morale totale

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus
et la morale totale

SAINTE Thérèse apporte la vraie réponse à cette question délicate et difficile : quelle nouveauté apporte la morale surnaturelle, celle de l’Évangile, à la morale naturelle accessible à la raison et aux forces de tous (...) ? Notre petit docteur va se dresser contre deux fausses réponses : le tout et le rien. Celle qui affirme que rien n’est changé dans la loi morale naturelle par l’Évangile, selon la doctrine résumée en une phrase qui est juste, mais dangereuse : « Gratiam non tollit naturam sed perficit. » « La grâce ne change rien à la nature, elle la parfait, elle l’achève ! ». Cela revient à dire que les chrétiens sont des humanistes comme tous les autres humanistes, à cette différence que les chrétiens ont les secours de la religion pour accomplir plus facilement les devoirs de leur vie (...).

Il est tout aussi faux de prétendre avec le charismatisme, l’œcuménisme, l’illuminisme, le quiétisme moderne, etc. qu’avec la morale évangélique tout est changé : la loi naturelle a disparu, nous sommes dans une vision perpétuelle de Dieu qui nous donne des inspirations, un amour qui nous permet de franchir et de transgresser les lois qui sont bonnes pour le vulgaire, pour ceux qui n’ont pas la foi ou qui n’ont pas été touchés par la lumière de l’Esprit-Saint. Notre loi, c’est l’amour, saint Augustin l’a dit : Aime et fais ce que tu veux ! Ama et quod vis fac. Elle est vraie, cette devise, encore faut-il aimer vraiment, tout le problème est là (...) ! Alors, revenons à notre petite sainte puisqu’elle a répondu à ces deux erreurs par une double vérité.

ADORABLE VOLONTÉ DE DIEU

Je vais prendre deux exemples dans la vie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus illustrant la morale classique naturelle qui vise la volonté signifiée de Dieu, l’obéissance au Décalogue et aux préceptes divins. Deux autres où la volonté de bon plaisir de Dieu intervient brusquement. Cela sera plein d’instruction et d’édification pour nos âmes.

1. Dieu a dit : « Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne désireras pas le bien de ton prochain, tu ne jureras pas, tu ne blasphèmeras pas», vous connaissez la suite. Sainte Thérèse a été fidèle à cette loi naturelle de Dieu, comme ses parents, comme son oncle, mais comment ? En étant royaliste légitimiste ! Comment voulez-vous qu’un saint, ayant appris de Dieu « tu ne tueras pas... » puisse mettre la main dans la main des révolutionnaires, des tortionnaires, des régicides de 1789, de 1793 ?! Ni de près ni de loin, le saint ne veut rien avoir de commun avec la Révolution française, satanique dans son essence ! Sainte Thérèse l’a dit, on nous l’a caché ! Vous l’auriez plutôt réduite en poudre que vous n’auriez obtenue d’elle qu’elle coiffe le bonnet phrygien ou qu’elle se rallie à la république ! Vous voyez comment l’obéissance à Dieu dans la loi naturelle nous conduit beaucoup plus loin que nous ne pensions (...) !

2. La volonté de précepte dictait à sainte Thérèse d’être juste en toutes circonstances (...). Comment voulez-vous qu’une petite religieuse ait eu héroïquement à se soumettre à un tel précepte de justice ? Voici : dans sa vie, elle a connu, au Carmel, des injustices graves de la part de sa supérieure et mère prieure contre telle ou telle religieuse. Sainte Thérèse, qui était une jeune religieuse, n’a pas hésité à lui donner tort ouvertement et publiquement. Elle aurait pensé que son silence aurait été une complicité marquée avec un abus de pouvoir de sa supérieure. Qui connaît la vie d’un couvent sait à quel point d’héroïcité peut aller cette justice dans les rapports humains, petite communauté fermée, petites injustices, mais aux grandes conséquences dans la vie et l’équilibre psychique et spirituel des personnes ! Quand il a été question d’abus, de fragilité des êtres humains dont elle était seule la victime, elle n’a rien dit, mais quand la justice a été en jeu, elle a parlé. On ne le souligne pas dans sa vie, c’est à comprendre. Voilà comment on peut obéir à la loi de Dieu avec beaucoup de perfection, mais c’est, vous le comprenez, au-delà de la nature, c’est surnaturel.

