mais aussi de notre colonisation qui ne fut ni ségrégative, comme celle des Anglais et des Hollandais, ni de métissage, comme la colonisation espagnole ou portugaise, mais qui se tint dans un équilibre que j’ai toujours revendiqué comme une extrême sagesse de la France.

Deuxièmement au plan religieux : la France ne sera pas raciste tant qu’elle sera catholique. Et elle sera raciste dans la mesure où elle deviendra protestante, vérité qu’on ne dit jamais nulle part. (Protestante ou, chez nous, janséniste, inté­griste, raciste, élitiste, pour tout dire d’un mot : pharisaïque, ndlr). Le catholique n’est pas raciste, il est le frère de tous et à partir du moment où un Hindou, un Indien d’Amérique, un Chinois ou un Patagon est baptisé, il est mon frère.

Le protestant est fondamentalement un individualiste. Cet individualisme fait que les pays protestants ont eu beau conquérir des espaces coloniaux à leur protestantisme, ils ont toujours introduit une barrière raciale partout où ils sont allés. Les Anglais aux Indes se sont cantonnés dans leur mode de vie anglais et ils ont exploité le pays ; l’Anglais fait de la colonisation marchande et financière. Le Portugais aux Indes s’est mêlé à la population de manière indistincte parce qu’il était catholique. Et le Français, lui, dans nos territoires de l’Indochine a pratiqué notre colonisation habituelle, comprenant un certain métissage, plutôt de la main gauche que de la main droite d’ailleurs, et surtout créant des rapports humains parfaitement vrais, utiles, bien acceptés et constituant une société d’un type nouveau mais foncièrement catholique et française et non point raciste.

COMMUNION PHALANGISTE : – Pour revenir aux problèmes quotidiens des Français, vous savez que nombre d’entre eux sont de plus en plus sensibles à l’argument sécuritaire. Ils pensent que la grande majorité des délinquants sont des immigrés. D'ailleurs les récentes statistiques semblent bien le confirmer. Que pensez-vous de cet argument sécuritaire ?

PÈRE DE NANTES : – Eh bien, je vous répondrai de manière très simple et complète, et comme toujours avec Maurras et avec Jésus-Christ, si j’ose dire, en suivant de très près le Père de Foucauld qui est notre inspirateur religieux moderne.

D'abord il faut bien voir ceci : le problème de la sécurité, comme le problème de l’immigration, constituent de formidables tremplins électoraux. Le socialisme a laissé l’insécurité s’aggraver, soit ! Comme si le libéralisme ne l’avait pas fait déjà auparavant ! Alors maintenant on crie aux Français qu’ils vont se faire égorger dans la rue. Loin de leur montrer les causes, de leur proposer des solutions de calme prudence, on excite leur peur ; ça marche à fond, on les rameute dans des partis en vue de la lutte électorale. Comme l’inquiétude est, de fait, très compréhensible, très légitime, on insiste là-dessus : “ Voyez dans le métro, aux halles ! On ne peut plus circuler, on se fait assaillir ! Voyez ces vieilles dames ! ” On propage ce sentiment d’insécurité à plaisir, puis on le simplifie en l’aggravant encore : tous les malfaiteurs sont des immigrés ; ces voleurs, ces violeurs, ces criminels, ce sont tous des arabes. Et voilà la haine portée au carré : premièrement parce que ces gens sont des cambrioleurs, des violeurs, deuxièmement parce qu’ils sont chez nous et qu’ils devraient être ailleurs. Alors on propose la solution très simple et libératrice : Votez pour moi et il n’y aura plus d’arabes. Vous saisissez le mécanisme ? Seulement avec ce procédé-là, c’est la guerre civile à brève échéance... et des risques incalculables. Alors, me dit-on, vous, l’abbé de Nantes, que proposez-vous ? Croyez-vous qu’il n’y a pas de fait une augmentation terrifiante de la criminalité ?

