Il est ressuscité !

N° 267 – Juin 2025

Rédaction : Frère Bruno Bonnet-Eymard


Lettre ouverte à Mgr Aillet

ÉVÊQUE DE BAYONNE, LESCAR ET OLORON

Jésus ! Marie ! Joseph !

Saint-Parres-lès-Vaudes, le 13 juillet 2025
Anniversaire de la troisième apparition de Notre-Dame à Fatima.

Monseigneur,

Vous avez jugé de votre devoir de publier le 13 juin dernier, anniversaire de la deuxième apparition de Notre-Dame à Fatima, une mise en garde à propos de la Contre-Réforme catholique fondée par l’abbé Georges de Nantes auquel je succède en tant que supérieur général de l’Ordre des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur qu’il fonda le 15 septembre 1958 à Villemaur-sur-Vannes, avec la permission de l’évêque de Troyes, Mgr Julien Le Couëdic. Il est vrai que cette fondation provisoire ne fut jamais suivie d’une reconnaissance canonique définitive du fait du grave différend doctrinal qui opposa l’abbé de Nantes à l’ensemble de la Hiérarchie à partir de l’année 1965. Or, chose curieuse, vous passez sous silence, ou presque, ce différend dont, pourtant, on aurait pu s’attendre qu’il constituât la “ pièce maîtresse ” de votre dossier de condamnation à l’encontre de notre Père mort le 15 février 2010, pour justifier aujourd’hui votre mesure générale, publique, vexatoire et infamante que vous prenez vis-à-vis de la poignée de ses fils et filles spirituels qui résident dans votre diocèse. Tous sont dévoués au service de leurs paroisses, mais sur votre ordre les fidèles et vos prêtres doivent désormais les considérer comme de véritables parias en veillant d’une part à ce qu’ils ne propagent pas les prétendues erreurs de la CRC que vous ne précisez pas et, d’autre part, à ce qu’aucun service liturgique ni mission pastorale ne leur soit confié.

Pour asseoir une pareille décision, vous reprenez à votre compte plusieurs mensonges, Monseigneur. Est-ce en toute clarté de conscience ? Est-ce par faiblesse ? Quoi qu’il en soit, vous trahissez la vérité, vous trompez l’ensemble du troupeau commis à votre charge par le Saint-Père et vous nous calomniez, sous couvert de l’autorité du Saint-Esprit, tels les pharisiens se réclamant de la Loi de Moïse pour juger et condamner Notre-Seigneur Jésus-Christ. Non, Monseigneur, vous ne pouvez pas vous rendre coupable d’une pareille injustice. Au Nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui sera notre Juge, vous devez revenir sur votre mise en garde.

Quel est ce différend doctrinal que vous connaissez parfaitement et que vous évoquez à peine ?

Au moment même de leur discussion dans l’aula conciliaire, l’abbé de Nantes a critiqué les nouveautés doctrinales du concile Vatican II dont certaines lui ont semblé clairement hérétiques, en particulier le droit social à la liberté religieuse. Et dès leur adoption, tel un bon fils vis-à-vis de son père, il s’est empressé de révéler au Souverain Pontife ses pénibles doutes allant même jusqu’à porter à l’encontre des papes Paul VI et Jean-Paul II trois livres d’accusation en hérésie, schisme et scandale. Mais tout en s’opposant publiquement et fermement à cet enseignement novateur, faillible et réformable, il a fait appel au Magistère extraordinaire pour que soient restaurées par le Souverain Pontife en personne, c’est-à-dire par l’Église, au nom de la Vérité de la foi, l’unité et la paix.