LA VOLONTÉ DE BON PLAISIR DE DIEU

1. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui n’était que Thérèse Martin, a senti en elle une inspiration, un appel à être carmélite à l’âge de quinze ans. Folie ! Une enfant ne quitte pas son père et ses sœurs à l’âge de quinze ans pour s’enfermer dans un Carmel dont la Règle est vraiment austère, difficile. Il lui en a coûté, elle aimait tellement son père, mais le Christ qu’elle avait décidé de suivre en perfection l’appelait, elle a donc voulu renverser tous les obstacles. Pour obéir à cette voix intérieure, elle a été demander à son curé qui a refusé, au Vicaire général puis à l’Évêque qui ont refusé aussi ; elle a même été en pèlerinage à Rome pour demander cela au Pape (...). Elle a fait tout ce qui était en elle, mais pas jusqu’à l’anarchie du prophétisme ou de l’illuminisme : « Puisque Dieu me le dit, il faut que tout le monde cède et que ma volonté agie par Dieu, triomphe des obstacles ! » Non ! Elle est restée ensuite dans l’obéissance et elle a attendu de Dieu seul la réalisation de ce que Dieu seul voulait.

2. Autre événement, et je termine par-là, sublime ! Le Jeudi saint 3 avril 1896, elle se coucha avec une peine infinie tant elle souffrait. Dans la nuit un flot de quelque chose lui remonte à la bouche et se répand sur sa pauvre couverture. Comme il était interdit d’allumer la lampe la nuit, elle attendit jusqu’au jour pour savoir ce qui avait coulé de sa bouche ; s’apercevant que c’était du sang ! : « Mon cœur se fendit de joie !» C’était le signe que l’Époux venait la chercher. Elle savait bien que son martyre allait devenir plus grand, qu’elle allait atteindre au paroxysme de la souffrance, mais c’était le signe de Dieu dans sa vie. Pas un instant elle n’eut l’idée de se rebeller, elle, si jeune, contre cette mort qui approchait à pas précipités.

Pourquoi ? Parce qu’elle avait appris à obéir comme une esclave à la volonté toujours adorable de son Dieu ? Au bon plaisir de son Maître adoré, quel qu’il soit ? Non pas ! C’est là qu’on voit à quel point notre morale surnaturelle ajoute beaucoup à tout ce que l’esprit humain peut inventer. Elle n’a pas considéré ce fait comme un fait brutal, comme un diktat de son Seigneur.

Mais parce qu’elle s’était offerte à l’Amour Miséricordieux, elle comprenait qu’il y avait un plan divin, et que c’était l’Amour qui devait déborder des âmes les unes sur les autres et attirer ainsi la Miséricorde de Dieu sur les pécheurs. Elle avait, pour ainsi dire, pris les devants sur cette volonté de bon plaisir de son Dieu, sa volonté et celle de Dieu ne faisant plus qu’un. Elle ne voulait rien d’autre que de mourir dans les bras de son Époux pour sauver les âmes avec Lui. Quand elle eut ce flot de sang qui présageait sa mort prochaine, elle comprit que tous ses désirs étaient accomplis dans les désirs mêmes de Dieu.

Cette sainte nous est donc proposée en exemple, premièrement afin que nous ayons la même rectitude qu’elle eut pour obéir à la loi de Dieu jusqu’en ses ultimes conséquences, sans aucune rouerie, dans notre comportement individuel, mais bien plus dans notre relation avec les autres, dans notre service de la communauté, comme et autant que Dieu le voudra. Nous sommes à un poste que nous devons remplir fidèlement, pour accomplir notre vocation, quitte à renoncer à nous-mêmes...

Deuxièmement, en plus de cette totale docilité pleine d’amour à répondre aux volontés signifiées de Dieu, Il nous a choisis, chacun d’entre nous pour un destin tout à fait spécial qu’Il va nous imposer par les circonstances. Il faut que nous soyons prêts à l’accueillir, sachant qu’il en va de notre mérite, de notre fécondité spirituelle, de notre gloire. C’est ainsi que cette petite sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous enseigne la morale avec une perfection plus grande que jamais philosophe ne l’a fait.

Puissions-nous la suivre, pratiquer cette voie d’enfance spirituelle qui, dans chaque difficulté de notre vie, nous inclinera au bon parti, nous éloignant de la recherche de nous-mêmes pour être prêt à donner notre vie pour nos frères, afin d’honorer Dieu dans le ciel.

Abbé Georges de Nantes
Extraits du sermon de conclusion de la Morale totale :
La soumission à l’adorable volonté de Dieu, samedi 27 septembre 1986