Je réponds ceci : le problème de la sécurité, comme le problème de l’immigration, comme tous les problèmes graves, très graves, de la vie quotidienne, temporelle des citoyens, qui engagent leur survie, relève de l’État. Quels que soient les millions d’immigrés que nous ayons en France, si nous avions un État dictatorial ou un État royal, c’est-à-dire un État puissant qui assure la justice et la police, le gouvernement ferait régner l’ordre. D'autre part, si cet État était catholique, il se préoccuperait de donner un statut décent et des cadres de vie naturels à ces gens qu’on a fait venir chez nous parce qu’on voulait leur travail pour pas grand-chose.

Cet État serait à la fois juste, fort, corporatif et social : il maîtriserait le problème de l’immigration, jugulant l’immigration clandestine incontrôlée, surveillant le reste de très près en fonction des possibilités d’accueil et des intérêts de tous. L’immigration serait encadrée par l’État et l’Église catholique et non pas par le parti communiste et la CGT ; ces gens retrouveraient sur la terre de France un cadre de vie connu, celui qu’ils avaient dans leur pays, avec ses caractères d’organisation patriarcale. J’ai beaucoup d’amis pieds-noirs, français d’Algérie expulsés ; ces amis m’ont communiqué un rapport à la suite d’études sérieuses qu’ils ont faites sur la criminalité des Nord-Africains en France, arabes ou berbères, on confond tout cela ! C’est très simple, je n’avais pas besoin de l’étude pour le deviner : ces mêmes groupes d’hommes, en Algérie française, avaient une criminalité très basse, avec une police, d’ailleurs toujours insignifiante par rapport à celle de la métropole. Or ces masses d’hommes transplantées en France, complètement déracinées, encadrées par des gens sans aveu, des agitateurs professionnels, se trouvent moralement, mentalement changées et sont, de fait, tombées dans la criminalité dans une proportion très supérieure à ces braves Français qui, enracinés, possédant maison et campagne, n’ont pas à cambrioler pour vivre. Alors, vous comprenez, les statistiques... nombre de malades dans les hôpitaux, de criminels dans les prisons, de cambrioleurs, etc., 30, 50 % de Nord-Africains... ! Soit, mais ces statistiques-là dans leur brutalité sont matérialistes : elles ne tiennent aucun compte de l’ensemble sociologique du problème, et j’ajoute, à les publier telles quelles, ce sont des statistiques de guerre civile.

COMMUNION PHALANGISTE : – Dans l’état actuel des choses, c’est-à-dire dans le régime démocratique où nous vivons, quelles solutions verriez-vous pour assumer cette immigration ?

PÈRE DE NANTES : – Dans un régime démocratique, il n’y a pas de solution. S’il y avait une solution, ce serait l’Église catholique qui est la seule force organisée, hiérar­chique qui pourrait l’obtenir en mettant en œuvre toutes ses puissances et facultés de transformation de la vie. Seule l’Église catholique pourrait envoyer des prêtres et des reli­gieux pour remplir cette mission, non pas des prêtres-ouvriers pour prêcher la révolution, mais des ouvriers du véritable et éternel Évangile. Elle ferait ce qu’elle a toujours fait dans les périodes catastrophiques de l’histoire, depuis les invasions barbares, dans tous les temps troublés de famines, de pestes, de malheurs, de guerres civiles et étrangères, elle enverrait ses prêtres, ses religieux et ses religieuses qui ont tout donné, qui ont fait le sacrifice de leur vie, elle les enverrait s’occuper de ces malheureux débarquant chez nous sans accueil, sans toit, habitant à Nanterre, dans les zones ; elle les soignerait, les éduquerait, les convertirait. En les convertissant et les moralisant, l’Église accomplirait, devant un État incapable et brouillon, sa mission civilisatrice. Mais comme nous sommes dans une démocratie dont le déclin s’accélère, l’Église elle-même est devenue démocrate et ne fait que rajouter le poids de son injustice idéologique à l’injustice politique du gouvernement. Il n’y a rien à faire ! Et ce ne sont pas les élections, envoyant trente ou cent députés du Front national à la Chambre, qui inverseront le flux et arrêteront la décadence de l’Église et le désordre de l’État. (Ces paroles sont bien de 1985 ! ndlr).