Pour avoir publiquement critiqué l’orthodoxie des Actes du concile Vatican II et celle des Actes subséquents des papes Paul VI et Jean-Paul II, pour s’être rendu à Rome à trois reprises en 1973, 1983 et 1993 pour tenter d’obtenir l’ouverture d’un procès en hérésie, schisme et scandale à l’encontre de ces deux Souverains Pontifes, l’abbé de Nantes ne s’est jamais vu signifier par l’évêque de Troyes, par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi et par les Souverains Pontifes eux-mêmes, une quelconque erreur doctrinale dans ses démonstrations venant à l’appui de ses accusations et publiées à longueur de colonnes – afin que nul n’en ignore – dans ses Lettres à mes amis et La Contre-Réforme catholique dont le tirage et la diffusion est monté jusqu’à 38 000 exemplaires par mois. Aucun jugement doctrinal suivi d’une sanction canonique n’a été rendu à l’encontre de celui qui a osé s’élever contre les Actes du concile Vatican II et ceux des papes Paul VI et Jean-Paul II.

Ce que j’écris est tellement vrai que Mgr Daucourt, alors évêque de Troyes, s’était mis dans la tête, en 1997, de remédier à cette anomalie en se faisant fort de réussir là où tous avaient jusqu’à présent échoué, à savoir mettre noir sur blanc, enfin, de prétendues erreurs de l’abbé de Nantes avec à la clef une sanction canonique. C’est le fameux interdit du 1er juillet 1997 auquel vous faites référence. Mais comment se fait-il que l’Église par la voix de l’évêque de Troyes ait attendu l’année 1997 pour sanctionner un prêtre qui depuis l’année 1965 accusait publiquement les Actes du concile Vatican II et des papes Paul VI et Jean-Paul II comme entachés d’hérésie, de schisme et de scandale ? Comment expliquer, de la part de l’Église, une telle inertie de trente-deux années face à de telles accusations ? D’où la nécessité de rattacher cette sanction canonique, à dire vrai bien tardive et bien branlante, à une première sanction canonique qui sera l’occasion pour vous Monseigneur, d’étayer votre dossier d’accusation d’un premier et gros mensonge.

Vous écrivez : « Les fidèles doivent savoir que l’abbé de Nantes a été en effet condamné  suspense a divinis  depuis 1966 et que cette sanction a été confirmée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi en 1969 avec le renouvellement de la demande de rétractation que l’abbé de Nantes a toujours refusé d’accomplir. »

Il est vrai que Mgr Le Couëdic a infligé à l’abbé de Nantes, son « meilleur prêtre », la peine canonique de la suspense a divinis. Vous dites que les fidèles doivent connaître cette sanction, mais vous mentez, par omission, en passant sous silence, parce que dérisoire, le motif pour lequel elle a été prononcée. De retour de Rome en décembre 1965, après la clôture du concile Vatican II, Mgr Le Couëdic intima l’ordre à l’abbé de Nantes de cesser ses critiques des nouveautés doctrinales adoptées par les Pères à des majorités écrasantes. Notre Père proposa alors que la totalité de ses Lettres à mes amis fasse l’objet d’un examen doctrinal, ferme et rigoureux, à la seule lumière de la foi de l’Église, pour que soient identifiées et démontrées les erreurs qu’elles étaient susceptibles de contenir et qu’il puisse alors les rétracter, ce qu’accepta Mgr Le Couëdic. L’affaire devait être portée, d’un commun accord, à la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais lorsque notre Père présenta à Mgr Le Couëdic, pour transmission par la voie hiérarchique, le dossier constitué par les 220 premières Lettres à mes amis publiées depuis l’année 1956 et contenant notamment toute sa chronique critique des débats conciliaires, ce dernier refusa net. Motif allégué : le caractère prétendument injurieux pour son auguste destinataire de la requête datée du 16 juillet 1966 accompagnant le dossier pour le présenter au cardinal Ottaviani, alors pro-préfet de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi. Notre Père se vit alors vertement invité à transmettre lui-même et directement son dossier ce qu’il fit. Et pour être certain que celui-ci ne se perdît pas dans les sables de Rome, il publia sa requête dans sa Lettre à mes amis n° 231 ce que Mgr Le Couëdic, en guise de représailles, sanctionna aussitôt le 25 août 1966, par une suspense a divinis.

C’est donc pour avoir rendu publique une requête officielle adressée au cardinal Ottaviani, que notre Père a fait l’objet, sa vie durant, jusqu’au dernier souffle de sa vie, de la peine de suspense a divinis. C’est tout ? C’est tout ! C’est le seul et ridicule motif de cette condamnation que vous cachez à vos lecteurs pour les contraindre à déduire de la seule violence de votre procédé des “ erreurs ” de l’abbé de Nantes qui n’existent que dans votre esprit. Et d’un premier mensonge, vous passez à un deuxième.

Vous écrivez, en effet, que « cette sanction a été confirmée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi en 1969 avec le renouvellement de la demande de rétractation que l’abbé de Nantes a toujours refusé d’accomplir ». C’est faux. Cette sanction n’a pas été confirmée ni infirmée par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi pour la raison très simple que devant cette Congrégation, de près ou de loin, il n’en a jamais été question, comme d’ailleurs du jugement doctrinal demandé par notre Père. Le 1er juillet 1968, après plusieurs semaines de discussions serrées, loyales, avec trois consulteurs de la Congrégation, sur le principe d’une contre-réforme possible au moment où l’Église s’engageait dans la voie d’une réforme permanente et générale par définition exclue par la Tradition catholique et apostolique, sous la menace à peine voilée d’une excommunication, notre Père se vit intimer l’ordre de rétracter toutes ses critiques à l’égard des Actes du concile Vatican II et du pape Paul VI, mais sans la moindre indication, la moindre démonstration d’une quelconque erreur doctrinale dans ses écrits. Notre Père refusa et l’affaire en resta là pendant une année. Un an plus tard, le cardinal Seper réitéra cette exigence d’une rétraction générale, mais toujours sans trace d’une quelconque erreur. Notre Père refusa encore par une magnifique profession de foi. Et ce fut la notification du 9 août 1969 publiée par voie de presse par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi dans laquelle étaient mensongèrement alléguées contre l’abbé de Nantes des erreurs, mais sans en préciser aucune, et une révolte générale contre toute autorité au sein même de l’Église, mensonges qui lui permettaient d’en déduire commodément une « disqualification » par l’intéressé lui-même de toute son œuvre, la dispensant ainsi de rechercher des erreurs qu’elle n’avait pas trouvées. C’est tout ? C’est tout !

Les juges de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi avaient sous les yeux les analyses d’un prêtre de l’Église de France qui n’avait pas craint de porter de graves accusations, « en pleine lucidité et prudence, contre le Pape régnant et le concile Vatican II en raison de leurs actes dits pastoraux et réformateurs, parce qu’ils m’ont paru, après étude approfondie, contraires à la foi catholique et parce qu’ils sont manifestement, à l’expérience, causes du désordre général et de la ruine présente de l’Église ». Et à ces analyses et démonstrations, le Tribunal de la foi n’a rien pu opposer et a laissé notre Père repartir de Rome sans la moindre sanction canonique.

Et de fait, à partir de l’année 1969, durant vingt-sept années, l’abbé de Nantes mena seul, mais avec une impressionnante autorité et une souveraine liberté que lui donnait le droit de l’Église, un gigantesque combat de contre-réforme, d’abord en professant dans sa plénitude la Vérité de la foi catholique pour éclairer les âmes et les prémunir contre les erreurs doctrinales contenues dans les Actes du concile Vatican II et les enseignements subséquents des papes Paul VI et Jean-Paul II.

Mais comment s’en prendre à cette réforme de l’Église avec laquelle « tout est vraiment trop bête, trop triste, impudique et malfaisant » sans prendre le risque de la quitter et de faire schisme ? « En “ attaquant ” la Personne même du Pape comme étant, et à elle seule, à la jointure des deux mondes, de l’ordre et du désordre, de la Tradition et de la subversion, de l’Œuvre du Christ et des machinations de Bélial. » Ce sera le sens de trois démarches romaines entreprises en 1973, 1983 et 1993 – que vous désignez dédaigneusement, Monseigneur, par « coups d’éclat ».