COMMUNION PHALANGISTE : – Mon Père, vous êtes royaliste, maréchaliste, traditionaliste. Votre pensée, votre passé, tout aux yeux du public signale la vieille intolérance catholique : persécution des juifs, révocation de l’édit de Nantes. Comment pensez-vous pouvoir intégrer dans votre tradition politique l’accueil des immigrés ?

PÈRE DE NANTES : – Vous vous faites là l’avocat du diable. Tout ce que vous me signalez, n’est qu’intoxication républicaine. La république, pour faire passer son intolérance farouche, sa haine comme son incapacité, se venge en insultant le maréchal Pétain, la royauté, d’une manière générale tout ce qui est français et catholique. Mais l’histoire nous parle des évêques, pères de la patrie, défenseurs de la cité, au moment des invasions barbares, des saints innombrables comme saint Vincent de Paul tout dévoués au salut spirituel et temporel du peuple, des missionnaires... L’Église a toujours été l’amie du peuple pauvre dans les temps passés. Son intolérance doctrinale, son souci de faire connaître, aimer et répandre Jésus-Christ, la Voie, la Vérité, la Vie, a été le point de départ de l’élan missionnaire, du grand effort civilisateur et caritatif de l’Église. Par amour de Dieu, elle s’est penchée plus que personne sur le pauvre et l’étranger ; ce fut vrai dans tous les temps. On avait retrouvé cette même ferveur sous le maréchal Pétain avec le Secours national qui est devenu le Secours catholique. Donc nous n’avons pas à recevoir de leçons de la république ! Quant à la révocation de l’édit de Nantes, j’en ferai prochainement une conférence (A 33, “ La révocation de l’édit de Nantes ”, janvier 1986)... Si nous reprenons le pouvoir, nous dénoncerons les crimes de l’autre parti et, croyez-moi, ce ne seront point des mensonges. Maintenant, si j’ai bien compris, vous me demandiez : “ Vous qui êtes intolérant, quelle solution envisagez-vous au problème de l’immigration ? ”

COMMUNION PHALANGISTE : – Je poserai ma question de manière plus politique : vous avez un projet de politique totale, catholique, royale, communautaire. Votre approche de la nation française est très mystique. Vous nous avez traité magistralement, il y a deux ans, du corps mystique du Royaume. Je vous demande : comment des populations étrangères peuvent-elles participer à la vie de ce corps mystique ?

PÈRE DE NANTES : – Voyez-vous, ce qu’il faut d’abord, c’est que la France retrouve cette vie mystique qui est sa vie profonde sans laquelle elle dépérit, et cette vie mystique est son âme religieuse en même temps que son ordre politique ; au Moyen Âge, en plein XIIIe siècle, dans un ordre politique sain et vigoureux, il y avait des minorités très importantes d’étrangers en France ; ils se sentaient très à l’aise ; ils avaient leurs franchises, ils vivaient dans les universités en nations, nation italienne, nation germanique, etc. Leur vie était aussi libre que celle des minorités chinoises ou italiennes ou juives à New York aujourd’hui. Seulement la France n’est pas les États-Unis.

C’est dans la mesure où notre système religieux et politique sera élaboré et fort, qu’il y aura des solutions absolument inattendues pour un démocrate, des solutions d’une extrême simplicité et qui se révéleront d’un jour à l’autre d’une extrême efficacité... C’est ce que nous, nous pouvons proposer dès demain si l’on veut, comme on a vu la Révolution nationale dès les premiers mois produire des quantités de lois absolument remarquables qui, si les Allemands n’avaient pas été là, auraient relevé la France en quelques années. Supposez que je sois interrogé à la télévision sur ce problème de l’immigration, eh bien, j’ai ma solution et, je vous le garantis, si parfaitement réaliste, si parfaitement efficace qu’avec un pouvoir fort, dictatorial ou royal, – c’est évidemment la condition sine qua non –, tout le monde s’y ralliera, une fois les démagogues et les politiciens écartés.