Trois appels du Pape au Pape, non pas pour “ juger ”, mais faire juger en leur propre cause par ceux-là mêmes qui, entre autres exemples parmi tant d’autres, ont permis la publication de catéchismes qui ont corrompu l’âme pure de bien des enfants et corrodé la foi des prêtres eux-mêmes, qui ont laissé d’innombrables sacrilèges se commettre dans la célébration du Saint-Sacrifice de la Messe au point d’attiser chez beaucoup l’indifférence et le mépris de ce sacrement, qui ont laissé l’obsession sexuelle dévorer le clergé et les religieux et ainsi abandonné la société chrétienne aux aberrations les plus redoutables pour l’avenir de la religion et de la civilisation, qui ont laissé la politique envahir le sanctuaire, séditieuse contre les derniers États catholiques, mais servile et même socialisante vis-à-vis des États laïcs et maçonniques et même communistes.

Trois appels du Pape au Pape non pas pour “ condamner ” Paul VI et Jean-Paul II, mais pour les mettre publiquement en accusation d’hérésie, schisme et scandale, le premier pour avoir poursuivi cette chimère de travailler à la construction d’un monde nouveau dans lequel tous les hommes, parce que prétendument bons au fond d’eux-mêmes, auraient vocation à s’unir car tous prétendument animés d’un désir sincère d’amitié, de paix et de justice et dans lequel l’Église, à égalité avec toutes les autres confessions, serait cantonnée à un simple rôle d’animation spirituelle d’un tel projet, le second poursuivant cette même chimère, mais avec cette prétention intellectuelle et hérétique tendant à réaliser « la synthèse de la Religion ancienne et de l’Athéisme contemporain », c’est-à-dire « leur accomplissement final en l’Homme vivant, riche en avoir et en être, parachevé dans le sentiment sacré de son existence et dans la gloire de sa liberté ».

Trois appels du Pape au Pape, non pas pour “ excommunier ”, mais pour obtenir des Souverains Pontifes en personne, et de personne d’autre, l’exercice suprême de leur magistère solennel et infaillible afin que Vérité soit faite et Justice soit rendue à la lumière de la seule foi catholique sur ces matières difficiles et controversées, mais qui ne sauraient en aucune manière déchirer l’unique Église du Christ. De la part d’un simple prêtre, demander au Saint-Père le jugement solennel et infaillible sur ses propres doctrines est un acte de foi dans l’Église et donc tout le contraire de ce que vous qualifiez, à tort Monseigneur, d’ « attitude hostile au Magistère et à la Hiérarchie ».

Mais vous prétendez que « le Dicastère de la Doctrine de la Foi a rappelé en 1983 que le Saint-Siège attendait la rétractation de l’abbé de Nantes de ses erreurs et des accusations d’hérésies portées contre le pape Paul VI et le concile Vatican II ». Notre Père a lui-même répondu à Jean-Paul II dans une lettre ouverte datée du 31 mai 1983 : « Comment devrais-je et pourrais-je même rétracter des erreurs qui ne m’ont jamais été montrées, et que je n’ai pas reconnues puisque nul ne me les a jamais fait connaître ? Qu’on me les dise, que quelqu’un les formule, que Rome les publie et les condamne, ces erreurs dont tout le monde parle et que personne cependant ne veut ni ne peut articuler. » (La Contre-Réforme catholique n° 190, juin 1983, p. 2)

Et vous écrivez encore : « Dans l’Église, nul ne peut prétendre posséder la Vérité, en opposition formelle avec le Magistère authentique. » Dans son imprécision théologique et canonique, dans sa généralité, dans son absoluité faisant obstacle à toute exception, une telle affirmation est fausse et même, j’ose l’écrire, hérétique. Par cet argument de l’obéissance au magistère “ authentique ”, vous vous faites, Monseigneur, le complice de cette mystification qui perdure au sein même de l’Église depuis le concile Vatican II et précisément à propos de l’autorité de ses Actes et de tous ceux du magistère subséquent des Souverains Pontifes, pour lesquels toute velléité de discussion qui remettrait en cause leur orthodoxie est systématiquement présentée comme un manque de confiance dans le Saint-Esprit qui assurément assiste leurs auteurs dans l’exercice de leur pouvoir d’enseignement – mais écoutent-ils bien ses inspirations ? – comme un acte de désobéissance, de division, comme une rupture de communion, comme une situation ecclésiale erronée. Et ce qui fait illusion, ce qui achève, au dernier degré, cette mystification, c’est cet unanimisme écrasant qui semble régner au sein même de la Hiérarchie, les uns acceptant les Actes du Concile, mais demandant à ce que l’on s’en tienne aux textes interprétés dans le sens de la Tradition, les autres en réclamant toujours davantage dans le sens de la réforme, mais tous solidaires pour ne jamais remettre en cause le principe même de cette réforme générale et permanente décrétée lors du concile Vatican II malgré les fruits désastreux qui en sont résultés immédiatement après que les textes eurent été adoptés, comme notre Père les avait prévus et annoncés au moment même où ces textes étaient discutés dans l’aula conciliaire.

Et ce faisant, cette mystification eut pour effet de conférer à ces Actes du “ magistère conciliaire et postconciliaire ” une infaillibilité de fait dont pourtant ils sont dogmatiquement et canoniquement dépourvus. « Il est notoire que les partisans du groupe réformiste [au concile Vatican II] ont prétendu doter leurs nouveautés d’une espèce de super infaillibilité charismatique, directement reçue du Saint-Esprit comme dans une Nouvelle Pentecôte, expliqua notre Père en 1998. Mais toutes ces doctrines infuses se situent, de leur propre aveu, en dehors des catégories traditionnelles de la dogmatique catholique, faute de pouvoir invoquer et prouver un lien quelconque entre le dépôt révélé et leurs illuminations conciliaires. Nous avons donc toujours affirmé que ces nouveautés et celles qui les ont suivies (les doctrines de la liberté religieuse, de l’œcuménisme, des droits de l’homme, et en général toutes celles qui sont répertoriées dans les trois Livres d’accusation et autres documents majeurs où je les ai exposées et dénoncées) ne sont pas infaillibles, si on donne à cette expression le sens strict que le magistère extraordinaire de l’Église lui a donné. Aucune de ces doctrines, en effet, ne bénéficie du statut de dogme révélé ou de vérité définitive, puisqu’on ne trouve pas la moindre trace en elles de la présence de l’une ou l’autre des deux formes du magistère comportant infaillibilité (le magistère extraordinaire et le magistère ordinaire et universel). » (La Contre-Réforme catholique n° 349, septembre 1998, p. 2 et 3) Oserais-je, Monseigneur, vous rappeler qu’on ne peut parler de magistère ordinaire et universel que si quatre conditions sine qua non sont réunies, à savoir : que cela ait été enseigné toujours et partout, que cela ait été cru toujours et partout, que cela soit proposé comme divinement révélé ou comme intimement connexe au dépôt de la foi et que cela soit dûment prouvé et manifestement établi.

Partant de là, Monseigneur, et ne vous en déplaise, en dehors de ces deux formes du magistère comportant infaillibilité, l’enseignement du Pape et des évêques est faillible et il est alors de l’ordre du possible qu’ils puissent se tromper et nous tromper.

L’ensemble des fidèles n’en est pas pour autant « exempté du devoir de les suivre... presque aveuglément ». Mais en pareille situation, « un espace, couvert et exigu, est aménagé pour les justes remontrances des personnes compétentes et dignes ; la Hiérarchie a toujours accepté d’examiner leurs critiques – sérieuses – et de modifier ses enseignements et ses décisions si cela s’avérait nécessaire » (ibid.). Et dans son livre d’accusation en hérésie, schisme et scandale qu’il déposa à Rome le 13 mai 1993 à l’encontre de l’auteur du prétendu Catéchisme de l’Église catholique, notre Père formula ces deux propositions de sentences dogmatiques, en guise de conclusion de son accusation en hérésie d’une extension abusive de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité de l’Église en son chef, en ses pasteurs et en son peuple : « I. Nul homme, nulle assemblée, seraient-ils Pape, Concile, collège d’évêques ou de prêtres, collection de théologiens ou masse de laïcs, voire même une prétendue Église universelle, ne saurait imposer ses opinions doctrinales ou morales comme revêtues d’une quelconque infaillibilité, hors des frontières parfaitement définies du Magistère solennel ou ordinaire. II. Tout fidèle catholique a le droit, si ce n’est le devoir, de s’élever contre un enseignement nouveau, même émané du magistère “ authentique ” du Pape et des évêques, pour en appeler, de ce magistère aux frontières imprécises, aux décisions du Magistère infaillible de ces mêmes autorités légitimes. »