Il suffirait en effet de mettre au point un système législatif selon lequel – je prends un exemple – tous les ressortissants de la nation turque seraient tenus de se déclarer et de participer à ce qui sera appelé la nation turque. L’ensemble de ces Turcs, de nationalité turque, résidant en France, seront avertis d’avoir à voter pour désigner leurs représentants ; tous les Turcs défileront dans les mairies, ce jour-là, et se donneront donc une autorité : ce sera à la fois un recensement et une organisation de la nation turque. Elle aura ses représentants, son chef, qui eux-mêmes se choisiront leurs délégués ou fonctionnaires aux affaires religieuses, économiques, juridiques, sociales... Ces autorités seront évidemment reçues par notre chef d’État, dictateur ou roi. Il en résultera des rapports constants, définissant le cadre d’un véritable contrat, établissant une confiance réciproque dans le respect de notre souveraineté et de leur particularisme. Il leur sera dit en substance : “ Vous êtes responsables de ce qui se passe chez vous. Administrez vous-même votre communauté selon votre droit, droit laïque d'Ataturk, ou droit musulman, selon votre propre choix. Évidemment nous nous réservons un droit de contrôle et sachez que vous serez tenus pour responsables de tout manquement au contrat établi, de toute infraction envers notre souveraineté, notre ordre social et particulièrement des crimes commis envers les citoyens français. C’est à prendre ou à laisser. ” Nous nous trouverions non plus devant un grouillement d’individus sans foi ni loi, mais devant une communauté, un corps d’êtres humains commandés d’une manière personnelle dont les obligations et les droits personnels et collectifs seraient déterminés, sanctionnés, mis en œuvre par leurs propres chefs responsables.

J’ai pris les Turcs en exemple, il faudrait faire de même avec les Marocains, Tunisiens, Malgaches, etc. Sachant clairement la teneur de ses obligations, toute communauté étrangère, toute nation organisée qui voudrait chez nous vivre au calme et prospérer, pèserait efficacement sur ses chefs pour contraindre leurs membres au respect de l’ordre et, croyez-moi, leurs ministres et représentants le feraient régner avec une terrible efficacité et châtieraient eux-mêmes leurs ressortissants criminels impitoyablement. La criminalité baisserait de façon spectaculaire. Il y aurait la contrepartie : Si ces membres de collectivités étrangères sont maltraités, exploités de manière scandaleuse, comme c’est arrivé sous Giscard, par un système capitaliste sans recours, s’ils ont franchi la frontière en fraude par l’intermédiaire de passeurs escrocs qui leur auront volé tout leur argent, s’ils se retrouvent dans nos villes sans travail, sans carte de séjour, sans Sécurité sociale, bref, tous les cas que nous connaissons, ils auront une autorité de recours, des chefs à qui en appeler et ce ne sera ni le consulat ni l’ambassade de leur pays, pour qu’il n’y ait point interférence d’une souveraineté étrangère, sauf cas de besoin, mais ce seront ces autorités constituées de leur nation en France. À celles-ci d’exposer au gouvernement français leurs difficultés, leurs problèmes, leurs réclamations, voire leurs revendications selon les contrats conclus et leurs droits reconnus : conditions de travail, Sécurité sociale, logement, etc.

Voilà un système politique, juridique, clair, je dirai : écologique. C’est tout simplement la décentralisation ; à partir du moment où le système est réglé, cela marche tout seul. Nous le savons, c’est du Maurras. Seulement Maurras nous avertit : la démocratie, c’est la centralisation. Jamais notre démocratie, telle qu’elle est constituée, ne pourra accepter un système si clair. Parce que ces étrangers, ces Turcs, ces Maghrébins lui échapperaient, n’entreraient plus dans sa mécanique, ne seraient plus la proie facile de la CGT, des partis, des organisations à la solde de l’étranger qui préparent la guerre civile.

COMMUNION PHALANGISTE : – Votre système politique peut-il résister à l’expansionnisme de l’Islam, transporté actuellement en France par les délégués de Khomeini ?

PÈRE DE NANTES : – L’expansionnisme de l’Islam n’est rien d’autre aujourd’hui qu’une guerre subversive. L’Islam, le communisme ont les mêmes procédés et, sans doute, les mêmes hauts stratèges, l’Islam étant manipulé par le KGB à loisir ! Ces procédés s’appellent la guerre subversive et la guerre subversive n’a de chance de succès que dans les pays démocratiques. Les rats n’ont d’avenir que dans une maison où le désordre règne, mais quand on balaie et qu’on circule, les rats n’y demeurent guère.

L’Islam n’a pas été un danger dans nos colonies, tant que nous avons eu une force politique. Le Père de Foucauld prévoyait qu’il deviendrait un danger et en avertissait les Français parce que nous ne voulions pas convertir nos sujets musulmans, que nous étions en démocratie et qu’en démo­cratie les mots de liberté et d’égalité sont comme des explosifs. Mais ce danger n’est pas fatal et c’est pourquoi je suis contre le racisme blanc qui est une chose affreuse ; car une France forte, fière de sa religion professée publiquement, appuyée sur des institutions solides, n’aurait aucune difficulté avec les immigrés. Les immigrés sont des gens tranquilles. C’est vraiment parce que nous aimons le désordre, que nous le suscitons, c’est parce que nous laissons agir les agents de l’étranger et les agitateurs professionnels, qu’à la fin on voit ces immigrés descendre dans la rue. Il faut vouloir vraiment troubler cette paix française. Je le dis aujourd’hui devant des gens insensés qui jettent de l’huile sur le feu : si ces immigrés étaient ce qu’on dit, il y aurait non pas dix ou cent crimes par jour, mais il y en aurait cent mille et nous ne pourrions plus vivre !

Il y a vingt-cinq ans, on a fait croire qu’en Algérie il y avait un fossé entre les deux communautés ; ce fossé, c’était les progressistes et les professionnels de la trahison qui le désiraient ; ils cherchaient à créer artificiellement l’événe­ment irréversible qui consacrerait la cassure dont ils avaient besoin pour justifier leur sale besogne. Mais, en réalité, ce fossé n’a jamais existé et la rébellion fellagha n’était qu’un phénomène extraordinairement minoritaire, aussitôt résorbé dès que la France redevenait elle-même, on l’a bien vu en 1958. (À combien plus forte raison cette analyse est-elle vraie pour la Nouvelle-Calédonie où nous avons affaire à des Ca­naques catholiques ! “ Créer un problème en Nouvelle-Calédonie, perdre le caillou, il faut le vouloir ”, disait tout récemment notre Père, ndlr).

La criminalité, la subversion chiite aujourd’hui en France sont des phénomènes en fait très limités : une bonne police, une bonne justice régleraient la question en cinq secondes. Tout fonctionnaire de police consciencieux, tout magistrat honnête vous le dirait. Mais voilà, ce sont ces criminels que l’on prend pour membres représentatifs, on les promeut au rôle d’inter­locuteurs, on leur crée, on leur finance des associations officielles de subversion, on leur ouvre des mosquées pour leur être des centres d’agitation idéologique, et la radio, la télévision ne parlent que de ces criminels, de ces agitateurs sans faire jamais aucune mention des centaines de milliers d’immigrés qui vivent très tranquilles et qui ne demandent qu’une chose, c’est qu’on leur fiche la paix tellement ils sont heureux en France et prêts à se convertir demain si on le voulait.