Cette analyse que je viens de résumer pour démontrer l’arbitraire de votre mise en garde a été soumise au contrôle de la Congrégation pour la doctrine de la foi dont le décret d’interdit, fulminé le 1er juillet 1997 par Mgr Gérard Daucourt, constitua l’occasion providentielle et canonique.

À propos de ce décret, vous écrivez : « L’évêque de Troyes, encouragé par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi, a publié un décret d’  interdit  le 1er juillet 1997 s’appuyant sur ses doctrines, sur son attitude hostile au Magistère et à la Hiérarchie et sur  la traduction de ces doctrines erronées en comportements moraux inadmissibles de la part d’un prêtre  (Cf. Avertissement de la Commission doctrinale de la Conférence des évêques de France concernant la doctrine de la Contre-Réforme Catholique du 25 juin 2020). » Tous vos lecteurs déduiront de ce que vous avez écrit que la peine d’interdit infligée à notre Père le fut notamment pour la traduction de doctrines erronées en comportements immoraux inadmissibles. Mais, Monseigneur, ce que vous écrivez est tout simplement un mensonge, car de ce à quoi vous faites allusion en recopiant servilement l’Avertissement des évêques de France publié en 2020 il n’en a absolument pas été question dans le décret pénal du 1er juillet 1997.

Pour renouveler la suspense a divinis infligée par Mgr Le Couëdic le 25 août 1966 et interdire à notre Père, dans le diocèse de Troyes, l’accès aux sacrements d’eucharistie et de pénitence, Mgr Daucourt reprocha à notre Père d’avoir « provoqué les fidèles à la contestation ou à la haine contre le Siège apostolique et l’autorité des évêques et, ainsi, suscité un grave scandale parmi les fidèles, tant par son attitude que par des écrits dans lesquels il dénonce obstinément comme entachés d’hérésie certains textes promulgués par le pape Paul VI et les Pères du second concile du Vatican, en reprochant à ceux-ci d’avoir introduit la religion de l’homme qui se fait Dieu à la place de l’authentique foi catholique, et dans lesquels il accuse d’hérésie, de schisme et d’apostasie le concile, le Pape et les évêques en communion avec lui jusqu’à déposer des libelles à l’encontre des papes Paul VI et Jean-Paul II. »

Condamné pour son opposition au concile Vatican II et aux enseignements subséquents des papes Paul VI et Jean-Paul II, l’abbé de Nantes décida d’exercer un recours hiérarchique devant la Congrégation pour la doctrine de la foi. C’était la voie tout à la fois providentielle et canonique que lui offrait l’Église pour déférer une seconde fois à l’Autorité romaine l’examen doctrinal de l’ensemble de ses critiques des Actes du concile Vatican II, la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans le cadre de la communication officielle des pièces du dossier, se voyant remettre les trois livres d’accusation en hérésie, schisme et scandale de 1973, 1983 et 1993. Mais elle refusa catégoriquement de se livrer à cet examen doctrinal que lui imposaient pourtant les sanctions canoniques édictées par Mgr Daucourt et surtout les motifs avancés par ce dernier pour les justifier. Elle préféra replacer l’abbé de Nantes dans la situation dans laquelle il se trouvait avant que Mgr Daucourt ne se mêle “ maladroitement ” de cette affaire. Rien de plus, rien de moins ! Comme s’il ne s’était rien passé !

En effet, par une lettre datée du 24 mars 1998 adressée à l’évêque de Troyes, le cardinal Bertone, au nom du dicastère romain, confirma « pour un temps indéterminé, la mesure de suspense a divinis adoptée par vous vis-à-vis de ce prêtre ». Exit donc l’interdiction d’accès « au sacrement de l’eucharistie et de la pénitence dans le diocèse de Troyes ».