Alors il ne reste plus aux Français qu’à tomber dans le panneau et c’était ce que certaines gens intéressés voulaient : ils prennent en horreur l’immigré, tout immigré, ils deviennent racistes, ils sont prêts à faire des ratonnades ! Et pour faire quelque chose ou se donner l’illusion de faire quelque chose, ils se jettent dans un parti politique où on leur propose des solutions, la solution dont le primarisme les satisfait : “ Donnez-nous le pouvoir et on arrangera tout ça ! ” Bravo ! La démo­cratie a bien réussi son opération de division, en mettant systématiquement en valeur les pires, en attisant les contra­dictions, en faisant partout et toujours prévaloir le mal sur le bien ! Au bout du compte, on a l’impression d’un problème insurmontable : l’opinion publique en est accablée ; les agents de l’étranger, le KGB, les traîtres en profitent pour imposer leur solution, tandis que le dernier carré des Français qui se croient fidèles et bons patriotes résistants prennent la ma­traque ou le fusil. Anti-immigrés contre pro-immigrés, ainsi va se radicaliser la vie politique, religieuse, intellectuelle de notre pays ; bipolarisation qui permettra dans la rue toutes les provocations meurtrières !

Je ne vous cache pas que je crains pour l’avenir. La mécanique est déjà enclenchée. Le schéma va s’appliquer jusqu’au bout... Demain en Nouvelle-Calédonie ; après-demain en France. C’est littéralement diabolique. Pour ma part je ne veux en aucune manière y avoir contribué ; je prétends que mes amis de notre Phalange résisteront à la tentation raciste qui sert, je vous le répète, de tremplin électoral à des agités aveugles ou à des ambitieux sans scrupules. Pour l’honneur de l’Église et de la France, ils garderont cette voie de sagesse qui, grâce à Dieu, fut toujours la nôtre, celle de nos anciens, missionnaires et soldats de la plus grande France.

À ma dernière grande Mutualité sur le thème de “ Vive l’armée ! ” j’ai parmi d’autres propositions suggéré l’inté­gration dans l’armée française de milliers d’immigrés sans travail et sans ressources et de les faire coopérer dans ce cadre à la grandeur, à la sécurité de la France, et même à des travaux d’utilité générale. On en a souri ! Je le regrette... Ce ne serait qu’une nouvelle application de ce qu’a fait dans le passé le génie français... Ou autant dire alors que nos officiers et nos corps de sous-officiers sont des inca­pables par rapport à leurs aînés. Ça, je le conteste abso­lument ! En tout cas, cette proposition, une parmi d’autres, allait dans le sens de la France, de la paix publique, du bien commun.

C’est dans ce sens que tous les gens de bien devraient œuvrer. Mais apparemment on n’y songe plus et ça ne plaît pas parce que cela gêne les plans de campagne de certaines gens qui ne vivent que de l’exaspération des passions, de la perturbation de l’ordre public, du désordre de la France. Eh bien, nous n’en serons pas, ni d’un côté ni de l’autre, sous quelque prétexte que ce soit. Dans les folies qui viennent, nous resterons dignes de notre tradition catholique et française et nous nous montrerons les disciples, au moins par l’exemple, de notre Père vénéré Charles de Foucauld.

Nous n’avons rien à ajouter à cet entretien de 1985. À nos lecteurs de réfléchir ! Il suffisait d’écouter le Père de Nantes dans ses conférences d’actualités pour savoir dans quelle impasse allait se bloquer la vie politique française. En politique comme en religion l’abbé de Nantes aura prévenu ses frères et ses compatriotes, il aura indiqué des solutions possibles, des conduites de sagesse. Certes, on n’en a guère tenu compte. Mais enfin, pour le jour où l’on voudra, tout est là écrit ou enregistré ; il suffira de lire ou d’écouter.

CRC n° 243, mai 1988, p. 15-19.