Et à ceux adoptés par Mgr Daucourt pour fulminer les sanctions canoniques à l’encontre de notre Père, le même cardinal substitua de tout autres motifs. Non plus son opposition au concile Vatican II, mais : « Récemment il a été signalé à cette Congrégation que l’Abbé de Nantes – après être retourné dans le diocèse de Troyes désobéissant aux dispositions de son ordinaire – continue à diffuser, à travers sa prédication, des doctrines erronées consistant en une conception sensualiste de l’eucharistie et en la notion d’un présumé  mariage mystique entre le Christ et Marie . Il est en outre accusé d’avoir pris le risque de traduire de telles théories en comportements moraux inadmissibles de la part d’un prêtre. » Exit donc les critiques de notre Père à propos des Actes du Concile et de ses accusations en hérésie, schisme et scandale contre les papes Paul VI et Jean-Paul II. De tout cela, il ne fut plus question. Un prêtre de l’Église soupçonne, affirme, accuse des actes du Magistère de l’Église d’être entachés d’erreurs à un point de gravité tel qu’on ne peut les embrasser en toute conscience, même par obéissance, sans altérer sa foi sans laquelle nul ne peut plaire à Dieu ni faire son salut et la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont la première compétence est précisément l’examen des doctrines à la lumière de la vérité de la foi, n’en a pas dit un traître mot, rien absolument rien, malgré les trois livres d’accusation en hérésie, schisme et scandale à l’encontre des papes Paul VI et Jean-Paul II qui figuraient officiellement au dossier du requérant, dans le cadre d’un recours canonique régulier !

En 1998 comme en 1969, force est de constater qu’aucune décision, aucune erreur doctrinale, aucune sanction canonique n’a été rendue, relevée, prononcée vis-à-vis de notre Père à propos de ses critiques des Actes du concile Vatican II et de ses accusations en hérésie, schisme et scandale à l’encontre des papes Paul VI et Jean-Paul II. Comme en 1969, ce silence, signe de l’indécision de la Congrégation pour la doctrine de la foi, est la preuve négative de la vérité des accusations de notre Père et de l’indéfectibilité de l’Église. Pour ce qui est du “ reste ”, ce n’est rien d’autre que des racontars de bonnes femmes relayés par le journal Libération, première source d’information des évêques de France, et le journal L’Est-Éclair autre source d’information qui a les faveurs de la Congrégation de la doctrine de la foi. Libre à vous, Monseigneur, d’aller y mettre votre nez.

Mais me concernant, je ne vois rien d’autre pour conclure cette lettre ouverte que nous publierons dans le prochain numéro de Il est ressuscité ! que de reprendre ce que notre Père écrivit à la suite de la notification du 9 août 1969, publiée par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi, et qui demeure pour nous et pour nos amis de votre diocèse d’une prégnante actualité : « La sentence de mes juges admet mon appartenance à l’Église de Jésus-Christ : je ne suis ni hérétique ni schismatique (...). Il est certain que la Contre-Réforme n’a rien de criminel au regard de l’Église sainte. C’est une doctrine et une action qui ne sont pas condamnées. En toute vérité comme en toute justice, nous pouvons être d’Église en toute tranquillité de conscience, nous qui sommes de Contre-Réforme, et même en démontrant chaque jour que c’est la Réforme de l’Église qui est contre l’Église ! Pour nous, prisonniers du Christ, mais libres de tout esclavage humain, nous demeurons dans l’Église, opprimés, vexés, calomniés sans doute, mais notre essentiel est sauf. Nous n’avons qu’à prier Dieu d’abréger notre épreuve, en l’acceptant avec patience, selon sa sainte Volonté. »

Je vous prie de croire, Monseigneur, en l’expression de mes sentiments religieux et dévoués et vous prie de croire également que nous unirons nos prières à celles que vous avez demandées pour faire acte de réparation à la suite de l’épouvantable blasphème commis dans l’une des églises de votre diocèse,

Frère Bruno de Jésus-Marie
Supérieur général de l’Ordre des Petits frères et des Petites sœurs du Sacré-Cœur.